La Wallonie à gauche le 7 juin 2009 [Tableaux]

9 June, 2009

Elections

La Wallonie est à gauche. C'est le PS qui l'exprime, mais pas seulement. C'est aussi une partie du CDH et les Ecolos. Peut-on définir une région ou une nation par son orientation politique ? Surtout s'il s'agit d'une communauté politique démocratique soumise à la loi de l'alternance sans laquelle il n'y a pas de démocratie ? Oui, malgré tout. Le Québec ou la Suède sont des pays qui ont poussé très loin une sorte de raffinement social-démocrate. Le Québec à travers un parti nationaliste - le Parti Québécois - mais qui est lié au syndicalisme, et même si le PQ n'est pas aussi constamment au pouvoir que les socialistes suédois. Sans vouloir diaboliser la Flandre, on constate que le vote qu'on appelle classiquement anti-système en Wallonie ne s'enracine pas à la droite ou à l'extrême droite. Le rexisme en 1936 n'était pas un parti réellement d'extrême droite, mais avait pu attirer ce que l'on pourrait appeler des catholiques idéalistes (avec, certes, des aigris, partisans du « tous pourris »). Et après 1936, Rex a disparu. Le vote vert n'est d'ailleurs pas seulement un vote anti-système. Les Verts ont des propositions concrètes sur le développement de la Wallonie. Il suffit de se reporter au livre de Bernard Wesphael dont il est rendu compte sur cette page : Une Wallonie verte. Et ne pas oublier que la FGTB wallonne avait appelé à voter tant PS qu'Ecolo. Dans le compte rendu que nous faisons aussi sur cette page du numéro de La Revue Nouvelle consacré au Plan Marshall, les divers auteurs de la revue montrent que ce Plan a fini par faire consensus entre les grandes forces sociales organisées mais aussi entre les partis politiques. Moins sans doute la population wallonne qui n'en sent sans doute pas encore elles effets concrets et qui n'en voient pas les lignes directrices.

Approfondir radicalement le redressement et les réformes déjà entamés

Des Ecolos à la tête de la Wallonie, au sein d'un Gouvernement wallon, seraient peut-être aptes à populariser le projet wallon de développement dans la mesure où leur credo est celui du développement durable, ce qui implique notamment le renouvellement des énergies, l'amélioration du logement et la création d'emplois si l'on pense que les calculs de Bernard Wesphael sont bien pensés. On peut penser aussi que la position de force qu'adopte Ecolo face au PS contraindra celui-ci à considérer autrement la politique que comme une manière d'exercer des mandats lucratifs à la tête des intercommunales et des provinces. Déjà, dans la législature précédente, le nombre de ces mandataires avait été fortement diminué, le logement social considérablement assaini en raison de l'écho des affaires et de la politique d'André Antoine. Au fond, le gouvernement wallon qui a dirigé la Wallonie de 2004 à 2009 n'était pas un mauvais gouvernement. Il a entamé des réformes de la Wallonie essentielles à son redressement économique, mais aussi politique. On songe ici à l'amélioration de la démocratie dans les communes avec cette possibilité des conseils communaux qui peuvent maintenant légalement se saisir de renverser un Collège communal qui fonctionne mal. Ce n'est pas rien parce que, malgré ce qu'en dit parfois le slogan, ce n'est pas nécessairement dans les communes que le Pouvoir supposé être le plus « proche du citoyen » est le plus proche de la citoyenneté. L'exemple malheureux de Charleroi est là pour le prouver. Le mal de Charleroi, ce n'est pas d'abord les magouilles, mais le pouvoir absolu d'un parti comme le montre Xavier Desgain, un député vert que l'on retrouvera avec joie au Parlement wallon Avec Xavier Desgain, conseiller communal, sur Charleroi

Tout cela même si la tactique actuelle des Verts (invitant le CDH à négocier, puis le MR, puis Ecolo), elle va dans le sens de ce que François André expliquait déjà il y a six ans dans Grandes manoeuvres de bipolarisation : fédéral et Wallonie. C'est un peu paradoxal évidemment, mais c'est vrai que la polarisation gauche-droite ne favorise pas les Verts (ni le CDH).Evidemment, il en serait peut-être autrement si les Ecolos était un important parti de gauche...

Parlement wallon (d'après Wikipédia)

13 circonscriptions
Chef de file
(circonscription)
ListeRésultatsSièges
Nombre %ABCDPHLMNNVNiSThTAVTotal
Rudy Demotte
(Tournai)
PS 657 803 32,77 1 5 1 1 6 3 2 1 1 2 2 2 2 29
Serge Kubla
(Nivelles)
MR 469 792 23,41 0 1 1 2 3 1 2 0 4 1 1 2 1 19
Marcel Cheron
(Nivelles)
Ecolo 372 067 18,54 0 2 1 1 2 1 1 0 2 1 0 1 2 14
André Antoine
(Nivelles)
CdH 323 952 16,14 2 1 1 0 2 1 1 1 1 0 0 2 1 13
Inscrits 2 442 697 100,00
Votants 2 173 901 89,00
Blancs et nuls 166 863 7,68
Votes valables 2 007 038

AB : Arlon-Marche-BastogneC : CharleroiDP : Dinant-PhilippevilleHW : Huy-WaremmeL : LiègeM : Mons
N : NamurNV : Neufchâteau-VirtonNi : NivellesS : SoigniesTh : ThuinTA : Tournai-Ath-MouscronV : Verviers

A comparer aux élections régionales de 2004 (tableau repris de Wikipédia)

