Chapitre IV: Sens "familial" des monarchies et insignifiance belge
La monarchie a un pouvoir symbolique et un pouvoir réel. Ce pouvoir symbolique et ce pouvoir réel sont attentatoires à notre dignité de citoyens, sont contradictoires avec l'idée de démocratie. Cependant, beaucoup pensent que le temps viendra, à lui tout seul, à bout de la monarchie. Cette conception moderniste est à combattre car elle fausse le débat en faisant croire que la question de la monarchie est secondaire, ce qui est, précisément, l'idée grâce à laquelle la monarchie se maintient. Souvenons-nous de la réflexion, sous forme de boutade, que faisait François Perin au congrès du MPW du 19 novembre 1961: « Un Souverain déchu a dit un jour qu'en l'an 2000, il n'y aurait bientôt plus que cinq monarques: le roi de Coeur, le roi de Carreau, le roi de Trèfle, le roi de Pique et le roi d'Angleterre. « 1 Perin traduisait là un sentiment largement partagé par l'opinion. Par cette boutade, une question essentielle était évacuée. Ceux qui, malgré tout, continuaient d'être préoccupés par la question, n'avaient qu'à faire confiance à la succession des années... Or, la monarchie continue d'empêcher le développement en Wallonie d'un esprit civique, d'un esprit républicain. Nous venons de le montrer à partir du phénomène culturel des identités en Belgique et à partir d'une méditation sur l'oeuvre de Bourdieu et celle d'Habermas. Nous voudrions cette fois tenter de comprendre encore mieux comment toute la société belge peut être imprégnée de l'esprit monarchique, à un tel point que celui-ci pourrait même subsister à la disparition de la Belgique. Nous le ferons à partir des réflexions de Boltanski et Thévenot dans De la justification 2.
La monarchie est moderne
Il est possible de montrer, à partir de ces deux auteurs, que la monarchie reste assurée de l'avenir. Selon Boltanski et Thévenot, les sociétés modernes sont à plusieurs dimensions, comme si elles contenaient, en elles-mêmes, plusieurs sociétés (qu'ils appellent des « Cités »). L'une de ces « Cités », dite « domestique », est régie par le système de valeurs qui régule les relations à l'intérieur des familles, mais transposé à la société tout entière. Il y a aussi une « Cité » régie par les valeurs de la compétence, dite « industrielle », une « Cité » régie par les valeurs du monde des affaires, dite « marchande », etc. Chaque fois, en dépit des inégalités (des revenus dans la « Cité » marchande, des rangs dans la « Cité » domestique, etc.), les règles des Cités justifient les conduites des hommes et en disent les logiques. Les inégalités sont tolérables si elles ne le sont pas par essence (comme dans le racisme), mais fonctionnelles: lorsque le « grand » ne l'est que pour servir le « petit » (exemple simple: l'expérience du plus âgé (« grand ») sert le plus jeune (« petit »)). La « Cité » marchande a ses règles chez Adam Smith, la « Cité » industrielle chez Saint-Simon, etc. Boltanski et Thévenot relient chaque fois une grande pensée de la société à un manuel pratique contemporain: des cours pratiques de commerce à Adam Smith par exemple.
Le système de valeurs de la « Cité » domestique s'apparente, lui, étroitement, à la théorisation très réussie de la monarchie ancienne chez Bossuet et cette théorisation, apparemment très éloignée de nous, se retrouve - presque mot pour mot, mais transposée -, dans un manuel contemporain de savoir-vivre à l'usage des cadres supérieurs. Cette « Cité domestique », en Belgique, a son ancrage dans la monarchie. Ainsi liée à une « Cité » moderne, la monarchie se fonde sur des réflexes individuels et collectifs très profonds et très actuels, ce qui peut lui donner un visage d'avenir. La monarchie, comme « Cité », pourrait donc même survivre à la fin de la Belgique et même à sa propre disparition, non pas comme institution formelle ni même à travers des « camelots du roi » nostalgiques mais dans les structures mêmes des mentalités collectives. En outre, 1) La monarchie belge est perçue comme ce qui garantit les institutions démocratiques, 2) elle figure l'unité belge par-delà la dualité nationale, 3) à l'heure où la souveraineté populaire ne se manifeste plus seulement dans les institutions, mais aussi dans l'associatif, la monarchie se fait oublier comme institution (elle est aussi un individu), et se fond dans l'associatif et le postétatique (Fondation Roi Baudouin). Le roi agit aussi de manière très "domestique" comme ombudsman (10.000 requêtes par an dont 25 % dans le Hainaut) 3 , et conquiert l'affection du nombre grandissant de déshérités et de personnes en situation précaire. Ces gens deviendront la clientèle de la monarchie qui pourrait être plus nombreuse que celle des partis car, en cette matière, où l'influence, les relations, comptent plus que le pouvoir au sens strict, qui pourrait bien avoir le bras aussi "long" que le roi? Le roi, représentation solennelle de l'Etat, c'est donc aussi la chaleur de la vie associative ou familiale. Il est associé aux performances du monde scientifique, aux talents du monde artistique, au labeur du monde des affaires, aux peines des petits... La monarchie est une grandeur dans toutes les « Cités » dont parlent Boltanski et Thévenot. Sur l'échiquier politique cette « pièce qui compte » 4 (J.Stengers), imprègne, focalise, noyaute donc tout. Sociologiquement et symboliquement. La monarchie, c'est la question politique FONDAMENTALE.
