Ouvrir est fermer, fermer est ouvrir
Toudi annuel n°6, 1992
Ouvrir est fermer
Tant que la personnalité ne s'ouvre pas sur l'autre, celle-ci a beau se réfréner, elle n'est pas structurée. Pour paradoxale qu'elle soit, c'est la relation à l'autre et non la répression de soi qui est le meilleur garant d'un ordre avec soi. On est fermé à son chaos interne quand on est ouvert à l'autre, et non quand on vit comme Tartuffe dans la hantise de son propre désir éruptif. Une communauté ne se protège jamais mieux qu'en s'ouvrant. A force de se replier sur elle-même, dans la hantise de l'agression externe ou interne, on sait trop bien quelles conséquences perverses elle finit par engendrer. L'imaginaire de l'extrême droite est saturé par la hantise du complot. Plus on se crispe sur sa propre identité, plus on fait exister le spectre de la conspiration, de l'impureté et du mélange, dont on retire les raisons de son repli sur soi-même.
Fermer est ouvrir
Contrairement à ce que dit Rousseau, le premier homme qui a tracé une limite sur le sol en disant : « Ceci est à moi ! » n'a pas allumé les bûchers de la guerre. Il est faux de croire que la limite, quelle qu'elle soit, est une injure faite à l'humanité. Au contraire ! Individuellement, tout être a besoin de limites pour pouvoir fixer son identité. Sans quoi il est perdu, et son errance dans un espace sans limites se clôture sur soi. C'est en se fixant dans l'espace que les peuples se donnent les moyens de construire une identité dans le temps, et, par là même, une culture. Plus profondément, c'est à travers la fixation d'un espace qu'une communauté se protège contre la violence. Hegel écrivait que rien de grand ne s'est fait sans limite. Cela reste vrai Le plus court chemin vers la reconnaissance de l'autre et la fondation de sa propre identité, qu'elle soit psychologique, politique ou spirituelle, passe par la limite rappelant que je ne suis pas l'autre et que ma relation avec celui-ci est d'autant plus possible que je me trouve posséder un espace.
Bertrand Vergely, Frontières, in Etudes, mai 1992
Les grossés tiêtes i-ont dit / in parlant d'ichi / el cauche, el-cimint / c'est fonque du caillo
et in montrant là-vau / el fier, el carbon/ ch'est fonque dé l'tierre
Jean-Marie Kadjanski (A hue et à dia, Tournai 1997)