Le vent a tourné
Le vent a tourné en Wallonie depuis de nombreuses années, sans doute depuis que l'emploi a recommencé à croître, à partir de 1986 (TOUDI mensuel n° 11 et n° 12, mai et juin 1998). A l'occasion d'un débat avec ses lecteurs, organisé en 1997 à Louvain-la-Neuve, notre revue avait déjà répondu, à cette époque, à une question portant sur le déclin wallon, que "ce déclin était terminé".
Que veut dire: " le vent a tourné "?
La Wallonie redevient une Région économique forte avec certes des problèmes comme n'importe quelle Région. Pour notre part, les déclarations du Vice-Premier Ministre Vande Lanotte ne nous étonnent pas. Pour mieux faire ressortir leur caractère " inédit ", la RTBF a précisé: " Contrairement à l'idée d'une Wallonie à l'agonie... ". C'était pour faire valoir une chose positive mais cela démontre que l'image négative d'une Wallonie en perdition demeure dans certains milieux. Pendant des années - cela change... - certains médias francophones et les Flamands ont entretenu cette mauvaise réputation. On, peut perdre l'eau, le feu, on les retrouve, mais la bonne réputation c'est plus difficile dit la sagesse populaire. En février 1999, TOUDI établissait un diagnostic économique de la Wallonie, confirmant la fausseté du catastrophisme, la non-pertinence de l'idée de " déclin ".
Ce mot a peut-être eu un sens quand la Wallonie perdit 142.000 emplois industriels (ouvriers masculins) sur 375.000 de 1974 à 1986. Il n'en a plus. Mais le poids des images du passé, la rage nationaliste flamande à les réactiver pour mieux se prévaloir de ses propres succès (voir plus bas), fait que l'on pense encore en termes catastrophistes les écarts entre Flandre et Wallonie, alors que, par exemple - et c'est la première fois - la Wallonie résiste mieux que la Flandre au retournement de conjoncture
Comment mesurer la richesse d'une Région?
Le PIB (Produit Intérieur Brut) par habitant est une manière de chiffrer la quantité de biens qu'on peut se procurer dans une région en proportion de ce qui y est produit divisé par le nombre d'habitants. L'annuaire statistique des Régions de l'Union européenne souligne le problème des comparaisons internationales ou à l'intérieur d'un même pays: ce problème " réside dans le fait que les cours du change ne compensent pas automatiquement les différences de pouvoir d'achat au sein de l'Europe. Ce phénomène s'observe même à l'intérieur (...) d'espaces monétaires existant de longue date. Le coût de la vie, par exemple, est souvent moins élevé dans les zones rurales que dans les agglomérations. Pour compenser ces écarts, on utilise (...) les standards de pouvoir d'achat (SPA), qui tiennent précisément compte des différences de prix qui ne sont pas reflétées par les cours du change... " (Annuaire statistique des Régions de l'Union européenne, 2001). On peut voir dans le tableau ci-contre que la Wallonie est certes en-dessous de la moyenne européenne et la Flandre au-dessus.
D'après ces chiffres, en termes de PIB/habitant, exprimé en SPA et par rapport à une moyenne égale à 100 (chiffres de 1997), la Wallonie se positionnerait en France (parmi les 22 Régions françaises, hors île de France) à la cinquième place, derrière la Haute-Normandie, l'Alsace, Rhône-Alpes, la Champagne-Ardenne, et à égalité avec la Franche-Comté et l'Aquitaine. Ainsi, compte tenu du lien particulier entre la Wallonie et le PIB bruxellois, elle est plus que probablement une des plus riches Régions de France. La situation est sans doute au moins aussi bonne aujourd'hui, d'auutres indicateurs montrant une nette progression de l'actiovité économique en Wallonie, mais les chiffres de 1997 sont les derniers connus.
Ces chiffres sont en effet à nuancer en fonction de la situation particulière de la Wallonie et de la Flandre quand on les compare à d'autres grandes régions européennes car - et c'est surtout vrai de la Wallonie - la Région de Bruxelles accueille 123.000 navetteurs wallons et 247.000 flamands ( chiffres de 1999). Il y a deux remarques à faire à ce sujet.
