Critique : L'image du Flamand en Wallonie (Yves Quairiaux)

Paru sous le titre : Une vision de la Wallonie radicalement autre
Toudi mensuel n°72, septembre-octobre 2006

Yves Quairiaux: sans doute l'oeuvre historique la plus signifiante

Histoire de Belgique et de Wallonie

Les jeunes élites wallonnes s’en vont vers Bruxelles et Luxembourg et au-delà. La Wallonie est happée par la mondialisation. Cela change la Wallonie. Mais elle est aussi fortement organisée politiquement, liée à la capitale d l’Europe. Elle pratique, sur plus de 51%, des budgets autrefois alloués au seul Etat belge, une politique étrangère discrète, mais réelle, avec des délégations générales sur les cinq continents, une politique commerciale (sur la décennie écoulée, l’une de ses réussites). Elle a un vrai avenir devant elle dans une Belgique qui s‘estompe et une Europe qui s’unit. Avec la transformation de son avenir, s’opère aussi celle de son passé, ce qui est plus actuel que tout.

L’histoire n’est jamais qu’au présent

Se pencher sur le passé, ce n’est pas y retourner comme on le croit souvent chez les esprits simplistes. La représentation du passé lui est liée, mais cette représentation est, elle, bien au présent et détermine nos conduites.

Il en va ainsi de l’image que nous avons des Flamands et du conflit qui nous oppose à eux. Le mouvement wallon (ou de la société wallonne), se lit à travers des schémas quasiment caricaturaux comme une simple réaction d’élites francophones menacées dans leurs privilèges. Par rapport à la Belgique, les Flamands apparaissent comme « les seuls demandeurs ». Ce schéma est adopté sans état d’âme par tout le monde et notamment par ceux pour qui les « dominants d’hier » (et le contexte indique qu’il s’agit des Wallons) « ont perdu leurs repères » et pour qui également « l’identité wallonne cherche à se construire en soulignant ce qu’elle n’est pas »1. Les difficultés identitaires de la Wallonie (qui divisent et affaiblissent le mouvement wallon), viennent-elles de cette représentation qui ne correspond pas à la réalité historique? Oui, et peut-être même de façon plus décisive qu’on ne le pense étant donné la force des fausses croyances sincères.

Yves Quairiaux dans son livre L’image du Flamand en Wallonie, Labor, Bruxelles, 2006, essaye surtout de préciser quelle est l’image du Flamand en Wallonie de 1830 à 1914. Ce travail titanesque, absolument sans précédent, est une formidable leçon pour chaque citoyen, mais aussi les historiens professionnels, familiers du schéma caricatural Mouvement wallon = défense des privilégiés ou du lieu commun stupide : « on aurait dû ”instaurer” le bilinguisme en 1932 ». Le grand devoir de l’historien, c’est le dépouillement des archives. L’historiographie wallonne est sortie du néant depuis même pas une quarantaine d’années, mais on est quand même surpris de constater que les archives en wallon de la Wallonie n’ont quasiment jamais été interrogées (Philippe Raxhon le fait aussi). Leur lecture, comme on va le voir, modifie complètement les perspectives habituelles, d’autant plus qu’elle est liée chez Yves Quairiaux à un examen bien plus approfondi que ceux lus jusqu’ici de ce qu’ont été exactement les réactions wallonnes face aux lois linguistiques, y compris en français.

Au-delà des controverses, le wallon comme simple réalité

Du simple point de vue historique, négliger les archives en wallon (par commodité, Yves Quairiaux appelle « wallon » tous les dialectes de Wallonie, ce qui fut longtemps la perception des Wallons eux-mêmes d’ailleurs), c’est une bourde. Parce que, comme il le dit, « le langage est le moyen d’exprimer dans toutes ses nuances la façon particulière de voir et de sentir d’une collectivité humaine… » Yves Quairiaux étudie aussi les débats sur la question des langues au Parlement belge, mais il le fait de manière plus approfondie et en les reliant à tout l’ensemble des expressions (en wallon ou français, politiques, sociales et culturelles), de la Wallonie.

Insistons sur la manière dont Yves Quairiaux tranche la question de la prégnance du wallon encore absurdement controversée aujourd’hui en raison de l’idéologie de la francisation : Haust, Périlleux, Ruelle attestent de l’existence sociale forte du wallon par le simple fait que dans tous les domaines de la Modernité industrielle, le wallon peut cent fois mieux nommer les choses que le français qui souvent ne possède pas les mots (même de base), pour les mutations techniques. Ce qui demeure vrai bien au-delà de 1914 puisque P.Minon (cité p.7), ingénieur et directeur d’exploitation explique encore en 1988 ce monopole du wallon dans les installations industrielles « par l’organisation du travail et de la sécurité. A tous les degrés de la hiérarchie, une vue complète et régulière des travaux était nécessaire. Ces informations provenant du travailleur de base, c’est par le truchement du parler local que les responsables le connaissaient ». (citation indirecte d’ Yves Quairiaux, p.7).

