Le "semi-colonialisme" au Québec
Situation «Semi-coloniale» est le terme utilisé par Jean Lacouture (De Gaulle, Tome 3. Le souverain, Seuil, Paris, 1986 p.515), en vue de caractériser la singularité du Québec descendant des Français vaincus en 1760 (prise de Montréal et Québec par les Anglais), cependant intégrés dans un État plus ou moins confédéral, obtenant ainsi, avec la démocratie, le droit de se gouverner. Mais, en même temps, soumis à un Canada anglais dont la langue gagne à Montréal (où le français reste cependant majoritaire), aux ukases de la loi C-20 votée par la Chambre des Communes canadienne l’an passé.
Lacouture justifie aussi l’expression utilisée le 24 juillet 1967 par de Gaulle juste avant le fameux «Vive le Québec libre!» parlant d’ une atmosphère «semblable à celle de la Libération», mot qui choqua les Anglais qui se crurent assimilés aux Allemands de Paris en 1944, alors que l’on visait l’émotion inouïe d’un peuple soulevé par une vague venue du fond de l’Histoire
Dans les années 60, la poétesse québécoise Michèle Lalonde écrivit Speak White (allusion au slogan anglo-saxon considérant le français comme inférieur à l’instar des Noirs américains), auquel répond dans les années 90, le poème d’un immigrant italien au Québec, cependant rallié à la cause du souverainisme.
Ces deux poèmes, en leur alternance, disent la fine complexité du débat québécois.
«Octobre 1970» ce sont les événements manipulés par Ottawa et le Premier Ministre Trudeau (québécois francophone mais unitariste canadien), qui crut réduire les indépendantistes du Québec en faisant agir la «loi sur les mesures de guerre» («loi martiale»). Et en emprisonnant des centaines de militants. Six ans plus tard le PQ de René Lévesque prenait le pouvoir. Michel Tremblay en tira le film Les Ordres.
La revue annuelle TOUDI (n° 1) a déjà publié ce texte, une longue interview posthume de René Lévesque et une analyse de P. Leboutte en 1987.
La Loi C-20 met en cause un Québec même majoritairement acquis à l’indépendance.
TOUDI
SPEAK WHITE
Speak white
il est si beau de vous entendre
parler de Paradise Lost
ou du profil gracieux et anonyme qui tremble
dans les sonnets de Shakespeare
nous sommes un peuple inculte et bègue
mais ne sommes pas sourds au génie d'une langue
parlez avec l'accent de Milton et Byron et
Shelley et Keats
speak white
et pardonnez-nous de n'avoir pour réponse
que les chants rauques de nos ancêtres
et le chagrin de Nelligan
speak white
parlez de choses et d'autres
parlez-nous de la Grande Charte
ou du monument à Lincoln
du charme gris de la Tamise
de l'eau rose du Potomac
parlez-nous de vos traditions
nous sommes un peuple peu brillant
mais fort capable d'apprécier
toute l'importance des crumpets
ou du Boston Tea Party
mais quand vous really speak white
quand vous get down to brass tacks
pour parler du gracious living
et parler du standard de vie
et de la Grande Société
un peu plus fort alors speak white
haussez vos voix de contremaîtres
nous sommes un peu durs d'oreille
nous vivons trop près des machines
et n'entendons que notre souffle au-dessus des outils
speak white and loud
qu'on vous entende
de Saint-Henri à Saint-Domingue
oui quelle admirable langue
pour embaucher
donner des ordres
fixer l'heure de la mort à l'ouvrage
et de la pause qui rafraîchit
et ravigote le dollar
speak white
tell us that God is a great big shot
and that we're paid to trust him
speak white
parlez-nous production profits et pourcentages
speak white
c'est une langue riche
pour acheter
mais pour se vendre
mais pour se vendre à perte d'âme
mais pour se vendre
ah!
speak white
big deal
mais pour vous dire
l'éternité d'un jour de grève
pour raconter
une vie de peuple-concierge
mais pour rentrer chez nous le soir
à l'heure où le soleil s'en vient crever au-dessus des
ruelles
mais pour vous dire oui que le soleil se couche oui
chaque jour de nos vies à l'est de vos empires
rien ne vaut une langue à jurons
notre parlure pas très propre
tachée de cambouis et d'huile
speak white
soyez à l'aise dans vos mots
nous sommes un peuple rancunier
mais ne reprochons à personne
d'avoir le monopole
de la correction de langage
dans la langue douce de Shakespeare
avec l'accent de Longfellow
parlez un français pur et atrocement blanc
comme au Viet-Nam au Congo
parlez un allemand impeccable
une étoile jaune entre les dents
parlez russe parlez rappel à l'ordre parlez répression
speak white
c'est une langue universelle
nous sommes nés pour la comprendre
avec ses mots lacrymogènes
avec ses mots matraques
speak white
tell us again about Freedom and Democracy
nous savons que liberté est un mot noir
comme la misère est nègre
et comme le sang se mêle à la poussière des rues d'Alger
ou de Little Rock
speak white
de Westminster à Washington relayez-vous
speak white comme à Wall Street
white comme à Watts
be civilized
et comprenez notre parler de circonstance
quand vous nous demandez poliment
how do you do
et nous entendez vous répondre
we're doing all right
we're doing fine
we
are not alone
nous savons
que nous ne sommes pas seuls.