1) En février 1999, TOUDI faisait remarquer que le PIB wallon était aussi sous-estimé en raison de la localisation de sièges sociaux d'entreprises wallonnes à Bruxelles dont l'activité gonfle le PIB bruxellois en raison d'une mauvaise pondération des chiffres par les statistiques.
2) Les navetteurs, aussi, vont gonfler le PIB/par habitant bruxellois (calculé sur la base des personnes qui résident dans les 19 communes), mais, augmentent le diviseur dans le rapport PIB/habitant en Wallonie. Charles Picqué parle d'une richesse de Bruxelles qui viendrait " irriguer " (La Libre Belgique du 19 août 2002), la Wallonie et la Flandre. Dès 1998 (TOUDI n° 15), lors d'un Congrès des économistes belges de langue française qui allait dans le même sens, nous faisions remarquer que cette situation des navetteurs tant wallons que flamands signifie au moins une dépendance réciproque: que deviendrait le PIB bruxellois sans ces navetteurs wallons et flamands? Qu'est-ce que Bruxelles " irriguerait " encore?
À cause des navetteurs, on répète que la Wallonie ne pourrait se passer de Bruxelles mais cette affirmation est réversible. Les 123.000 travailleurs wallons à Bruxelles y répondent aux besoins des entreprises, écoles, administrations... Bruxelles doit son existence à la Wallonie (et à la Flandre) et c'est encore plus vrai de l'activité qui s'y développe en français (RTBF, ULB, UCL-Woluwé presse, Hautes-Écoles, cinéma, théâtre, industries de la communication etc.).
L'annuaire statistique de l'UE conseille d'ailleurs de relativiser le chiffre du PIB/habitant à Bruxelles, comme celui d'autres régions centrales (l'Île de France par exemple) ou d'un pays comme le Grand-Duché de Luxembourg. Une grande partie de ces résultats devraient être attribués à la Wallonie et à la Flandre.
Les transferts flamands sont-ils réels?
Des Flamands tel Patrick Dewael récemment encore continuent à comparer la Wallonie à l'ancienne Allemagne de l'Est On veut présenter la Wallonie comme défaillante et assistée, contribuant à renforcer en Flandre le sentiment d'une revanche des années 1920-1940, voire du 19e siècle. Cela ne tient pas debout.
En Flandre comme en Wallonie, l'activité économique est le fait d'entreprises privées, appartenant, d'un côté comme de l'autre, à des groupes industriels ou financiers internationaux. C'est le cas des banques, des assurances, de la sidérurgie, des raffineries de pétrole ou de la pétrochimie, du montage automobile, de l'industrie du médicament, de la production d'électricité, de la grande distribution, etc. Beaucoup de ces groupes sont d'ailleurs identiques en Flandre, à Bruxelles et en Wallonie. La réalité unique et commune est le capitalisme financier, globalisé et infiltré dans la maîtrise des communications et des informations. L'économie flamande n'a sans doute pas un degré d'autonomie plus élevé que celui de l'économie wallonne. D'un côté comme de l'autre, groupes financiers comme groupes industriels savent habilement jouer sur les avantages principalement financiers qu'ils peuvent tirer des pouvoirs publics, fédéraux ou régionaux.
Un ressentiment mal fondé
Un ressentiment, peut-être inconscient, à l'égard des "francophones" subsiste dans certains milieux flamands. La "révolution dite belge" de 1830 a été récupérée par la bourgeoisie, classe dominante tant en Flandre qu'en Wallonie. Cette bourgeoisie alliée à une noblesse terrienne parlait le français. Elle a formé la Constituante et le Parlement belge jusqu'aux premières élections au suffrage universel des hommes, tempéré par le vote plural, en octobre 1894.
Les réactions à la domination et à l'exploitation par cette bourgeoisie homogène prendront un aspect principalement culturel et linguistique en Flandre et social en Wallonie. Les structures sociales, économiques et industrielles expliquent cette différence et la nature différente des combats d'émancipation et d'affirmation des travailleurs. Mais il ne faut jamais oublier que d'un côté comme de l'autre on a affaire à une seule et unique bourgeoisie, ni flamande, ni wallonne mais belge et possédante. Il faut éviter l'amalgame, encore parfois fait aujourd'hui entre tous les francophones et cette bourgeoisie de fait francophone mais qui ne fut pas " la " Wallonie.