En politique même, les discussions à la base se font en wallon comme en témoignent en 1910 une conférence prononcée par Camille Vanderkelen à l’UCL (en wallon), mais également bien d’autres auteurs plus récents ou des témoins comme Achille Delattre. Assistant encore en 1979 à une réunion des cellules socialistes d’entreprises, j’avais constaté que l’essentiel des interventions ouvrières se faisaient en wallo-français (Marcel Hicter soulignait également ce trait). Pour toutes les générations nées avant 1914, le moyen d’expression favori est le wallon. Hors de la vie de tous les jours, le wallon a eu, de 1880 à 1914, une efflorescence littéraire extraordinaire : 4000 pièces de théâtre de 1880 à 1914, plus de 7000 pièces lyriques depuis 1830. Il faut aussi prendre en considération toute la presse dialectale avec des tirages parfois énormes. Tout cela n’a jamais été étudié sous l’angle politique et sociologique et il est significatif que ce soit dans une étude sur l’image du Flamand en Wallonie que le travail se fasse.

Le débat communautaire au Parlement

Ici aussi, Yves Quairiaux explore de nouvelles réalités souvent ignorées. Souvent, les études réalisées le sont d’un point de vue flamand ou strictement francophone. L’auteur met à la disposition d’un large public cultivé toute une série de chiffres (notamment sur les votes parlementaires), que même les ouvrages spécialisés sur la Wallonie citent peu ou pas.

Quand, en 1841, les provinces de Flandre orientale et d’Anvers veulent introduire l’obligation du flamand pour leurs fonctionnaires, en Hainaut, Adelson Castiau s’y oppose et, sous son impulsion, le conseil provincial du Hainaut (p.20). Or, Aldelson Castiau est un libéral révolutionnaire, très marqué à gauche. Il ne sera pas le premier hennuyer antiflamingant très marqué à gauche. La position de L.Jottrand, est intéressante, ce « waalse flamingant » comme l’appelle l’Encyclopédie du Mouvement Flamand (il est wallon mais ouvert aux revendications flamandes), attribue l’injustice faite aux Flamands à « la bourgeoisie francisée des Flandres » (p.25). Jottrand préside au Parlement la Commission des griefs flamands. C’est à l’occasion de l’opposition à des lois imposant la connaissance du flamand aux notaires que le dépit flamand s’exerce contre la Wallonie pour la première fois, en 1857 (p. 26 ).

En 1867, la proposition de loi en faveur du bilinguisme des juges flamands est combattue par l’idée que les patois flamands sont trop diversifiés, et la loi est rejetée (p.27). Plus tard, notamment en 1890, lorsque des députés wallons parleront de légiférer en faveur du wallon, un député flamingant comme G.Helleputte déclarera qu’il votera en faveur de cette législation, mais qu’il fait la même objection : cette fois sur la diversité des parlers wallons2. En 1870, cette loi est votée sous un gouvernement catholique. La question des langues se lie à d’autres débats, les libéraux, les anticléricaux étant souvent aussi opposés aux lois flamandes. Et aussi, ici, Léon Defuisseaux, autre parlementaire de gauche radicale (p.28). Certes, jusqu’en 1873, il y a une très grande inefficacité des lois en faveur du flamand qui peuvent être facilement contournées, interprétées en défaveur de cette langue.

En 1884, on assiste à un tournant : une majorité catholique et conservatrice s’installe au pouvoir pour 30 ans (p 29). La répartition des postes ministériels dont l’auteur donne les proportions (p.30), est édifiante : les Wallons ont 26% des postes de 1884 à 1894, 16% de 1884 à 1896, 13% de 1896 à 1899 24% de 1899 à 1907 22% en 1907, 21% de 1908 à 1911 et seulement de 1911 à 1914, 38 %. Parfois, il n’y a même pas de ministre bruxellois. On verra qu’au sentiment d’être menacé par les lois linguistiques flamandes s’ajoute vite – et c’est même plus important – le sentiment d’être dominé globalement par la Flandre, indépendamment de sa langue.

C’est en 1886, deux ans après, qu’ont lieu les fameuses grèves dont on a parfois fait « naître la Wallonie » : les observateurs sont frappés par le calme des Flandres face aux troubles en Wallonie. Defuisseaux (p.32), crée un parti « socialiste et wallon » . L’image du Flamand en Wallonie (et aussi de la Flandre en Wallonie), est liée à autre chose que la question linguistique. Et cet aspect est perçu très vite tant au Parlement que dans la presse wallonne de langue française ou wallonne, les chansons, les pièces de théâtre etc.

Le mouvement flamand commence à l’emporter

Le mouvement flamand commence donc à l’emporter. Les réactions sont surtout négatives à Liège, dans la droite libérale. En 1893, au Congrès wallon de Mons, les « Wallons » (on s’exprimait ainsi à l’époque), de Flandre et de Bruxelles imposent l’idée de l’étude du flamand en Wallonie et cela contre les « Wallons de Wallonie » du Congrès. En somme, les élites francisées de Flandre ont une autre attitude que les élites wallonnes et acceptent parfois le fait flamand (parfois pas non plus : ces choses sont complexes) : les Wallons se retrouvent minorisés au sein même de ce mouvement dit « wallon ». La même année le journal libéral La Réforme, en novembre, parle d’une disparition possible de la Wallonie. Pourrait-on s’exprimer ainsi chez les privilégiés francophones de Flandre ? Du côté conservateur libéral, la remise en question du suffrage universel pour la raison qu’il va asseoir la domination flamande, est peut-être le prétexte pour une réaction de droite, mais le fait est que les premières élections au suffrage universel (tempéré par le vote plural), renforcent encore les catholiques, c’est-à-dire les conservateurs et, effectivement, ipso facto, la Flandre. A ces élections de 1894 il n’y aura pas de députés libéraux en Flandre et presque pas de ministres wallons au gouvernement (moins de 15% des postes ministériels parfois).

