La FGTB pour une extension des pouvoirs régionaux
Le soutien de la FGTB wallonne au PS et à ECOLO n'est nullement un mystère. Il y a une cohérence dans ce soutien dans la mesure où, contrairement au CDH, divers élus socialistes (voire écolos...), sont partisans de la régionalisation de l'enseignement (à laquelle, Madame Joëlle Milquet s'oppose, comme à la régionalisation de la culture, estimant que ceux qui la proposent ne sont pas intelligents : voir l'écho consacré à l'opinion de la Présidente du CDH sur cette page).
De la même façon, la FGTB wallonne souhaite que le Plan Marshall consacre une plus grande part de son effort à l'énergie et au développement durable dans le domaine du logement (on lira par ailleurs, à ce sujet, le compte rendu que nous faisons du livre de Bernard Wesphael Une Wallonie verte).
Il y a à déplorer que ces prises de position ne soient pas assez relayées dans l'espace public et parmi les Wallons progressistes qui sont la majorité au Mouvement du Manifeste Wallon par exemple. Il convient donc que les intellectuels, les militants wallons fassent connaître le point de vue syndical wallon de la FGTB. C'est le but de l' insertion de l'interview parue dans Syndicats, il y a quelques jours 1.
On regrettera aussi que dans les milieux intellectuels, notamment les enseignants, ces prises de position ne sont souvent pas comprises ni même connues. Notamment parce que dans ces milieux l'approche des problèmes est idéaliste. On lire sur cette page, par exemple, la position contestable de certains chrétiens, pourtant progressistes, dans un texte intitulé Le Royaume de Belgique et Royaume de Dieu qui s'en prend même d'une manière aveugle (non informée), au syndicalisme qui soutient la Régionalisation dans une optique anticapitaliste.
Mais il n'y a pas que les chrétiens qui peuvent adopter ces positions. On évoque souvent les divisions sous-régionales de la Wallonie. Il y a peut-être des divisions plus graves comme celles qui séparent les intellectuels et les organisations représentatives d'ouvriers, d'employés, mais aussi d'agriculteurs. Il y aurait même à réfléchir à cet égard (puisque l'on parle du glissement de voix du PS à ECOLO), sur l'indifférence assez bien connue (à travers diverses enquêtes sur lesquelles nous reviendrons), des électeurs écolos aux thèmes wallons. Cette fracture ne date pas d'aujourd'hui.Que les intellectuels et le mouvement wallon de même que le mouvement ouvrier interagissent , il y là quelque chose de vital pour ceux qui veulent résister à l'esprit du temps, que ce soit en Wallonie ou au-delà de la Wallonie.
Interview de Thierry Bodson, Secrétaire général de la FGTB wallonne
Anticapitalisme à tous les étages
Syndicats: L'image de «la Wallonie qui gagne» a du mal à s'imposer. Les stéréotypes liés à la Wallonie, sont plutôt: poches de chômage structurel et chômage des jeunes important, paysages industriels dévastés, mutation industrielle laborieuse, problèmes de formation, pauvreté persistante, man- que de logements sociaux, etc.
La Wallonie n'est pas un bloc homogène. Les réalités sont différentes selon que l'on est dans le Brabant Wallon ou dans les anciens bassins industriels. On part toujours de l'a priori qu'en Wallonie rien ne marche. Pourtant, pour ne prendre qu'un exemple, la SRIW (Société régionale wallonne d'investissement), holding public qui n'exige pas de return à 2 chiffres, n'a quasiment pas perdu d'argent avec la crise ?nancière alors que son homologue ?amande le GIMV, holding privé dirigé par un certain Herman Daems, appelé à diriger Fortis-BNP, a perdu plus de 300 millions d'euros...
Syndicats: Quels sont pour toi les dé?s majeurs à relever et les atouts de la Région et quelle est ton appréciation du Plan Marshall 1 & 2 au vu des problèmes qui restent à régler?
La FGTB wallonne a toujours eu une approche positive à propos du Plan Marshall parce que c'est un plan de redéploiement industriel qui manquait à la Wallonie. De plus il a été mis sur pied dans la transparence et chaque étape - et notamment la détermination des projets dans le cadre des pôles de compétences - a fait l'objet d'une évaluation objective et impartiale. Par contre dans sa dernière version, je ne peux que regretter l'absence d'un 6e pôle de compétitivité portant sur l'énergie et l'environnement; plus précisément les économies d'énergie et la construction vue sous l'angle du développement durable. Je crois que c'est une grave erreur parce que le développement durable est un moyen de relancer l'économie. Il implique la recherche et le développement sur des matériaux nouveaux, la formation des travailleurs à ces techniques nouvelles, la mise en place de leviers tels que les primes, les subsides et le crédit pour ?nancer des projets. Bref un ensemble cohérent pour aider au redéploiement économique et à la création d'emplois. Comme je regrette que le chapitre sur le rôle des pouvoirs publics se borne à 6 lignes pour dire qu'il faut baisser la ?scalité alors qu'il y a des chantiers énormes dans lesquels les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer. Par exemple, en matière de mobilité, d'enseignement pour améliorer l'adéquation entre la formation et les besoins de l'économie. C'est un plaidoyer très clair pour une régionalisation de l'enseignement, de la formation des enseignants, du tronc commun jusqu'à 16 ans...
Syndicats: L'économie, l'emploi wallons sont largement dépendants de décisions prises ailleurs (Cfr Arcelor Mittal ou Caterpillar), la crise est mondiale. C'est notamment pourquoi la FGTB Wallonne a donné à son mémorandum une connotation très anticapitaliste. Mais le scrutin n'en est pas moins régional... Peut-on faire de l'anticapitalisme régional?
N'oublions pas que le 7 juin sera un scrutin régional mais aussi européen et nous avons voulu justement souligner l'absence d'Europe sociale et ?scale et la nécessité de faire le lien entre les politiques locales et supranationales. Prenons l'exemple des intérêts notionnels. C'est une mesure fédérale qui n'a d'autre but que d'encourager le dumping ?scal en ramenant le taux de l'impôt des sociétés autour des 20%. En tant que FGTB wallonne, on ne se contente pas de dire que c'est inef?cace et qu'on nous a ?oués, mais nous disons que c'est du dumping ?scal à l'égard de l'Europe. Il y a comme cela un tas de mesures qui relèvent de compétences fédérales ou régionales mais qui s'inscrivent dans le cadre européen et qui vont dans le sens de moins de protection sociale, de moins bonnes conditions de travail, de moins de contrôle de l'économie. Que ce soit la privatisation de la Poste, la libéralisation du secteur de l'énergie, etc. En tant que syndicat, on ne peut pas ré?échir et prendre position de manière compartimentée en suivant strictement le schéma institutionnel.
Syndicats: Est-ce que cela veut dire que tu plaides pour plus de «subsidiarité», c'est-à-dire plus de pouvoir de décision au niveau le plus ef?cace, en l'occurrence la Région?
Si la question est: «faut-il plus de compétences régionales?» la réponse est oui. Si on transférait par exemple aux Régions le budget de l'activation des allocations de chômage [NDLR : plan Activa, etc.], la Région wallonne récupérerait environ 200 millions, c'est-à-dire l'équivalent du budget annuel du plan Marshall.
- 1. Anticapitalisme à tous les étages voyez p. 9