Plus d'Europe, mais mieux

Toudi mensuel n°44, février-mars 2002

Jeudi 13 décembre 2001. Cent mille manifestants, répondant à l'appel de la Confédération européenne des Syndicats, déferlent sur le Nord de Bruxelles.

Il fait à peine 4 degrés, un vent glacial souffle sur le cortège qui s'étire sur plusieurs kilomètres. Ils n'ont pourtant pas voulu manquer cela. L'Europe, c'est nous. Mondialisez le syndicalisme. Les slogans sont nombreux. Tous visent le Sommet de Laeken qui se tiendra le lendemain à deux pas de là. Tous rêvent d'une Europe élargie, mais pas n'importe laquelle. Pas simplement, un vaste marché où les citoyens ne seraient que consommateurs. Non, une Europe politique et sociale, c'est-à-dire où ces mêmes citoyens sont acteurs de leur destinée, une Europe de solidarité, une Europe des travailleurs plutôt qu'une Europe des banquiers et des financiers. Ce rêve mérite qu'on s'y attarde...

L'élargissement, une vieille histoire européenne

Depuis sa création en 1958 par six pays - Belgique, Pays-Bas, Luxembourg (soit le BENELUX), France, Allemagne et Italie - l'Europe est allée d'élargissements en élargissements. Ainsi, en 1973, intègre-t-elle trois nouveaux pays : le Danemark, l'Irlande et le Royaume Uni. Du coup, sa superficie et sa population ont-elles crû de quelque 3% et son P.I.B. total de 24%. En 1981, la Grèce, puis, en 1986, l'Espagne et le Portugal - trois pays qui sortent à peine de dictatures dures et qui voient en l'Europe le moyen le plus sûr d'échapper à leurs vieux démons fascistes - accrochent le wagon européen. Gain pour l'Europe : 48% d'accroissement de son territoire et 11% de sa population, pour un PIB total en hausse de 15%. En 1995, c'est au tour de l'Autriche, de la Suède et de la Finlande de la rejoindre, dont un gain de 43% en superficie, 11% en population et 15% en P.I.B. total.

L'élargissement est donc pratique courante et, compte tenu des délais imposés aux candidats, on peut oser affirmer que, depuis 30 ans, on n'a jamais cessé de débattre en son sein de l'accueil de nouveaux États. Mais l'Europe des 15 était à peine portée sur les fonds baptismaux que 12 nouveaux pays - dont 10 issus de l'ex-bloc de l'Est - frappaient à sa porte : Pologne, Slovénie, Tchéquie, Hongrie, Estonie, Lettonie, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie, Lituanie, Malte et Chypre. À quoi devrait s'ajouter, tôt ou tard, la Turquie.

Les critères d'adhésion, redéfinis au Conseil européen en 1993, n'ont guère varié dans le temps:

  • démocratie, primauté du droit, droits de l'homme et respect des minorités, soit un critère politique;
  • existence d'une économie de marché viable, capacité de faire face aux pressions concurrentielles au sein de l'Union, soit un critère économique;
  • reprise de l'acquis communautaire dans tous ses aspects : politique économique et monétaire.

Le principe des négociations séparées (qui n'était pas la règle antérieurement) une fois admis, l'élargissement actuellement projeté devrait s'échelonner de 2003 à 2007. Soit en 2003, la Pologne, la Tchéquie, la Slovénie, la Hongrie, l'Estonie, la Lettonie, Malte et Chypre ; en 2004, la Lituanie et la Slovaquie ; en 2006, la Bulgarie ; en 2007, la Roumanie. Ces délais, on l'aura compris, devant permettre aux candidats de se conformer aux critères d'adhésion.

Dès 2007 donc, l'Europe des 27 aura accru sa superficie de plus d'1 million de km2 (soit un bonus d'1/3), sa population de 105 millions d'habitants (un bonus d'1/4), alors que le P.I.B. total, lui, n'aura progressé que de 5%. On l'aura deviné, ce faible pourcentage de croissance au plan du P.I.B. total est dû à l'intégration de pays qu'on peut qualifier de pauvres en comparaison avec ceux de l'actuelle Europe des 15. C'est là, en fait, que réside l'un des défis majeurs qui va se poser à l'Union. Le poids économique, pour dire les choses simplement, des 10 pays de l'ex-bloc de l'Est représente à peine celui des seuls Pays-Bas.