Les catholiques wallons qui sont partie prenante de ces majorités flamandes, se taisent le plus souvent sur la question wallonne, tant au parlement que dans leur presse. Yves Quairiaux s’interroge à plusieurs reprises sur ce silence des catholiques, catholiques très certainement à ranger aussi parmi les élites sociales, les mêmes élites sociales qu’en Flandre, celles qui à Mons, en 1893, sont finalement favorables à l’enseignement du flamand en Wallonie...

En 1898 (p.39), le Parlement vote l’égalité du flamand et du français à la Chambre en ce qui concerne la langue qui fait foi pour la législation. Cette loi est votée malgré l’opposition de tous les députés socialistes du Hainaut (fait à souligner), qui s’abstiennent (le programme du POB prône l’égalité des langues). Silence à nouveau embarrassé des catholiques, embarras des libéraux radicaux alliés aux socialistes (car les socialistes ont quand même souvent voté les lois « flamandes »). Après 1899, et l’abandon du scrutin majoritaire, qui donnait une prépondérance écrasante aux catholiques et aux Flamands, ceux-ci vont se modérer. La représentation flamingante diminue. Mais certains socialistes sont mécontents de la proportionnelle : elle permet que des socialistes soient élus en Flandre mais réduit de moitié les députés POB du Hainaut (qui passent de 20 sièges à 11).

En 1907, la Flandre va beaucoup plus loin et impose le bilinguisme aux ingénieurs des mines dans tout le pays, des mines où la langue qui doit y être connue est en fait le wallon. Les socialistes du Hainaut s’y opposent contrairement à ceux de Liège. Mais un libéral flamand va modérer cette loi en déposant un amendement qui n’exige plus le bilinguisme qu’en Flandre.

Quand on parle du certificat de l’enseignement moyen du degré supérieur en flamand en Flandre, les catholiques se plaignent, car on l’impose également à l’enseignement catholique et d’ailleurs, cette fois, socialistes et libéraux wallons votent la loi (p.44). L’auteur a raison de noter que l’ensemble de ces débats est complexe puisque les différents clivages s’entrecroisent. Il existe aussi, pour rendre les choses plus complexes encore, de nombreuses propositions (sans jamais aller jusqu’à la proposition de loi), en faveur d’une procédure judiciaire en wallon, déjà en 1890 (p.44). En janvier 1890, certains députés flamands déclarèrent qu'ils voteraient les lois linguistiques en faveur du wallon (p.87), tout en déplorant la variété des dialectes wallons, argument qui était tout autant utilisé par les Francophones contre le flamand (voir note 737, p.390 avec une déclaration de G.Hellepute).

La réaction wallonne va jusqu’au séparatisme

Pour les conseils de prud’hommes, une loi est votée, loi imposant la connaissance du flamand aux greffiers des conseils d’appel, même en Wallonie. Ici, là fracture communautaire est forte : les députés wallons votent contre (53 sur 60), ce qui provoque le fameux cri d’E.Dupont « Vive la séparation administrative ! » (mars 1910). Les propositions flamandes débordent la frontière linguistique comme celle de 1911 de dédoubler linguistiquement les cours tant à Gand qu’à Liège (universités d’Etat). Certes, cette proposition n’aboutira pas, mais de très nombreuses voix vont s’élever en faveur de la séparation administrative qui, pour le socialiste L. Pépin, serait le moyen de se libérer de la Flandre et d’obtenir un régime socialiste et démocratique pour la Wallonie. Car la Flandre est maintenant perçue comme allant bien au-delà de l’émancipation du peuple flamand. Un homme aussi influent que Paul Pastur propose aux fédérations socialistes du Hainaut qu’elles placent au premier rang la défense des intérêts wallons. Les meetings, les comités de défense se multiplient dans tout le pays wallon.

