Simenon, André Renard et "la Wallonie"
« J'ai été beaucoup plus impressionné que je l'aurais cru, hier et avant-hier, en voyant à la télévision des images des troubles de Belgique. Je ne me sens pas plus belge que français, américain ou suisse, je crois l'avoir déjà dit. La Belgique est le pays où, je pense, je vivrais le moins volontiers, encore que, si j'avais une préférence (je n'en ai pas pour le moment), c'est le seul endroit que je désignerais pour le repos de mes cendres (...) Les images des foules lentes silencieuses, dans les rues aux volets clos, m'ont rappelé la grève de mon enfance que j'ai essayé de décrire dans Pedigree. Et je me sens tout à coup très proche, très solidaire de ce peuple (je parle de la classe sociale que je connais à peine, que je ne fréquentais pas et dont, en réalité, j'avais très peur)... »
[Simenon évoque ensuite les distinctions et médailles qu'il a reçues de la Belgique officielle et qui lui font horreur]
« J'aimerais me libérer de ces médailles qui me sont données par des gens que je n'estime pas, qui représentent un monde qui m'a toujours été étranger. Il n'en faudrait pas beaucoup pour que j'adresse un télégramme à la Wallonie, qui est à la tête du mouvement de révolte du peuple belge, pour leur dire que je suis avec eux(...) »
(Quand j'étais vieux, tome II,Presses de la cité, Paris, 1970, pp. 116-117).
Nous n'ajouterons pour le moment rien à ce texte écrit au moment des grèves qui lancèrent la Wallonie dans l'aventure de l'autonomie et d'un destin national. Et qui dit le plus puisant lien qu'on puisse imaginer à la Wallonie. L'éditeur de Simenon a reproduit « la Wallonie » alors qu'à notre sens ce devait être le journal La Wallonie où Simenon a écrit et dont il cite des personnes de son entourage comme André Renard... La confusion est intéressante dans la mesure où le journal La Wallonie n'existe plus mais bien « la Wallonie »...! La description de la grande grève de 1913 dans Pedigree fait songer aux films d'Eisenstein...