Premier défi : l'accueil de pays pauvres

Si l'accueil de pays pauvres n'est pas neuf dans l'Union - pensons à la Grèce, l'Espagne et le Portugal en son temps - c'est sans commune mesure avec ce qui l'attend pour les six années à venir.

Alors qu'on avait fait miroiter la possibilité de millions d'emplois à créer dans l'Union, force est de constater que ceux-ci se sont envolés et que le taux de chômage n'a guère baissé significativement. Pire, demain, lors de l'arrivée massive de main-d'oeuvre moins qualifiée, certes, mais disposée à travailler à moindres coûts salariaux et sociaux, il y a tout lieu de croire que le fragile équilibre entre l'offre et la demande d'emplois dans l'Europe des 15, ne soit complètement bouleversé. Avec toutes les conséquences qu'on imagine en matière de chômage, chez nous, mais aussi avec les risques de la résurgence de l'extrême droite toujours prête à surfer sur les égoïsmes sécuritaires. N'oublions pas que, à des degrés divers, la droite la plus ultra est arrivée au pouvoir en Autriche, en Italie, au Danemark, en jouant cette carte-là justement.

Pour bien prendre toute la mesure de ce défi, il n'est pas inutile de rappeler, entre autres, que les pays candidats ont actuellement un revenu par habitant inférieur à 75% de la moyenne européenne. Alors que la Belgique titre un P.I.B. par habitant de 111,3 (la moyenne de l'Europe des 15 étant 100), le plus riche des candidats de l'ex-bloc de l'Est - la Slovénie - est pointée à 68,8 et le plus pauvre - la Bulgarie - à peine à 22,3. On va dès lors, toutes choses restant égales à elles-mêmes, se retrouver avec une Europe scindée en 3 pelotons: celui des riches soit les 15 actuels moins l'Espagne, le Portugal et la Grèce qui constitueront le groupe intermédiaire avec Chypre, Malte, la Slovénie avec des revenus tournant autour des 80% de la moyenne des premiers, les autres constituant le groupe des moins nantis avec une moyenne de revenus par habitant à 40% de la moyenne des premiers.

L'élargissement à l'Espagne, le Portugal et la Grèce n'a pas conduit à une migration massive de travailleurs comme on l'avait craint un moment. Mais on peut s'attendre, avec l'élargissement aux pays de l'ex-bloc de l'Est, à une migration sans précédent et dont le flot actuel des clandestins n'est que le volume émergé de l'iceberg. Migration qui, nous l'avons dit, ne servira les intérêts ni des travailleurs de chez nous, ni ceux de ces pays qui se videront de leurs meilleurs éléments à l'image de l'exode qui avait frappé en son temps la R.D.A. et entraîné l'édification du Mur de Berlin.

Par ailleurs, une modernisation accélérée et forcée des économies de ces pays ne pourrait que conduire ceux-ci à la catastrophe et les placer en situation d'assistés. Depuis la fin des régimes d'économie planifiée, seules la Pologne (+ 30%), la Slovénie (+15%) ; la Hongrie (+5%) et la Slovaquie (+3%) ont retrouvé et dépassé leur niveau de richesse intérieure d'il y a 10 ans. La Tchéquie (-2%), l'Estonie (-20%), la Roumanie et la Bulgarie (-30%), la Lettonie et la Lituanie (-40%) en sont encore bien éloignées.

L'Europe donc, en intégrant ces pays économiquement handicapés risque bien - sauf à prendre les dispositions qui s'imposent - de ne guère servir que les seuls financiers et spéculateurs au détriment des travailleurs d'où qu'ils soient.

Second défi : éviter la dilution des citoyens dans une macro structure

Si on n'y prend garde, l'Europe des 27 risque bien de n'être, en définitive, qu'un vaste marché de libre-échange, ce qu'elle n'est déjà que trop, nous le savons. On se trouverait alors dans un scénario de plus d'Europe sans le mieux. L'Europe, à mon sens, se doit aussi d'être politique et sociale, en un mot : citoyenne. C'est-à-dire où chaque entité est reconnue comme telle, même la plus petite, mais aussi où chaque citoyen se sente partie prenante du tout.