Une politique ultralibérale
Des économistes conseillent de diminuer les salaires et les allocations sociales en Wallonie, d'une part pour favoriser l'emploi et, d'autre part, pour forcer les Wallons à travailler ou à créer leur propre entreprise. Partout où cette politique ultralibérale a été appliquée, elle a conduit à des échecs: elle ne favorise pas la croissance, elle augmente les inégalités et elle appauvrit une partie de la population.
En effet la croissance économique dépend directement des trois composantes de la demande: les investissements privés, les dépenses publiques et la consommation des ménages. Affaiblir les salaires et réduire les allocations sociales provoque l'effondrement de la consommation et des investissements des ménages, effondrement qui, à son tour, ralentit la croissance économique, voire même provoque un déclin économique faisant disparaître des petites et moyennes entreprises dont les marchés sont principalement locaux. L'effet inverse de celui qui est recherché! Ce n'est pas ce modèle qui a permis une forte croissance en Flandre et la permet encore. C'est le modèle inverse: forts investissements publics, aides publiques aux investissements privés, salaires élevés favorisant la consommation et les investissements (logements) des ménages.
Il n'y a aucune raison que le modèle de développement qui convient à la Flandre ait, curieusement, un effet inverse en Wallonie. Si certains Flamands le proposent à la Wallonie, c'est sur base d'un mythe récurrent: les Wallons seraient fainéants et leurs dirigeants corrompus. Outre le caractère gratuit et injurieux de cette affirmation; elle est radicalement fausse.
Mais puisqu'elle est exprimée, sur quelles bases repose-t-elle? Où se localise la fraude fiscale organisée à grande échelle par une banque, la cavalerie de Leernout et Hauspie ? En Flandre et pas en Wallonie. Ce n'est certes pas une réponse; mais ces faits avérés devraient inciter à d'abord mieux connaître la réalité, tant en Flandre qu'en Wallonie.
Les transferts financiers de Flandre vers la Wallonie
Qu'il y ait des transferts entre catégories, c'est le principe même de l'assurance sur laquelle est basée la Sécurité sociale. Toutes les études faites dans le détail ont montré que des différences, parfois importantes, existaient aussi bien entre sous régions de Flandre qu'entre sous-régions de Wallonie, dans le domaine des soins de santé mais qu'il n'existait pas d'abus.
Les mécanismes de financement des Régions (et des Communautés de plus en plus) sont basés sur la part de chacun dans l'impôt des personnes physiques. La Wallonie compte 3,3 millions d'habitants et la Flandre 5,9 millions d'habitants en 2000. Quand on raisonne en chiffres absolus, il faut tenir compte de l'importance relative de chaque Région.
Certes, le taux de sous-emploi, calculé en tenant compte de l'ensemble des chômeurs percevant des indemnités, est plus élevé en Wallonie qu'en Flandre. Les dépenses totales de l'Office national de l'emploi qui distribue les indemnités de chômage se répartissent comme suit en 2000:
Flandre: 126, 37 milliards F, soit 35.327 francs par an et par habitant âgé de 19 à 64 ans,
Wallonie: 90,70 milliards F, soit 46.442 francs par an et par habitant âgé de 19 à 64 ans.
Si on applique la différence de charge par habitant (11.115 francs par habitant) à la population wallonne, on trouve un écart de 21,70 milliards F. C'est la charge proportionnellement supérieure, couverte par la solidarité de la Flandre et de Bruxelles à l'égard de la Wallonie en ce qui concerne le chômage.(à titre de comparaison cela représente à peine 0,4 % du Produit intérieur brut flamand).
Quant aux dépenses de soins de santé, plusieurs études ont montré qu'il n'existait pas de surconsommation ou de gaspillages en Wallonie et que les dépenses plus élevées étaient justifiées par l'état de santé plus précaire en raison d'une plus grande proportion de personnes très âgées et en raison des séquelles encore existantes de travaux lourds et insalubres.
Des comparaisons régionales sont intéressantes quand elles portent sur les manières de faire, quand on peut tirer des enseignements pour élaborer des politiques. Elles sont stériles si elles ont pour objet des tentatives de classement entre " bons " et " mauvais ". Encore faut-il ne pas se limiter aux seules comparaison entre la Flandre et la Wallonie.
La Wallonie métropole elle-même?