Aux élections de 1912, de graves tensions s’expriment en Wallonie à cause de l’échec du cartel POB-libéraux au plan belge (et sa réussite au plan wallon). Des grèves s’ébauchent dans le Hainaut, notamment au Borinage, dans le Centre à Haine-Saint-Pierre où un vieil ouvrier harangue les grévistes : « Des ouvriers intelligents ne devraient pas se laisser mener par des bouviers et des vachers flamands. » (p.52). Les conseils provinciaux de Hainaut et de Liège votent l’autonomie des provinces wallonnes. En juin, L’Express, journal libéral liégeois, lance plusieurs campagnes de presse sur la question nationale. A Liège, toujours, d’autres incidents dégénèrent et quatre manifestants sont tués. Claude Renard (La conquête du suffrage universel, cité à la note 413, p.354), estime qu’il n’est plus possible à cette époque, de séparer la revendication du suffrage universel de celle de la séparation administrative exigée par les Wallons. Destrée publie sa fameuse Lettre au roi en juillet. Comme Philippe Destatte avait déjà tenté de le montrer, on voit, à travers toutes les observations souvent nouvelles d’Yves Quairiaux (une meilleure observation de ce que j’appellerais les faits d’opinion que chez Ph.Destatte – même si celle-ci est déjà remarquable - et évidemment l’usage d’archives en wallon), que ce document, souvent étudié hors de son contexte, est le couronnement de toute une agitation importante. La lettre est d’ailleurs publiée en entier par les plus importants journaux wallons comme Le Journal de Charleroi et La Gazette de Charleroi à Charleroi, par L’Express et La Meuse (ce dernier journal en feuilleton), à Liège. Le 21 mai 1913, Destrée déclare à la Chambre que la question nationale divise tous les groupes politiques. En juillet 1913, le roi Albert Ier est accueilli dans une ville de Liège pavoisée aux couleurs wallonnes et qui retentit des clameurs des revendications autonomistes. A Mons en septembre, la dimension wallonne de cette Joyeuse-Entrée, réelle aussi, est moins évidente. Certes, il existe des oppositions à ce courant, à Huy, Mons, à la direction du POB…

Presse, chansons, poèmes, toast, théâtre en wallon

Si la presse francophone de Wallonie s’engage nettement à partir de 1912, ce qui est peu souvent dit, la presse dialectale, certes moins stable, mais qui atteint parfois des tirages importants, l’a précédée. Ainsi Li Marmite (qui a paru de 1883 à 1904), parfois sous un titre français, parfois à Namur, parfois à Bruxelles et qui a pu être tirée jusqu’à 15.000 exemplaires et est vendue à Liège, Bruxelles... Li Spirou de Liège va paraître (de 1887 à 1904), dans les principales villes de Wallonie et sera lui aussi tiré à un moment à plus de 10.000 exemplaires (pp 64-65). Il a un concurrent Li Clabot qui parle de séparatisme dès 1898, certes en termes de menaces (p.77). Il y a aussi des feuilles du même type à Verviers, Jodoigne, Nivelles, le Centre, Charleroi (L’Tonnia d’Charlerwet), L’ Ropieur à Mons, Le Farceur dans le Borinage etc. Ces journaux rallient assez vite la cause wallonne et leur engagement politique s’améliore encore avec les publications des premiers journaux d’action wallonne en français qui accueillent des auteurs wallons s’exprimant dans cette langue (pp. 64-65). A Mons L’Ropieur s’engage dans l’action wallonne à partir de 1910. Le journal de Tournai Les Cheonq Clokiers annonce son programme en 1911 : « Nous fés’reons connaite tout c’qui s’passe dins l’Wallonie et nous défindrépons ses dreots. Nous mettréons nos concitoyens in garte keonte les estravagances des flmingants. » (cité p. 79). En juin 1911, une chanson wallonne séparatiste est éditée par La Lutte wallonne à Bruxelles et par la Fédération des sociétés littéraires wallonnes du Brabant wallon. Ellle dit « Nos rassonl’rans nos cinq provinces wallonnes ! Et, pahûmint, nos frans manège à part. » (cité p. 79).

Dans un toast (adressé au roi), à la Société de Langue et deLittérature wallonne, son président souhaite que la Wallonie édifie « on monumint po nosse payis. C’est l’dictionnaire di to lès linguèdjes dès Walons » (1904, cité p. 87). Dans Li Clabot, Th.Bovy écrit que la loi Coremans est inutile parce que tous les juristes connaissent le français. Elle est impraticable, pense J.Hannay « I fareut plusieurs textes, ka li flamind d’Gand ni comprind nin l’flamind d’Tongres et l’flmaind d’Hasselt n’étind non pu l’flamind d’Anvers. C’est d’vins on lingage étringïr à l’Belgiuque [le néerlandais] qu’on va s’crire. » (Li Spirou, 1/5/1898). Les polémiques traversent la frontière linguistique. Ainsi, si en 1858, J. d’Andrimont déclare au Parlement que les dialectes wallons offrent assez de similitude pour que les Wallons puissent se parler entre eux, apprenant que la pièce liégeoise célèbre Tâti l’Pêriquî, a été traduite en wallon de Namur, la Vlaamsche Illustratie répond : « De Walen van Namen en Spy verstaan die van Luik niet ! Is dat geen bewijs dat er ene waalsche taal en letterkunde bestaat en dat het vlaamsch, het nederlandsch, een patois is, verschillend van dorp tot dorp !!! » (24 mars 1888). Tâti l’Pêriquî relance le théâtre dans toute la Wallonie, y compris à Tournai où la pièce est jouée. Elle le sera aussi au théâtre communal flamand de Bruxelles.