Avec les six pays de départ et la règle de l'unanimité, les décisions étaient déjà difficiles à prendre. Avec les 15, cela tient parfois du parcours du combattant. Avec les 27, on n'ose y penser. La nécessité d'une réforme institutionnelle s'imposant à tous comme incontournable, l'Union s'est attelée à tenter de la mettre en place. Ce devait être l'objet du Traité de Nice, mais les décisions qui y ont été prises sont un véritable embrouillamini. Le non de l'Irlande, pourtant très pro-européenne et qui doit pousser à faire réfléchir, risque bien de faire de ce Traité un traité mort-né. Mais quelles ont été, très concrètement, ces décisions ?

Tout d'abord, un renforcement des pouvoirs du Président de la Commission. C'est lui qui distribuera, en quelque sorte, les portefeuilles entre les Commissaires qu'il pourra démettre individuellement. La Commission dispose, pour rappel, d'un monopole d'initiatives, propose règles et directives. Elle a donc un rôle essentiellement moteur.

Si Nice a prévu le passage à la majorité dans plus ou moins 40% des domaines relevant de l'Europe, la règle de l'unanimité n'en reste pas moins présente dans des domaines fondamentaux : fiscalité, sécurité sociale, une bonne part de l'environnement, fonds structurels, immigration. De plus, le système majoritaire se révèle d'une extrême complexité : une décision à la majorité qualifiée devra avoir l'appui d'une majorité d'États - ce qui donne un certain poids aux petits pays s'ils s'allient - et d'une majorité des voix à 74,8% des voix. Vous avez bien lu : 74,8%. Sans oublier une clause démographique qui renforce le poids des géants comme l'Allemagne. Ainsi, les États favorables à une décision devront-ils représenter 82% de la population totale de l'Union. Le poids des grandes pointures s'est donc accru dans les faits.

Le Parlement, lui, pourtant émanation directe des citoyens de l'Union et qui partage avec le Conseil la fonction législative et budgétaire et exerce un contrôle sur la Commission (sa composition doit avoir son aval), ce Parlement, lui, reste en l'état actuel.

Autre particularité du Traité de Nice : les États qui le souhaitent pourront renforcer entre eux leur coopération, pour autant que celle-ci ne nuise pas à la libre concurrence et que ces États soient au moins au nombre de huit. Ce qui devrait permettre aux nations plus européennes d'aller vers plus d'Europe. Mais iront-elles vers mieux d'Europe ? Et, surtout, le citoyen se retrouvera-t-il dans cet échafaudage ? On peut en douter très franchement, à la lumière de notre expérience belge de fédéralisation et de régionalisation.

Les responsables européens n'étaient pas dupes des lacunes de ce Traité. Ils ont d'ailleurs décidé de relancer une Nouvelle Conférence intergouvernementale qui prendra fin en 2004 et devrait, peut-être, rapprocher les diverses conceptions que se font les nations de l'Europe. L'Allemagne se déclare favorable à une fédération européenne basée sur une constitution et des élections directes. C'est incontestablement l'option la plus démocratique. La France est plus en retrait, rejetant d'emblée des structures de type fédéral. La Grande Bretagne est encore plus en deçà, on s'en serait douté: elle veut en rester à la méthode intergouvernementale actuelle. La Belgique est, elle aussi, favorable au statu quo. Bref, tout un panel où les antagonismes sont légion.

Voilà pour l'Europe politique. Mais qu'en est-il de l'Europe sociale ?

Si l'Europe politique, on l'a vu, n'est et ne sera pas une partie de plaisir, ce ne le sera guère plus pour l'Europe sociale qui touche, quant à elle, directement le citoyen dans sa vie de tous les jours - travailleur comme employeur d'ailleurs.

Le souhait en cette matière est que l'Europe soit avant tout un modèle de vie en commun, un modèle de société, et pas un modèle de production et de consommation selon les canons de l'O.C.D.E. et du F.M.I. Mais dans les faits ?

Des embryons de ce modèle de société revendiqué par les progressistes, société basée sur la solidarité et non la compétitivité, existent. Il s'agit de la politique de cohésion sociale instaurée pour encadrer les effets pervers d'un marché unique de libre concurrence, et qui permet de réduire les écarts de richesses entre nations et régions européennes. Le Hainaut, par exemple, a pu profiter de cette politique de cohésion sociale. Mais, comme on l'a évoqué plus haut, l'élargissement à des pays pauvres entraînera inévitablement de nouvelles aides structurelles qui seront sans commune mesure avec ce qui s'est passé jusqu'à présent. Ces aides, aujourd'hui, représentent 0,32% du P.I.B. de l'Union. La Commission estime qu'il faudra atteindre 0,45% si l'on veut faire face à l'élargissement sans clash majeur. Soit un accroissement de l'ordre de 40%. Ce ne sera pas une mince affaire. Et d'ailleurs les gros bailleurs de fonds rechignent. L'Allemagne, pour ne citer qu'elle, réclame une renationalisation de certaines politiques communautaires comme l'agriculture et les aides régionales. Les réflexes de nantis refont surface.