Il est souvent dit aussi, pour ce qui concerne la Wallonie, que les grandes métropoles telles que Lille, Bruxelles, la triade Maastricht-Aix-Liège, ou la ville de Luxembourg sontt les facteurs d'un développement wallon plus induit que produit. Mais il faut bien voir quel a été exactement le rôle de ces métropoles. Avec la tertiairisation de l'économie et du fait que les métropoles attirent à elles les activités de services (aussi bien l'administration publique que lles bureaux d'avocats, les restaurants de luxe, les opéras ou les évêchés...), dans les secteurs marchands et non-marchands, celles-ci ont joué et jouent un rôle important.
Cependant, les services de haute qualité ne sont plus nécessairement installés dans les métropoles. On citera par exemple, l'hôpital universitaire de Mont-Godinne entre Dinant et Namur. Par rapport à ce qui peut être appelé - avec des réserves - la métropole de la Wallonie, Bruxelles, on peut rappeler l'idée apparemment insolite émise dans le TOUDI annuel n°2 (1988) par Luc Maréchal: la Wallonie possède une ville de 2 millions d'habitants allant de Mons à Liège.
Ce réseau de villes apparemment trop étiré pour recevoir le nom de Ville ou de Métropole présente notamment l'avantage de la mobilité. Il faut pratiquement autant de temps, à certaines heures, pour aller du Sud au Nord de Bruxelles que pour aller en voiture de Namur à Liège voire même de Charleroi à Liège. Les idées préconçues, qui ont été valables un temps deviennent des préjugés tenaces malgré les évolutions politiques, sociologiques et économiques. Pourtant les progrès techniques les plus récents (Internet, le télétravail), confirment et confortent cette évolution sociologique. Les sociologues Daniel et Jean-Marc Bodson ont montré que la ruralité wallonne était paradoxale en ce sens que la plupart des Wallons vivent à proximité de Bruxelles ou de grandes villes wallonnes (D. et JM Bodson, Il y a une vie en dehors des villes et elle n'est pas ce qu'on croit, La lettre volée, Bruxelles, 1999; ouvrage résumé par D.Bodson sous le titre " Qu'en est-il du rural wallon en l'an 2000? " in Les cahiers de l'éducation permanente, n° 10, janvier-février-mars 2000).
Les ruraux wallons sont très proches de la vie urbaine. Ce sont des cols blancs. Leur mentalité tend à se rapprocher des citadins. Mais, dans les images sociales véhiculées par les médias, la Wallonie est enfermée dans une image ruralisante qui la marginalise. Le choix de Namur comme capitale wallonne fut un choix stratégique de première importance dans ce contexte. Car parallèlement à un recentrage politique sur la Wallonie, les évolutions économiques du 21e siècle permettent d'augurer un partage progressif de la fonction de métropole entre Bruxelles et la Wallonie et sa " Ville wallonne de 2 millions d'habitants ". Ici, l'on peut dire que la volonté politique accompagne l'évolution en quelque sorte technique du recentrage des métropoles.
On sait qu'une part importante de l'activité économique passe du centre de ces métropoles à des cercles concentriques s'éloignant du centre, ce que l'on peut remarquer par la présence de restaurants de luxe très éloignés des métropoles dans la campagne environnante ou l'apparition d'une activité théâtrale dans des lieux tels que Haut-Ittre, Louvain-la-neuve, en même temps que des implantations universitaires, la mise en place des parcs de R&D à Louvain-la-neuve, le Sart-Tilmant à Liège etc.
Le Contrat d'avenir, un instrument de dynamisme et de participation
Le Contrat d'avenir pour la Wallonie suscite des interrogations critiques. Ce qu'il importe de voir pour le moment c'est qu'il est une démarche inédite. Elle consiste à réunir (sans les confondre) les acteurs économiques et sociaux, syndicats, patrons, classes moyennes, agriculteurs, administrations régionales et locales, pouvoirs locaux, monde associatif, culturel et même scolaire (installation d'ordinateurs dans les écoles), en vue de tendre à une cohérence entre les activités et le travail de chacun. On n'avait jamais fait cela. Au-delà de l'effet d'annonce, le fait qu'on ait réactualisé le Contrat d'avenir montre qu'il y a d'ores et déjà un suivi du projet.
