La Commission sénatoriale d'information et d'enquête en matière de sécurité nucléaire (1986 - 1991).
En 1938, des physiciens, Otto Hahn et Friedrich Strassman, découvrent la fission nucléaire de l'uranium capable de dégager une énergie considérable. Ce sera le début d'une course à la création de la bombe atomique. Une partie des stocks de minerais d'uranium sont évacués vers les Etats-Unis mais l'armée allemande entrée en Belgique en mai 1940 mettra la main sur la partie restante. Le Gouvernement belge de Londres négociera avec les Etats-Unis la livraison de ce stock et la fourniture de minerais au départ du Katanga. Cet uranium servira dans le projet "Manhattan" de recherche et de mise au point des premières bombes atomiques. En contrepartie, la Belgique pouvait envoyer des scientifiques aux Etats-Unis pour s'initier et recevoir les informations sur le développement de l'énergie nucléaire, hormis les secrets militaires.
En 1952 le Centre d'étude nucléaire est créé à Mol. Pierre Ryckmans qui a été Gouverneur du Congo belge peu avant la guerre et en fonction pendant toute la guerre en sera le Président fondateur. Trois réacteurs y seront construits, le premier bénéficiant directement de l'expérience américaine a permis de se familiarisé avec cette nouvelle technique. Le second sera un réacteur de recherche et le troisième (BR 3) un réacteur à eau pressurisée "PWR", d'une puissance de 30 MW, construit par Westinghouse et mis en service en 1962. Il servira d'écolage pour plusieurs générations d'ingénieurs et de techniciens des futures centrales nucléaires.
Ce climat en faveur de l'énergie nucléaire à incité les sociétés privées d'électricité (il n'existe pas de société publique d'une certaine importance) à opérer un choix en faveur du nucléaire selon la filière "PWR". La première centrale nucléaire, d'une puissance de 100 MW, sera construite en partenariat entre EDF (Electricité de France, société nationalisée) et l'ensemble des sociétés belges d'électricité (à l'époque : EBES, Intercom et Unerg) dans une caverne creusée dans la roche en bordure de la Meuse à Chooz près de Givet. Elle démarrera en 1967. Cette centrale est aujourd'hui démantelée comme d'ailleurs le réacteur BR 3..
Deux sites ont été choisis pour construire les centrales nucléaires : Doel sur la rive gauche de l'Escaut, légèrement en aval d'Anvers et Tihange sur la Meuse, tout à côté de Huy. Le processus de production d'électricité par la détente de vapeur dans une turbine entraînant un alternateur demande, en effet, une source froide pour obtenir un fonctionnement correct et un bon rendement, d'où la nécessité d'un fleuve au débit suffisant.
Les mises en service ont été les suivantes : Doel 1 et Doel 2, deux unités jumelées, chacune de 400 MW, ont été mises en service en 1974. Doel 3, 900 MW, en 1981 et Doel 4, 980 MW, en 1985, Tihange I, 870 MW, a été mis en service en 1975, Tihange II, 900 MW, en 1982 et Tihange III, 980 MW, en 1985. A cette date, la Belgique était le pays où la part de la production d'électricité d'origine nucléaire était la plus élevée au monde.
Déjà en 1974, avec la mise en service des unités de Doel et de Tihange, la population s'inquiétait d'une telle importance du nucléaire, qui plus est à proximité immédiate d'agglomérations d'habitats importants. Une commission d'experts a été réunie par le Ministre des Affaires économiques en charge de l'énergie à cette époque. Cette commission d'évaluation en matière d'énergie nucléaire a abordé les différents aspects répartis entre 8 groupes de travail. Le rapport de synthèse a été remis en mars 1976. Comme on devait s'y attendre, constitué d'experts travaillant de près ou de loin dans le secteur nucléaire, ce rapport était rassurant sur tous les plans. Il n'a eu qu'un faible écho dans la population mais a rassuré le monde politique.
L'accident survenu le 25 mars 1979 à la centrale de Three Mile Island en Pennsylvanie (Etats-Unis d'Amérique) a gravement endommagé le coeur du réacteur du type PWR avec des rejets gazeux importants mais qui n'ont pas affecté la population. Ici aussi les spécialistes ont tiré comme leçon que les conséquences d'un accident dans un réacteur PWR pouvaient être limités en raison de l'enceinte de confinement du réacteur.