Joseph Wettinck, un ancien ouvrier mineur, prend la parole en wallon en 1897 à la Chambre soutenu par plusieurs députés socialistes. Il est rabroué par Beernaert qui estime que la liberté des langues ne s’étend pas aux patois, mais soutenu par Vandervelde qui établit l’équivalence entre l’expression en wallon et en flamand. Il est soutenu aussi par Li Spirou. Ces journaux critiquent durement l’adoption des lois linguistiques (en l’absence entre 1893-1898 de périodiques français d’action wallonne).

Il est curieux de voir qu’au théâtre, la coloration trop francophone et bourgeoise du mouvement wallon soit critiquée comme dans Li famille Bourbonette(1893) : « Ci n’est portant nin, St-Houbertn tot fransquignolantqui nos pères nos pont conquis nos libertés. E on jase di mouv’mintwallon, on discute nois dreus… On n’jase pu qui d’concouers, d’confrès, d’rvindications de s intérêts wallons. » (cité p.100). Ce discours de Wettinck en 1897, cet avis de 1893 peuvent être rapprochés de Po div’ni csonseiller de T.Bury [artisan, typographe puis graveur né et décédé à Liège 1849-1940],où un maraîcher qui s’est présenté aux élections est élu comme conseiller provincial et reçoit des notables venus pour le féliciter, mais ne peut le faire en français et les accueillent en wallon « comme mi père et m’mère mi l’ont appris ». La remarque se prolonge par une réflexion politique : « min hoûye on n’louque pus à çoula, pusqu’on permette à l’Chambe d’y jâser l’flamind. » (1895). D’autres pièces de théâtre, chantent la solidarité ouvrière entre Flamands et Wallons ou l’unité belge, d’autres encore estiment que les Flamands émigrés en Wallonie sont des « nouvias walons ».

En fait, les idées politiques en langue wallonne s’expriment peut-être surtout par les chansons, notamment parce que les auteurs de théâtre,eux, font parfois de cette activité une profession lucrative et qu’ils ont intérêt dès lors à faire dans le consensuel, d’autant plus que, comme le souligne l’auteur, il y a la lourde logistique du théâtre. Au fond, si nous lisons bien Yves Quairiaux, dans le domaine du dialecte, c’est surtout la chanson qui marque les choses puis la presse wallonne, et enfin des initiatives de discours wallon au Parlement (ou de prestations du serment en wallon), qui ne sont pas nécessairement isolées, même si elles ne sont pas fréquentes, bien sûr. Ce que le théâtre met surtout en scène, c’est ce que l’auteur appelle les stéréotypes sociaux du Flamand et non ce qu’il nomme les « stéréotypes politiques »

Les stéréotypes sociaux

Le tiers du texte proprement dit de l’étude d’Yves Quairiaux est consacré aux « stéréotypes politiques » - ceux dont nous venons de parler -, expression qu’on peut trouver étrange, mais n’oublions pas qu’il s’agit par définition dans ce livre, de déterminer quelle est l’image du Flamand en Wallonie.

Les 200 autres pages consacrées aux stéréotypes sociaux sont aussi passionnantes. L’auteur s’y intéresse d’abord à l’immigration qui m’a semblé, au regard des chiffres, moins importante que je ne le pensais. Mais il ne s’agit que des chiffres du 19e siècle. L’immigration flamande dépasse les 5% dès 1866 à Soignies, Liège et Waremme (à Waremme elle redescend ensuite). La limite des 5% est franchie à Tournai en 1880 et grimpera pour atteindre 15 % en 1910. A Liège elle reste à peu près stable autour de 7, 8%. Les 5% ne sont dépassés à Charleroi qu’en 1900. En revanche à Ath (3,37% en 1910), Mons (1,56% en 1910), Thuin (2,42 % en 1910), Verviers (2,89% en 1910), les provinces de Luxembourg (0,67% en 1910- et Namur (1,42 % en 1910), elle est très faible. Au Brabant wallon, elle atteint presque 5% en 1910 (4,69%). Ceci ne concerne donc que les années avant 1914 et les chiffres sont basés sur le recensement linguistique. En s’intégrant, les descendants des Flamands émigrés en Wallonie ne figureront plus parmi les «parlent le flamand» ou les « bilingues » du recensement ? Combien de Flamands (d’origine) en Wallonie ? Enormément sans doute comme aussi énormément d’Italiens.

L’auteur étudie aussi très minutieusement la très riche vie associative flamande en Wallonie, des associations qui appartiennent au monde libéral, catholique ou socialiste, moins au mouvement flamand. Il s’agit de syndicats, de quotidiens, d’hebdomadaires, de groupes d’action catholique, de cercles d’études, d’associations de libre-penseurs, de mutualités… Ces associations sont très vivantes, au moins jusqu’à la fin de la période étudiée par Yves Quairiaux (1914).

Les Flamands sont-ils des briseurs de grèves ? Parfois, mais cela n’apparaît pas déterminant. Il arrive que les ouvriers d’origine flamande soient très combatifs. En 1896, la Flandre compte 38% des ouvriers belges contre 62% en Wallonie et cette année-là, 807 grèves ont lieu en Flandre contre 806 en Wallonie, donc à peu près autant de grèves des deux côtés : le nombre de grévistes de l’ensemble du pays est par contre de 63% en Wallonie contre 37% en Flandre, chiffres auxquels on s’attend.

