Une dynastie francophone, réactionnaire et riche
Je crois que toute personne qui adhère à l'idée républicaine, peut résumer son opinion en une simple phrase: du pouvoir sans responsabilité est antidémocratique. Les royalistes prétendent que le roi (ou la reine) n'a pas de pouvoir réel. C'est jouer avec les mots. le roi a de l'influence, et pas peu, sur la politique intérieure et extérieure, sur l'économie et les finances (les liens avec certaines grande institutions) etc. Personne ne le nie: ce serait d'ailleurs difficile.
Mais à côté de ce motif fondamental il y en a d'autres qui peuvent être différents d'une personne à l'autre. Ces motifs sont peut être subsidiaires mais ils ne sont pas sans importance.
Pour moi, il y en a trois. Je suis antimonarchiste en tant que Flamand, en tant que libre-penseur et en tant qu'homme de gauche.
La Belgique a été fondée sur le slogan «la Belgique sera latine ou ne sera pas». Je ne sais pas qui a proclamé ce principe, mais nous savons qu'il a été appliqué durant un siècle. Toutes les institutions publiques étaient francophones, les études supérieures étaient en français. La seule université officielle en Flandre, l'université de Gand, a été néerlandisée en 1930, exactement un siècle après la fondation de la Belgique. Et les changements ne sont pas venus tout seuls.
Le Mouvement flamand a dû se battre pendant des décennies contre une opposition qui trouvait que le «flamand» était une langue inférieure juste bonne pour les domestiques et les paysans.
La monarchie était liée étroitement à cette idée que la Belgique devait être francophone. Cela a commencé à changer sous le règne d'Albert Ier. Non qu'il était particulièrement heureux de l'idée que la Flandre devienne néerlandophone de haut en bas: Jules Destrée ne parlait certainement pas uniquement en son nom propre quand il écrivait sa fameuse lettre à Albert I, qui contient la phrase: «Sire, ils nous ont pris la Flandre.» Ils? oui, les Flamands. Comment avaient-ils osé? Cette idée vit encore dans certains esprits. Encore récemment une homme politique disait son chagrin de ce que commander un bifteck-frites dans un restaurant d'Anvers ne soit pas évident.
Bien sûr, entre temps, certains membres de la monarchie peuvent s'exprimer en néerlandais, parfois même sans papier. N'empêche que la «culture» monarchique (je mets le mot entre guillemets pour éviter une certaine confusion), reste francophone. En tant que personne privée, c'est leur droit le plus strict. Malheureusement, ce ne sont pas de personnes privées, c'est pourquoi je préfère qu'ils le deviennent.
Ensuite, je suis libre-penseur. La monarchie est catholique, Ou plus exactement, elle l'est devenue. Léopold I était protestant. Avec le recul de la religion, ce pouvoir s'affaiblit, mais n'a pas disparu. Surtout sous le règne de Baudouin, ce lien est devenu évident. De plus, le catholicisme qui domine la monarchie à partir du Saint Baudouin a des relents de fondamentalisme.
Notez bien (et c'est important de le dire): je ne suis pas antireligieux. Je respecte toute religion qui ne va pas à l'encontre de la dignité humaine. Je connais des prêtres catholiques que j'admire pour le rôle social et spirituel qu'ils jouent. Je ne suis donc pas un «papevreter» comme on dit chez nous. mais lorsqu'une fois religieuse exerce une influence directe sur les attitudes politiques d'un roi, je suis plus d'accord. Le refus de Baudouin de signer une loi qui allait à l'encontre de ses convictions personnelles, est peut-être l'exemple le plus spectaculaire parce que la constitution a été foulée aux pieds, aussi bien par le roi que par le parlement. Baudouin a, bien sûr, le droit à sa conscience personnelle. mais pour un chef d'État, ce n'est pas sa conscience personnelle qui doit lui dicter ses actes, mais le processus démocratique. Il aurait dû abdiquer. En bon Cobourg, il s'est accroché au pouvoir.
Troisième point. Je suis un homme de gauche. Je pose donc des questions en ce qui concerne l'influence d'un roi dans le monde de l'économie te des finances, et ici j'entame le côté le moins visible de la monarchie. La monarchie a ses propres projets et pour maintenir son prestige et pour arrondir sa fortune. Il est vrai que la monarchie belge n'est pas la plus riche du monde, mais les chiffres que la Cour fait circuler sont ridicules. Permettez-moi de citer à ce sujet un homme instruit en cette matière, Pol Van Den Driessche, coauteur (avec Guy Polspoel) du livre récent Koning en Onderkoning, over de invloed van het hof en de lacht van Jacques van Ypersele de Strihou. Dans une interview dans De Journalist, magazine du Vlaamse Vereniging van Beroepsjournalist, il déclare en réponse à une question concernant ce qu'on appelle «la récente ouverture» de la Cour belge: «leur réaction au sujet des chiffres récents sur la fortune royale a fait éclater de rire le monde des finances et le milieu de la noblesse».
Il y a eu des exemples dans l'histoire du Congo après la décolonisation. La sécession temporaire du Katanga. la mort de Lumumba. On savait que la Cour avait de grands intérêts là-bas. Cela ne veut pas dire que Baudouin a pris lui-même des mesures pour provoquer la sécession du Katanga, ou qu'il a lui-même commandé le meurtre de Lumumba. Ce n'est pas comme cela que les choses se passent à ce niveau-là. À l'occasion du quarantième anniversaire de l'indépendance du Congo, on a pu entendre une extrait de son discours en 1960 où il déclarait que son prédécesseur Léopold II n'avait pas colonisé le Congo, mais qu'il avait apporté à ce pays la civilisation. Est-ce qu'il parlait sérieusement? Alors c'était un imbécile, s'il connaissait la vérité, c'était un hypocrite.
Un autre exemple de l'ingérence de la Cour dans les finances de notre pays. Lorsque la Banque de la Société Générale était sur le point d'être vendue à la banque néerlandaise ABN-AMRO (la banque qui, selon les journaux belges avait fait l'offre la plus avantageuse pour notre économie), la famille royale de Hollande, sous la pression de «certaines forces» a fait savoir qu'il valait mieux retirer l'offre. Ce que fit la Banque. Dans un communiqué, cette banque déplora que des forces occultes en Belgique aient empêché la vente de la Banque belge, malgré l'offre avantageuse pour les finances belges. Lippens, qui avait tout arrangé déclara publiquement: «C'est un cadeau d'anniversaire pour le roi.» Un mois plus tard, Monsieur Lippens pouvait s'appeler «comte Lippens».
Ce pauvre roi qui n'a pas de pouvoir! Il y a quelque temps, j'écoutais un professeur déclarer lors d'une interview à la VRT que «le roi constitutionnel n'a pas de pouvoir». J'ai alors pensé qu'à la sortie du studio il se tordait de rire.