Flamands et Wallons au Congo

26 March, 2009

Evert Kets vient de Publier Kuifje en Tintin kibbelen in Afrika (Acco, 2009, 19,5 € : "Tintin et Milou se chamaillent en Afrique"). Selon l'auteur, les conflits Flamands/Wallons ont joué leur rôle au Congo. Si, selon la Charte coloniale, le Congo a officiellement deux langues, le français et le néerlandais, les décrets d'application de cette disposition furent seulement pris 1944 et restèrent lettre morte. Le Congo était essentiellement francophone et les Flamands qui maîtrisaient mal le français n'obtinrent pas les postes importants et furent affectés aux postes qui l'étaient moins, ce qui impliquait de travailler dans le Congo profond dans des conditions de vie plus éprouvantes, plus en contact avec les autochtones, ce qui donna au néerlandais une connotation négative. Le néerlandais fut jugé arriéré sinon suspect. Le néerlandais (ou le flamand au départ), devint également une sorte de code permettant de parler sans que les Congolais ne comprennent. Un juge qui avait prononcé une sentence en néerlandais appris par là que la loi non-écrite c'était que tout se faisait en français au Congo et cela faillit lui coûter sa place. Les évolués du Congo qui avaient acquis la maîtrise du français, ne virent pas d'un bon oeil la lutte flamande en Afrique dans la mesure où ses résultats éventuels auraient eu comme inconvénient de les freiner dans leur ascension sociale.

Finalement Flamands et Wallons ont créé le plus grand Etat francophone dans le monde. Du fait qu'ils ont deux langues différentes, Flamands et Wallons ne voient pas le Congo de la même façon. Les Flamands vient surtout dans le Congo un Etat fragile et sans sécurité. Les Wallons voient dans le Congo un partenaire à part entière. Les Wallons ont tendance à percevoir Karel de Gucht comme l'archétype du Flamand riche et arrogant qui n'a pas à faire la leçon à Kabila. La Wallonie et Bruxelles sont plus culturellement impliquées au Congo que la Flandre. L'auteur estime que la Flandre aurait à mener une politique de présence au Congo et d'une façon générale une diplomatie qui ne serait pas déterminée par la seule dimension économique mais aussi par la dimension culturelle (compte rendu dans De Standaard du 23 mars)

Au même moment paraît le dernier livre de Colette Braeckman Vers la deuxième indépendance du Congo (Le Cri, Bruxelles, 2009) qui d'après le compte rendu du "Soir" de ce 26 mars semble aborder plutôt les choses d'un point de vue congolais et plus "universel"... Encore que ce sont souvent les "dominants" qui ont cette posture, ceci dit non par esprit critique à l'égard de Colette Braeckman (cette excellente spécialiste), que par autocritique collective, si du moins les Wallons ont jamais dominé quoi que ce soit en ce Royaume... Notons d'ailleurs que, à la fin des années 50, comme le montre un assez long article de l'Encyclopédie du mouvement wallon, ce sont les Wallons qui s'estilèrent floués dans cette période et se représentèrent (au moins des militants), l'indépendance du Congo comme un idéal à poursuivre pour son compte. Comme quoi rien n'est simple. Des militants wallons firent aussi observer que l'unitarisme belge s'exporta au Congo pour le meilleur et pour le pire... Voilà deux livres à lire et une problématique à creuser.