La monarchie, expression caricaturale de l'esprit belge
L'attachement à un pays c'est l'attachement à son système de gouvernement (Montaigne et Habermas se font écho). Pièce centrale de nos institutions, la monarchie ne connaît aucun discrédit. Beaucoup de « simples citoyens » confondent d'ailleurs appartenance à la Belgique et attachement au roi. Les gens qui se croient malins (ou qui sont riches) le dédaignent. Et cependant, les plus importants politiques et observateurs (Martens, Delpérée...) accordent au roi une importance primordiale. Mettre en cause la Belgique ne fait pas courir de risques aussi importants que mettre en cause la monarchie car la monarchie est perçue - voilà le paradoxe! -, comme plus importante que la Belgique.
En France, on parle d'Etat (s'il s'agit de construire des routes), de démocratie et... de France. Mais quand il s'agit, à la fois, de démocratie, d'Etat, de France, on dit : « la République ». La République, c'est le contrat passé entre un peuple et une idée, entre la France et les droits de l'homme. Si ce contrat est violé, les meilleurs le ressentent comme une insulte, tant à l'Humanité qu'à la patrie. Il y a là toute une culture politique. Nous en sommes privés. Il ne s'agit nullement ici de francolâtrie. Nous partirions même de l'hypothèse que les Français respectent moins bien que nous les Droits de l'Homme. Mais le fait que Wallonie ou Belgique, en leurs représentations, ne s'articulent pas vraiment ni avec le Droit et les Idéaux, ni avec ces représentations du Droit et de l'Idéal, empêche que l'on puisse ressentir tout uniment, ici aussi, l'amour d'une communauté particulière et la visée de l'Universel, les manquements à l'amour du pays et les manquements à la Justice. Alors, soit positivement, soit négativement, nous n'assumons rien. Le Droit, les Idéaux, c'est la monarchie qui les incarne à un niveau de dignité égal à celui de la République, mais inaccessible aux Belges, aux Belges pris comme collectivité, comme Nation. Le positif de la monarchie, nous ne nous l'approprions pas. Quant au négatif - génocides congolais d'avant 1900, complaisances fascisantes de 1940, pour se limiter à ces exemples -, c'est attribué aussi à la monarchie. Nous ne nous approprions ni le positif ni le négatif. On ne se lassera pas de relire Trotsky: « En politique, les Belges ne sont ni de droite ni de gauche, ni progressistes, ni réactionnaires, ni nationalistes ni internationalistes : ils sont belgifiés. » Le Soir du 26/2/93 y faisait étrangement, très étrangement, écho sans que son auteur s'en rende compte: « Je ne suis ni francolâtre ni néerlandophile, ni wallingant ni flamingant, ni d'extrême droite ni d'extrême gauche, ni unitariste ni séparatiste, ni fédéraliste ni confédéraliste, ni nationaliste ni rattachiste... je suis belge. » (« carte blanche » signée J. Vanden Abeele).
La comparaison entre les mérites respectifs de la République en France et de la monarchie en Belgique, du point de vue de la démocratie, est trop souvent faite à l'avantage de la Belgique pour que nous n'en disions pas un mot. A notre sens, cette comparaison est difficile. D'abord, la France et la Belgique sont deux Etats démocratiques d'un même continent développé. Ensuite, la France n'est pas la seule République. Enfin, on ne peut juger un régime au vu de ses seules réalisations. L'important, c'est l'avenir. Il faut voir quelles ressources de sens, de rénovation, de résistance se logent au coeur d'un peuple en fonction du régime qui est le sien et, au-delà, du "principe" (Montesquieu désigne par là, non pas une abstraction, mais un faisceau de motivations implantées profondément dans le corps social), qui le meut. La République, non comme régime mais comme ressources de sens, appelle au dépassement, cela n'est pas niable, la monarchie certainement pas. Régis Debray l'a bien montré.
La République « intérieure »
Debray 5 distingue « République » et « Démocratie »: les « Démocraties » n'organisent pas de cours de philosophie en humanités, placent, dans l'ordre protocolaire ou symbolique, les cardinaux avant les recteurs d'Université, les chanteurs et les hommes d'affaires avant les écrivains et les professeurs. En République, "on a besoin d'admirer" tandis que, en « Démocratie », « ce qui rabaisse rassure » 6 . La Belgique est une Démocratie...