La création d'une Commission d'enquête
Le 26 avril 1986, un accident grave survient à l'unité 3 de la centrale nucléaire du type graphite-gaz de la centrale nucléaire de Tchernobyl ; il est suivi d'un incendie du coeur même du réacteur avec émission dans l'atmosphère de grandes quantités de produits radioactifs sous forme de gaz et de fines particules. Ce nuage hautement radioactif a été poussé dans l'atmosphère au gré des vents et est progressivement retombé sur les pays survolés, notamment sous l'effet des pluies. Il a touché en premier les régions voisines d'Ukraine et de Biélorussie mais aussi la Suède et la Finlande. La Suède a donné l'alerte le 28 avril, avant l'annonce par l'URSS.
En Belgique, les réseaux de détection ont montré une brusque et importante augmentation de la radioactivité dans l'air la nuit du 1er au 2 mai 1986 avec des contaminations du sol par l'iode-131 et le césium-134 et césium-137. Ces produits radioactifs se sont retrouvés rapidement dans le lait et dans des légumes comme les épinards, salades, endives. Toutefois les limites admissibles n'ont pas été atteintes sur les échantillons analysés. Par précaution, les vaches et moutons ont été tenus quelques jours à l'étable. Les champignons ont aussi été contaminés comme on l'a constaté plus tard.
Non seulement la population a pris conscience qu'un accident nucléaire peut survenir bien loin et avoir des retombées ici mais qu'en l'occurrence on s'est trouvé devant une impréparation face à une telle situation. Le monde politique a réagi de même.
Le Gouvernement de l'époque a transmis au Parlement un "Rapport sur les conséquences de l'accident nucléaire de Tchernobyl et les mesures qui ont été prises" (documents : Session 1986-1987, Chambre n° 644/1 et Sénat n° 374). Ce document a été discuté en commissions et en séance publique à la Chambre d'abords, au Sénat ensuite.
Sur proposition de sénateurs appartenant à plusieurs groupes politiques, le Sénat a décidé à l'unanimité, en séance du 15 mai 1986, d'instituer une commission parlementaire d'information et d'enquête en matière de sécurité nucléaire. Cette commission disposera des pouvoirs (définis dans la loi du 3 mai 1880) autorisant d'entendre toute personne, se faire communiquer tout document qu'elle estimera utile, se rendre dans toutes installations publiques ou privées. Sa mission a été définie comme suit :
Il est institué pour la durée de la législature une Commission d'information chargée d'examiner et d'apprécier les dispositions relatives à la sécurité dans les centrales nucléaires ainsi que les mesures d'information et de protection des populations et les dispositifs d'évacuation en cas d'augmentation de la radioactivité sur le territoire du Royaume.
La Commission a étudié deux domaines au cours de cette législature : les réseaux de détection et de mesure de la radioactivité et les plans de secours en cas d'accident nucléaire.
Suite à la dissolution des Chambres et aux élections qui ont suivi, le Sénat issu de ces élections a décidé, le 24 mars 1988, de reconduire la Commission d'information et d'enquête en matière de sécurité nucléaire tout en élargissant sa mission de la manière suivante :
examiner et apprécier les dispositions relatives à la sécurité dans les centrales nucléaires, la sécurité, le traitement et le conditionnement corrects et le transport des déchets radioactifs, ainsi que les mesures d'information et de protection des populations et les dispositifs d'évacuation en cas d'augmentation de la radioactivité.
La mission de la Commission ne comprenait pas les questions relatives au nucléaire militaire, ni la protection des populations contre une explosion du à une bombe nucléaire.
Le contenu des rapports de la Commission
La Commission a analysé six domaines dont les éléments les plus importants sont présentés ci-après. Chacun d'eux fait l'objet d'un rapport décomposé en plusieurs chapitres selon les divers aspects, soit au total 61 chapitres. Dans le cadre de sa mission d'information, la Commission a estimé devoir compléter ses rapports par des recommandations, soit au total 265 recommandations. Celles-ci sont adressées au Gouvernement mais aussi aux administrations et organismes publics concernés par la problématique du nucléaire.
1. Réseaux de détection et de mesure de la radioactivité
Deux réseaux de balises automatiques de contrôle de la radioactivité ambiante existent, l'un de 7 balises autour du CEN à Mol et l'autre de 14 balises répartie autour de Chooz, Tihange et Fleurus. Des balises automatiques de contrôle de la radioactivité des eaux de la Meuse à 4 barrages. Des dosimètres gamma en plus grand nombre sont installés autour des centrales nucléaires, du Centre d'études nucléaires de Mol et de l'Institut des radioéléments. On peut dire que la Wallonie est raisonnablement couverte sauf la province de Luxembourg et l'Est. Les balises automatiques de l'IRE et du CEN sont raccordées à un centre de veille permanente.