Résultats des Élections régionales belges de 2004
Région wallonne

13 circonscriptions
Chef de file
(circonscription)
ListeRésultatsSièges
#%ABCDPHLMNNVNiSThTAVtotal
JC Van Cauwenberghe
(Charleroi)
PS 727 781 36,91 1 4 2 2 6 3 3 1 2 2 3 3 2 34
Serge Kubla
(Nivelles)
MR 478 999 24,29 1 2 1 2 3 1 2 4 1 2 1 20
André Antoine
(Nivelles)
CdH 347 348 17,62 1 1 1 2 1 1 1 1 1 2 2 14
Bernard Wesphael
(Liège)
ECOLO 167 916 8,52 1 1 1 3

FN 160 130 8,12 2 1 1 4
Inscrits 2 359 447 100,00
Votants 2 111 872 89,51
Blancs et nuls 140 167 6,64
Votes valables 1 971 705

AB Arlon-Marche-Bastogne C Charleroi DP Dinant-Philippeville HW Huy-Waremme L Liège M Mons
N Namur NV Neufchâteau-Virton Ni Nivelles S Soignies Th Thuin TA Tournai-Ath-Mouscron V Verviers

Ou encore aux élections fédérales belges de 2007

Région wallonne (Partis représentés au Parlement)

Partis Voix obtenues % Sièges
MR 641.824 31,2 % 17 (23) *
PS 607.961 29,5 % 17 (20) *
CDH 324.556 14,29 % 7 (10) *
ECOLO 262.934 13,98 % 6 (8) *
FN 114.936 5,6 % 1

Nos appréhensions: un Gouvernement wallon qui ne se sente pas wallon

Nous qui voulons que l'enseignement et la culture soient régionalisés parce que nous estimons que c'est à cette seule condition qu'existera une communauté politique wallonne véritable et véritablement citoyenne, nous risquons par contre, à cet égard, d'être déçus. Il est vrai que l'on parle de supprimer formellement le gouvernement de la Communauté française dans la mesure où celui-ci ne serait plus en réalité qu'un gouvernement wallo-bruxellois. Mais il est vrai aussi qu'il y a dans les rangs écolos des gens comme Marcel Cheron qui ont pu dire, il y a encore quelques années, qu'ils travaillaient pour la Wallonie sans se sentir wallons. Or de telles déclarations et de tels états d'esprit ne sont pas de ceux, à notre avis, qui sont de nature à mobiliser la population wallonne autour du projet d'une société wallonne forte, assurée d'elle-même, reconnaissant non seulement la valeur de ses consensus politiques et économiques mais aussi sa personnalité de peuple. Et son projet républicain. Combien de temps va-t-on encore mégoter sur l'existence d'un cinéma wallon en expliquant tour à tour qu'il est belge, qu'il est francophone et en dernier lieu qu'il est wallon ? Va-t-on prendre au sérieux le principal patrimoine culturel à préserver en Wallonie constitué de nos langues endogènes ? Combien de temps va-t-on encore vivre dans la skyzophrénie d'une Wallonie qui va voir encore augmenter ses pouvoirs, y compris sur la scène internationale, mais qui ne se présentera pas globalement comme wallonne, quasiment en s'en cachant? Les dirigeants wallons auront-ils le courage, sans renier la solidarité avec Bruxelles, de dire que le destin de Bruxelles et de la Wallonie ne se joue pas principalement à BHV ? Auront-ils le courage de dire que si le lien avec Bruxelles est nécessaire, il faut tout de même contrer certaines affirmations, soi-disant scientifiques, selon lesquelles la richesse de Bruxelles profite au pays tout entier ? Parce que c'est aussi - et surtout - le pays tout entier qui fait de Bruxelles une ville riche. Et non pas le pays qui profite de la richesse de Bruxelles. Les dirigeants wallons auront-ils le courage de dire que la centralisation excessive de la Belgique n'est pas que pain bénit pour la Wallonie qui a avantage à réorganiser son territoire sur l'axe Sambre-Meuse parce que cet axe est l'axe vital de la Wallonie ? Ce qui veut dire que si Liège et Charleroi continuent à s'affaiblir, c'est la Wallonie toue entière qui s'affaiblit parce qu'elle risquerait alors de devenir la pure et simple banlieue d'un centre, avant de disparaître. On parle beaucoup d'une fédération Wallonie-Bruxelles. Mais politiquement, symboliquement, il ne sera pas facile que les deux pôles énoncés en ce dyptique vivent leur association de façon démocratique, soit en admettant que pour des raisons de démocratie, d'équité, de profil historique, géographique et culturel, la préséance doit être donnée à la Wallonie dans ses divers composantes et non à une ville, même si c'est une grande ville - il y en a d'autres en Wallonie - et justement parce ce n'est qu'une ville, pas un pays.

Le développement durable en Wallonie, c'est aussi une Wallonie qui s'affermit, qui se solidarise, qui s'ouvre à l'extérieur et qui puisse s'affirmer autrement que comme la satellite d'une ville qui a représenté dans la période la plus prospère de la Wallonie un centre dominant et dirigeant qui n'a pas été pour rien dans le déclin dont nous souffrons depuis près d'un siècle. Le développement durable en Wallonie, c'est une Wallonie qui redevienne jeune et neuve. Qui soit une vraie République et non pas la morne banlieue grise et poussiéreuse d'une capitale de l'Europe de plus en plus riche, de plus en plus forte, de plus en plus large et dont la rumeur publique (qu'elle fait naître à travers les médias qui sont logés chez elle), assure qu'on y est plus éthique qu'en Wallonie... Comment faire autrement évidemment? Une ville a toujours tendance à mépriser (sur tous les plans), le plat pays (au sens figuré), qui l'environne. Mais c'est justement à lutter contre ce qui n'est peut-être pas tout à fait une fatalité que nous invitons nos amis bruxellois.