« La République est intérieure », dit encore Debray. L'abolition de la monarchie ou de la Belgique ne nous apportera pas automatiquement la République. De la même façon, la régionalisation de la RTBF ou de la Communauté française de Belgique ne forge pas du même coup l'identité wallonne. Le <a href= http://www.larevuetoudi.org/fr/story/manifeste-pour-la-culture-wallonne-1983>Manifeste pour la culture wallonne</a> n'évoque pas la République 7 Sans elle, pourtant, nous allons tout droit à une simple substitution de Namur à Bruxelles, de l'étiquette wallonne à l'étiquette belge. Avec la République, nous pourrions inaugurer une nouvelle ère. On n'en a jamais fini de savoir tout ce que la République implique.
La France républicaine a désiré son indépendance en Europe et l'indépendance de l'Europe. Le rêve d'une Europe supranationale (soumise aux USA), s'est nourri du ressentiment belge devant la « grandeur » (la « grandeur », ici, est étrangère aux dimensions matérielles d'un pays). Ce ressentiment fut bien exprimé par un Théo Lefèvre qui, dans les années 60, se réjouissait de cette supranationalité dont il escomptait qu'elle allait rendre tout le monde « petit », à l'instar de la Belgique. L'Europe des Patries, au contraire, rapprochant les nations les unes des autres, les grandit, et, d'abord, la France, l'Allemagne. L'Europe des patries conduit, non à une fade Europe « sociale », mais à la préséance souveraine de la politique et de la solidarité sur le marché, à la préséance de la culture et de la civilisation sur la bureaucratie. Pour que la Wallonie soit reconnue dans une pareille Europe, il faut qu'elle fasse oublier la Belgique, en tant que cette Belgique est liée intimement à l'existence même de la monarchie.
L'insignifiance « familiale » de la société belge l'empêche de poser le problème de la monarchie
Curieusement, une étude sur le chômage au Borinage ou la pollution de la Haute- Meuse n'attire pas cette réflexion qu'attire une étude sur la monarchie: "Il y a des problèmes plus urgents ou plus importants". Bien qu'il montre un roi disposant d'un énorme pouvoir informel en Belgique, le volume Les faces cachées de la monarchie belge, malgré son grand succès, n'a rien résolu à cet égard.
Il faut partir de cet échec. La monarchie, en Belgique et pour la société belge, a fini par nous contaminer tous et nous contraindre à respecter le tabou qu'elle représente, mais aussi le tabou tout entier de l'Etat ou de la société qu'elle représente. Il y a les critiques de droite qui sont finalement analogues aux critiques de gauche (sur le non-pouvoir prétendu de la monarchie en Belgique), ou à cette étrange remarque du journal Le Monde (4 Mai 92), lors d'une crise politique dans son pays au printemps 92 à propos du roi de Thaïlande: « Il est d'autant plus populaire qu'il n'a pas de pouvoir ». La monarchie n'est pas « dépassée » comme la marine à voile ou les diligences, dans l'esprit où s'exprimait F. Perin il y a maintenant 30 ans, et rappelé au début de ce chapitre. Il y a une modernité des monarchies: sur les 15 pays de l'Union européenne, il y a sept monarchies. Ce n'est pas une modernité de fait: il y a, en plus, une rationalité de la monarchie. Il faut revenir ici à Boltanski et Thévenot.
« Toute la force est transportée au magistrat souverain, chacun l'affermit au préjudice de la sienne (...) On y gagne; car on retrouve en la personne de ce suprême magistrat plus de force qu'on en a quitté pour l'autoriser, puisqu'on y retrouve toute la force de la nation réunie ensemble pour nous secourir. » 8 , écrivait Bossuet dans un ouvrage rédigé entre 1670 et 1680, et qui représente une magnifique théorisation de l'idée de monarchie absolue, dont nous verrons l'actualité et la pertinence. L'ouvrage fut édité pour la première fois en 1709. On sent bien que Rousseau se pose la même question que Bossuet, qu'il a lu à coup sûr (le livre Du Contrat Social est édité pour la première fois en 1762, soit 53 ans plus tard seulement): « Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant. » 9. A cette association, dit Rousseau « on gagne (...) plus de force pour conserver ce qu'on a » 10. Chaque fois, il y a l'idée que le corps social tout entier garde une force. Tout, apparemment, oppose Rousseau et Bossuet. Au-delà du rapprochement formel des deux mots de force que je viens de faire, il y a quelque chose qui apparente Rousseau et Bossuet: c'est l'idée de souveraineté que garde le corps social, soit à travers sa propre souveraineté, soit à travers celle du roi absolu...