Il s'impose donc à l'Europe de se donner un projet de cohésion sociale comme elle a pu le faire dans les matières économiques. Les mécanismes de coopérations renforcées édictés à Nice pourraient aller dans ce sens-là, mais ne court-on pas le risque d'une Europe à la carte qui, en définitive, ne profiterait qu'aux plus riches une fois de plus ? Une Europe où cohabiteraient des citoyens de première, deuxième et troisième zones.

On pourrait s'imaginer que les États candidats sont déterminés à épouser ce projet de société solidaire. Il n'en est rien. La plupart des pays postcommunistes ont bâti leur légitimité sur l'indépendance nationale. Leur première préoccupation est d'entrer dans une zone de libre échange, pas de céder de leur souveraineté dans un système fédéraliste. C'est aussi, nous l'avons déjà dit, le cas de la plupart des pays de l'Union actuelle.

Tout paraît donc en place pour une Europe à plusieurs vitesse. L'espace SCHENGEN, l'euro, boudés par certains, les dérogations en matière de défense et de citoyenneté européennes accordées au Danemark, tout cela ne présage rien de bon pour demain et après-demain.

Si l'Europe marchande est une réalité et le sera de plus en plus, l'Europe citoyenne - politique et sociale - risque bien de n'être qu'un rêve pieux. Sauf à fédérer les citoyens autour d'un projet sociétal. Mais qui pourrait les fédérer ? C'est ce que nous allons tenter de voir à présent.

Le défi des défis pour les forces de contre-pouvoir et de pression : leur implication dans un projet sociétal européen.

La méthode intergouvernementale a fait son temps. Certains se mettent à rêver d'un vaste forum abordant toutes les structures européennes. L'idée est généreuse, mais si un forum est appelé à être autre chose qu'un vaste lieu de débats - autrement dit : s'il est appelé à décider - on risque bien de se retrouver à la case départ, c'est-à-dire à l'impossibilité de dégager un consensus et donc la nécessité d'avoir recours à des majorités spéciales. Avec tous les calculs d'apothicaires dont nous avons parlé ci-avant.

Les organisations de contre-pouvoir et de pression - organisations syndicales, O.N.G., etc. - me paraissent les instigateurs tout désignés pour relever le défit de l'élaboration d'un projet de société européenne. Nous nous limiterons aux premières, que nous connaissons mieux.

Les organisations syndicales, dans la plupart des pays de l'Union actuelle, ont une large pratique de résistance au capitalisme qu'elles ont dû encadrer avec plus ou moins de bonheur. Et elle l'ont fait, nous semble-t-il, mieux que ne l'ont fait les partis de gauche et de centre-gauche. Nous ne reviendrons pas sur ce point. Voyons plutôt quels ont été les combats de ces organisations au plan européen. Comment elles ont tenté d'harmoniser leurs luttes au-delà des particularismes engendrés par leur histoire propre.

Entre 1958 et 1991, les organisations syndicales n'ont eu de cesse de lutter pour que l'action syndicale européenne ait un statut officiel. C'est à cette dernière date qu'un Protocole social fut signé à Maastricht et incorporé au Traité d'Amsterdam. Cinq ans plus tard, le premier accord était conclu : celui portant sur le congé parental. Cela peut paraître relativement marginal, mais c'est la toute première fois qu'une législation sociale se voyait appliquée à tous les pays de l'Union. Puis ce furent en 1997 le tour des accords sur le travail à temps partiel et, en 1999, ceux sur les contrats à durée déterminée. Une dynamique est en cours donc, même s'il reste encore beaucoup à faire.

Des Comités paritaires se sont mis en place ayant abouti à l'accord sur le télétravail. Aujourd'hui, avec plus ou moins de succès, des Comités d'entreprise européens fonctionnent, de même des Conseils syndicaux interrégionaux. Les organisations syndicales sont également associées comme interlocuteurs sociaux au dialogue regroupant la Banque nationale, les États membres et la Commission européenne.

