Equivoque
Dussions-nous peiner des amis très chers, nous ne pouvons nous résigner au silence, il importe de dissiper une équivoque grave et accablante. Nous voudrions, pour ce faire, beaucoup de nuance, de tact et de charité.
C'est trop souvent que se produit la confusion entre « Belge d'expression française » et « Wallon ». Nous n'avons jamais dit: « La langue est tout le peuple ».
Bruxellois et Flamands gallicans participent à la même culture que nous, c'est entendu; ils se servent de mots tout pareils aux nôtres: mais il ne peut y avoir correspondance entière. Nos modes de sentir sont dissemblables. Nous n'avons point avec eux ces affinités profondes, ces rencontres, ces coïncidences psychologiques qui nous lient aux gens de notre Wallonie: l'unité d'âme, base d'un groupement régional.
D'aucuns qui se prétendent réalistes, nient cette communauté intérieure. A sonder les mobiles secrets on découvre qu'ils sont des déracinés ou qu'ils s'intéressent au seul problème du pain. Mais pour nous « étant à quelques-unsq ui se tiennent ensemble grâce à une façon pareille d'aimer », a dit Ramuz, la parenté spirituelle du terroir est « une parenté de sang » sur laquelle se fonde « une construction et une hiérarchie de choses qui s'est faite ici en nous et préalablement aux constructions visibles ».
Les rapports entre Wallons et Flamands ont souffert de cette équivoque entretenue à dessein par la kapitale qui a toujours manifesté une monstrueuse incompréhension à l'égard des besoins et de désirs profonds des deux régionsqu'enserre la frontière politique.
Wallons, nous nous sommes laissé englober dans la masse sans cohésion, sans âme, des « Belges d'expression française ». Nos hérauts officiels nous sont presque toujours étrangers. A preuve, les gazettes bruxelloises.
« De telle sorte, écrit un quotidien du Nord, que Flamands et Wallons sont devenus l'un pour l'autre une image dérisoire, une caricature informe de ce qu'ils sont en réalité".
Une collaboration loyale est possible avec des gens qui poursuivent un idéal régionaliste paralläle, mais non avec des « dénationalisés », qui ne peuvent même pas nous comprendre.