Pour Boltanski et Thévenot, rappelons-le, la société n'est pas homogène. Elle est faite de plusieurs mondes ou, comme ils le disent eux-mêmes, de plusieurs « Cités ». Ils estiment (et on pourrait montrer qu'ils sont dans la tradition du 18e siècle, autant celui de Rousseau que celui de Montesquieu), qu'il y a des Cités légitimes et d'autres qui ne le sont pas, une Cité où on admettrait par exemple le principe de l'eugénisme. Pour Boltanski et Thévenot, toutes les théories justificatrices des Cités - et ils se fondent notamment sur celles de Bossuet et de Rousseau - « ont en commun d'admettre une même définition de l'humanité, de sorte qu'elles s'accordent toutes sur la délimitation de l'ensemble des êtres humains et sur le principe suivant lequel, à l'intérieur de cet ensemble, tous les êtres humains sont aussi humains les uns que les autres »11 (ce qui est un démenti à Orwel et à son fameux mot: « tous les hommes sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres »).
La Belgique « foyer clos »
Ce que Boltanski et Thévenot veulent dire, c'est que dans chaque Cité (même si on le comprend moins pour la Cité civique, soit la Cité de Rousseau), s'il y a des « grands » et des « petits », la grandeur des « grands » n'est légitime que si elle sert les « petits ». C'est la thèse libérale, pour ce qui concerne le monde des affaires, ce que Boltanski et Thévenot appellent la Cité commerciale, la thèse libérale (non pas néo-libérale), que la richesse des riches, les investissements d'aujourd'hui sont les emplois de demain (thèse qui fut défendue d'ailleurs par le SPD allemand). Ce qu'il faut retenir de cela, c'est qu'il y a une rationalité de toutes les Cités évoquées par Boltanski et Thévenot et, notamment, ce qu'ils appellent la "Cité domestique" ou « familiale » qui est la Cité défendue par Bossuet et qui est, je pense, la Cité, la rationalité de la Cité, sur laquelle peut se fonder une monarchie. La Cité familiale, ce n'est pas la Cité de la sphère privée. Boltanski et Thévenot écrivent que le monde domestique ou la Cité familiale apparaissent « chaque fois que la recherche de ce qui est juste met l'accent sur les relations personnelles entre les gens ». Ce qui est juste se concrétise alors dans la confiance, la fidélité, la discrétion, le sens de la mesure, l'amitié, la simplicité etc. Mais ces qualités « familiales » sont en quelque sorte aussi, parce qu'elles fondent une société légitime, des qualités « civiques ».
Ceci permet de comprendre les réactions venant de personnes adhérant à la monarchie, comme Jean Stengers ou André Molitor. A propos de la fameuse règle du secret qui entoure le colloque singulier, Jean Stengers ou André Molitor réagissent de la même façon: violer ce secret, c'est être d'une certaine manière incivique. On le voit dans l'ouvrage d'André Molitor « Souvenirs ». Il y a deux moments où il refuse de faire quelque confidence que ce soit - et nous n'ironisons pas ici -, c'est à propos de ses rapports avec sa femme ou à propos de ses rapports avec le roi. La même discrétion vertueuse, civique si l'on veut. De même, Jean Stengers a des réticences vis-à-vis de la méthode des auteurs de De Kroon ontbloot 12, considérant que chercher à percer le secret de l'activité politique du roi est manquer à ses devoirs de citoyen.
Est-ce l'opinion de deux personnes seulement, aussi éminentes soient-elles? Nous ne le pensons pas. Stengers et Molitor ont bien des émules, parfois inconscients. La Cité domestique est une des Cités possibles et si l'on contrevient à ses requêtes, on s'attire des tas d'ennuis. La Cité familiale est une des plus importantes Cités, dans la mesure où nous naissons tous dans une famille (au sens strict cette fois-ci). Quel journaliste n'a rencontré des jeunes filles bien élevées considérant ce métier avec horreur, en songeant aux paparazzi, aux collecteurs de ragots qui fouillent la vie privée des vedettes ou des princes et princesses. Et nous aussi, cela nous dérange. C'est en cela que Stengers et Molitor sont exemplaires: nous sommes tous, en ce sens, que nous le voulions ou non, des monarchistes parce que, tous, nous avons du respect pour la Cité familiale, parce que, tous, nous adhérons à ses valeurs. Il n'est pas si facile que cela de faire admettre, même dans nos sociétés modernes, le droit de se révolter, de se fâcher, de s'emporter. Il n'est pas non plus si facile de faire admettre le droit à la curiosité, à l'indiscrétion même. La curiosité et l'indiscrétion vont en effet à l'encontre d'une manière de s'organiser en société qui est rationnelle, qui est légitime. C'est le moment de rappeler que Montesquieu, et même Rousseau, admettaient que la monarchie soit considérée comme un pouvoir légitime. D'ailleurs Rousseau - qui est sans doute l'auteur le plus mal lu des Français et des francophones