Gouvernement faible, monarchie obsolète
Faiblesse de ce gouvernement «arc-en-ciel». Le résultat des élections démontraient aux Écolos que leurs résultats menaçaient l'hégémonie PS. Avec un plus grand sens des responsabilités pour leur projet politique, ils auraient laissé les partis battus (ou peu gagnants comme le PRL), s'arranger. Ou alors, ils poussaient à une coalition de type «Olivier» (avec le PSC-CVP...).
Si les Écolos avaient voulu
Dans pareille coalition, le poids des progressistes aurait été plus grand. Louis Michel, au lieu de restaurer l'image de la Belgique et d'intimider les Français qui sympathisent avec les autonomistes, aurait été relégué dans l'opposition comme le perdant qu'il est en partie. Les sans-papiers auraient eu un meilleur traitement. Il aurait été un peu plus facile de prendre des mesures de réduction de la durée du temps de travail, plus difficile de réduire non les impôts des patrons, mais leurs contributions à une Sécurité sociale qui reste l'un des derniers éléments vraiment socialistes du système, né des gages que la bourgeoisie fut obligée de donner, après 1945, aux résistants morts ou ayant risqué leur vie pour l'indépendance.
La grimace antimoderne de la Belgique
Le couple princier se présente au «peuple» à travers les seules institutions communales et provinciales, institutions dont F. Ballace, à la Joyeuse-Entrée de Bruges, soulignait à l'envi les racines médiévales. Philippe Raxhon a démontré que cette référence au moyen âge est le bais par lequel les idéologues belges (même Pirenne), tentèrent de distinguer la formation sociale belge de la Révolution française sans voir que, «française» ou pas, elle fonde la Modernité démocratique.
Ce gouvernement, sans le CVP, doit compter avec une administration restée très flamande et CVP. Les Wallons s'y veulent donc plus belges que le roi. Et les libéraux du nord et du sud, sans la légitimité «nationale» du CVP, plus monarchistes qu'une monarchie qui les estime tout en ne misant pas sur eux 1 L'idée de rendre tous les gouvernements (régionaux, communautaires, fédéraux), politiquement homogènes comblait les voeux du Palais (même si cette cohérence n'a pas été parfaitement réalisée). En matière de mobilité, rappelant qu'il faut mettre en accord différents pouvoirs, I.Durant ajoute un «c'est ennuyeux car nous sommes dans un État fédéral» (RTBF du 14/11), lapsus qui en dit long sur sa déloyauté fédérale consistant à mépriser les autres pouvoirs que celui de Bruxelles. On songe au slogan unitariste des années 60: «Un pays, neuf provinces».
Élio Di Rupo, le grand perdant devient le grand «gagnant»
Le grand perdant des élections, Élio Di Rupo - n° 1 PS d'un gouvernement désavoué - devient le n° 1 du PS et en Wallonie. Pour des raisons de gains locaux dans la région du plus sclérosé des PS, le Borinage cancérisé par le chômage. Ce qui semble important, c'est la victoire de Di Rupo dans son fief, le sens général de l'État ne compte pas, qu'il soit belge ou wallon.
M. Di Rupo, grâce à ses effets d'annonce à la télé, a gagné les autres «élections» qui comptent, celles des sondages de septembre de La Libre Belgique et de Marketing Unit (son gouvernement wallon y obtient un score jamais atteint par aucun niveau de pouvoir depuis plus de quinze ans qu'existe ce sondage: 46%). Il s'est alors imposé comme le meilleur candidat à la présidence du PS.
Au lieu de s'interroger sur la façon dont il fallait parler de Delphine, la presse aurait mieux fait - elle est affaiblie: nous ne critiquons pas les journalistes - de s'interroger sur la manière dont Di Rupo a gagné les élections internes au PS: avec, ici et là, des assemblées avant-vote travaillées pour voter dans le «bon» sens. Il n'y a pas eu fraude et les pensionnés sont des citoyens aussi respectables que les autres. Mais ces militants âgés sont manipulés par des cyniques! Di Rupo obtient 70% des 40% militants PS qui ont voté: un peu plus qu'un quart des militants. Et cela n'engendre aucune critique ouverte de socialistes plus à gauche ou plus régionalistes. Alors que la poussée verte était déjà le clair désaveu de l'alliance rouge-bleue programmée et avalisée par le nouveau président PS, on met à la tête du plus grand parti de gauche un homme qui a avalé bien des couleuvres du néolibéralisme. Et qui renouvellera quoi? Est-ce que la démarche nouvelle que signifie le mouvement écolo s'est imposée par une manière de bien passer à la télé ou dans les sondages?
