Le Plan Magellan risque de couler la RTBF

Toudi mensuel n°63-64, mai-juin 2004
2 January, 2009

Il n’y a pas d’ouverture au monde sans identité propre, rappelle le Deuxième Manifeste wallon. Quel outil culturel symbolise et concrétise le mieux cet appel d’air qu’une radiotélévision publique d’ici, faite par des Wallons pour les Wallons, leur ouvrant librement les fenêtres du monde sans nier leur existence même, sans les engluer dans un magma belge francophone toujours recommencé, sans ravaler nos travaux et nos jours à l’aune insipide de la proximité ? La RTBF du plan dit Magellan, dans le silence assourdissant des autorités wallonnes pourtant lourdement sollicitées financièrement, achève de faire de la Wallonie un non-être et une terre brûlée en matière d’audiovisuel. Cela suffit ! Il est temps de se lever, de contrer les coups, de démonter le système, d’en établir le terrible bilan avant de reconstruire et de proposer d’autres manières d’informer, de cultiver et de divertir. Qui seront enfin dignes de nous. Dans une sorte d’installation nécessaire du décor des luttes de demain, TOUDI a voulu accueillir la première analyse du groupe de Veille Médias, l’une des dynamiques émanations des signataires du nouveau Manifeste. État des lieux des dérives de la RTBF, mais aussi des atermoiements du pouvoir wallon.


VivaChier, AtroCité, VivaPitié, … on en passe et des meilleures1. Elle collectionne les noms d’oiseau et les jeux de mots douteux sur son dos, VivaCité, la nouvelle chaîne de radio. Ou comment rater son entrée sur la scène audiovisuelle comme un fait exprès. Une seule marche, puis la chute au bas de l’escalier. On en rirait s’il ne fallait pas en pleurer.
Brocardée par des cohortes d’auditeurs furieux qui ont perdu leurs animateurs, leurs bulletins d’information et même leurs longueurs d’ondes, moquée par l’aréopage des professionnels de la communication, montrée du doigt par la presse qui l’encensait à son lancement, mais qui a viré très vite avec le vent de la protestation, voilà le fer de lance de la nouvelle RTBF d’après Magellan qui se transforme en pétard mouillé ou - pire - qui explose à la figure de ses géniteurs. Mais comment des responsables et les publicitaires qu’ils ont rémunérés, tous réputés intelligents, ont-ils pu accumuler autant d’erreurs dans un lancement de produit ?

Le temps du mépris

Car VivaCité, rejeton du service public, est un produit. Ils doivent se retourner dans leur tombe, les fondateurs de Radio-Hainaut, Radio-Namur et Radio-Liège, ceux qui avaient lancé au péril de leur vie ces émetteurs clandestins de la Résistance à l’origine du Deuxième Programme, devenu Radio Deux, puis Fréquence Wallonie. VivaCité est même un produit d’affiliation (voir encadré) l’un des avatars de cette langue de bois politiquement correcte, distillée jusqu’à la nausée depuis deux ans au boulevard Reyers et dans les centres - pardon ! les sites - régionaux (idem).
Les stratèges sont allés dans le mur par déficit d’humanité. Il ne suffit pas de plaquer de l’émotion partout, il faut aussi être soi-même capable de sensibilité et d’intuition. Les gens, tant méprisés à travers les catégories où ces beaux esprits les enferment, les gens ne s’y sont pas trompés. Ils sont moins bêtes qu’on ne le croit, les gens : la fusion des deux radios de région, Fréquence Wallonie et Bruxelles Capitale, ne pouvait évidemment pas amener plus d’identité régionale, mais moins. La suppression même des deux noms emblématiques, les gens l’ont ressentie comme injurieuse. Doit-on se cacher d’être wallon ? Est-ce une tare d’être bruxellois ? Elles drainaient pourtant leur public, les deux radios : près de 500.000 auditeurs pour Fréquence Wallonie de Comines à Welkenraedt, près de 140.000 pour Bruxelles Capitale sur son seul émetteur local [voir encadré]. Par leurs ancrages et leur pavillon, elles apportaient un supplément d’âme, un partage de valeurs, de découvertes, de réflexions et de plaisirs avec les autres membres d’une communauté. Souhaitait-on des antennes moins connotées ? On se tournait alors vers Bel RTL, Nostalgie ou Contact. Mais beaucoup d’auditeurs de Wallonie, nombre d’auditeurs de Bruxelles, avaient attendu autre chose de la RTBF. Qui le leur avait donné. Et qui leur a violemment repris.
A la RTBF, le contorsionnisme du langage est désormais considéré comme l’un des beaux-arts. Mais personne n’est dupe : les auditeurs conquis par Bruxelles Capitale sont perdus depuis la mort de leur station et les auditeurs wallons, orphelins de Fréquence Wallonie, quitte à s’affilier à quelque chose qui a du corps, se tournent vers les radios privées.
Il reste pourtant la télévision, direz-vous : La Une et son nouvel habillage de chaîne, rouge PS, ou encore ladeux (en un mot s’il vous plaît)2. Parlons-en. Vous les avez vues dans les magazines les pleines pages en couleur de la publicité du nouveau journal de proximité de 18h30, (« L’info locale de votre localité à vous ») ? On y voit un nain de jardin assassiné, un poignard planté dans le dos ! N’est-ce pas du meilleur goût ? Certes, l’agence Air, sûre de son message au troisième degré, s’apprête à décrocher un Award pour ce coup de génie. Mais le grand public, celui dont la RTBF a tant besoin avant 19 heures pour endiguer la suprématie de l’information sur RTL-TVi, est-on si sûr qu’il s’y retrouve dans cet étalage de mauvaises manières ?
Voilà pour la partie visible de l’iceberg. Le Titanic du boulevard Reyers va aussi se fissurer sous la ligne de flottaison, s’empaler sur les aspérités sous-marines de Magellan, son catéchisme, sa liturgie, ses dogmes, ses excommunications, ses grands prêtres et ses suppôts, ses luttes de pouvoir, ses prébendes et ses destructions sociales. Et sur le lourd silence des responsables politiques. Pauvre Fernand de Magellan ! Non content de se faire égorger par des natifs sur un îlot perdu des Philippines3, voilà qu’il reprend du service, sommé d’ouvrir à nouveau la route. Il n’aura pas plus de chance cette fois.