en général -, n'est pas quelqu'un qui serait formellement pour la démocratie, en tant que régime politique immédiat en quelque sorte. Pour Rousseau, il n'y a de société que par un libre consentement (donc, en un sens, il n'y a de société que démocratique). Mais ce libre consentement, il y a plusieurs façons de le concrétiser: soit la démocratie (au sens de démocratie directe), soit l'aristocratie, soit la monarchie. Ce que Rousseau et Montesquieu rejettent, c'est le despotisme, et c'est, en partie, par un abus des mots, que les révolutionnaires français ont considéré la monarchie française comme un despotisme. En fait, la monarchie n'est jamais despotique. C'est un Etat de droit, même sous l'Ancien régime. Jacques Ellul remarque que toute monarchie est constitutionnelle 13
Cela peut paraître peu républicain de le dire? Qu'importe, nous n'avons pas besoin de croyances extrêmes, mais de vérité. Il faut s'efforcer de comprendre pourquoi la monarchie est au total si peu discutée chez nous (surtout), ou dans d'autres monarchies contemporaines. Si la monarchie est irrationnelle, en tout cas, ce n'est pas parce qu'elle consacre le principe d'hérédité - en effet on pourrait montrer ou du moins faire admettre, comme rationnel, ce fait que l'éducation peut faire beaucoup: un enfant élevé parmi les loups devient un loup, un prince qui reçoit une excellente éducation devient un excellent prince. Même si ce principe de l'hérédité nous heurte, il n'est pas la vraie irrationalité de la monarchie. On nous dira que ce principe s'oppose quand même à l'élection. Oui, mais l'élection constitue-t-elle le coeur du principe démocratique?
Rappelons-nous ce que Habermas dit de la démocratie, ce système où la décision politique est prise au cours de procédures où tout ce qui concerne cette décision à prendre peut être exposé sur la place publique et où la seule force (souvenons-nous que Rousseau et Bossuet employaient le mot « force ») est celle de l'argument meilleur (non pas le meilleur argument, mais celui qui s'accorde avec l'intérêt du plus grand nombre, en un sens très pragmatique chez Habermas). C'est vraiment l'argument meilleur au sens éthique d'un intérêt commun. C'est là - et là seulement -, qu'est l'imparable objection contre la monarchie, belge en particulier. Il est nécessaire que, dans une monarchie, une part - nous disons bien: une part -, du processus de la décision politique reste cachée et donc ne puisse être rendue publique. Cette part est-elle peu importante? Dans le cas de la Belgique, cette discrétion a été étendue, non seulement à la famille royale (ce qui est déjà un débordement), mais, véritablement, à toute la société: nous le verrons encore mieux dans le chapitre suivant à propos de la mise en abîme que la monarchie met en place. Nous avons rappelé le mot de Saint-Just: « Le silence règne autour des trônes ». Le silence règne dans toute la Belgique: absence de débat - par exemple sur Maastricht, ce qui est véritablement scandaleux -, au point que Hugues Dumont a pu écrire cette phrase extraordinaire qui concerne le référendum, mais qui va quand même au-delà: « La Belgique ne pourrait survivre s'il était permis de connaître sans contestation possible la teneur de son opinion publique sur des questions sensibles. » 14
Le fameux consensus belge sur l'Europe n'existe pas, mais il y a un tabou à respecter - et la monarchie représente ce tabou -, parce que tout le monde sait qu'au cas plus que probable où une opinion différente se manifestait, en Flandre et en Wallonie, sur cette question centrale de l'Europe, qui est de celle que l'on pose lors de référendums, la Belgique cesserait d'exister. Mais elle cesserait d'exister à l'occasion de n'importe quel référendum. Dumont écrit encore: « Quand un Etat qui se veut démocratique en arrive à déduire de ses principes constitutionnels que l'ignorance délibérée de l'opinion des citoyens est une condition de sa propre survie, il doit avoir le courage de se décider soit à changer, soit à disparaître. » 15
Cela ne fait pas de la Belgique un pays sans droit, ni de la monarchie quelque chose d'horrible et de dictatorial. Mais ce silence étouffe réellement tout débat en Belgique, ce qui rend ce pays aussi insupportable que les « foyers clos » d'André Gide. Il est dangereux de s'enfermer tout le temps dans le non-dit: il y a une combinaison entre la nécessaire discrétion familiale (au sens de Boltanski et Thévenot), qui entoure la monarchie, et la nécessaire discrétion familiale qui doit présider à la vie publique dans un Etat où il y a, en fait, deux nations, la Flandre et la Wallonie (sans oublier Bruxelles ni la communauté germanophone). La monarchie n'a rien d'horrible mais c'est une institution malsaine. Son caractère nocif vient s'ajouter à tous les déficits démocratiques contemporains.
