Mouvement wallon et Ecolos : le malentendu
Le Rassemblent wallon «représentant» le mouvement wallon pour obtenir le fédéralisme devait agir dans le cadre institutionnel social démocrate et capitaliste établi. Il devait donc le conserver, c'est-à-dire conserver le système de la représentation politique, c'est-à-dire de la prise de décision, d'exécution et d'analyse critique reposant sur le jeu majorité/minorité/opposition et sur les règles établies par le pacte social, c'est-à-dire l'abandon des perspectives de prises de décision politiques et même la participation à celles-ci par la population et les travailleurs (en compensation de quoi, elle obtenait la Sécurité sociale) et, au plan socioculturel, sur la délégation du pouvoir de toute décision et définition aux experts.
Le mouvement wallon ignore l'alternative écologiste/autogestionnaire
En face, les Écologistes inscrits dans la mouvance progressiste dite à l'époque «alternative», réclamaient eux la Participation. Non pas synonyme de «participation gouvernementale» comme actuellement, mais une option autogestionnaire. Cette perspective dépassait le jeu minorité/majorité classique pour l'établissement d'une méthode collective de la prise de décision. Cette option nécessitait un processus de transition élaboré à partir d'un système de pacte social, mais qui remettait cependant en question le système représentatif. Elle revendiquait aussi une autre organisation du travail. Ce que le Rassemblement wallon ne réclamait pas, estimant que le changement politique institutionnel suffirait à décider et à injecter un changement dans les décisions socio-économiques: obtenir la liberté des experts wallons bridés dans le cadre national belge. Il était donc impossible qu'une alliance se fasse entre ces deux courants politiques. Le Rassemblement wallon ayant besoin de ce que l'autre voulait dépasser. Un processus autogestionnaire enclenché aurait entamé le système représentatif et donc l'avancée fédéraliste wallonne.
Le mouvement progressiste alternatif ne parviendra pas à théoriser le processus de transition autogestionnaire ni à le réaliser. La «révolution culturelle» qui la soutenait est restée une intention. Les comportements psychosociaux des groupes et individus dans les luttes et les prises de décision n'ont pas donné les résultats escomptés. Ils ont réactivé les mécanismes pourtant dénoncés d'autorité/soumission, et ceux de recul après les réussites. Le Pouvoir réprimera durement et cassera l'élan participationniste partagé alors par une large couche de la population. (Le terrorisme, symptomatique de refus dans beaucoup de pays européens, les écrasements de luttes autogestionnaires en usine, l'abandon de l'éducation permanente, la liquidation par le marché et l'institution de l'art progressiste/contemporain pour l'unique voie contemporaine et patrimoniale sont autant de facettes de cette répression).
Les Écologistes ignorent l'enjeu autogestionnaire de la question wallonne
Le mouvement wallon, dans son besoin de maintenir le système représentatif pour parvenir à ses fins est obligé, involontairement ou inconsciemment peut-être, de soutenir cette répression. Il suffit de lire les projets culturels de celui-ci pour se rendre compte du peu de prise en compte de la question culturelle. Celle-ci, peu abordée déjà, reste étonnamment classique. Elle ne reprend en rien les ruptures et les propositions fondamentales de l'art progressiste/contemporain de 65-75. Logique! Le mouvement wallon respecte les règles du pacte social: l'accès à la culture pour tous est prôné, mais la production culturelle, elle, est réservée à l'élite des experts ou à sa copie dégénérée par le peuple.
Le mouvement wallon ne put alors que porter un nationalisme étroit au pouvoir, à l'aboutissement duquel nous assistons pour l'instant: le pouvoir sans partage, et sans besoin de démocratie, de la Technobureaucratie. Le mouvement progressiste alternatif, pour cette raison et à cause de cette perspective autoritaire qu'il avait bien perçue ne pouvait faire alliance avec le mouvement wallon. Par contre, ce qu'il n'avait pas compris ou intégré culturellement, alors que les analyses existaient concernant le développement contemporain du Capitalisme, c'est que les États-Nations devenaient des Entreprises. De ce fait, se vouloir wallon, c'était aussi se situer sans difficulté et sans contradiction dans la problématique autogestionnaire.
Tous oublient la lutte des classes
Dans un État-Nation/Entreprise, le citoyen devient travailleur et le travailleur citoyen. Redéfinir les règles de citoyenneté revient à redéfinir les règles du travail. Si on reste dans la logique du pacte social comme le fait le mouvement wallon, la sécurité sociale repose sur le lien de subordination au travail. Dès lors, le citoyen devenu travailleur est subordonné aux représentants politiques, comme les ouvriers le sont aux patrons. Le représentant politique ne représente plus le citoyen. Il est l'Autorité pure et simple.
Pour sa grande part, le mouvement wallon a été repris ou relayé par le PS. Il est intéressant de noter que celui-ci, dans les années 80, abandonne officiellement la référence à la lutte des classes. Le mouvement écologiste de son côté va devenir un parti qui ne se réfère pas à la lutte des classes. Et cela se passe quand celle-ci devient criante et évidente. À moins qu'il ne s'agisse pour l'un et l'autre d'acter que, de fait, la lutte est terminée parce que l'un des protagonistes est KO. En d'autres termes, le pacte social n'a plus lieu d'être.
Si l'Occident a connu un tel développement, c'est bien que la lutte des classes ait pu s'y dérouler sans violence et, grâce au pacte social, de manière dynamique. Dans les pays communistes qui imposèrent la fin de la lutte des classes comme dépassée, on sait la catastrophe. Mais le système technobureaucratique soviétique n'est pas vaincu, il se répand partout et chez nous avec, pour la technobureaucratie autoritaire, l'Argent en plus, d'où encore plus d'efficacité pour lui. La propriété publique des moyens de production n'a pas suffi, elle n'est pas la réponse non plus à la propriété privée des moyens de production: à cause de l'exploitation de l'homme par l'homme et du blocage ou de la destruction de la démocratie, elle génère les mêmes effets. Les États communistes ont eux aussi bloqué toute perspective autogestionnaire et participative.
Il faut constater également que l'abandon des références à la lutte des classes est contemporaine aussi de l'abandon de la perspective autogestionnaire. Cet abandon a permis d'occulter la modification des États-Nations en Entreprises. Le discours qu'on entend de part et d'autre n'est qu'écran à ce refoulement.