Des élections fédérales déjà confédérales…

6 June, 2010

Comme j’en ai pris l’habitude depuis quelque temps, je vais donc livrer aux lecteurs de Toudi quelques réflexions sur les élections fédérales du 13 juin prochain.

L’introuvable espace public belge

Force est de constater que les thèmes centraux de la terne campagne électorale que nous vivons sont considérablement différents entre les trois Régions. Si les institutions ne sont pas encore « confédérales », le pays lui l’est déjà clairement et les résultats qui sortiront des urnes le démontreront amplement. Ce n’est bien sûr pas un phénomène typiquement belge, toutes les nations modernes connaissent ces variations régionales, mais il n’en demeure pas moins qu’un espace public de débat et de délibération subsiste et que les organisations politiques y sont, pour l’essentiel, nationales. Malgré l’importance de ses communautés historiques (Catalogne, Galice, Euskadi) il reste un espace public espagnol, même chose pour le Royaume-Uni. En dépit des efforts de nombreux médias (RTBF-VRT, Le Soir-De Standaard), force est de constater que l’espace public belge poursuit sa disparition progressive, le paradoxe étant que cet effacement est la condition même de sa subsistance. Pourquoi nier l’évidence ? Wallons, Flamands et Bruxellois continuent à cohabiter au sein d’un même Etat tout simplement parce qu’ils ne se connaissent peu ou pas: sans une ignorance commune et réciproque de « l’autre », la Belgique n’en aurait plus pour longtemps… Les efforts pathétiques de certains afin d’assurer la survie du sentiment belge sont en fait le moyen le plus certain de mettre en danger l’Etat belge. Dans ce contexte, il n’est donc guère étonnant que tous nos gouvernants et les citoyens s’attendent à un approfondissement marqué du transfert des compétences de l’Etat fédéral vers les entités fédérées, c’est même l’un des rares points d’accord entre les principaux partis politiques en présence.

Un fait majeur : le déclin de la famille politique « chrétienne » en Flandre

France Maurain a clairement montré que le fait marquant des élections sera le déclin historique de la famille politique « chrétienne » en Flandre, je n’y reviens donc pas. Mais il y a une autre question à se poser. Pour la première fois de son histoire, la partie démographiquement la plus importante va se choisir comme premier parti la NVA soit une famille politique qui a depuis longtemps (1918 ?) pour ambition la disparition de l’Etat qu’elle va peut être devoir gouverner, le système belge pourra-t-il y survivre ? C’est probable mais à condition que le transfert de compétences déjà évoqué soit concrétisé avant la fin de l’année 2010. Il est à noter que la menace flamande ne fait guère trembler la population wallonne, les propos du type « si les Flamands veulent s’en aller, qu’ils s’en aillent » sont de plus en plus fréquents, ce qui évidemment m’amène à poser la question suivante : quel est l’intérêt pour les citoyens de conserver un Etat commun ? Merci de ne pas avoir répondu la famille royale, mais le fait est que je ne vois guère autre chose que notre système de sécurité sociale toujours relativement accessible à tous, ceci est loin d’être négligeable ! Ces élections tournent à vide car elles sont au fond purement rhétoriques, je dois constater la différence avec la campagne assez dure des élections wallonnes de 2009, tous les arguments ou oppositions y ont déjà été débattus, indice supplémentaire du caractère déjà largement confédéral de la société. C’est bien au niveau des espaces publics wallon, flamand et bruxellois que les grands débats politiques ont lieu et se concrétisent, ce n’est plus le cas qu’à la marge pour qui concerne le niveau « national ».

Les coalitions possibles

En bonne logique « confédérale », il est probable que le futur gouvernement fédéral reprendra en son sein les coalitions en place au niveau régional, soit du côté flamand NVA, CD&V et SPa, du côté wallon PS, Ecolo et CDH. Il faut toutefois prendre en considération deux autres éléments, une coalition de deux partis est suffisante pour obtenir une majorité au sein du groupe linguistique français de la Chambre et du Sénat. Ensuite, le MR, grâce au poids du FDF, va demeurer le premier parti de la Région bruxelloise, je doute que le PS, premier parti wallon, souhaite s’embarquer dans le chaudron fédéral avec son corrolaire inévitable de renonciations douloureuses en prenant le risque de laisser le MR dans l’opposition. Le PS pourrait donc être amené à « sacrifier » soit le CDH, soit Ecolo, choix difficile, mais je pencherais plutôt pour le maintien d’Ecolo dans l’opposition. Une fois de plus, le CDH, quatrième parti de Wallonie en terme électoral risque donc de se retrouver dans une coalition gouvernementale, curieuse transposition du choix des électeurs wallons ! J’aimerais enfin terminer en évoquant le fait que, en dépit de nombreuses déclarations faites l’année passée sur leur volonté de siéger au Parlement wallon, de nombreux hommes et femmes politiques sont candidats à ces élections fédérales souvent en place éligible. Comme l’évoquait il y a peu la carte blanche sur la « présidentocratie », cela aura pour conséquence soit l’arrivée à Namur d’une nouvelle fournée de suppléants suite au départ des heureux élus vers la Chambre ou le Sénat ou bien ceux qui vont être élus ne siégeront pas dans ces deux dernières institutions. Il y a là quelque chose de profondément insatisfaisant du point de vue démocratique et éthique, je ne peux évidemment que le déplorer.