Sur le papier à lettre de l'actuel Premier Ministre wallon, il y a d'abord les mots ROYAUME DE BELGIQUE (juridiquement contestables), qui illustrent sa politique: la Wallonie doit d'abord sauver la Belgique, les francophones et ensuite elle-même. Il n'y a plus de démocratie quand on invite ainsi un Peuple à assumer sa vassalité. Un parallèle est à faire entre la tactique de Di Rupo et celle de certains militants wallons sincères comptant sur la Flandre pour se débarrasser de la Belgique. Symétriquement, Di Rupo en appelle à la Belgique pour mobiliser les Wallons. Ni les uns ni les autres ne croient à une possible mobilisation de la société wallonne elle-même.
La grande erreur des rattachistes, malgré leur foi républicaine, c'est de croire, symétriquement à Di Rupo, qu'on ne pourra jamais sortir du blocage belge et jamais proclamer - ici - la République. Ils se laissent paradoxalement abuser par la mythologie belgicaine d'une Belgique immuable. L'idée de la République, c'est qu'elle doit et peut se réaliser partout, donc même en Belgique. Ce qui, bien entendu substituerait à la Belgique une autre société que celle que nous connaissons. Qui serait passionnante à édifier. Qui serait en même temps que prioritairement républicaine, prioritairement wallonne (et bruxelloise) et flamande, mais plus du tout belge.
Le vrai « repli wallon », c'est la politique de droite actuelle
Refuser une politique wallonne «pour elle-même» - «pour soi» diraient les philosophes - c'est là le véritable repli. Une Wallonie restant belge, c'est une Wallonie à qui sera interdite toute ouverture autre que celle des portes du Palais de Laeken. On a l'air vraiment fins après ça!
Le débat entre participationnistes et antiparticipationnistes au sein d'Écolo a entraîné certains à parler du «totalitarisme» des seconds, sous prétexte que la gauche ne serait pas majoritaire dans «le» pays. Quel «pays»? En quoi est-il «totalitaire»de vouloir un vrai gouvernement de gauche et non un gouvernement qui mégote sur son programme à cause de la Pensée unique? Totalitarisme ce radicalisme de gauche? Mais même dans la droite non-politique, la Pensée unique est qualifiée de totalitaire - et, elle, à juste titre. Même à droite, des gens deviennent conscients de l'horreur économique, du vide des médias, du semi-racisme de la politique d'accueil, des cornichonneries de la Famille royale «gage de l'unité du pays» et «mesure du Temps des Belges» comme l'a osé dire, non pas Anne Quevrin, mais Francis Ballace, professeur d'histoire à l'université.
Les Écolos et les Socialos tablant sur un mariage princier pour gouverner et relancer la confiance, décidément! Si la gauche, actuellement au gouvernement, était dans l'opposition, la droite, l'unitarisme et le royalisme auraient les coudées moins franches.
Les minauderies du gouvernement actuel vis-à-vis d'un système monarchique jamais aussi critiqué depuis 1950 (froideur et même hostilité du «Soir», du «Vif», critiques ouvertes, souvent violentes dans les bistrots, la rue, les Joyeuses-Entrées, le Forum Écolo - persiflage général côté flamand où l'on rit de nous autant qu'en France: bravo, les Wallons! - etc.), souligne son unitarisme obsolète et son manque d'audace progressiste.
TOUDI, revue indépendante, se finançant elle-même, ne se retrouve entièrement ni dans le parti réunionniste en train de se lancer, ni dans les partis de gauche au pouvoir, ni dans l'extrême-gauche, ni dans les autonomistes flamands démocrates, mais s'y est fait de nombreux amis.
Nous les adjurons de mettre tout en oeuvre pour inverser la politique actuelle qui n'honore ni la Wallonie ni la République.
- 1. « Ce sont des braves gens qu'il ne faut presentir qu'en cas de nécessité disait Baudouin Ier. » (voir J.Willems, D.Illegems, De Kroon ontbloot, Kritak, Leuven, 1991)