Le nombre de balises automatiques est insuffisant pour couvrir raisonnablement le territoire en particulier les agglomérations à forte densité de population. Il n'existe pas de couplage entre les mesures de pluviosité répartie sur le territoire et les mesures de radioactivité.
Il n'existe pas de centralisation rapide des mesures et donc de leur diffusion vers les autorités et les plans de secours comme il n'existe pas de système d'échanges d'information avec les systèmes des pays voisins.
En cas de retombées radioactives - comme ce fut le cas lors de l'accident de Tchernobyl - les prélèvements d'échantillons de la chaîne alimentaire relèvent de méthodes artisanales et ne sont pas organisées de manière systématique.
2. Plans de secours à la population
Des plans de secours existent sur papier en cas de contamination radioactive. Ils concernent les organismes tels que les pompiers, les corps de police, la Protection civile, les autorités communales. En fait ce sont les plans de secours en cas d'accident qui seront actionnés. Ils sont placés sous l'autorité du Gouverneur de la Province concernée.
Les corps d'intervention : pompiers, polices, hôpitaux, Croix-rouge, la presse et les médias n'ont pas une formation spécifiques relatives aux effets de la radioactivité sauf les pompiers d'un territoire où se trouve une installation nucléaire car ils peuvent être appelés pour un incendie d'origine non nucléaire survenant sur un site nucléaire.
Pour être efficace tout plan de secours à la population doit faire l'objet d'une information sur les risques et sur la conduite à tenir en cas d'accident; cela doit concerner principalement la population proche d'une installation nucléaire. Une telle information doit être renouvelée périodiquement étant donné les mouvements de population et l'arrivée régulière de nouvelles classes d'âge. Pour ne pas effrayer les populations ce type d'information -qui a existé dans les années qui ont suivi le démarrage des centrales nucléaires - n'existe plus actuellement.
En cas d'accident à une installation nucléaire, le risque est grand que les gens s'enfuient précipitamment dans leurs voitures, voire même à pieds, ce faisant ils s'exposent aux retombées radioactives.
La formation et l'équipement des corps d'intervention est évidemment nécessaire.
En cas d'évacuation d'une zone contaminée, il faut pouvoir disposer de sas de décontamination équipés de douches et de vêtements propres pour remplacer les chaussures et vêtements contaminés.
L'évacuation doit évidemment se faire en sens contraire du vent; cela signifie qu'on ne peut pas prévoir à l'avance le lieu de destination d'une évacuation.
La population voisine d'une site nucléaire dans un rayon d'au moins 30 kilomètres devrait en particulier être particulièrement concernée par ces mesures préalables d'information.
On sait qu'un des risques de contamination en cas d'accident nucléaire est dû à l'iode radioactif. L'iode inhalé ou ingéré à la suite d'aliments contaminés se fixe dans la thyroïde. En cas d'accident, un des moyens d'y parer est d'ingérer des pastilles d'iode non radioactif, la thyroïde étant saturée elle n'absorbe plus l'iode radioactif éventuel qui est alors éliminé naturellement.
Il faut donc disposer de stocks de pastilles d'iode. Dans les années de démarrage des installations nucléaires de tels stocks ont été approvisionnés par les pouvoirs publics auprès des pharmacies; inconvénient : en cas d'accident, il fallait sortir de chez soi pour obtenir les fameuses pastilles et donc s'exposer aux retombées radioactives. La Commission avait proposé que des stocks de pastilles soient entreposés dans un coffret scellé situé à côté du compteur d'électricité : ils pouvaient ainsi être vérifié chaque année au moment du relevé du compteur et les pastilles périmées être remplacées si nécessaire.
Plusieurs années sans accident nucléaire ni en Belgique ni à l'étranger proche ont abouti à l'abandon de fait de toutes ces mesures sauf dans les installations nucléaires elles-mêmes pour leur propre personnel et celui de leurs sous-traitants. De même, il n'y a plus ni exercices pour les corps d'intervention, ni actionnement régulier des sirènes d'alerte.