Le déficit civique belge
L'essentiel de ce déficit démocratique belge, de ce déficit civique, c'est ce que Trotsky avait déjà bien décelé dans les années '30. Pour reprendre l'expression de Debray, en Belgique, « tout ce qui rabaisse rassure ». Telle est sans doute la clé du problème wallon et de celui de la République. Songeons à nouveau à la citation de Trotsky .
L'esprit belge - propension foncière, liée aux origines de la Belgique, à nier le phénomène « nation », vu son propre vide -, est partout. L'exiguïté du territoire belge sert de base naturelle à l'idéologie de la dénégation: tendance, longue et lourde dans l'histoire de nos états d'âme, à se refuser le statut de nation pour le réintroduire - par le biais -, comme celui d'un pays qui, n'étant que « sur le mode du n'être pas », n'aurait à assumer ni soi-même ni les autres. L'Etat-Nation n'a rien d'une nécessité naturelle, mais c'est une expérience historique incontournable dont, à vue humaine, il est impossible de prévoir la fin. Il a été le berceau de cette expérience de démocratie « étendue » (au double sens rappelé tantôt), depuis trois siècles si l'on part de l'Angleterre, depuis quatre, si l'on part de la Hollande. Peut-on négliger cette expérience? Si cette expérience de l'Humanité - dont nous ne sommes pas sortis -, ne peut servir de modèle à l'Europe, vers quel autre modèle nous tourner? Qui a bâti l'Europe telle que nous la connaissons et lui a imprimé ce dépassement du nationalisme (que Ferry appelle « identité postnationale » et dont nous parlerons au dernier chapitre)? La Belgique pense souvent l'Europe comme la chance d'échapper à ses responsabilités d'Etat-Nation. Et notamment, en rêvant d'une Europe des Régions où disparaîtraient les grandes nations. A supposer qu'elles le veuillent bien! Mais ce rêve envieux de supprimer les grands, n'a-t-il pas comme origine le fait que l'on se soit enfermé dans la petitesse? Le Danemark, entre plusieurs autres « petits » pays d'Europe, a les dimensions d'une « Région d'Europe ». Acceptera-t-il de perdre son statut d'Etat-Nation dans l'Europe de demain, comme l'Irlande, la Suède, la Norvège, le Portugal, la Grèce, l'Autriche, la Suisse, la Hollande... où l'on ne voit pas se dessiner de tendances très fortes à « accéder » à l'honneur d'être une « Région d'Europe »? Poser la question c'est y répondre.
Ainsi, par exemple, la souveraineté étatique et populaire - républicaine -, fatalement liée à l'idée nationale mais aussi postnationale de dépassement (et non de suppression), des Etats-Nations telle que nous l'appréhenderons chez Ferry, ne se relie pas facilement à une expérience authentique de la souveraineté en Belgique. Celle-ci n'a jamais été pleinement souveraine, à cause du statut de neutralité qui lui fut imposé en 1831, et cela jusqu'en 1920, date à laquelle elle commence à être travaillée par les forces de dissociation. De 1831 à 1920, sur le plan de la réalité de l'exercice du pouvoir politique, comme sur le plan des représentations symboliques (ce qui importe encore plus peut-être), l'Etat belge ne voit pas seulement sa souveraineté limitée de l'extérieur, mais aussi de l'intérieur, à cause du pouvoir des rois, qui font de la politique étrangère et de celle de la Défense nationale, leur domaine réservé. Ils se perçoivent - c'est peut-être surtout visible chez Albert Ier -, comme les commis prestigieux d'un Ordre européen imposé à leur royaume 16. Alors que la population, le Parlement, le gouvernement de la Belgique vivent le conflit de 1914 comme un conflit national, le roi - qui pèse alors plus que tout -, s'acquitte simplement du devoir européen de respecter les traités de 1831 vis-à-vis de la famille cosmopolitique des princes à laquelle il appartient. Cette distance à l'égard du nationalisme ambiant peut sembler l'honorer (et elle ménage les soldats au moins jusqu'à l'automne 1918). Mais elle renvoie à l'Europe féodale. Il y a des internationalismes plus dangereux que les nationalismes : chez ces résidus (alors encore en nombreuse compagnie) de l'Europe cosmopolitique et aristocratique que sont les monarques belges, la référence à des vues universalistes va de pair avec une sympathie pour les régimes autoritaires (chez Albert Ier) et pour les régimes fascistes (chez Léopold III) 17. L'impression que laisse la citation de Trotsky se vérifie à nouveau : la Belgique, notamment en raison de la tutelle royale, ne semble pas exister pour son compte, ni dans la guerre (ce qui l'honore illusoirement), ni dans la participation à la construction européenne. On n'a jamais vu qu'une Belgique élève-modèle des institutions internationales, mais modèle plus par manque de vision et de caractère que par générosité. La politique d'indépendance de 1936, conditionnée par la dualité belge, nous imposa un équilibre odieux entre l'Allemagne raciste et nazie et les nations démocratiques.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur les illusions fédéralistes de maints auteurs belges sur l'Europe, illusions fédéralistes que ne partage pas un Habermas qui se réfère même à l'Europe des patries chère au général de Gaulle, ce qui est l'injure suprême à l'esprit belge. Il ne s'agit pas de mettre en question une seconde le fédéralisme au nom d'un quelconque jacobinisme. Prétendre que le fédéralisme européen est une solution pour les minorités nationales ou pour faire coexister les nations, c'est s'aveugler sur le fait qu'il échoue, partout, là où il semble conçu pour résoudre ce problème: Québec, Erythrée, Croatie, Wallonie, Lituanie, Géorgie, Slovaquie, Catalogne,... la liste est interminable. Les Etats-Unis ou la RFA sont des Etats-Nations et ne sont pas multinationaux. Il faut être terriblement aveugle pour croire à la réussite d'une Europe fédérale: même la Suisse n'est pas la réussite qu'on s'imagine. Des Etats ou entités politiques unitaires réussissent peut-être même moins mal quand ils mettent en place une protection des minorités : Suédois de Finlande, Flamands de Bruxelles, Francophones de Louisiane...
