Le wallon : mal aimé des centres culturels
Publié le 7 septembre 2009
Le Service de Littérature wallonne de l'Université de Liège a lancé en juillet 2009 une enquête sur la présence accordée à des manifestations ou activités en dialecte dans les Centres et Foyers culturels de la Province de Liège. La question portait notamment sur celles organisées au cours des deux dernières années, ainsi que sur les programmes ou prévisions d'activités dialectales, en matière d'arts de la scène, d'enseignement ou de pratique du wallon, etc. Il était également demandé aux animateurs-directeurs s'ils considéraient comme suffisant/insuffisant, justifié/injustifié le soutien apporté aux manifestations dialectales par les Institutions culturelles de la Communauté française, de la Région wallonne, des Provinces, etc.
L'enquête a porté sur 23 Centres culturels. Sept d'entre eux ont répondu (à la date du 6 septembre 2009). La répartition géographique est frappante : près de la moitié des réponses provient de Hesbaye.
L'une des plus enthousiastes est envoyée par le Centre culturel de Remicourt. « L'étude que vous menez », m'écrit dès le 23 juillet son animateur directeur Michel Desaubies, « ne pouvait pas faire autrement que de s'arrêter à Remicourt. Chal on djase Walon, et nous ne sommes pas peu fiers
de dire qu'il s'agit même d'une de nos principales activités ». En témoignent d'abord les deux troupes attachées à la localité des bords de l'Yerne : le Centre Dramatique Dialectal de Remicourt, qui donne quatre représentations par an, et la Fraternité Poussetoise, qu'ont plus d'une fois couronnée la Coupe de la Province et la Coupe du Roi. « Le dialectal à Remicourt, c'est notre patrimoine et notre spécificité locale », ajoute M. Desaubies, à propos d'une commune qui, comme il est dit sur son site internet, aime les traditions locales et l'histoire « sans pour autant négliger le présent et l'avenir ». Faut-il rappeler qu'elle abrite le « Musée de la Hesbaye » ? Elle offre également une ASBL « Marcel Hicter » rendant hommage au grand intellectuel, homme politique, responsable culturel ... et écrivain wallon, originaire de Haneffe, dont on célèbre cette année le trentième anniversaire de la disparition.
Du Centre culturel de Waremme, Monsieur Pierre Mativa fournit la programmation théâtrale en dialecte pour 2008-2009, en soulignant qu'elle est encore « assez récente ». Monsieur Alain Bronckart, de Hannut, apporte un élément décisif de réponse à son rapport sur une activité que son Centre défend par la diffusion des informations dialectales ou par le soutien aux demandes de subventions provinciales. Si cette activité reste limitée, c'est bien « faute de moyens (notamment humains) ». Cet ami de Jacques Lefèbvre, proche de Guy Fontaine, est également sensible au rôle que peut jouer la chanson wallonne : des prestations de Véronique Roba, William Dunker et Julos Beaucarne ont été ou seront à l'affiche du Centre culturel de Waremme. La tradition wallonne est bien entretenue dans la patrie de Zénobe Gramme, qui répondait à sa femme, « le tirant de son caractère méditatif » : Dji tûse, Hortense - en écho au mot fameux de Rennequin Sualem (voir le bon article du Hannutois Joseph Boly, « La Hesbaye et ses chantres » sur La Hesbaye et ses chantres.
Les réponses fournies par les Centres culturels de Saint-Georges-sur-Meuse et de Stavelot sont également positives. Leur soutien en faveur du théâtre dialectal doit être souligné : représentations organisées par la Comité des fêtes de Yernawe, à Saint-Georges, mais aussi théâtre de marionnettes (Théâtre de Marionnettes de Mabotte) - une « voie royale » de la petite scène wallonne, qui mériterait une adaptation moderniste - et promotion de la chanson wallonne avec William Dunker. Si le Centre de Saint-Georges, m'écrit Michel Schoonbroodt, « ne développe pas de véritable projet dans le domaine dialectal », en dehors d'activités « ponctuelles », celles-ci ont le mérite d'une diversité articulant les ressources de la tradition, de la sociabilité et du paysage médiatique. On peut en dire de même des actions du Centre culturel de Stavelot, par le soutien accordé aux arts de la scène (Les Bons Laweurs, Comité de l'Aurore à Ster-Francorchamps), mais également par l'organisation de « tables de conversation » bimensuelles. Cependant, là aussi, en dehors de l'appui « structurel » accordé par la Communauté française, « seule la Province de Liège » - avec l'aide de la Ville de Stavelot - « apporte une intervention directe (minime mais symbolique) à notre action », confie Madame Françoise Servais.
Les autres réponses ne suscitent pas spécialement l'optimisme. «Il y a quelques années que nous avons abandonné la programmation de spectacles dialectaux, faute d'intérêt du public local », écrit Monsieur Eddy Gijsens, du Centre culturel d'Amay. Difficile, donc, ajoute-t-il, d'avoir un avis sur la question relative à l'utilité d'un soutien apporté par les organismes publics à la promotion des parlers régionaux. Et à Liège, « capitale culturelle » de l'Est-Wallon, demanderez-vous ? Monsieur Lucien Barel, des Chiroux, doit constater qu'il n'a été possible, ni réaliste en termes de portée médiatique, d'organiser « aucune activité mettant en valeur un des dialectes de Wallonie », toutes les activités de cette nature étant dirigées vers le Théâtre du Trianon. Ceci dit, le « soutien des pouvoirs publics » lui paraît « tout à fait justifié ».
On aimerait croire que les responsables des nombreux Centres culturels qui n'ont pas répondu à notre modeste enquête partagent- évidemment - ce sentiment.
Le « soutien des pouvoirs publics » est-il ici en cause ? Dans un contexte où des manifestations dialectales sont souvent reléguées par la RTBF au rang des vieilles lunes dépourvues de tout intérêt, comment relever un peu la part d'attention accordée à « l'entretien de l'outil » linguistique, comme eût pu le dire Marcel Hicter ? La crise économique générale, qui s'annonce « longue et dure », réduira-t-elle encore le financement parcimonieusement accordé aux valeurs régionales et au patrimoine que constitue le langage - souvent au nom d'un souci de rentabilité drapé dans un modernisme de façade ? Ce n'est pas toujours dans l'intérêt de la culture populaire que le populisme lui impose ses visions du moment.