Flamands/Wallons, une différence permanente dans le mouvement ouvrier
Alfred Defuisseaux pour le 9 novembre 1890 aux anciens du Parti Socialiste Républicain :
Compagnons,
Le congrès du 14 septembre 1890 (NDR : du P0B auquel s'est rallié le Parti Socialiste Républicain des Defuisseaux, qui garde encore un semblant d'autonomie et aux militants duquel Defuisseaux adresse cette proclamation), a décidé qu'une dernière manifestation aura lieu le dimanche 9 novembre pour signifier à nos maîtres, la veille de la rentrée des Chambres, l'inflexible volonté du peuple qui veut le suffrage universel.
Pourquoi cette manifestation a-t-elle été décidée alors que dans notre pensée à tous, la manifestation du 10 août devait être la dernière?
Pourquoi? Parce que au sein du congrès, beaucoup de nos frères des Flandres ont dit que les Flandres n’étaient pas prêtes encore à la grève générale immédiate et ont demandé que cette suprême sommation soit faite au gouvernement avant d'en arriver à la grève générale.
Nous, vos délégués, nous qui avions reçu de vous tous le mandat rigoureux de voter la grève générale immédiate, nous avons cependant accédé à ce désir de nos frères des Flandres, parce que ceux-ci se sont engagés à nous suivre, coûte que coûte dans la grève générale si justice ne nous avait pas été faite immédiatement.
Il faut donc, Compagnons, que nous soyons debout le 9 novembre prochain. Il faut que tous, nous soyons aux chefs-lieux de nos arrondissements pour affirmer une dernière fois notre volonté
Il le faut!
Car, de quel droit oserons-nous demander à nos frères des Flandres l’exécution de leurs promesses si nous-mêmes, nous manquions à celle que nous avons faite?
Il le faut!
Car ce n'est qu'en donnant nous-mêmes l'exemple de la l’obéissance, de la discipline, que nous pourrons l'exiger des autres.
Il le faut!
Car si nos maîtres en voyant chez les travailleurs cette discipline admirable qui mobilise au premier appel leurs masses profondes... Qui sait si nos maîtres terrorisés ne nous accordent pas aujourd'hui, de bonne grâce, ce que demain nous pouvons prendre par la force?
Debout donc compagnons, debout le 9 novembre!
Et si ce jour, justice ne nous est pas rendue, nous nous adresserons alors notre suprême appel en vous disant :
Debout pour la grève générale!
Debout!
L'heure est venue de vaincre ou mourir
Après l'explosion de mars 1886 (grèves sauvages et insurrectionnelles réprimées au prix d'une véritable "campagne militaire" dit Pirenne), les socialistes du POB, écrit Freddy Joris, "s'emploient (...) à canaliser l’énergie formidable des masses wallonnes dans la propagande pour le suffrage universel (...) Ce n'est pas sans mal qu'ils parviendront à grouper définitivement dans leurs rangs le gros des travailleurs wallons décidés à lutter; beaucoup restent rétifs (...) La direction du parti devra encore faire face à une importante dissidence radicale: un tiers des sociétés affiliées, cinquante-six groupes (...) (la plupart hennuyers, dont tous ceux du Borinage) l'abandonnent en août pour former sous la conduite d'Alfred Defuisseaux un Parti Socialiste Républicain (...) Les scissionnaires sont résorbés dès 1889 (...) Pendant près d'un siècle, les différences de tempérament entre Flamands, Bruxellois et Wallons auront souvent l'occasion de se manifester au sein du POB puis du PSB (...) Elles datent des années mêmes de gestation et de formation des Partis Socialistes puis du Parti Ouvrier..."
(Freddy Joris in 1885-1985 Du Parti Ouvrier Belge au Parti Socialiste, Labor, BXL, 1985, p.38)