Livre Blanc pour la Wallonie (*)
Namur, capitale de la Wallonie, Mai 2009
Nous ne voulons plus que la Wallonie ressemble à un de ces monuments historiques qu'on a complètement nettoyé, brillant simulacre du passé, sans patine, sans traces.
Nous ne voulons plus de ce trop faible sentiment d'appartenance à une société wallonne incertaine chez ce citoyen fantôme souscrivant aveuglément à un soi-disant universalisme qui évite de se salir les mains au contact des faits historiques.
Nous ne voulons plus que cette surdité à l'histoire s'épuise dans la contemplation hébétée d'un temps vécu dans une sorte de présent perpétuel.
Ce livre blanc est l'aboutissement d'un long combat. Il y a plus de 25 ans, au plus fort d'une crise économique et sociale où faillit sombrer la Wallonie, quatre-vingts citoyens wallons signaient en 1983 un Manifeste pour la culture wallonne dans lequel ils réclamaient la reconnaissance de la Wallonie comme personnalité morale. Ils revendiquaient la prise en compte d'une culture wallonne qu'ils voyaient mal gérée par une autre entité que la Région, en l'occurrence la Communauté française de Belgique, et faisaient ainsi résonner un « Nous » collectif qui affirmait: « Sont de Wallonie sans réserve tous ceux qui vivent, travaillent dans l'espace wallon ».
Vingt ans plus tard, prenant acte de l'affermissement et de l'affirmation du pouvoir wallon dans un nombre sans cesse grandissant de compétences - les institutions wallonnes disposant des outils politiques et juridiques pour exercer tous les pouvoirs et compétences de la Communauté française -, un deuxième manifeste, Pour une Wallonie maîtresse de sa culture, de son éducation et de sa recherche, assorti d'une proposition de décret, fut déposé à Namur auprès du Président du Parlement wallon.
Le constat établi en 1983 demeurait inchangé pour les signataires de 2003 : les Wallonnes et les Wallons avaient eu le temps de mesurer au cours de ces deux décennies tout ce que la Communauté française de Belgique avait fait perdre à la Wallonie en matière de simple reconnaissance humaine. Cette même Communauté qui, bien que désargentée et ayant dû plusieurs fois solliciter financièrement la Wallonie et lui abandonner certaines de ses compétences, continue à s'accrocher à ce qui lui reste de pouvoir.
Le nouveau Manifeste concluait dès lors avec force que la Wallonie devait récupérer les compétences dont elle était privée, l'inexistence culturelle à laquelle on la condamnait se payant d'un lourd tribut : elle devait, par conséquent, sans délai, être responsable des politiques en matière de culture, d'enseignement, de recherche fondamentale et de médias publics.
Ce deuxième Manifeste fut l'un des signes avant-coureurs de l'évolution des mentalités qui, tant en Wallonie qu'à Bruxelles, a conduit au cours des derniers mois à la reconnaissance de la primauté régionale. Jusqu'à la Résolution adoptée à l'unanimité par le Parlement wallon le 16 juillet 2008, en faveur d'un fédéralisme s'appuyant sur 3 Régions, suivie deux jours plus tard par la Résolution du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.
Dans un manifeste intitulé « Nous existons », des citoyens bruxellois de toutes langues et de toutes provenances avaient revendiqué fin 2006 pour leur Région la place devant être la sienne sur la scène belge et européenne. Creuset multiculturel, elle entend aujourd'hui être une communauté de destin.
Cette prise de parole bruxelloise a offert l'occasion d'une discussion franche entre Wallons et Bruxellois. Le fédéralisme belge, pensé depuis un siècle et mis en œuvre depuis presque 40 ans, produit très élaboré issu de la rencontre des aspirations culturelles flamandes et des revendications socio-économiques wallonnes, est assurément aujourd'hui un système mûr. Mais ce fédéralisme-là, dans son expression bicommunautaire, a étouffé Bruxelles dans un carcan, et a donné à l'identité linguistique un rôle peu compatible avec le caractère cosmopolite de nos sociétés ; surtout, il a fait que les flux culturels ont été orientés par des forces qui n'ont servi ni Bruxelles ni la Wallonie.
Dans le mouvement de réappropriation que vivent les Régions et la Communauté germanophone, et dans le travail de redressement de la Wallonie, la culture doit donc jouer un rôle capital. Cette dernière ne doit pas appréhender la Wallonie comme une essence, mais bien comme une société dotée d'une histoire, vivant un présent, et se projetant dans l'avenir. Une société où vivent et travaillent des hommes et des femmes ne se définissant pas uniquement par leur seule mémoire, mais aussi par leurs projets.
Le 29 février 2008 à Namur, des citoyennes et citoyens de Wallonie, issus des milieux associatif, culturel, syndical, social, économique et politique, militants du Mouvement wallon et acteurs de notre société dans sa diversité, réunis à titre individuel ou comme représentants de divers groupements, ont adopté une Déclaration pour un projet politique mobilisateur de la société wallonne. Celle-ci réaffirmait la nécessité de mettre les institutions en phase avec la réalité de la population de l'Etat Belgique en permettant l'épanouissement de la Flandre, de la Wallonie, de Bruxelles et de la Communauté germanophone, chacune avec son identité propre, et en particulier, pour la Wallonie, la maîtrise et la gestion de compétences culturelles au sens large comme l'enseignement, la recherche, les politiques culturelle, sportive, d'aide à la jeunesse, audiovisuelle et d'aide à la presse. Étaient aussi consacrés par cette déclaration la poursuite et l'approfondissement de la primauté régionale, en assurant le transfert de compétences de la Communauté française, avec les moyens y afférents, vers la Wallonie et Bruxelles, tout en maintenant une solidarité entre ces deux Régions.