3. Sécurité des installations nucléaires
Les exploitants de centrales électriques nucléaires et d'autres installations nucléaires importantes (dites de classe 1) et leur personnel sont bien conscients des dangers potentiels d'accident ; ce climat de sécurité doit être entretenu. C'est notamment le rôle du service de protection physique qui doit faire partie intégrante du personnel et ne peut donc pas être sous traité.
Le personnel extérieur auquel un exploitant fait appel principalement en période d'entretien doit faire l'objet d'un encadrement par du personnel de l'exploitant. La surveillance radiologique doit être permanente par le contrôle régulier des dosimètres individuels.
Comme ce personnel est appelé à se déplacer de centrales en centrales selon les besoins, y compris à l'étranger, il est évidemment important que le service de contrôle physique dispose des informations sur les doses déjà subies par chaque membre de ce personnel pour éviter tout dépassement dangereux. Il devrait, donc, exister une centralisation de ces informations à un niveau européen.
Les pièces nouvelles destinées à remplacer les pièces usagées doivent faire l'objet de procédures de vérification et de contrôle identiques à celles qui ont été appliquées aux pièces d'origine; l'organisme de contrôle agréé doit s'assurer du respect de cette exigence.
Si des modifications, même mineures, sont apportées aux pièces nouvelles, elles doivent faire l'objet de la même procédure d'autorisation à laquelle les pièces originales ont été soumises. En particulier, les modifications doivent être soumises à l'accord de la Commission spéciale.
Les communications entre une installation nucléaire et les autorités de contrôle doivent se faire par une voie absolument sûre et non encombrée; le réseau téléphonique ne suffit évidemment pas. Ces communications devraient être systématiquement enregistrées chez l'expéditeur et chez le récepteur. Les moyens techniques et informatiques actuels le permettent facilement au cas où cela n'existerait pas encore.
4. Sécurité et sûreté des transports de matières nucléaires
Les transports de produits radioactifs concernent en très grande majorité de "déchets". Tout transport même d'une très petite quantité exige une autorisation qui fixe les conditions d'emballage et de transport.
Aucun problème particulier n'existe auprès des installations nucléaires importantes comme les centrales, le Centre d'études nucléaires de Mol ou l'Institut des Radioéléments à Fleurus. Par contre, les petits producteurs de déchets comme les hôpitaux ou des laboratoires devraient être surveillés de plus près car la tentation est grande d'évacuer ces déchets à la décharge, à l'incinérateur ou à l'égout.
5. Problématique des déchets radioactifs
L'élimination des déchets radioactifs constitue un problème majeur des installations nucléaires, en particulier des centrales électronucléaires. On classe les déchets suivant deux critères : l'activité (la radioactivité) : faible, moyenne ou haute et la demi-vie (le temps qu'il faut pour qu'une certaine quantité de déchets ait perdu la moitié de son activité par décroissance naturelle).
Les combustibles usagés des centrales sont à la fois très actifs et avec des demi-vies très longues pouvant aller jusque plusieurs centaines d'années. On comprend aisément la difficulté et les risques d'un entreposage. Deux voies sont envisagées : soit le "retraitement", soit le conditionnement et stockage sans retraitement. Dans les deux cas, les assemblages de combustibles usés séjournent quelques années dans une piscine située dans un bâtiment attenant à celui du réacteur; l'eau doit être refroidie en permanence. Par décroissance naturelle de la radioactivité, la chaleur dégagée diminue progressivement jusqu'au moment où les assemblages peuvent être placés dans des conteneurs blindés et acheminés soit vers l'unité de retraitement, soit vers un stockage intermédiaire.
L'Allemagne - qui n'est pas une "puissance nucléaire" puisqu'elle ne possède pas de bombe atomique - a choisi cette voie. Après passage en piscine, les conteneurs sont stockés dans un bâtiment avec une ventilation permanente pour évacuer la chaleur en attendant un stockage en couches géologiques.
La France a choisi la voie du retraitement. Les assemblages usés sont déchiquetés et traités dans un bain d'acide nitrique où les combustibles sont dissous et ensuite séparés en trois fractions : l'uranium, le plutonium et les autres produits de fission. L'uranium et le plutonium peuvent être recyclés comme combustible nucléaire. Les produits de fissions sont vitrifiés et coulés dans des fûts métalliques. Ceux-ci sont stockés dans un bâtiment en attente. Les "coques" - les parties métalliques du gainage des combustibles - sont enrobées dans du bitume coulé dans des fûts métalliques.