Dans le théâtre en wallon, les Flamands qui y ont un rôle se répartissent côté masculin de cette façon : 24 marchands, 22 militaires, 13 bateliers, cochers ou charretiers, 7 commerçants sédentaires, 15 artisans, 7 policiers , 11 domestiques, peu ou pas de travailleurs saisonniers, 20 ouvriers dont 6 mineurs. Il y a aussi des cadres : contremaîtres, techniciens, 1 financier, 1 industriel, 1 rentier. La Flamande observe Yves Quairiaux « <ne possède aucune identité propre et aucune autonomie dans un scénario fondé sur une satire sexiste et sociale » (p.255).

Le mot « Flamind » est péjoratif et signifie une langue, désagréable à l’oreille ou un jargon incompréhensible. Bien que dans le théâtre, la chanson, la presse, les Flamands aient quand même plus souvent le mauvais rôle que le bon, il arrive qu’ils soient loués, mais c’est minoritaire.Et que « Flamind » soit au départ un terme non connoté.

Xénophobie ? Ce n’est pas ce que pense Yves Quairiaux. Il parle plutôt de stigmatisation sociale, le Flamand étant au départ, dans les activités industrielles, puisque sans grande tradition chez lui de cette activité, bien plus gauche. On peut s‘en moquer aussi parce qu’il ne comprend ni le français, ni le wallon (peut-être surtout le wallon ?). Mais très vite les Flamands vont s’intégrer, se walloniser et le nombre élevé de Flamands qui vont fonder des entreprises, se lancer dans la politique est là pour le prouver. Ce qui est peut-être plus étonnant encore c’est que, en raison de la difficulté pour les socialistes d’être élus en Flandre, certaines circonscriptions wallonnes très ouvrières et très à gauche vont élire (scrutin de liste), des députés flamands, leur permettant en fait d’exister politiquement en Flandre. Là se situe leur base qui ne pouvait les élire vu la moindre industrialisation de la Flandre et la fidélité des classes populaires flamandes au parti catholique et conservateur (qui connaîtra cependant des scissions démocrates et de gauche). De Verviers, on voit aussi émaner des missionnaires du syndicalisme en Flandre en vue de faire cesser la concurrence entre bas salaires flamands et hauts salaires wallons.

Il vaut mieux laisser la parole à l’auteur dont cet extrait, je pense, résume assez bien la pensée : « C’est la présence ouvrière en terre wallonne qui stimule le plus l’imagerie populaire. Ces Flamands ne sont perçus comme tels que dans la mesure où le processus d’assimilation n’est pas achevé, leur visibilité demeure. C’est le cas des travailleurs immigrés de la première génération, des abonnés ferroviaires et des saisonniers agricoles. Ceux qui bénéficient d’un statut social supérieur paraissent intégrés au sein d’une bourgeoisie francisée, dont ils ne se distinguent guère aux yeux de l’opinion populaire. » (p.301) Yves Quairaiux écrit encore : « il semble bien que pour des générations de Wallons issus des milieux populaires, le Flamand apparaît, dans l’horizon étroit de la vie quotidienne, comme seule référence visible à l’”autre”. Dans la réalité, il s’agit de l’immigré de la première génération dont les caractéristiques sociologiques inspirent l’émergence d’une image stéréotypée étendue abusivement à l’ensemble de la communauté flamande. » (p. 305), cette communauté étant vue comme plus cléricale, moins progressiste, moins avancée que la communauté wallonne.

Une moisson de faits qui modifie notre vision

On a ici une ample moisson de milliers de faits vrais, cueillis dans tous les registres de la vie collective : démographie, débats parlementaires, polémiques de presse, théâtre, chanson, usage des langues, registre des grèves, nomenclature du mot « flamind » etc. Le compte rendu ci-dessus n’en donne qu’une pâle idée, car l’apparat critique de l’ouvrage comporte encore plus de 2000 notes réparties sur 200 pages dont la lecture est indispensable parce qu’elles fourmillent d’autres informations. L’ouvrage comporte aussi une bonne centaine d’autres pages établissant un index de centaines d’auteurs de chansons ou de pièces de théâtre qui confirme notamment la diversité sociale des producteurs de cette littérature wallonne à peu près complètement inconnue...

>Cette moisson modifie fortement, à notre sens, le schéma simpliste de l’historiographie des problèmes communautaires. Notamment, parce qu’elle met l’accent sur la force du wallon en Wallonie lié à la modernité industrielle et à la politique elle-même, pas seulement à l’intimité ou à l’affectif.