Chronique d’un échec annoncé

Elle était malade, la radiotélévision publique. Malade de sa politisation, de son sous-financement et de ses déficits, de son inadaptation structurelle à la dérégulation de la sphère audiovisuelle. Les années 1999-2002 égrènent la liste des faiblesses : érosion des radios, baisse d’audience du JT, perte de grands contrats sportifs, nouveaux recrutements non maîtrisés, régionalisation bancale, inachevée, où Reyers gardait finalement la haute main sur le personnel et les budgets et divisait pour régner, à travers l’émiettement des centres de production. Ajoutons-y la gestion peureuse de la direction générale, l’absence de management stratégique et de réflexion prospective, un dialogue difficile avec les syndicats du personnel, tout aussi démunis en matière d’outils d’analyse et fragilisés en permanence par le questionnement sur leur représentativité, puisque, aussi sidérant que cela paraisse, il n’y avait pas d’élections sociales organisées à la RTBF. Ce déficit démocratique sera comblé bientôt.
Après Jean-Louis Stalport - un vrai grand patron public, dont le décès inopiné laissera toujours le vide de l’occasion manquée -, Christian Druitte lui succéda. Le rédacteur en chef Druitte, à Charleroi, à Liège, à Bruxelles, ce fut l’un des plus grands journalistes que cette maison ait jamais enfanté. Mais l’administrateur général Druitte, ce fut autre chose ! Une erreur de casting (signée Philippe Busquin), un homme profondément honnête, mais sans voix devant la méchanceté de certains barons, intellectuellement désarmé devant le trou de la dette et curieusement tétanisé par le politique, lui qui avait tant de fois remis à leur place des ténors de tous bords, dans XXe Siècle, dans Ce Soir et autre Ecran Témoin. Mais on ne dirige pas un conseil d’administration comme un débat ou une rédaction. La RTBF se fit frileuse, pratiqua la chasse à de médiocres gaspillages, dut mettre de l’ordre dans ses participations et ses filiales (Canal + Belgique et régie publicitaire RMB) et s’y enlisa. Elle s’interdit d’investir, dans ce secteur des médias où le taux d’obsolescence du matériel atteint rarement cinq ans. Elle sabra sans vergogne dans les budgets de formation. Pendant ce temps-là, le monde politique, tous partis confondus, ne bougeait pas.
Revenus au pouvoir à l’horizon 2000, les libéraux, flanqués de leur aiguillon écologiste, vont éjecter le PSC et composer avec le PS dominant, mais surtout insuffler la motivation qui manquait au lancement du changement - ou d’un changement -. Le PRL, bientôt MR, veut reconquérir de l’influence dans les organes de gestion de la radiotélévision publique, imposer une délégation syndicale bleue, casser les reins d’une CGSP forte en gueule et s’amadouer une CSC dont il se méfie vite des airs patelins. Il entend développer en interne la dérégulation sociale à l’image de l’entreprise privée. Écolo apporte de son côté la culture du débat et un belgicanisme rampant, à rebours de la régionalisation. Le PS se tait et laisse faire : l’heure d’Élio Di Rupo à la RTBF n’est pas encore venue ; elle viendra bientôt. A l’ère de l’arc-en-ciel et des forums citoyens, on va parler, échanger, auditionner plusieurs dizaines de responsables divers du monde audiovisuel, interne et externe à la RTBF, sous les lambris du Sénat où siègent encore les représentants de la Communauté. Les politiques sont au moins d’accord sur une chose : les problèmes d’argent et les dysfonctionnements de la RTBF doivent être réglés une bonne fois. Dans une sorte de serment du Jeu de Paume, tous les parlementaires jurent alors de prêter attention au malade pendant quelques mois, puis, après remise à plat, de donner blanc-seing à un nouveau patron. Rendez-vous aux élections régionales de juin 2004 et, d’ici là, rideau !
C’est ainsi que la commission de l’audiovisuel présente d’abord un rapport en séance plénière sur les missions de l’entreprise publique et que celui-ci est voté à l’unanimité, majorité et opposition4. S’ensuivront un nouveau contrat de gestion5, le remerciement de Druitte, une modification du décret6, un appel à candidatures pour le poste d’administrateur général et la désignation de Philippot.

