Scènes 4, 5 et 6

Toudi mensuel n°18-19, mai 1999

Scène 4

On entend l'appel du 18 juin. Voix de de Gaulle.

JEAN - Charles de Gaulle s'est réfugié à Londres dans un modeste appartement.

MARC - Un homme seul. Seul contre tous.

de Gaulle - « Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises ont formé un gouvernement.

Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi.

Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des Etats-Unis.

Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.

Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la radio de Londres. »


On retrouve le même groupe. Une table. Une radio.

Ils écoutent religieusement, très émus.

Fin de « l'Appel aux Français ».

Ils applaudissent, s'embrassent.


FERNAND - Je n'avalerai jamais que les Belgeois ont osé rompre les accords avec la France !

ANDRE - Pour faire plaisir aux Los van Frankrijk !

MARIE - Taisez-vous, ça me donne la chair de poule.

LOUISE, à son fils - J'irai mendier pour toi

J'irai voler

J'irai tuer s'il le faut

Je couperai un franc en quatre

en dix s'il le faut

Mais tu vivras, je te le jure !

JEAN - Vive la France libre !

FERNAND - Vive la Wallonie libre !

TOUS - Vive la Wallonie libre !

MARC - Voici notre île à nous

notre Londres en colère

sans océan ni mer

notre île

pas plus large que nos bras

pour écrire le temps qu'il faudra :

Wallonie libre !

Scène 5

Un groupe. Un homme parle.

Des croix de Lorraine portant le Coq wallon descendent des cintres.

FERNAND - Des sections de Wallonie libre se créent partout.

Le Mouvement wallon n'est pas mort.

Il vit dans nos coeurs et dans nos actes.

Il se développe malgré tout dans nos villes blessées et nos villages meurtris.

Nos malheurs mêmes nous ont appris à connaître les responsables du drame sanglant que nous avons vécu.

JEAN - Déchéance de Léopold III : incapacité de régner.

Impossibilité pour la Wallonie de continuer à vivre dans une Belgique unitaire aux mains d'une majorité flamande.

Dénonçons les collaborateurs.

Formulons les projets d'avenir pour la Wallonie.

MARC - Vive de Gaulle !

FERNAND - « La guerre n'est pas finie! » Avec lui, crions-le !

MARC - Avec lui : "Nous avons perdu une bataille

mais pas fatalement notre âme" !

Scène 6

LE PERE - La honte, la honte en mai 40.

Les soldats français,

les soldats anglais

étaient venus pour nous défendre.

L'ARDENNAIS - Notre exode en France,

colonne de réfugiés et de soldats en déroute.

Les enfants qui traînaient,

les vieux qui s'asseyaient,

les femmes qui disaient :

Avançons jusqu'à la mer de France

Quand nous serons au bout

au bout de la peur et de la terre

nous enlèverons nos souliers.

Valise dans la main droite.

Valise dans la main gauche.

Quant à la troisième

elle dansait dans mes reins.

Debout entre les arbres,

Couchés dans les fossés.

Et les animaux grimpaient aux clôtures,

grimpaient aux arbres

pour se réfugier dans le ciel

où les avions allemands scandaient leur victoire

avec des rubans de fer.

Le froment poussait

malgré l'orage et les éclairs du ciel

et les éclairs de la guerre.

L'été ressemblait à l'hiver

malgré bleuets et coquelicots.

Le monde avait changé.

Nous n'irons pas au bois

dans la sombre Bavière

travailler pour l'industrie nazie.

Réfractaire plus tard.

Dans les Ardennes je me suis caché.

LE PERE - Moi, j'étais soldat au 13e de ligne.

Je me suis retrouvé à Bordeaux, en fuite.

Puis, je suis revenu comme un épouvantail

avec des habits qui n'étaient pas les miens

sur un vélo usé.

Suite de la pièce : Le Coup de semonce