En route vers l'Oscar?

Toudi mensuel n°20, juin-juillet 1999

Quand une bête mourra qui est à vous pour manger,/ qui touche à sa charogne sera contaminé jusqu'au soir (Lévitique, 11/39)

Avant qu'ils ne se laissent (trop) griser par la liesse belgo-belge consécutive à l'obtention de la Palme d'Or pour leur film Rosetta, nous ne saurions trop conseiller aux frères Dardenne de remercier publiquement tous les gouvernements belges successifs qui leur ont permis de vendre au monde émerveillé l'émouvant spectacle de la misère wallonne, que ces gouvernements belges successifs ont patiemment façonnée, à grands coups de politiques réactionnaires et antisociales. Voilà qui clouera sans doute définitivement le bec aux quelques mauvais esprits qui ont, des années durant, prétendu que les souffrances endurées par les petites gens ne servaient qu'à engraisser davantage l'ogre capitaliste.

Force leur est d'enfin reconnaître que ces mêmes politiques, menées par des dirigeants doués d'un sens très sûr de l'esthétique (même s'ils n'en ont jamais rien laissé paraître), n'avaient au fond qu'un but unique, bien différent de ce qu'une certaine gauche archaïque aurait aimé laisser croire: la défense de la Beauté, de l'Émotion et de la Culture.

Voici venue l'heure des charognards sublimes et par les temps qui courent, on peut certainement promettre un très bel avenir à l'industrie cinématographique belge. D'ailleurs, à quand les voyages organisés, les safaris photos et les parcs thématiques ZolaVille; DickensCity et autres EuroSDF?

Plus sérieusement: il serait peut-être temps que ces would be Ken Loach au (très) petit pied comprennent, une fois pour toutes, que, s'il n'est pas dans l'habitude des Wallons de hurler avec les loups, l'heure n'est pas encore tout à faut venue où ils bêleront avec les moutons. Cette Belgique qui gagne, en vendant une Wallonie qui perd, apprendra d'ailleurs assez tôt que ce trop vivant cadavre est de surcroît piégé...

Paul Yernaux, André Gauditiaubois de la Fondation Léon Lechien