Plan, plan, rapataplan

La réforme présentée comme fondamentale - la disparition des centres régionaux - est initiée dès les travaux parlementaires, sous l’impulsion du PSC, bientôt CDH, pourtant dans l’opposition, mais plus Belge francophone que jamais7. Il est soutenu par les Écologistes8. Les libéraux s’attachent d’abord à rééquilibrer les influences à leur profit. Le PS est sur ses gardes, mais laisse faire9.
Fin janvier 2002, le gouvernement de la Communauté engage pour six ans Jean-Paul Philippot qui sait alors qu’il va jouer à Reyers le reste de sa carrière professionnelle. Certes, il aura les coudées franches, comme aucun administrateur général ne les a jamais eues avant lui, d’autant que le conseil d’administration n’a jamais été aussi faible : les crises antérieures ont laissé des traces et le monde politique vient de montrer qui dirige vraiment.
Trop heureux de se détourner de cette insupportable RTBF et assumant leur déni de contrôle, les parlementaires et le gouvernement attendront pourtant le nouveau patron au tournant : si la chienlit de la radiotélévision publique fait à nouveau la une des gazettes, il sera le fusible tout désigné. D’où la négociation d’un parachute en or, façon secteur privé - l’homme a côtoyé quelques futurs grands fauves sur les bancs de Solvay - que Philippot met sur la table du gouvernement de la Communauté : outre un salaire auprès duquel celui de Christian Druitte aurait fait pâle figure, il obtient la clause contractuelle d’une plantureuse indemnité en cas de départ anticipé. Il s’assure aussi du renouvellement de l’ensemble de la hiérarchie. Ses nouveaux féaux, presque tous quadras comme lui, reçoivent à leur tour - via le conseil d’administration, tout est irréprochable - une somme d’avantages en nature inconnue jusque là dans cette entreprise publique10. Mais il ajoute le bâton à la carotte : corvéables à merci, saturés de réunions, de séminaires et d’idéologie de l’excellence, les cadres supérieurs seront évalués sévèrement tous les ans, tant en matière d’orthodoxie que de résultats sur leur produit. Le tout avec l’appui d’un nouveau consultant extérieur. Copiée des grandes entreprises privées et monstrueusement greffée sur le service public, la machine à broyer n’épargne donc personne, ni puissants ni misérables.
Depuis deux ans, les consultants hantent ainsi les couloirs. Sitôt en place, Jean-Paul Philippot avait déclaré : « J’apprendrai vite ! ». Il va apprendre à coup de leçons particulières d’Andersen Consulting (dorénavant absorbé par Deloitte & Touche), précédemment en mission à la VRT et à la Radio-Télévision Suisse romande. Celui-ci va occuper les lieux pendant près d’un an, réaliser un audit, un diagnostic, puis lancer un plan de changement dans un ballet de technocratie et de manipulation d’un personnel aux abois.