Michèle Lalonde
SPEAK WHAT
Il est si beau de vous entendre parler
de La Romance du vin
et de L'Homme rapaillé
d'imaginer vos coureurs des bois
des poèmes dans leurs carquois
nous sommes cent peuples venus de loin
partager vos rêves et vos hivers
nous avions les mots de Montale et de Neruda
le souffle de l'Ouralle rythme des haïkaï
speak what now
nos parents ne comprennent déjà plus nos enfants
nous sommes étrangers à la colère de Félix
et au spleen de Nelligan
parlez-nous de votre Charte
de la beauté vermeille de vos automnes
du funeste octobre
et aussi du Noblet
nous sommes sensibles aux pas cadencés
aux esprits cadenassés
speak what
comment parlez-vous dans vos salons huppés
vous souvenez-vous du vacarme des usines
and of the voice des contremaîtres
you sound like them more and more
speak what now
que personne ne vous comprend
ni à St-Henri ni à Montréal-Nord
nous y parlons la langue du silence
et de l'impuissance
speak what
«productions, profits, et pourcentages»
parlez-nous d'autres choses
des enfants que nous aurons ensemble
du jardin que nous leur ferons
délestez-vous des traîtres et du cilice
imposez-nous votre langue
nous vous raconterons la guerre, la torture et la misère
nous dirons notre trépas avec vos mots
pour que vous ne mourriez pas
et vous parlerons
avec notre verbe bâtard
et nos accents fêlés
du Cambodge et du Salvador
du Chili et de la Roumanie
de la Molise et du Péloponnèse
jusqu'à notre dernier regard
speak what
nous sommes cent peuples venus de loin
pour vous dire que nous n'êtes pas seuls.
Marco Micone
PROJET DE LOI C-20
Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte :
2e session, 36e législature, 48 Elizabeth II, 1999 Chambre des communes du Canada
1. (1) Dans les trente jours suivant le dépôt à l'assemblée législative d'une province, ou toute autre communication officielle, par le gouvernement de cette province, du texte de la question qu'il entend soumettre à ses électeurs dans le cadre d'un référendum sur un projet de sécession de la province du Canada, la Chambre des communes examine la question et détermine, par résolution, si la question est claire.
[Examen de la question par les Communes]
(2) S'il coïncide, en tout ou en partie, avec la tenue d'une élection générale des députés à la Chambre des communes, le délai mentionné au paragraphe (1) est prorogé de quarante jours.
[Prorogation du délai ]
(3) Dans le cadre de l'examen de la clarté de la question référendaire, la Chambre des communes détermine si la question permettrait à la population de la province de déclarer clairement si elle veut ou non que celle-ci cesse de faire partie du Canada et devienne un État indépendant.
[Facteurs à considérer]
(4) Pour l'application du paragraphe (3), la question référendaire ne permettrait pas à la population de la province de déclarer clairement qu'elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada dans les cas suivants :
[Absence d'expression claire de la volonté ]
a) elle porte essentiellement sur un mandat de négocier sans requérir de la population de la province qu'elle déclare sans détour si elle veut que la province cesse de faire partie du Canada;
b) elle offre, en plus de la sécession de la province du Canada, d'autres possibilités, notamment un accord politique ou économique avec le Canada, qui rendent ambiguë l'expression de la volonté de la population de la province quant à savoir si celle-ci devrait cesser de faire partie du Canada.
(5) Dans le cadre de l'examen de la clarté de la question référendaire, la Chambre des communes tient compte de l'avis de tous les partis politiques représentés à l'assemblée législative de la province dont le gouvernement propose la tenue du référendum sur la sécession, des résolutions ou déclarations officielles des gouvernements ou assemblées législatives des provinces et territoires du Canada, des résolutions ou déclarations officielles du Sénat et de tout autre avis qu'elle estime pertinent.
[Avis à considérer]
(6) Le gouvernement du Canada n'engage aucune négociation sur les conditions auxquelles une province pourrait cesser de faire partie du Canada si la Chambre des communes conclut, conformément au présent article, que la question référendaire n'est pas claire et, par conséquent, ne permettrait pas à la population de la province de déclarer clairement si elle veut ou non que celle-ci cesse de faire partie du Canada.