Les centrales nucléaires belges ont fait retraiter en France les premiers assemblages usés, mais les déchets vitrifiés ont été renvoyés en Belgique.
L'ONDRAF (Office National des Déchets Radioactifs et de matières fissiles) est seul habilité à collecter les déchets radioactifs et à déterminer les conditions de leur conditionnement et de leur stockage. Sa filiale Belgoprocess, qui a reçu le site d'Eurochemic à Mol-Dessel lors de sa fermeture, assure le conditionnement de déchets de faible et de moyenne activité; elle dispose d'un four d'incinération, de presses à compacter et d'une installation de bitume. Plusieurs casemates en béton armé (bunkers) pour un stockage temporaire des déchets de faible ou de moyenne activité. Toutes ces opérations sont aussi génératrices de déchets radioactifs.
Le problème d'un stockage de longue durée, dit "stockage définitif" reste posé pour les déchets hautement radioactifs et à longue demi-vie comme c'est le cas des combustibles usés. L'idée est de les enfouir dans des couches géologiques profondes qui soient stables, étanches à l'eau et, si possible, composées de roches qui puissent en elles-mêmes former une barrière en cas de désagrégation de l'enrobage et du conditionnement. En Allemagne on a retenu des dômes de sel, en France des couches d'argile et en Suisse des roches granitiques.
Le stockage géologique est cependant mis en cause par certains : comment les générations suivantes vont-elles garder la mémoire de la présence de cette masse de produits très dangereux; il suffirait d'un sondage à la recherche d'une quelconque ressource naturelle pour provoquer une catastrophe. Mieux vaut un stockage en surface qui soit visible : les pyramides d'Egypte en sont un exemple.
6. Déclassement des installations nucléaires
Le déclassement d'une installation nucléaire mise hors service doit se faire dans des conditions de sécurité analogues à celles qui sont d'application dans une installation en service et se faire selon un programme détaillé précis soumis à l'autorisation de déclassement. Toutes les pièces découpées ou enlevées deviennent des déchets radioactifs et doivent être traités comme tels.
Le déclassement des petites installations, comme par exemple dans les hôpitaux doivent faire l'objet d'une attention particulière. Un programme précis doit être établi au préalable avec l'ONDRAF et les autorités publiques et les travaux exécutés par une entreprise compétente et expérimentée en matière de sécurité nucléaire.
7. Conclusion
La Commission a estimé avoir rempli sa mission, mais elle a recommandé que les commissions permanentes poursuivent l'examen de divers points de leur ressort et qu'elles assurent un suivi de ses recommandations.
Rien n'a cependant été fait dans ce sens. La plus grande partie des informations est aujourd'hui inconnue dans plusieurs milieux. Qui se souvient encore qu'il a existé au Sénat une Commission dite couramment "commission Tchernobyl" ?
Un bilan des résultats
Les contributions des travaux de la Commission sont importantes, d'abord par la quantité des informations que contiennent ses rapports et par leur qualité puisque puisées directement aux sources, soit par les experts et les techniciens sur les sites, soit par les documents collectés, soit encore par les rapports des visites à des sites à la pointe des recherches et des expérimentations particulièrement en Suède, en Allemagne ou en France. Beaucoup de ces données sont encore aujourd'hui pratiquement inconnues sauf de spécialistes.
En ce qui concerne le nucléaire civil et sous l'angle de l'information et de la protection des citoyens, l'apport de la Commission est important et paraît complet en ce sens que de nombreux aspects ont été abordés et traités. Ces rapports, soumis à l'époque pour relecture auprès de scientifiques compétents dans leurs domaines ont reçu des appréciations tout à fait positives et encourageantes. D'ailleurs le fait que la plupart des recommandations aient été très largement approuvées par le Sénat en séance publique peut être considéré, également, comme une appréciation positive.
On ne peut malheureusement pas considérer que le suivi des propositions de la Commission soit positif. C'est, malheureusement, le sort de nombreuses études pourtant de qualité, qu'elles émanent du Parlement ou qu'elles émanent d'ailleurs de milieux scientifiques.
Il est vrai que, jusque l'accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima au Japon le 11 mars 2011, le domaine du nucléaire civil n'a - fort heureusement - plus été l'objet d'incidents ou, pire encore, d'accident depuis plusieurs années. Peut-être que les exploitants de centrales électriques nucléaires et aussi d'autres unités d'exploitation, d'entreposage et de transport, de même que les autorités de contrôle sont-elles devenues plus soucieuses de la sécurité suite à l'accident de Tchernobyl ici comme à l'étranger !