La Belgique : haine de soi, haine des autres
Que ce soit en 1831 ou plus près de nous, que ce soit sous l'habillage de la philosophie 18 , des aspirations quotidiennes ou d'un projet politique, dogmatiquement qualifié de « moderne » par P-H Spaak et Th. Lefèbvre dans les années 60, la Belgique officielle a toujours pris parti pour une Europe supranationale. La Belgique des années 60 a rêvé de l'Europe comme de l'espace où s'annihilerait son problème de petit pays ne s'assumant pas comme nation. Le mot de Théo Lefèbvre à ses interlocuteurs français, "En Europe, il n'y a plus que des petits pays", est prononcé dans le contexte concret d'une Europe soumise aux diktats américains 19 qui en dit long sur le complexe belge (la France est « petite » pour cette raison, et sa servitude comme celle de l'Europe satisfait le ressentiment belge). La politique nucléaire, discutable comme toute politique de ce genre mais, surtout, d'indépendance de la France - et là, nous entrons dans le domaine d'une éthique républicaine qui, si elle doit être dépassée n'a pas été assez reconnue au moment même -, se justifie par ce refus du général Norstadt de répondre à de Gaulle, en septembre 1958, à propos de l'emplacement et des objectifs des engins nucléaires américains entreposés en France 20. Les partisans de l'Europe des Régions rêvent d'une Wallonie (à l'instar d'une Belgique si contente d'une Europe de « petits »!), où celle-ci n'aurait plus que des interlocuteurs à sa mesure (parce que régionaux). Et non plus des grands comme la France et l'Allemagne.
Il y a quelque chose de juste dans le fait de s'indigner, chez un « petit », des abus des « grands ». Mais voit-on pour cela le même complexe belge dans la manière d'être en Europe d'un pays comme le Danemark? Pas du tout. Gouvernements et citoyens du Danemark se comportent en Europe comme les responsables et les ressortissants d'une nation. Et bien d'autres « petits » pays. L'esprit belge est unique. Il consiste à ne pas admettre la grandeur. Faut-il vraiment viser à une Europe « substantielle », qui ne serait plus qu' « européenne », où ne subsisteraient finalement comme « différences », que des différences régionales, pour esquiver la petitesse de la Belgique (ou de la Wallonie car les ultra-régionalistes ne font que reconduire l'esprit belge) ? Observons la fascination de l'Allemagne sur la France et de la France sur l'Allemagne et voyons que l'Europe (comme pouvoir politique), n'est possible qu'en restant en deçà (et non supranationalement au-dessus), de ce dialogue. Alors les « petits »? Eh bien! il nous reste à méditer la leçon des grands - et nous avons cité l'Allemagne et la France mais ce n'est pas exclusif des autres nations -, dans l'esprit de Hegel : « L'homme libre n'est pas envieux, il admet volontiers ce qui est grand et se réjouit que cela puisse exister. » Puisque, définitivement, la Belgique est impossible, poussons la Wallonie à accepter ce qui est grand - et, d'abord, la France et l'Allemagne. Refusons une Europe supranationale. Faisons en sorte que la Wallonie soit la plus libre possible dans un arrangement confédéral avec la Flandre (n'excluant pas Bruxelles). Le fait d'être une nation ne repose pas sur la « grandeur » du territoire, des ressources etc. Etre une nation, c'est d'abord être soi, être capable de cette « reconnaissance de soi dans l'autre » dont Ferry fait la définition de l'identité reconstructive et de l'amour.