Nous avons réfléchi ensemble à la suite que nous voulions donner à cet événement et un groupe de travail s'est mis en place pour élaborer un Livre blanc mettant en évidence, de manière pragmatique, des solutions dans les domaines politiques que sont la culture, les médias, l'enseignement y compris de niveau supérieur et universitaire, les matières sociales et les relations internationales, domaines de compétences offrant la possibilité d'une meilleure gestion de celles-ci au bénéfice des citoyennes et citoyens de Wallonie (et de Bruxelles).
A l'occasion des Fêtes de Wallonie, nous avons présenté lors d'une conférence de presse le 16 septembre 2008 à Namur un premier état intermédiaire de nos travaux en cours, sous le titre Livre blanc pour la Wallonie - Phase I, avec 5 chapitres spécifiques correspondant aux compétences dont l'exercice par la Wallonie et Bruxelles est réclamé (culture ; enseignement ; accueil de l'enfance et autres matières personnalisables ; audiovisuel public ; relations internationales et coopération au développement).
Aujourd'hui, nous diffusons une version amplifiée de ce Livre blanc, comportant 4 nouveaux chapitres présentant nos réflexions et propositions sur la culture, les langues endogènes, le territoire et la gouvernance régionale (chapitres marqués d'un *) :
1. Culture et citoyenneté en Wallonie
2. Implications politiques d'une approche globale de la culture en Wallonie (*)
3. Pourquoi et comment il faut régionaliser l'enseignement
4. Un nouveau paysage audiovisuel public : pour une télévision « de Wallonie et de Bruxelles » ; pour des radios wallonnes, bruxelloises et « de Wallonie et de Bruxelles »
5. Pour la promotion des langues endogènes de Wallonie (*)
6. Pour une régionalisation de l'accueil de l'enfance et des autres matières personnalisables
7. Le territoire wallon : un capital à gérer pour maîtriser le devenir wallon (*)
8. Trois propositions concrètes pour une amélioration du fonctionnement de la Région wallonne (*)
9. Promouvoir la Wallonie sur la scène européenne et mondiale
10. Conclusion
A un mois des élections régionales, à l'heure où des négociations institutionnelles se préparent, à l'heure où certaines forces politiques, affichées initialement « demanderesses de rien », semblent à présent se réfugier dans l'exutoire de réflexes fusionnels entre Communauté française et Régions, le présent Livre blanc pour la Wallonie en appelle à l'imagination de tous nos dirigeants et représentants : qu'ils soient conscients qu'il est de l'intérêt des Wallons comme des Bruxellois de se doter des instruments politiques et institutionnels qui garantiront leur avenir. Il est grand temps de laisser pour de bon derrière nous un État-Belgique où deux Communautés se font face, afin de permettre aux 3 Régions de s'épanouir, chacune avec son identité propre et des institutions efficaces et simplifiées, et ce, de manière durable, et en authentique bonne intelligence réciproque.
François ANDRÉ (Politologue ; Mouvement du Manifeste wallon ; revue Toudi)
Francis BISMANS (Professeur et militant politique)
Thierry BODSON (Syndicaliste)
Robert COLLIGNON (Juriste ; ancien Ministre-Président de la Région wallonne)
Raymond COUMONT (Syndicaliste)
Jean-Maurice DEHOUSSE (Ancien Ministre-Président de la Région Wallonne ; ancien Bourgmestre de Liège)
(opposé à la proposition de remplacement des provinces par des circonscriptions subrégionales page 38)
Jacques DUPONT (Wallonie Libre ; Comité wallon d'Action pour les Relations extérieures (CWARE))
José FONTAINE (Docteur en philosophie, Directeur de la revue Toudi)
Michel GIGOT (Vice-Président du Mouvement du Manifeste wallon ; CWARE)
Christophe HAVEAUX (Chargé de communication ; revue Toudi)
Jean-Pol HIERNAUX (Fonctionnaire)
Philippe HUBERT (Militant wallon)
Jean-Émile HUMBLET (Professeur émérite ; Sénateur e.r. ; CWARE)
Jean-Pierre LAHAYE (Club Walco)
Janine LARUELLE (Secrétaire du Mouvement du Manifeste wallon)
Daniel LAURENT (Mouvement socialiste)
Jean LOUVET (Président du Mouvement du Manifeste wallon)
Christian NAPEN (Conseiller politique)
Jean-Pierre NOSSENT (Militant wallon)
Jean PIROTTE (Historien ; Président de la Fondation wallonne P.M. et J.F. Humblet)
Daniel RICHARD (Syndicaliste)
Annette ROBYNS (Militante wallonne)
Annick THYRÉ (Syndicaliste)
Laurent VANDAMME (Wallonie Libre ; CWARE)
Jean-Claude VANDERMEEREN (Syndicaliste)
Yves WÉZEL (Économiste)
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Editeur responsable : Jean LOUVET (jean.louvet@scarlet.be)
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