La population wallonne fut bien tout entière informée de ce que Parlement allait supprimer le français comme langue unique de communication de tous les Belges (un français qui n’était pas le langage dominant en Wallonie avant 1914, mais qui n’était pas ignoré et auquel on aspirait sans doute). On comprend qu’elle ait pu réagir très négativement à cette annonce. Peut-être les privilégiés d’abord, mais pas seulement. D’ailleurs le « premier mouvement wallon » qui est cette tendance voit les Wallons de Wallonie battus à Mons en 1893 par ceux de Flandre et de Bruxelles qui proposent l’enseignement du flamand en Wallonie. Les notables catholiques en Wallonie n’exprimeront guère non plus d’opposition aux lois flamandes. On serait tenté de dire que le mouvement wallon décrit comme une réaction de privilégiés francophones n’englobe guère ceux de Flandre ni de Bruxelles, et sans doute une minorité de ceux de Wallonie. Encore que les Flamands francophones ont pu aspirer à une alliance en Wallonie à l’occasion des combats qu’ils y menaient pour le français (nous citons au bas de ce compte rendu un avis du journal Het Laaste Nieuws). Mais ces nuances qu’il faut bien introduire démontrent que la vision exacte de l’opposition entre Wallons et Flamands avant 1914 est infiniment plus complexe que ce qu’en dit l’historiographie habituelle.. Celle-ci nous semble même largement contredite par les faits.

Le schéma simpliste de cette historiographie, plaqué sur le premier mouvement wallon comme une tare originelle (les Wallons sont des dominants qui se défendent), renforce évidemment l’idée de Flamands opprimés, au mieux par la bourgeoisie francophone (mais qui se flamandise aisément en Flandre et est la première bénéficiaire de l’opération, on l’oublie, même chez les historiennes flamandes et bourgeoises du mouvement wallon qui sont les premières héritières de cette conjoncture), au pire par les « Wallons ». Cette caricature de l’Histoire est à ce point intériorisée par les Wallons que ceux-ci se donnent finalement tort de ne pas être tous devenus bilingues en 1932 (regret exprimé des milliers de fois au siècle passé et qui l’est encore).

Entre 1880 et 1914, la Flandre remporte à peu près tous les combats qu’elle mène pour sa langue au Parlement. Face à cela, on peut considérer comme anecdotique la volonté d’imposer le wallon face au flamand.

Mais cette volonté, certes peu appuyée, était profondément contrariée à notre sens par le fait que les Wallons n’avaient pas cette majorité au Parlement dont les Flamands, qui la possédaient, ont fait l’instrument quasiment déterminant de leur succès, d’autant que les Flamands étaient appuyés par tout le catholicisme belge écrasant en Flandre, minoritaire, mais parfois de peu, en Wallonie (40% des voix pour les catholiques en 1912). Or le combat flamand, appuyé (ou toléré) par toutes les forces conservatrices belges (sauf les libéraux), au-delà de son ancrage légitime en Flandre, se diffusa au-delà de la Flandre. L’ouvrage de Quairiaux le montre ou le rappelle : toutes les lois flamandes ne visèrent pas que la Flandre, étant bien entendu qu’imposer l’unilinguisme en Flandre (comme cela se décidera en 1921 par les seuls Flamands majoritaires), c’était déjà une manière de changer le pacte linguistique originel. C’était une façon de contraindre au bout du compte les Wallons à adopter le bilinguisme français/flamand institué en Flandre depuis longtemps, mais inconnu en Wallonie où vécut – et avec quel profondeur, quelle vie ! – une diglossie très importante (français/wallon ou autre langue régionale). Cette diglossie, le caractère exceptionnel du livre d’Yves Quairiaux est en soi la preuve qu’on la dédaigne. L’exemple du réveil flamand a suscité d’ailleurs des sympathies chez les défenseurs du wallon et le réveil du wallon en littérature, même s’il s’est déployé aussi contre ce réveil flamand, ne s’explique pas d’abord comme une manière de lutter contre le flamingantisme.

Victoire flamande, défaite wallonne ?

La promotion du flamand n’a-t-elle pas accentué encore le recul du wallon en Wallonie ? Le livre ne pose pas cette question et n’a pas été écrit pour y répondre. Mais c’est une des questions qu’il suscite : tout ouvrage vraiment nouveau suscite de nouvelles questions. Tout ouvrage nouveau aussi, ne serait-ce que par son angle d’attaque, vient aussi confirmer des intuitions auparavant mal formulées comme celle que l’opposition aux lois flamandes et au conservatisme qui les porte suscite un désir d’autonomie bien plus profond qu’on ne l’imagine. En lisant Yves Quairiaux on comprend mieux que la volonté de la séparation administrative, loin d’être le cri isolé en 1910 d’un parlementaire bourgeois modéré (E.Dupont), finit par se confondre avant 1914 avec l’exigence formidable du Suffrage universel pur et simple, ce qui en mesure la force.

Il arrive souvent qu’on juge de la faiblesse du mouvement wallon par sa difficulté à faire avancer les choses. De fait, ce qui était appelé « séparation administrative <» en 1912-1914, deviendra le fédéralisme de Fernand Dehousse en 1938 et 1945, la « régionalisation » proposée fin des années 60, mais qui ne sera votée qu’à grand-peine en 1980 (contre l’avis des Flamands qui l’ont admise alors par esprit de compromis et en spéculant sur l’échec de cette mesure pourtant très restreinte au départ). Conçue pour redresser économiquement la Wallonie dès 1945 et la libérer de la domination flamande, un peu dans les mêmes termes que 1914, cette « régionalisation » ne deviendra un instrument adapté à cette mission énorme, affaire de générations (c’était l’opinion de Fernand Dehousse en 1945), que près d’un siècle après 1910-1912. On admire à juste titre la lente patience du mouvement flamand pour émanciper la Flandre, car le processus dure depuis 1830 et vient à peine de s’achever. Et aussi parce qu’une langue humiliée – personne ne nie que le flamand ait été humilié et, à travers lui, tout un peuple, mais sa déshumiliation provoque bien des dégâts collatéraux ! - ne se sauve pas que par décret.