On le voit, quelques pas ont été faits vers une Europe citoyenne, mais on aurait tort de s'endormir sur ses lauriers. L'intégration de l'acquis social ne se fera que si les organisations syndicales sont pleinement intégrées dans ce débat. Au plan de leurs États respectifs, mais aussi au plan de l'Union.

Si cette pratique du dialogue entre partenaires sociaux est largement répandue dans les pays constitutifs de l'Europe des 15 actuelle (avec, certes, plus ou moins d'intensité), il n'en est pas de même dans les États candidats à l'élargissement qui ignorent, pour la plupart, ce que peut être ce type de dialogue. On n'en prendra pour exemple que celui du gouvernement hongrois qui a négocié seul le dossier de la libre circulation des travailleurs, alors même que les partenaires sociaux hongrois - employeurs et travailleurs - avaient une position commune à ce sujet et étaient demandeurs d'un tel dialogue.

Si donc le modèle de dialogue social que nous connaissons actuellement ne s'installe pas dans les pays de l'ex-bloc de l'Est, le risque est énorme que ce mauvais exemple social ne fasse tache d'huile à l'Ouest. Le mémorandum rédigé en commun par la F.G.T.B., la C.S.C. et la C.E.S. en vue de la présidence belge qui se clôturera au 1er janvier 2002 trace les grands axes du chemin qui devrait conduire à une Europe sociale :

  • rompre avec la tendance qui consiste à décider à la majorité qualifiée tout ce qui va dans le sens du libéralisme et de la concurrence et à l'unanimité tout ce qui va dans le sens des solidarités sociales;
  • concrétiser dans des actes de l'Union ce qu'elle ne cesse de proclamer depuis des années, à savoir son souci du plein emploi, de l'emploi de qualité, de la croissance durable, de la cohésion sociale, plutôt que de laisser cette concrétisation aux Etats membres chacun dans son coin;
  • approfondir le modèle du dialogue social par le développement des négociations collectives et l'instauration d'une protection sociale commune;
  • réorganiser la structure fiscale en imposant un taux minimal pour l'impôt des sociétés dans l'ensemble de l'Union;
  • améliorer le dialogue macro-économique, entre autres par rapport à la Banque centrale européenne;
  • reconsidérer la mission des services publics qui doivent cesser d'être vus au travers du prisme de l'achèvement du marché intérieur et les envisager comme un des éléments du modèle social européen;
  • améliorer la Charte des Droits fondamentaux dans son volet social, notamment au niveau des droits collectifs transnationaux, de la pension minimale, du revenu minimal, du droit au logement, aux soins de santé, de l'accès à des services d'intérêt général et de la formation tout au long de la vie.

En guise de conclusion très provisoire

Beaucoup de choses restent à réaliser pour les organisations syndicales, y compris dans leurs propres structures. Les C.E.S. sont passés de 40 affiliés à 67 intégrant de la sorte les syndicats des pays d'Europe centrale et orientale. Un élargissement avant l'heure. Mais il leur faudra encore apprendre à généraliser des expériences transnationales et régionales comme celle du groupe de Doorn, ou au sein des fédérations syndicales comme celles du textile ou de la métallurgie, ou dans des pratiques de coopération syndicale telle celle de la Baltique. Car les dangers qui guettent l'Union lors de l'élargissement guettent évidemment aussi les organisations syndicales. Si elles veulent relever le défi d'un «avenir « qui ne soit pas «uniquement confié à quelques experts aussi sérieux et soucieux du bien-être général soient-ils», pour reprendre les mots mêmes de Michel Nollet, président de la F.G.T.B., elles doivent régler leurs propres contradictions, leurs propres antagonismes en mettant en avant un intérêt supérieur, celui qui veut qu'il ne peut y avoir d'Europe économique sans Europe politique et sociale.

Après tout, l'Europe c'est nous. C'est notre affaire à tous et pas seulement à une poignée de financiers et de technocrates. La Wallonie qui a su, au fil de 150 ans de luttes sociales, de 150 ans d'intégration de travailleurs venus de tous horizons, se composer un modèle social de solidarité, doit avoir et aura son mot à dire comme Région souveraine dans l'édification d'un plus d'Europe. Et d'un mieux surtout.