On perçoit par ailleurs des assemblées de citoyens et diverses catégories de Wallons qui sont manifestement concernées par ce Contrat (notamment une réunion en front commun syndical à Seneffe le 19 mars dernier, des agriculteurs en février à Gembloux). Il est vrai que la première version du Contrat d'avenir n'était pas chiffrée (ce qui a pu faire apparaître cette opération comme un gadget politique). Mais la seconde version se fixe des objectifs chiffrés: augmentation des exportations, diminution des accidents corporels sur les routes, part croissante des énergies renouvelables, augmentation du PIB, diminution du chômage etc. C'est donc un dynamisme qui esty ainsi impulsé au niveau des cabinets et des administrations mais aussi auprès des acteurs économiques et sociaux.
Cette volonté de concertation déborde même du cadre strict des matières gérées par la Région wallonne. Concernant l'élaboration du Contrat d'avenir, nous savons par exemple que toutes les personnes venues conseiller Le Minsitre-Président ont insisté sur le fait de joindre l'enseignement à la démarche alors que, précisément la Région wallonne ne peut y agir directement. La collaboration avec la Communauté française n'est pas " la " solution car elle pose problème du fait que c'est un pouvoir politique estérieur sinon même concurrent. Celui-ci est en outre peu populaire (ses ministres sont absents des sondages de notoriété), pléthorique (3, voire 4 ministres de l'enseignement), de notoriété publique, l'esprit d'équipe n'y est pas bon.
Le chômage : tout n'est pas aussi noir en Wallonie, ni aussi rose en Flandre
Un taux de chômage est un rapport entre le chômage et la population. Mais il faut s'entendre sur le terme chômage qui peut concerner des réalités différentes et sur le terme population,
La population
Généralement on compare le nombre de chômeurs à la population active.
Celle-ci est composée de toutes les personnes qui ont un emploi, c'est-à-dire une occupation dont elles tirent un revenu ou qui cherchent une telle occupation. Si la définition est simple et claire, le dénombrement des personnes est plus complexe. On a recours aux statistiques administratives de la Sécurité sociale, l'ONSS pour les salariés ou les agents des services publics et l'INASTI pour les indépendants, avec les risques de double comptage ( par exemple une personne qui a deux emplois à temps partiel, on une personne à la fois indépendante et salariée). Certaines catégories de personnes ont pourtant un emploi mais n'apparaissent pas dans ces statistiques, par exemple toutes les personnes qui travaillent dans des organismes internationaux situés chez nous et directement rémunérés par eux : l'Union européenne, le Shape, l'Otan, les ambassades, le Parlement européen par exemple.
Il est évident que le "travail au noir" échappe à toute statistique et ces emplois ne sont pas dénombrés, pourtant en termes économiques ce sont des emplois bien réels. Tel est le cas, par exemple du personnel domestique.
Pour les personnes qui cherchent un emploi - les demandeurs d'emploi inoccupés - c'est plus compliqué comme on le verra ci-après.
Dans cette définition, les étudiants, même après 18 ans ou les pensionnés et prépensionnés de font pus partie de la population active.
Pour éviter ces difficultés et le retard considérable avec lequel les chiffres d population active sont publiés, nous prendrons non pas la population active mais la population totale en âge de travailler, soit la population âgée de 15 à 64 ans. C'est d'ailleurs la définition désormais utilisée par l'Union européenne pour calculer les taux d'emploi. Ces chiffres sont bien connus et rapidement dispopnibles, tous les pays possédant un registre national.
Le chômage
Les chômeurs complets demandeurs d'emploi sont recensés de deux manières. D'une part, par l'ONEm (l'Office national de l'emploi) qui paie les indemnités de chômage et d'autre part les organismes régionaux de placement, en Wallonie le FOREM, à Bruxelles l'ORBEM et en Flandre le VDAB. qui tiennent à jour la liste des demandeurs d'emplois inoccupés inscrits dans leurs banques de données.
Entre les statistiques de l'ONEM et les statistiques des organismes de placement, il y a des discordances importantes. Ainsi en 2.000, le VDAB renseignait 21.500 demandeurs d'emploi en moins que l'ONEm, tandis que le FOREM en renseignait 10.600 de plus (moyennes mensuelles).
Pour permettre une comparaison sérieuse, mieux vaut s'en remettre aux chiffres d'une seul et même organisme l'ONEm.