Mais la Wallonie qui peine évidemment encore aujourd’hui avec un instrument comme le fédéralisme dont elle ne peut que commencer à se servir alors qu’elle le souhaitait depuis 1912, a roulé entre-temps sur la pente d’un déclin industriel qui n’est stoppé que depuis peu, mais qui la laisse en mauvais point. Si elle ne l’a pas obtenu plus vite, c’est essentiellement parce que toutes ses aspirations se sont heurtées à l’immense force de la Flandre, numériquement majoritaire, alliée de fait des dominants sur tout son parcours historique et en premier lieu de la monarchie qu’elle rejette aujourd’hui parce que cet instrument politique s’est déclassé. Par coïncidence, en outre, l’émancipation flamande correspond au décollage économique de la Flandre : cette émancipation n’explique pas le décollage de la Flandre, pas plus que l’ouverture de la Wallonie sur le français au 19e siècle n’explique la prospérité du sillon Haine-Sambre-Meuse-Vesdre. Et, par coïncidence aussi, la lutte pour l’autonomie wallonne, son obtention, accompagnent une évolution économique et sociale défavorable qui lui donne mauvaise presse alors que l’on peut penser que, sans autonomie, la Wallonie aurait disparu comme le craignait, il y a plus d’un siècle, La Réforme. A travers l’image du Flamand en Wallonie comme le propose l‘auteur lui-même, nous avons tenté d’annoter son ouvrage de questions sur la Wallonie, car c’est à travers la rencontre d’autrui que l’on se connaît et reconnaît. Les débats gigantesques dont les 600 pages de ce livre ne donnent qu’une idée incomplète3 permettent aussi de conclure que leur méconnaissance (dans leur dimension dialectale, mais pas seulement), engendre naturellement la négation de l’identité wallonne et l’exclusion par les Wallons eux-mêmes de la pertinence politique, humaine, morale surtout, de l’engagement wallon. Yves Quairiaux nous rappelle par son travail démesuré et cependant encore incomplet à quel point cette perte finale serait absurde d’un simple point de vue humain. Mais beaucoup y sont sans doute déjà résignés qui finissent par nier que la Wallonie ait même une identité, ce qui est l’effet le plus extrême d’un conflit dont les Wallons sont sortis en apparence vaincus. Cette défaite de la Wallonie, certains, et pas seulement en Flandre ou à Bruxelles, voudraient en trouver un prolongement intellectuel en niant toute pertinence au concept même de Wallonie. Et alors que, en progressant, depuis à peine quarante ans, la recherche historique démontre justement de plus en plus la pertinence du concept de Wallonie.

Voir aussi Immigration flamande en Wallonie (1860-1920) (tableau publié par Yves Quairiaux dans son livre)

  1. 1. C. Kesteloot,Au nom de la Wallonie et de Bruxelles français, p. 301. Ce texte est l’un des derniers avatars de cette théorie ridicule.
  2. 2. C.Kesteloot et , Introduction à F. Bovesse, Pour la défense intégrale de la Wallonie, Institut Destrée, Coll. Ecrits politiques, Charleroi, 1990.
  3. 3. Et il faudrait des lectures supplémentaires :Je suggérerais à l’auteur de lire l’Histoire de France de Michelet (Tome VI, édition définitive, Flammarion, Paris, 1893-1898) et son Journal (Gallimard, Paris, 1959, Tome I) parce que certaines notes sur les Flamands y apparaissent (voir TOUDI annuel, n° 6, 1992). On lit notamment dans la préface à cette Histoire de France, rédigée en 1870 : « Ces pauvres Frances perdues dans les Ardennes entre des peuples hostiles et des langues opposés m’émouvaient fort. ». Ces notations peuvent être au moins indirectement la trace de l’image que se font les Wallons des Flamands. Il y a aussi plusieurs éditoriaux du journal Le Peuple en 1913 où la question des langues est abordée. Il y a également de nombreuses allusions à ces questions dans le Livre d’or de l’exposition de Charleroi, 1911. Il existe aussi des textes d’Engels sur les oppositions entre Flamands et Wallons, par exemple dans Marx-Engels, Oeuvres choisies, tome II, p. 312, Moscou, 1976. On pourrait noter beaucoup d’autres choses encore. Mais parmi elles, je retiens Het Laaste Nieuws du 24 février 1911 à propos de la flamandisation de l’université de Gand et des Gantois francophones qui s’y opposent : « A nouveau nous attirons l’attention de chacun sur la tactique des opposants au mouvement flamand : ils savent qu’ils sont balayés partout dans les régions flamandes ; dès lors, ils doivent exciter les Wallons. » (cité par André Gérard, Radioscopie de la presse belge, Marabout, Verviers, 1975, p.206).