Le projet de constitution wallonne
On lira ci-dessous quelques extraits significatifs du projet de Constitution wallonne déposé au Parlement de Namur par MM. Van Cauwenberghe, Bayenet, Ficheroulle, Collignon, Happart, Eliane Tillieux. Même si la proposition peut sembler peu audacieuse, elle consacre des principes ou des dispositions qui sont très avancés. Comme le fait de lier la « qualité » (terme typique du « nationalisme de contestation » à mi-chemin de citoyenneté et de nationalité), de Wallon à la résidence, de changer les formules du serment, d'établir l'égalité des hommes et des femmes, d'énumérer des droits sociaux, de rendre plus forte la nécessité de la concertation sociale, d'affirmer le lien aux pays de culture germanique à travers les communes germanophones, le lien avec Bruxelles et de parler d'un Etat étranger - le seul dont il soit question - la République française. En outre, cette Constitution ne peut être suspendue. Et elle ne peut être révisée que par les Parlementaires wallons. Répétons que ce texte qui n'est pas audacieux a le mérite immense - s'il était adopté - d'empêcher toute fusion avec la Communauté (déjà rendue difficile par la Constitution fédérale elle-même), tout en inaugurant des rapports avec Bruxelles qui, sans doute, respectent la Constitution belge, mais fondent aussi, par rapport à elle un fait nouveau. Cette proposition est offensive sur certains points. Elle utilise les mots « nation » et « République » certes discrètement et sans « scandale », et jamais le mot « roi ».
Rédiger une Constitution est toujours un acte politique important. La Wallonie est un Etat dont le mouvement wallon a toujours voulu la consécration dans le but de redresser la Wallonie. Plus l'Etat wallon sera fort, mieux ce sera de ce point de vue qui n'intéresse pas que les juristes, mais tout citoyen soucieux, notamment, de la plaie du chômage et de celle de la xénophobie. Le texte constitutionnel wallon ne va pas rendre ces deux maux impossibles, mais il fait solennellement obligation aux citoyens de ne pas les accepter.
On imagine bien que beaucoup y verront un acte symbolique, une pure déclaration de principes. N'empêche que pour le mouvement wallon, voir ses exigences gravées dans le texte d'une Constitution, cela représente quelque chose qui n'est en rien anodin. En outre, la Constitution révèle à lui-même un Etat wallon encore assez peu perçu comme tel dans ses attributs souverains par l'opinion publique. Nous avons souligné les passages importants ou significatifs, ceux qui délivrent un message. Et en dépit de la fidélité de la Constitution à la Constitution fédérale, annoncent des dynamiques ultérieures.
Article 1 : La Wallonie est une communauté d'hommes et de femmes dotés d'une histoire, d'une identité et d'une conscience collective. Son incarnation politique est la Région wallonne.
Article 2 La Wallonie est une Région à pouvoir législatif fondée sur le suffrage universel, la liberté, l'égalité, la solidarité, la justice, le progrès et la responsabilité.
Article 4 [...] Les autorités wallonnes expriment (...) leur ouverture aux communes dont la population exprimerait sa volonté d'intégrer le territoire wallon.
Article 9 : La Wallonie respecte les spécificités du statut bi-régional de la commune des Fourons (cet article est suivi d'une « disposition transitoire » et n'entrera en jeu que lorsque l'art. 5 al. 3 de la Constitution belge sera appliqué aux Fourons).
Article 10 : La capitale de la Wallonie est à Namur (...) La Wallonie partage avec Bruxelles le siège des institutions communes aux Wallons et aux Bruxellois francophones.
Article 12 : La qualité de Wallon se fonde sur la résidence en Wallonie et se nourrit d'une adhésion à des valeurs fondamentalement communes.
Article 13 : (...) La fête de la nation wallonne est dénommée « Fête de la Wallonie » (...)
Article 15 : Le but de la société wallonne est le bonheur commun, le progrès partagé et le bien-être des générations futures.
Article 18 : Dans tous les domaines (...) les droits et les obligations entre les femmes et les hommes sont identiques (...).
Article 19 : Chacun (...) bénéficie des garanties offertes par la laïcité de l'Etat.
Article 21 : Les autorités wallonnes visent la meilleure insertion des aînés dans la société...
Article 25 : La liberté syndicale est consacrée
Article 26 : (...) Le Gouvernement promeut la tradition wallonne de concertation et de dialogue social entre les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs (...).
