Scènes 4, 5 et 6
Scène 4
On entend l'appel du 18 juin. Voix de de Gaulle.
JEAN - Charles de Gaulle s'est réfugié à Londres dans un modeste appartement.
MARC - Un homme seul. Seul contre tous.
de Gaulle - « Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises ont formé un gouvernement.
Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi.
Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.
Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !
Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des Etats-Unis.
Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.
Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.
Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la radio de Londres. »
On retrouve le même groupe. Une table. Une radio.
Ils écoutent religieusement, très émus.
Fin de « l'Appel aux Français ».
Ils applaudissent, s'embrassent.
FERNAND - Je n'avalerai jamais que les Belgeois ont osé rompre les accords avec la France !
ANDRE - Pour faire plaisir aux Los van Frankrijk !
MARIE - Taisez-vous, ça me donne la chair de poule.
LOUISE, à son fils - J'irai mendier pour toi
J'irai voler
J'irai tuer s'il le faut
Je couperai un franc en quatre
en dix s'il le faut
Mais tu vivras, je te le jure !
JEAN - Vive la France libre !
FERNAND - Vive la Wallonie libre !
TOUS - Vive la Wallonie libre !
MARC - Voici notre île à nous
notre Londres en colère
sans océan ni mer
notre île
pas plus large que nos bras
pour écrire le temps qu'il faudra :
Wallonie libre !
Scène 5
Un groupe. Un homme parle.
Des croix de Lorraine portant le Coq wallon descendent des cintres.
FERNAND - Des sections de Wallonie libre se créent partout.
Le Mouvement wallon n'est pas mort.
Il vit dans nos coeurs et dans nos actes.
Il se développe malgré tout dans nos villes blessées et nos villages meurtris.
Nos malheurs mêmes nous ont appris à connaître les responsables du drame sanglant que nous avons vécu.
JEAN - Déchéance de Léopold III : incapacité de régner.
Impossibilité pour la Wallonie de continuer à vivre dans une Belgique unitaire aux mains d'une majorité flamande.
Dénonçons les collaborateurs.
Formulons les projets d'avenir pour la Wallonie.
MARC - Vive de Gaulle !
FERNAND - « La guerre n'est pas finie! » Avec lui, crions-le !
MARC - Avec lui : "Nous avons perdu une bataille
mais pas fatalement notre âme" !
Scène 6
LE PERE - La honte, la honte en mai 40.
Les soldats français,
les soldats anglais
étaient venus pour nous défendre.
L'ARDENNAIS - Notre exode en France,
colonne de réfugiés et de soldats en déroute.
Les enfants qui traînaient,
les vieux qui s'asseyaient,
les femmes qui disaient :
Avançons jusqu'à la mer de France
Quand nous serons au bout
au bout de la peur et de la terre
nous enlèverons nos souliers.
Valise dans la main droite.
Valise dans la main gauche.
Quant à la troisième
elle dansait dans mes reins.
Debout entre les arbres,
Couchés dans les fossés.
Et les animaux grimpaient aux clôtures,
grimpaient aux arbres
pour se réfugier dans le ciel
où les avions allemands scandaient leur victoire
avec des rubans de fer.
Le froment poussait
malgré l'orage et les éclairs du ciel
et les éclairs de la guerre.
L'été ressemblait à l'hiver
malgré bleuets et coquelicots.
Le monde avait changé.
Nous n'irons pas au bois
dans la sombre Bavière
travailler pour l'industrie nazie.
Réfractaire plus tard.
Dans les Ardennes je me suis caché.
LE PERE - Moi, j'étais soldat au 13e de ligne.
Je me suis retrouvé à Bordeaux, en fuite.
Puis, je suis revenu comme un épouvantail
avec des habits qui n'étaient pas les miens
sur un vélo usé.