Note sur la nation catalane

Toudi mensuel n°70, janvier-février-mars 2006

On sait les hésitations sur la nation de « nation » dans un pays comme la Wallonie. Il n'en, va pas de même au Québec où l'Assemblée nationale a voté le 30 octobre 2003 une résolution selon laquelle « le Québec est une nation ». Est-ce le fait d'un autre continent qui, comme le dirait Ulf Hedtoft n'a pas été « blessé par deux guerres mondiales ?1

Mais, sur le continent européen, Artur Mas, leader de la coalition catalane Convergence et Union et José Luis Rodriguez Zapatero chef du gouvernement espagnol ont déclaré le 22 janvier dernier être parvenus, à un accord de principe sur le statut de la Catalogne qui serait reconnue comme nation au sein du royaume espagnol.

Le Parlement catalan, à Barcelone, l'automne dernier, ; à l'instar du parlement québécois en octobre 2003, avait demandé cette reconnaissance. Pour être effectif, ce statut doit être approuvé par le Parlement espagnol, à Madrid. Maintenant, il semble que la chose soit possible. La différence d'avec le Québec est le fait que c'est maintenant un fait qui sera reconnu par l'Espagne.

Les Catalans comptent exerceront ainsi les pleins pouvoirs en matière d'éducation, de culture, de justice et de fiscalité. L'accord comporte aussi une reconnaissance pleine et entière du catalan comme langue nationale.

«C'est un immense pas en avant pour la Catalogne, sans que l'unité de l'Espagne soit remise en question.» a déclaré le leader nationaliste catalan de Convergencia i Unio (CiU). La Catalogne compte 6,3 millions d'habitants. La Catalogne gérera désormais la moitié de la TVA et de l'impôt sur le revenu (contre 35 % actuellement) soit une augmentation du budget catalan de 4 milliards d'€.

Le chef du gouvernement espagnol Zapatero est partisan d'une Espagne plus fédérale et plurinationale et cela à l'encontre de la droite du Parti populaire.

Le nationalisme catalan a des racines très anciennes que l'on pourrait comparer à celles du nationalisme écossais, dans la mesure où l'autonomie de la Catalogne a cessé d'exister également au début du 18e siècle, tandis qu'un mouvement nationaliste y naissait dans la première moitié du 19e siècle. C'est la République et le Front Populaire qui ont accordé une première fois l'autonomie au Pays Basque et à la Catalogne en 1936, statut catalan supprimé par la victoire des armées franquistes et l'entrée du général Franco à Barcelone en 1939 où il y interdit l'usage du catalan chez les fonctionnaires et dans les conversations téléphoniques. La Catalogne a rétabli son autonomie en 1977 et a depuis, graduellement, augmenté ses compétences.

La Catalogne est une région riche d'Espagne dont la position pourrait être comparée à celle de la Flandre. Bien que la Flandre, elle, ne parle pas précisément de nation flamande, du moins officiellement (ce qui a été le cas de la Volksunie qui parlait d'une nation flamande et d'une nation française de Belgique).

Somme toute, la Catalogne vient de gagner sur deux tableaux, l'argent et les symboles, dont l'importance peut être considérée comme également grandes. Même si quelqu'un comme Michel Seymour considère le fédéralisme belge comme multinational, la qualité de nation, reconnue à la Flandre, est niée pour ce qui concerne la Wallonie, notamment par certains réunionistes. Le fait que les deux Manifestes wallon ait insisté pour que la culture wallonne soit reconnue apparente cependant la démarche wallonne à du nationalisme, mot sur lequel le mouvement wallon hésite depuis très longtemps, notamment en 1945. Certes, le « Congrès wallon » de cette année a été effectivement et officiellement intitulé « Congrès national wallon », mais l'invitation à y participer contient les mots suivants : « Faut-il ajouter que le Congrès National wallon n'a rien de nationaliste ? Le nationalisme, quel qu'il soit, est chose étroite et périmée. On peut être fier d'appartenir à une Wallonie cohérente et homogène sans, pour cela, oublier les liens qui nous attachent aux peuples voisins et, en particulier, au peuple flamand. »

Dans le cas de la Catalogne, des sondages, sur plusieurs années, ont démontré qu'il existait un sentiment d'appartenance double, à l'Espagne et à la Catalogne, phénomène qu'on retrouve moins en Ecosse et encore moins au Québec. Stéphane Paquin, reproduit un tableau de trois sondages sur l'appartenance (Écosse, Québec, Catalogne). Le sondage écossais pose la question de savoir si les Écossais se sentent « seulement » écossais ou « plus écossais que britanniques ». Les deux mis ensemble cela atteint 88 %. En Catalogne cela atteint 27 % seulement. En Wallonie (sondage non repris chez Paquin mais dans Oser être wallon de 1998): 12 %. En Catalogne, à ces 27 % s'ajoutent, si l'on veut, les Catalans se sentant autant catalans qu'espagnols, soit 44%. En Wallonie ce pourcentage est quasiment le même : 44%. Ce qui fait en Catalogne un groupe de 71% assez disponibles à l'autonomie et en Wallonie un groupe de 55 à 56 %.

Je me sens

Seulement

D'abord

Les deux

+ can.,esp.,be.

Seult can.,esp.,be.

Ne sait pas







Québécois

16,8

30,1

33,3

12,3

6,8







Catalan

10

17

44

16

12

1







Wallon

1,8

9,5

43,6

24,7

17,6

2,2






Dans ces trois cas (Catalogne, Ecosse, Québec), l'idée nationale est en quelque sorte un échec dans la mesure où ces trois peuples ne sont pas encore parvenus à être des peuples souverains. Sauf à considérer que les modèles belge, espagnol et même britannique (pour l'Ecosse), tendent à instaurer une autre idée de « nation ».

  1. La revanche des petites nations (VLB, Québec, 2001)


  1. 1. Ulf Hedetoft, Nationalisme et Supranationalisme en Allemagne, Danemark et Grande-Bretagne in République n° 34, février 96).