Article 38 : (...) Les autorités publiques wallonnes (visent à...) concrétiser
1° le droit à; la protection de la personne ( 2°, 3° (etc.)...à un logement décent, à un accès à l'énergie, à un environnement sain, à l'intégration sociale et professionnelles.
Article 41 : Les Wallons ont droit à la connaissance de leur histoire (...)
Article 42 : Les langues régionales de Wallonie - picard, wallon champennois, lorrain et francique - font partie intégrante du patrimoine commun. Leur apprentissage et leur diffusion culturelle sont encouragés, notamment par les pouvoirs publics.
Article 52 : La Région wallonne dispose de compétences implicites.
Article 74 : (...) Tout propos à caractère raciste ou xénophobe doit être considéré comme extérieur à la fonction parlementaire.
Article 88 : Les membres du Gouvernement wallon sont élus par le Parlement wallon. Ils prêtent serment entre les mains de son Président en ces termes: Je jure fidélité à la Wallonie et obéissance à la Constitution.
Article 89 : Les membres du Gouvernement wallon désignent en leur sein le Ministre-Président. Dans le respect du prescrit constitutionnel fédéral, le Parlement wallon peut instaurer et modéliser par décret spécial l'élection directe du Président du Gouvernement wallon par l'ensemble de la population wallonne s'exprimant au suffrage universel dans le cadre d'une circonscription unique.
Article 96 : (...) (Les fonctionnaires wallons prêtent serment selon la formule): Je jure fidélité au Gouvernement, obéissance à la Constitution et aux lois en vigueur en Wallonie.
Article 119 : Les habitants des communes de langue allemande et leurs institutions jouent, pour la Wallonie entière, un rôle de relais privilégié vers les pays de culture germanique.
Titre X De la solidarité instituée avec Bruxelles.
[Ici plusieurs articles insistent sur cette solidarité, permettant des transferts, mais établissant les Régions comme le socle des coopérations, un peu sur le modèle de l'article déposé par le Manifeste wallon au Parlement en 2003. La base de la coopération se fait avec la COCOF.]
Article 138 : Dans le cadre des compétences régionales (...) les membres du Gouvernement wallon peuvent participer aux (...) Conseils européens (...) Le Parlement wallon peut créer une commission chargée (des) (...) affaires européennes...
Article 139 : La Wallonie entretient en matière linguistique et culturelle et dans tous les domaines où elle le juge opportun, des relations privilégiées avec la République française.
Article 140 : La Wallonie se déclare ouverte aux autres peuples et à leur culture (...) Elle encourage la coopération entre les peuples (...).
Article 141 : La Région wallonne conduit des relations internationales dans le cadre de ses compétences, y compris la conclusion de traités (...).
(...) Le Gouvernement wallon conclut des traités sur les matières qui relèvent de la compétence du Parlement wallon. Ces traités n'ont d'effet qu'avec l'assentiment de ce dernier.
Article 144 : Le texte de la Constitution wallonne est établi en français et en allemand.
Article 146 : La Constitution wallonne ne peut être suspendue en tout ni en partie.
Article 148 : Le Parlement wallon est seul en droit de procéder à la révision des dispositions de la présente Constitution.
Certians journaux ont déjà réagi face à ce texte qui prône la solidarité entre Bruxelles et la Wallonie pour... regretter qu'il ne la prône pas ! Ce qui semble vraiment relever d'un réflexe compulsif chez certains quand une démarche concerne surtout la Wallonie sans oublier Bruxelles. La seule solidarité acceptable entre Bruxelles et la Wallonie devait donc être formulée comment ? Nous lisons ces choses dans des organes de presse qui seraient voués à disparaître s'ils n'étaient pas lus en Wallonie, mais nous lisons aussi dans les mêmes organes de presse que, sans Bruxelles, la Wallonie ne pourrait rien faire. Et eux ? Cependant, la chaîne Vers l'Avenir et la chaîne Sud-Presse en Wallonie ont dans l'ensemble commenté favorablement l'initiative de même que, à Bruxelles, le journal Le Soir. La réaction de La Nouvelle Gazette (et l'ensemble des journaux de Sud-Presse), propose une vraie trouvaille. A l'objection selon laquelle il faudrait se préoccuper des « vrais problèmes de gens », le journal objecte que, d'abord, la Constitution se préoccupe de ces problèmes et qu'ensuite, dans la vie, il n'y a pas que les vrais problèmes.