Mais il y a chômage et chômage.
La statistique des chômeurs complets indemnisés ne rend pas compte de l'ampleur du chômage
La réalité est tout autre quand on regarde le sous-emploi total, le seul qui ait véritablement un sens d'un point de vue économique. Le sous-emploi total comprend les demandeurs d'emploi inoccupés qui ont droit aux indemnités de chômage (chômeurs complets indemnisés) mais aussi toutes les autres catégories de personnes considérées comme non-demandeurs d'emploi et percevant pourtant des indemnités de chômage comme les prépensionnés, les chômeurs âgés et d'autres catégories comme les chômeurs dispensés pour des raisons sociales ou familiales.
Premier constat: pour l'ensemble du pays le sous-emploi touche près d'un million de personnes, 949.055 personnes en moyenne au cours de l'année 2.000, année de fort taux de croissance économique. Ces chiffres ne comprennent pas les demandeurs d'emploi inoccupés qui n'ont pas droit aux indemnités de chômage, par exemple les chômeurs exclus ou suspendus et les bénéficiaires du minimex.
Deuxième constat: toutes proportions gardées, en Flandre il existe nettement plus de chômeurs âgés et nettement plus de prépensionnés qu'en Wallonie. La comparaison des taux de chômage est dès lors faussée.
Des chiffres plus proches de la réalité : un taux de sous emploi total
Il faut parler en termes de sous emploi total, comprenant toutes les personnes en âge de travail et qui sont recensées, à un titre ou à un autre, par l'ONEM. En calculant un taux par rapport à la population en âge de travailler, ici la population âgée de 19 à 64 ans, on obtient une vision correcte d'un point de vue économique.
Le tableau suivant donne ce calcul. On constate que la vision des choses change : le rapport entre la Wallonie et la Flandre n'est plus que de 1,3 au lieu de 2,2, voire 2,7 en se basant sur les chiffres officiels
Quant on publie chaque mois les "taux de chômage", on ne retient que les demandeurs d'emploi par rapport à la population active: ce taux est doublement faussé.
Chômage et sous-emploi en % de la population âgée de 19 à 64 ans Selon la STAT INFO, moyennes de l'année 2.000
en % |
Flandre |
Wallonie
|
Bruxelles |
Pays |
|
|
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Demandeurs d'emploi inoccupés avec droit à des indemnités (groupe 1) |
4,18 |
9,25 |
9,59 |
6,31 |
|
|
|
|
|
Autres catégories de chômeurs indemnisés (groupes 2, 3 et 4) |
9,98 |
8,77 |
6,19 |
9,24
|
|
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|
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Sous-emploi total |
14,16 |
18,02 |
15,78 |
15,55
|
Sources: Calculs à partir de STAT INFO de l'ONEM et de INS, structure de la population
Une Wallonie indépendante est viable
On entend souvent dire que si la Wallonie devenait autonome ou indépendante, que ce soit de son plein gré ou qu'elle soit larguée par un éclatement de l'Etat belge, elle ne serait pas viable.
Mais de quoi s'agit-il ?
1) le financement des pouvoirs publics
Les pouvoirs publics wallons sont actuellement entièrement financés par les impôts payés par les Wallons. Les impôts wallons servent aussi à payer les dépenses de l'Etat fédéral et des services qui en dépendent. Ces moyens continueront à exister et à être utilisés aux mêmes usages. Une part des impôts des Bruxellois ou des Flamands sert-elle à faire fonctionner des services publics fédéraux situés en Wallonie ? Les statistiques ne permettent pas de le dire, cependant l'écart entre les revenus moyens, calculés sur base des déclarations fiscales) en Flandre et en Wallonie montre que nous rencontrerons sans doute des difficultés. Cependant, on ne connaît pas la répartition régionale des dépenses de l'Etat fédéral.
2) les activités économiques
Quand on parle de Wallonie autonome ou indépendante, on parle d'une situation politique. Les entreprises, les activités économiques, les activités sociales ne sont pas affectées. Chacun continuera à acheter et vendre à ses clients, où qu'ils se trouvent, y compris à Bruxelles et en Flandre. Nous sommes dans l'Union européenne, la libre circulation des capitaux et des marchandises existe, la plupart des entreprises, grandes ou moyennes font partie de groupes multinationaux et ont l'habitude de changements de régimes politiques bien plus graves voire dramatiques que l'autonomie opu l'indépendance de la Wallonie, sans pour autant cesser leurs activités.