La Cité, la Cité vraie, celle qui n'a au-dessus d'elle-même que la nécessaire reconnaissance des autres, c'est la République. Non pas la République encore royale de 1870, mais la République, si l'on peut dire, toute simple, nourrie de la seule volonté d'être soi. En matière de petitesse (des ressources, de la culture, de la puissance, de l'expérience démocratique etc.), l'Albanie de Khadaré a tout à nous envier, sauf cette volonté d'être soi que nous appelons « république ». Par ressentiment d'être petits, certains veulent abaisser France et Allemagne (et tous les autres), sous les fourches caudines de l'Europe supranationale. Mais, si cette Europe se fait, alors, le dialogue des nations se rompt. Vouloir que se rompe ce dialogue, par dépit, parce qu'on n'est pas soi-même une nation, c'est cela l'esprit belge. Il faut le refuser. Il faut vouloir une Wallonie qui, comme nation, sera apte à vivre le dialogue des grandes cultures et la reconquête du progrès social que l'Europe de l'argent voudrait anéantir. Pour dire l'Europe avide de s'asservir au protectorat américain et angoissée par une menace soviétique - exagérée, ô combien! -, il fallait l'homme d'un « petit » pays habitué à une souveraineté limitée. Cet homme, ce fut le ministre des affaires étrangères du Royaume de Belgique, Paul-Henri Spaak, commis de l'impérialisme américain et, notamment, son fameux discours sur la peur qu'il qualifie lui-même de « grande audace » 21. Ce mot, le fait que la Belgique ait toujours fêté triomphalement Spaak lorsqu'il insistait sur notre « petitesse » (en 1964 à l'ONU encore, lors de l'évacuation des otages de Stanleyville), en dit long sur la corruption profonde de l'esprit civique dans le cadre de l'Etat monarchique. Cette corruption tue la Belgique comme « Cité », même s'il peut y avoir une « Cité » familiale. Car, dans toutes les sociétés, les « Cités » sont en concurrence et forment une sorte de polyphonie. Mais parce que la Belgique n'est plus qu'une grosse famille, le seul chant qu'elle fasse entendre, c'est le murmure de sa médiocrité geignarde. La Belgique est une famille aisée et « godiche ». Elle s'attire un mépris universel, elle le crée, elle l'appelle de tous ses voeux. La Wallonie n'existera jamais si elle ne s'en détache au plus vite.
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- 1. Philippe Destatte, Le mouvement wallon et la monarchie, in TOUDI n° 6, pages 113-19, p.118.
- 2. Luc Boltanski et Laurent Thévenot, De la justification, Les économies de la grandeur, Gallimard, Paris, 1991.
- 3. Le Vif-L'Express, mars 1993.
- 4. Jean Stengers, L'action du roi en Belgique depuis 1831, Duculot, Gembloux, 1992, p. 312.
- 5. Régis Debray, République ou démocratie, in Contrepoints, Gallimard, Paris, 1992, pages 15-54.
- 6. Ibidem, p. 34.
- 7. Texte de ce manifeste in TOUDI, n° 7, notamment.
- 8. (Bossuet, Politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte, cité par Boltanski et Thévenot, op. cit., p.122.
- 9. J.J. Rousseau, Du Contrat Social, Garnier, Paris, 1954, p.243.
- 10. Ibidem, p. 244.
- 11. ) Boltanski et Thévenot, op. cit., p. 96.
- 12. Dany Illegems, Jan Willems, De Kroon Ontbloot, Kritak, Leuven, 1991.
- 13. Dans l'article "Monarchie" de l'Encyclopaedia Universalis, édition de 1988.
- 14. H.Dumont, Etat, Nation et Constitution... in Belgitude et crise de l'Etat belge, Facultés St Louis, Bruxelles,1989, p.107.
- 15. Ibidem.
- 16. ) R.Devleeshouwer, Quelques questions sur l'histoire et la Belgique, in Critique Politique, Bruxelles mars-mai 1979, p. 24.
- 17. Populus, La monarchie survivra-t-elle à l'an 2000? in Les faces cachées de la monarchie belge, Contradictions/TOUDI, Walhain/ Quenast, 1991.
- 18. J. Lenoble et N. Dewandre (directeurs), L'Europe au soir du siècle, Esprit, Paris, 1992.
- 19. G. de Sélys, Alinéa 3, EPO, Bruxelles, 1993, où l'on cite M.Dumoulin, La Belgique et les débuts de la construction européenne. De la guerre au Traité de Rome, CIACO, Louvain, 1987, notamment les pages 161, 167, 171. Truman dicte certains articles de la CECA aux Européens via Monnet.
- 20. J.Lacouture, De Gaulle, Tome 3, Seuil, Paris, 1986, p.467.
- 21. (20) P-H Spaak, Combats inachevés, Tome I, Fayard, Paris, 1969, p. 216.