L'indigne ruée contre l'Assemblée générale d'Ecolo

Toudi mensuel n°51, novembre-décembre 2002

Ah les braves gens! À peine l'AG d'Écolo avait-elle voté une réforme pourtant relativement sage de la fonction royale que tous les partis francophones et la Direction même d'Écolo - bref TOUS nos dirigeants politiques -se ruaient contre les intrus du système francophone belge. On ne touche pas au «Roi».

Il n'est même pas sûr que ce soit par électoralisme car l'idée républicaine dont le RWF-RBF entend faire un cheval de bataille est en train de faire son chemin dans l'opinion et n'a plus rien de marginal malgré le matraquage en sens inverse des bien-pensants.

Il est plus que probable que la ruée des parts francophones sur les militants d'Écolo s'explique par le calcul fait par l'ensemble de notre classe politique qu'il faut « résister » à la poursuite d'une réforme de l'État belge pourtant dominé par la Flandre. Certes, la peur des partis s'explique par la peur infondée - nous l'avons mille fois démontré - que la Wallonie ne supporterait pas une régionalisation, de la Sécu. Mais cette peur n'est pas primordiale. Il est clair que les partis savent aussi que la Wallonie est en bien meilleur état qu'on veut continuer à le croire dans les rangs d'une petite-bourgeoise flamande qui trouve à se venger - sur le peuple wallon! - de son humiliation par les bourgeoisies gantoises et anversoises au siècle passé. Il ne faut pas oublier que l'on y compare la Wallonie à la RDA à la veille de la Chute du Mur et qu'on y avance cette sottise que les Flamands payent tous les deux ans une petite voiture à chaque ménage wallon sur la base des 100 milliards de « transferts » en Sécu de la Flandre à la Wallonie - le chiffre est flamand et si l'on veut bien admettre qu'il y a transferts, le chiffre en question est évidemment bien plus bas, ne représentant plus qu'un pourcentage dérisoire du PIB flamand.

Les partis francophones sont d'autant plus enclins à faire semblant de croire la peur wallonne infondée que cela leur permet de donner aux éléments dynamiques de la Wallonie une raison de refuser le transfert de compétences de l'État fédéral aux Régions. Nous pensons que c'est d'autant plus exact que le même conservatisme francophone s'observe dans la question de la Communauté française qui est à la veille de la faillite, dont l'enseignement se déglingue, alors qu'il aurait des chances de le redresser et le refinancer s'il était entièrement transféré aux Régions dont les pouvoirs s'exercent de manière bien plus cohérente: le gouvernement de la communauté française est profondément divisé depuis le départ, les ministres s'y affrontent sur tous les sujets, l'ambiance de travail y est abominable et la structure même de cet exécutif avec quatre ministres de l'enseignement fait de plus en plus rire le monde.

Nous voulons ici prendre la défense des militants d'Écolo mais non d'Écolo qui se moque de la vitrine qu'offre Francorchamps à la Wallonie, qui est insensible à la portée symbolique de cette question qui engage des centaines d'emplois, mais qui court à la rescousse de l'emploi d'Albert II. Qui n'est cependant pas un emploi wallon.

La revue TOUDI vient de consacrer un vaste travail à analyser le redressement de la Wallonie - La Wallonie en avance sur son image - poursuivant ses efforts en ce domaine depuis l'année de sa refondation sous sa forme actuelle (numéros de septembre 1997, octobre 1998, février 1999 etc.). La Wallonie va mieux, elle se redresse effectivement et, ce qui est tout aussi important, on y appréhende mieux les réalités qu'en recopiant mécaniquement des statistiques qui ne veulent rien dire comme la part du PIB wallon dans le PNB belge. Il est absurde de ne pas tenir compte de la part de la Wallonie dans le PIB bruxellois, ce à quoi nous invitent pourtant les statisticiens européens. Nous avons été les seuls à le souligner pendant plusieurs années. Maintenant d'autre publications font les mêmes observations que les nôtres, et pas toujours en citant leurs sources. Tant pis!

Mais au-delà même des situations telles qu'elles s'analysent au tempe t des physiciens, il y a l'orientation d'un dynamisme. Le refus de la monarchie belge par les jeunes et moins jeunes Wallons et Bruxellois d'Écolo confirme ce que des enquêtes récurrentes annoncent depuis 1990: que la société wallonne est de plus en plus étrangère au maintien d'une monarchie poussive et ridicule dont même les historiens les plus classiques admettent que ce n'est pas elle qui maintient « l'unité du pays » au sens de rapports constructifs entre Flandre et Wallonie. Il faut être Francis Delpérée pour estimer que la monarchie est indispensable à la cohérence d'un État belge fédéralisé. Certes, pour les attardés qui peuvent encore mettre leur espoir dans le « Roi » Delpérée a raison. Mais ce constitutionnaliste semble oublier que la cohérence entre les institutions régionales, communautaires et fédérales n'est nullement assurée par l'impartialité du « Roi » mais par celle de la Cour d'Arbitrage qui vaut cent fois le « Roi ».

Le PS nous fait rire quand il prononce avec l'onctuosité ecclésiastique dont il se prévaut qu'il y a « des problèmes plus urgents ». Il nous fait rire parce que la République n'est pas seulement la question de savoir si un Chef d'État doit être ou non désigné par voie héréditaire. La République c'est aussi le Collectif surgi, par exemple en France, dans la volonté populaire de s'assumer, de résister et de gagner sa dignité. En ce sens la République est aussi urgente que le Contrat d'avenir pour la Wallonie car il n'y a de redressement pour un peuple que s'il le fait sien et non s'il le confie à la puissance tutélaire d'une Dynastie belge qui après s'être couverte d'infamie sombre aujourd'hui dans la sottise voire la sénilité.

Le Hainaut aura un sénateur noir et la faveur avec laquelle cette nouvelle a été accueillie par les journaux populaires du Hainaut (Sud-Presse en faisait sa Une dès le lendemain), révèle que la Wallonie est déjà républicaine au sens de l'article IV de la Constitution de l'an I qui ouvre la citoyenneté française à tous ceux qui habitent la France s'ils y accomplissent un - et un seul - des rôles de tout être humain: travailler, aimer, posséder, «nourrir un vieillard, élever un orphelin ».C'était la réponse anticipée aux troubles absurdes d'Anvers et au racisme latent d'une métropole, dont nous souffrons avec nos amis flamands tout en étant fiers que, dans ce domaine comme en d'autres, les transferts flamands sont négligeables. Et cela aussi, c'est un gage d'avenir, le plus sûr, le plus solide: la fraternité.