De Bart De Wever à Jean Jaurès
Jean Jaurès écrivait dans son éditorial de L'Humanité du 4 juin 1912 à propos des élections belges : « Tandis que les cléricaux l'emportaient dans les Flandres, les partis de gauche étaient vainqueurs dans la Wallonie, c'est-à-dire dans cette partie de la Belgique qui par la langue et les idées est le plus françaises. » Ce jeudi 3 décembre 2009, Bart De Wever écrivait dans Le Soir: « Chaque jour, les Flamands acceptent que l'on vote à la Chambre des propositions, sans majorité flamande. Du jamais vu depuis la création de la Belgique... ». Ce n'est peut-être pas tout à fait exact. C'est sur la Flandre que se sont appuyés le plus grand nombre de gouvernements belges au moins de 1884 à 1961, une majorité de députés wallons se retrouvant d'une manière systématique dans l'opposition. La seule parenthèse importante fut le gouvernement de Van Acker, de 1954 à 1958, coalition entre le PSB et les libéraux. Le CVP avait emporté 52% des suffrages en Flandre aux élections de 1954.
Mais qu'un gouvernement belge n'ait pas de majorité parlementaire en Flandre, c'est effectivement exceptionnel. Pour la Wallonie, cela a été presque la règle générale, parfois durant des décenies. Même après 1961, bien d'autres gouvernements belges n'eurent pas de majorité parlementaire en Wallonie. Ce que Bart De Wever propose pour BHV - que la Flandre use de sa majorité au Parlement pour imposer ses vues - c'est un fait qui n'a rien d'exceptionnel en Belgique. Seuls les médias le croient et nous le font croire. Il suffit de consulter l'article que nous avons consacré à Béatrice Delvaux pour le vérifier.
Ceci dit, Bart De Wever n'a nullement tort d'écrire : « Je suis toujours surpris de constater que la menace d'une crise est brandie par les francophones à l'égard des Flamands. Pourquoi ne pas voter la scission [de BHV,ndlr], et demander , pour une fois,aux francophones de ne pas déclencher une crise sur un dossier que tout le monde qualifie de secondaire et dont les Wallons se fichent éperdument ? C'est l'ordre établi du MR et surtout du FDF bruxellois. »
Il ajoute qu'il ne comprend pas pourquoi les Wallons peuvent se solidariser avec les bourgeois bruxellois. On pourrait lui répondre qu'il n'y a pas que des bourgeois à Bruxelles ni dans la périphérie. Mais il a raison de poursuivre en posant cette question : « Quel est le lien entre un ouvrier du Borinage et ces gens-là ? » Sans dire une seule fois que BHV ne mérite en aucun cas la solidarité wallonne, on se permettra quand même de poser la question de savoir pourquoi des gens comme Joëlle Milquet ou Delpérée s'acharnent à ce point sur cette question si ce n'est par électoralisme communautaire (être « communautaire » en ce sens n'empêche pas d'aller chanter la brabançonne sur la Place des Martyrs comme J.Milquet en septembre 2007, et Onkelinx).
Maingain, on comprend qu'il travaille pour BHV.
Bart De Wever poursuit en disant que ce sont surtout les francophones qui ont « beaucoup à perdre à une disparition de la Belgique ». Ceci, ce n'est sans doute pas exact et en tout cas personne ne pourrait le prouver. Mais l'appui de trop de dirigeants wallons à la manifestation belgicaine de novembre 2007, l'attitude de ceux-ci qui confortent les craintes d'une partie de la population en Wallonie ne nous aident absolument pas. On a souvent répété que c'était par tactique que les Wallons et les Bruxellois francophones adoptaient de pareilles attitudes, celui qui « ne demande rien » étant le plus fort dans la négociation (sur le papier...). A cela il faut opposer que les Wallons ne pourront jamais être les plus forts en Belgique et que cette structure étatique ne leur a jamais été favorable que dans la mesure où les luttes ouvrières leur y ont donné quelques avantages, de la Sécurité sociale au fédéralisme. Soit des conquêtes qui ne sont pas nécessairement chaudement soutenues par les personnalités et partis politiques citées par l'homme de droite flamand. Ne serait-ce qu'en raison de l'appui de gens comme Delpérée à ce machin informe qu'est la Communauté française de Belgique, ce formidable cadeau (involontaire) des Flamands aux plus belgicains des Wallons et des francophones.