[Aucune négociation en cas d'ambiguïté de la question]
2. (1) Dans le cas où le gouvernement d'une province, après la tenue d'un référendum sur un projet de sécession de celle-ci du Canada, cherche à engager des négociations sur les conditions auxquelles la province pourrait cesser de faire partie du Canada, la Chambre des communes, sauf si elle a conclu conformément à l'article 1 que la question référendaire n'était pas claire, procède à un examen et, par résolution, détermine si, dans les circonstances, une majorité claire de la population de la province a déclaré clairement qu'elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada.
[Volonté claire d'effectuer la sécession: examen par les Communes]
(2) Dans le cadre de l'examen en vue de déterminer si une majorité claire de la population de la province a déclaré clairement qu'elle voulait que celle-ci cesse de faire partie du Canada, la Chambre des communes prend en considération:
[Facteurs à considérer]
a) l'importance de la majorité des voix validement exprimées en faveur de la proposition de sécession;
b) le pourcentage des électeurs admissibles ayant voté au référendum;
c) tous autres facteurs ou circonstances qu'elle estime pertinents.
(3) Dans le cadre de l'examen en vue de déterminer si une majorité claire de la population de la province a déclaré clairement qu'elle voulait que celle-ci cesse de faire partie du Canada, la Chambre des communes tient compte de l'avis de tous les partis politiques représentés à l'assemblée législative de la province dont le gouvernement a proposé la tenue du référendum sur la sécession, des résolutions ou déclarations officielles des gouvernements ou assemblées législatives des provinces et territoires du Canada, des résolutions ou déclarations officielles du Sénat et de tout autre avis qu'elle estime pertinent.
[Avis à considérer]
(4) Le gouvernement du Canada n'engage aucune négociation sur les conditions auxquelles la province pourrait cesser de faire partie du Canada, à moins que la Chambre des communes ne conclue, conformément au présent article, qu'une majorité claire de la population de cette province a déclaré clairement qu'elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada.
[Négociations seulement en cas de volonté claire]
3. (1) Il est entendu qu'il n'existe aucun droit, au titre de la Constitution du Canada, d'effectuer unilatéralement la sécession d'une province du Canada et que, par conséquent, la sécession d'une province du Canada requerrait la modification de la Constitution du Canada, à l'issue de négociations auxquelles participeraient notamment les gouvernements de l'ensemble des provinces et du Canada.
[Modification constitutionnelle ]
(2) Aucun ministre ne peut proposer de modification constitutionnelle portant sécession d'une province du Canada, à moins que le gouvernement du Canada n'ait traité, dans le cadre de négociations, des conditions de sécession applicables dans les circonstances, notamment la répartition de l'actif et du passif, toute modification des frontières de la province, les droits, intérêts et revendications territoriales des peuples autochtones du Canada et la protection des droits des minorités.
[Réserve]
(2) S'il coïncide, en tout ou en partie, avec la tenue d'une élection générale des députés à la Chambre des communes, le délai mentionné au paragraphe (1) est prorogé de quarante jours.
[Prorogation du délai]
(3) Dans le cadre de l'examen de la clarté de la question référendaire, la Chambre des communes détermine si la question permettrait à la population de la province de déclarer clairement si elle veut ou non que celle-ci cesse de faire partie du Canada et devienne un État indépendant.
[Facteurs à considérer]
(4) Pour l'application du paragraphe (3), la question référendaire ne permettrait pas à la population de la province de déclarer clairement qu'elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada dans les cas suivants :
[Absence d'expression claire de la volonté]
a) elle porte essentiellement sur un mandat de négocier sans requérir de la population de la province qu'elle déclare sans détour si elle veut que la province cesse de faire partie du Canada;
b) elle offre, en plus de la sécession de la province du Canada, d'autres possibilités, notamment un accord politique ou économique avec le Canada, qui rendent ambiguë l'expression de la volonté de la population de la province quant à savoir si celle-ci devrait cesser de faire partie du Canada.
(5) Dans le cadre de l'examen de la clarté de la question référendaire, la Chambre des communes tient compte de l'avis de tous les partis politiques représentés à l'assemblée législative de la province dont le gouvernement propose la tenue du référendum sur la sécession, des résolutions ou déclarations officielles des gouvernements ou assemblées législatives des provinces et territoires du Canada, des résolutions ou déclarations officielles du Sénat et de tout autre avis qu'elle estime pertinent.
[Avis à considérer]
(6) Le gouvernement du Canada n'engage aucune négociation sur les conditions auxquelles une province pourrait cesser de faire partie du Canada si la Chambre des communes conclut, conformément au présent article, que la question référendaire n'est pas claire et, par conséquent, ne permettrait pas à la population de la province de déclarer clairement si elle veut ou non que celle-ci cesse de faire partie du Canada.
[Aucune négociation en cas d'ambiguïté de la question ]