3) la sécurité sociale
Le système de Sécurité sociale est basé sur un principe d'assurance : chacun paie des cotisations forfaitaires et perçoit une indemnité si le risque survient. Dans le cas de la Sécurité sociale, c'est une triple solidarité, celle des employeurs, celle des travailleurs et celle des citoyens au travers d'un subside de l'Etat fédéral, d'ailleurs de plus en plus faible. L'essentiel des ressources provient des cotisations.
Par sa nature même, tout système d'assurance est d'autant mieux équilibré qu'un plus grand nombre de personnes y participent. Actuellement, les systèmes sont nationaux. Ils induisent cependant des distorsions de concurrence au sein de l'Union européenne. Quand on parle d'Europe sociale, il est notamment question d'un socle commun de sécurité sociale. On n'en est pas encore là.
C'est actuellement la demande de certains milieux flamands d'une scission de la Sécurité sociale. Les études démographiques montrent que la population wallonne comporte une proportion plus élevée de personnes âgées que la population flamande mais que ce rapport s'inverse à partir de 2010. Les pensions et les soins de santé sont fortement liés à la structure démographique.
En ce qui concerne le chômage, les écarts entre Flandre et Wallonie se réduisent si on tient compte de la totalité du sous emploi.
4) la dette publique de l'Etat belge
La dette de l'Etat fédéral est considérable, chacun le sait : elle atteignait 261,8 milliards d'euros en fin avril 2002, soit 10.560 milliards de francs, soit environ 110 % du produit intérieur brut.
Cette dette est quasi uniquement en euro (à peine 2 % sont en monnaies hors zones euro), et à long terme (86,7 %). On estime que plus de 70 % de la dette est logée dans des institutions publiques et privées, telles que les banques, les assurances, etc.
Il est de règle générale qu'en cas de changement de régime politique, le nouveau régime reconnaît la dette du précédent. Il y aura donc lieu à partage. Le choix du ou des critères de partage n'est pas neutre. Parmi les critères on cite la part dans l'impôt des personnes physiques (déjà utilisé dans les lois de financement des Régions et progressivement des Communautés), le PIB régional, la population. Les calculs montrent des écarts relativement faibles entre ces trois critères pour la Flandre, le PIB lui étant le plus défavorable. Pour Bruxelles, le critère du PIB est très défavorable et pour la Wallonie, les critères population et part dans l'impôt des personnes physiques sont défavorables. Les intérêts s'opposent bien plus entre la Wallonie et Bruxelles qu'entre la Wallonie et la Flandre.
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Flandre |
Bruxelles |
Wallonie |
Belgique |
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Produit intérieur brut à prix courants-1998 |
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en milliards de francs |
5.137,9 |
1.752,4 |
2.179,2 |
9.081,5* |
en % |
56,6 |
19,3 |
24,0 |
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Population au 31 décembre 2.000 |
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en nombre absolu |
5.940.251 |
959.318 |
3.339.516 |
10.239.085 |
en % |
58,0 |
9,4 |
32,6 |
100,0 |
|
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|
Part dans l'impôt des personnes physiques, revenus de 1998 |
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|
en milliards F |
646,6 |
94,0 |
298,8 |
1.039,4 |
en % |
62,2 |
9,0 |
28,7 |
100,0 |
|
|
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Charge de la dette en cas de partage en milliards de francs |
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selon le critère du PIB |
5.732,3 |
1.954,7 |
2.430,7 |
10.127,8* |
selon le critère de la population |
5.876,1 |
949,0 |
3.301,7 |
10.127.8 |
selon le critère de la part de l'IPP |
6.301,5 |
915,6 |
2.910,7 |
10.127.8 |
(*) Le total des trois régions ne fait pas exactement 100,0 parce qu'il existe une unité extra-territoriale (ambassades, armée belge en Allemagne), qui représente 0,1% négligée dans ces calculs.
Le total des trois régions ne fait pas exactement 100,0 % parce qu'il existe une unité extraterritoriale (ambassades, armée belge en Allemagne) qui représente 0,1 %, négligée dans ces calculs.