Le mariage royal du siècle vu des antipodes
Etant juste de retour d’Australie, j’ai pu y constater que, dans la foulée du déferlement médiatique causé par le mariage du potentiel futur souverain britannique et de Kate Middleton, le pays est toujours aussi divisé qu’il y a dix ans concernant le maintien ou pas du lien avec la monarchie britannique. En 1999, l’instauration d’une République avait été rejetée par 55% des suffrages exprimés, je renvoie à mon article publié dans le n° 24 de Toudi mensuel (voir ci-dessous).
Je voudrais simplement ici témoigner de la grande liberté en vigueur dans les médias australiens, l’usage de l’encensoir et le recours à des récits édifiants y est moins systématique que dans les médias francophones dès qu’il s’agit de l’institution monarchique belge ou d'autres. La télévision publique australienne ABC diffusera le mariage royal en question sur sa première chaîne avec un commentaire « sérieux » et sur sa seconde chaîne, il sera commenté par divers humoristes connus pour leur esprit d’irrévérence: impensable à la RTBF non ?
J’ai traduit ci-après en français un article d’un dénommé Cameron English (cela ne s’invente pas…) publié dans le quotidien gratuit de Sydney MX . il montre à quel point cette liberté de ton est répandue et je vous laisse apprécier la marge de progrès que nos médias doivent encore acquérir par rapport à la famille royale belge. Voici cet article de MX.
"Pour ce que cela vaut vraiment"
Le déversement de mièvrerie provoqué par le prochain mariage royal n’a fait que crûment mettre en évidence les attentes spectaculairement limitées que nous avons à l’égard de la famille royale. William et Kate sont fêtés comme les sauveurs de la monarchie en grande partie parce qu’ils ne sont pas des pantins cinglés se comportant mal et qu’ils ne sont pas un embarras pour l’institution et le pays. En effet, compte tenu de leur situation, ils ont raisonnablement l’air de personnes appréciables et ayant les pieds sur terre.
Mais ce qui devrait faire l’objet de plus d’intérêt est le fait que la plupart de leurs semblables semblent penser qu’il est juste que le peuple anglais finance leurs activités, ce qui est un raisonnement vénal voire inexcusable. Il est difficile de qualifier les bévues du Prince Andrew et de Sarah Ferguson au mieux de simple manque de jugement. Comme représentant du Royaume-Uni dans le domaine du commerce extérieur, Andrew semble considérer comme un comportement adéquat pour un membre de la famille royale de fréquenter un délinquant sexuel reconnu coupable. En 2008, le financier milliardaire Jeffrey Epstein a été condamné à 18 moins de prison pour avoir sollicité financièrement les faveurs d’un mineur, en dépit de cela Andrew le fréquentait encore en décembre dernier. Epstein a aussi aidé Fergie en payant 25.000$ de ses dettes afin de lui éviter d’être déclarée en faillite (le droit anglais connait la possibilité de déclarer en faillite une personne physique et pas uniquement une personne morale), une relation qu’elle a, plus tard, admis comme étant une gigantesque erreur de jugement.
Je ne vais pas vous lancer à la tête tous les exemples d’idioties royales mais je peux, sans me tromper, dire que j’aurais de quoi m’amuser. Il y a tellement de matières disponibles, que ce soit le prince Harry déguisé en nazi ; son père le Charles avouant son désir d’être un tampon hygiénique; ou le prince Philippe demandant en 2002 à un aborigène australien : « est-ce que vous vous envoyez toujours des lances à la tête ? » Mais il y a aussi les membres formidables de la famille royale. Vous vous souvenez de la princesse Diana ? Je vous vois tous en train de vous la représenter, affrétée de la tête au pied, se tenant sur un terrain d’opération où elle contemple quelqu’un ayant des milliers de fois ses capacités et sa valeur faisant quelque chose d’effectivement utile. La princesse est fêtée, que dis-je, vénérée pour son travail sans fin en faveur des victimes des mines antipersonnelles, du HIV, du SIDA et autres causes charitables.
Cela est souvent considéré, de nos jours, comme une justification à la maison royale. Ils se promènent sur toute l’étendue de la Planète en apportant avec eux la flamme lumineuse des médias internationaux qui éclairera, pendant quelques minutes, une cause avant de passer à autre chose et laissant cette dernière, on l’espère, renforcée. Tout cela est très bien mais ils, et elle, ne devraient pas pour autant être vus comme des saints en raison de ce travail. En effet, s’ils ne remplissaient pas de telles tâches, ils seraient, à raison, critiqués comme étant des égoïstes et des propres à rien avides pompant l’argent public, ce que, de toute façon, ils continuent à faire, action charitable ou pas. Attirer l’attention sur de bonnes causes et couper des rubans est effectivement devenu le boulot des membres de la famille royale mais de là à les considérer comme des philanthropes pour s’être déplacés, ce serait les laisser s’en tirer à bon compte. Je souhaite plein de bonnes choses à William et Kate. Etre un membre de la famille royale est, reconnaissons-le, un boulot merdique. Et s’ils arrivent à trouver du réconfort et du bon sens en la compagnie l’un de l’autre en tant que couple le plus analysé et observé du monde, grand bien leur fasse. Mais ne me demandez pas de compatir ou de donner plus qu’un lent applaudissement s’ils réussissent, occasionnellement, à apporter leur célébrité à une quelconque bonne cause qui en manque.