Courts métrages d'animation

Toudi mensuel n°36-37, mars-avril 2001
1 April, 2010
Et Coboy liquida un mauvais cheval à l’aide d’un tour de cochon!

Ces histoires se passent nulle part, c’est à dire en Wallonie...
Si j’emprunte sans vergogne les premières lignes de la lettre collective envoyée au «Monde Diplomatique» (TOUDI n°34), c’est parce que celles-ci résument la saine entreprise de Vincent Patar et Stéphane Aubier, heureux créateurs des créatures d’une ménagerie animale et humaine peu communes. La sortie parisienne de sept courts métrages d’animation des terroristes précités permet d’apprécier, quitte à en avoir des points de côté, dix années de franche subversion du dessin animé pour enfants.
Cette collection nous révèle les plaisirs solitaires de nos deux caballeros, d’un coté, Aubier avec les aventures de la famille Baltus (St-Nicolas chez les Baltus et Les Baltus aux cirque: vu leur état, ils doivent passer leurs vacances à Tchernobyl) en papier découpé, aux prises avec un Saint-Nicolas tueur en série et un clown tortionnaire. Aubier reprend là, en quelque sorte, les choses où Terry Gilliam les avait laissées depuis la belle époque du Flying Circus des Monty Python. De son coté, Patar enrichit le bestiaire animé avec Babyroussa le babiroussa, curieux quadrupède vivant sur un îlot comprenant uniquement un palmier à tout faire (hélice de bateau ou d’avion, etc.).
Lorsqu’ils unissent leurs hilarants délires, cela donne les 4 -1es épisodes du Pic-pic André Choow d’André le mauvais cheval et de Picpic le cochon magik. André est un rouge bourrin, dans tous les sens du terme, ne pensant qu’à remplir sa panse de bières et à faire subir les pires avanies à son cow-boy de propriétaire, le bien nommé Coboy...
Chaque histoire commence par Coboy pleurant sur la tombe d’André, celui-ci ressuscite, fait à nouveau son bourrin et finit trucidé par Coboy, le tout s’achevant par un retour à la case départ. Picpic le cochon doit lui lutter contre toutes sortes d’importuns qui l’empêchent de s’adonner, dans la douce quiétude de sa maison, à diverses activités essentielles comme écouter un disque de Françoiz Breut. Ainsi un robot rappelant étrangement quelques dessins animés japonais vient saccager sa maison, mais Picpic est aussi doté de pouvoirs magiques qui lui permettront à l’aide de barrages et de la lune de transformer ce grossier robot en stylet de tourne-disques, oui, oui il faut le voir pour le croire...
Si les aventures d’André et de Coboy, personnages en couleurs, se déroulent dans des décors en noir et blanc, celles de Picpic sont toutes en couleurs, de préférence les couleurs chaudes. Pour ce qui est du style graphique, inutile de se tourner vers les Etats-Unis, le Japon ou les ex-pays de l’est (la Tchécoslovaquie en particulier), pour trouver des points de comparaison, les esprits paresseux ne pourront même pas invoquer une ligne claire à la Hergé, sorte de pilier du temple d’une certaine belgitude officielle. On est beaucoup plus proche de l’école de Marcinelle, dans l’esprit. Picpic André et leurs amis me rappellent Le Trombone illustré, supplément tellement subversif au journal de Spirou qu’il ne connut qu’une trentaine de numéros en 1978.
Emmené par Yvan Delporte et André Franquin, le «Trombone» vit notamment Jijé dessiner une version parodique des personnages de sa série «western», Jerry Spring, Franquin y lança quant à lui ses inoubliables idées noires. Pour être sûr d’éviter toute embourbement dans la belgitude, les voix d’André, Coboy et toutes les autres sont géographiquement bien délimitées, comme le dit Aubier: «on adore jouer avec les accents de Wallonie», il n’y a pas à dire, de ce point de vue, c’est un vrai festival, j’ai pu constater que l’hilarité des spectateurs parisiens ne cachait pas toujours une certaine perplexité, quelque chose comme: mais où parle-t-on le français de cette manière?
Pour votre information, presque partout où ces courts métrages furent présentés, ceux-ci trustèrent les récompenses, Picpic André a même reçu en 1995 un prix de la Communauté Française de Belgique, savait-elle vraiment ce qu’elle faisait?
Maintenant, relisez cette phrase «Tout cela ne fait pas une culture wallonne, tout au plus une culture produite par des wallons, parfois en Wallonie... « Au- delà des gesticulations et des bravades de certains, et de toute instrumentalisation nationaliste, une Région, une Nation ne vaut que par les créateurs qu’elle génère ou accueille.
À leur manière joyeusement bordélique, Vincent Patar et Stéphane Aubier (avec quelques autres auteurs) ont certainement oeuvré à l’apparition de la Wallonie sur la carte de l’imaginaire universel et ce à l’inverse d’innombrables sinistres personnages “ officiels ” si familiers des allées du pouvoir et des médias.
François André, un autre mauvais cheval rouge...
PS : Visitez aussi le site http://users.swing.be/skafot/picpic/