Il reste que l'inquiétude demeure latente parmi la population et les médias. On peut le constater au moindre incident survenant dans une installation nucléaire, même s'il concerne la partie non nucléaire de ces installations. Plusieurs pays ont d'ailleurs décidé de sortir du nucléaire pour la production d'électricité.
La méthode de travail
La Commission ayant un pouvoir d'enquête a procédé à des auditions de spécialistes ayant une fonction et une expérience dans l'un ou l'autre des domaines concernés. On les appellera des "experts". Après un exposé, chaque expert répondait aux questions des membres de la Commission. Petit à petit, la Commission ainsi pu se forger un avis précis et assez complet des divers points de son programme. Il n'est pas apparu nécessaire de procéder à des confrontations entre experts. Au total 104 experts ont été entendus et 40 spécialistes ont été rencontrés lors des visites.
Chaque audition a fait l'objet d'un rapport soumis à la Commission et approuvé par elle; ils sont joints en annexe aux rapports.
La Commission a, bien évidemment, effectué de nombreuses visites sur place afin de se faire une opinion concrète des situations rencontrées et des explications reçues des experts. Au total, 39 visites ont été faites en Belgique mais aussi à l'étranger, notamment dans les centrales nucléaires de Doel et Tihange, au Centre d'étude nucléaire de Mol, à l'Institut des Radioéléments à Fleurus, le stockage des déchets en Allemagne (dans des mines de sel ou une mine de fer), en France (dans des bunkers enterré dans une épaisse couche d'argile, en Suède (dans une caverne souterraine sous la mer).
Toutes ces visites ont fait l'objet de rapports de visite soumis à la Commission et repris en annexe aux divers rapports.
Sur chacun des six domaines mentionnés, la Commission a établi et approuvé un rapport. Ce rapport, comme dans tout travail de commission est publié dans les documents parlementaires distribués à tous les Sénateurs et d'ailleurs publics.
Chaque rapport et ses recommandations ont été discutés en assemblée générale et soumis au vote du Sénat. La plupart des rapports ont été approuvés à l'unanimité. Le rapport relatif à la sécurité des installations nucléaires et celui relatif aux déchets nucléaires ont fait l'objet de rapports complémentaires, non pas pour modifier le rapport principal mais pour aborder des cas spécifiques, notamment la sécurité des installations nucléaires autres que les centrales et aborder le cas des déchets en provenance de "petits producteurs".
Les recommandations quel contenaient les rapports pouvaient faire l'objet d'amendements déposés en séance publique. Chaque recommandation et ses amendements éventuels ont été soumis au vote.
Un rapport de conclusion a été soumis à l'Assemblée générale et approuvé en séance du 12 juillet 1991. Il mettait fin aux travaux de la Commission mais celle-ci renvoyait quelques matières relevant plus spécifiquement de l'une ou l'autre des commissions permanentes. C'est le cas des installations nucléaires dans les hôpitaux et la sécurité des patients et du personnel, les coopérations internationales ou encore l'information générale du public sur les questions de sécurité et de sûreté en matière nucléaire.
Le Sénat a rassemblé dans un seul document, l'un en français, l'autre en néerlandais, l'ensemble des rapports approuvés et les recommandations approuvées, à l'exception des annexes aux divers rapports. Ce document est intitulé Rapport final et recommandations. On y trouve rassemblées touts les informations utiles issues de la Commission d'information et d'enquête en matière de sécurité nucléaire. Il faut rappeler que les questions du nucléaire militaire étaient exclues du domaine d'information et d'enquête de la Commission.
[La note que nous fait parvenir l'ancien sénateur Yves de Wasseige sur la Commission d'enquête mise en place après l'accident de Tchernobyl a un intérêt historique évident et important, mais les informations qu'elle contient sont souvent peurépandues, y compris celle-ci: c'est que les recommandations de la Commission ont été peu suivie sinon pas du tout. Fameux éclairage sur la problématique du nucléaire en train de rebondir après Fukushima. TOUDI )
- 1. La physicienne Marie Curie avait découvert la radioactivité et avait isolé le radium en 1910. Un Institut du Radium est créé en 1911 et un peu plus tard on utilisera le radium pour réaliser des radiographies et pour traiter des cancers