Des moutons et des loups

Le plan de restrictions d’emplois et de restructuration, dit Magellan, est censé produire ses effets jusqu’à 2007. Il veut lancer une politique de marques en matière de chaînes de radio et de télévision. Ainsi, comme chez Unilever (et comme à la VRT), les lettres « RTBF » ne vont survivre que dans de rares signatures corporate, exprimant la politique du groupe. La plupart du temps, on s’astreindra dorénavant à vendre des produits, La Une ou La Première, comme autant de marques distinctes, voire concurrentes, de poudre à laver ou de margarine. Dans la foulée, on fait exploser les centres de production wallons - et le personnel qui s’y rattache - en centralisant solidement toutes les fonctions de direction à Bruxelles et en redistribuant arbitrairement qui la production du divertissement TV à Liège, qui celle des magazines TV à Charleroi, ou encore deux radios à Mons (l’ineffable VivaCité ainsi que Classic 21, celle-ci succédant à Radio 21). Tout le reste est placé à Bruxelles, comme on va le voir. Namur se retrouve presque sans rien, si ce n’est une rédaction chargée de couvrir les travaux du Parlement et du gouvernement wallons.
S’ensuivent des dérégulations professionnelles, des changements quasiment obligés de lieu de travail, d’horaires ou de métier - sous l’aura de la mobilité -, des vies familiales déglinguées et des problèmes personnels difficilement surmontables. Car la belle épure n’existe que sur le papier : pendant de longs mois encore, voire des années, les outils de production resteront où ils étaient. On voit donc un producteur de Liège qui dépend dorénavant de chefs bruxellois, mais à qui on a imposé une salle de montage de Charleroi. Bonjour les surcoûts, les problèmes de communication et les kilomètres sur l’E 40 et l’E 42… Tout ce qui faisait la richesse de la culture d’entreprise des centres régionaux est jeté aux orties (voir R.Stéphane dans l’encadré). Charleroi avait bâti Au nom de la loi et Régions-Soir, Liège Noms de dieux et Faits divers. A Verviers, l’antenne locale Radiolène portait haut l’information et l’animation de service public. Comme Hainaut Matin, Sud Info (Namur-Luxembourg-Brabant wallon) et Liège Matin, elle décrochait en matinale et en fin d’après-midi, du lundi au vendredi, proposant son programme propre, puis se raccrochait au tronc commun de Fréquence Wallonie, diffusé alors sur tous les émetteurs, de Froidmont (Tournai) à Aubel. De même, durant le week-end, la chaîne proposait en continuité le même programme à l’ensemble des auditeurs. Fréquence Wallonie était ainsi la plus wallonne des radios, comme le proclamaient ses animateurs, puisqu’elle structurait avec souplesse la population wallonne sur tout le territoire, insérant ses décrochages régionaux dans une continuité sociologique et politique wallonne, sans replis localistes ni proximité artificielle.
Ces lignes de productions de radio et de télévision ancrées en région, perfectibles certes, mais cohérentes et consensuelles, sont désormais brisées et remplacées laborieusement par des machins gérés par délégation de Reyers ou par Reyers lui-même. Un jeunisme exacerbé y préside, qui regarde de travers tout employé aux cheveux grisonnants. Près de cinq cents personnes - plus du cinquième de l’effectif - auront ainsi quitté le navire volontairement (?) à la fin de cette année, en retraite anticipée ou mise en disponibilité.
Les loups sont entrés dans Paris, chantait Reggiani. Cessez de rire, charmante Elvire : comme si les dégâts directs ne suffisaient pas, Philippot introduit alors les dommages collatéraux. Il libère de sa cage de RTL la meute de Francis Goffin et il la lâche sur son nouveau territoire de chasse des radios. Les Montois, qui croyaient avoir échappé à la razzia, se retrouvent sous les crocs. Certains s’enfuient littéralement, d’autres se terrent et ceux qui se hasardent au dehors entendent derrière eux se refermer les grilles du camp. Goffin dispose ses cerbères à l’affût ou les lance à l’attaque contre les récalcitrants et les inadaptés. C’est que l’enjeu personnel est de taille pour celui qui était patron à Bel RTL, dorénavant en délicatesse avec son ancien employeur : à la RTBF, le volet salarial de son contrat de directeur de la radio, déjà hors normes, lui accorde d’importantes indemnités complémentaires s’il arrive à relever les taux d’écoute. Ceci dit, sa trouvaille de VivaCité n’est pas vraiment de bon augure pour ses placements futurs…

Par ici la monnaie !

Vint le rendez-vous de l’automne 2003. Le plan était en rade par manque de financement. Le monde politique s’était éloigné dès l’arrivée de Philippot. Celui-ci le rappela à l’ordre. La refondation de la RTBF, façon Andersen, était gourmande d’euros. Toujours en déficit, l’entreprise restait bien en peine d’investir11. La Communauté française ne disposait que de peu de ressources propres par rapport à la hauteur de la somme exigée : plus de cinq milliards d’anciens francs ! Qu’à cela ne tienne, on allait se tourner vers les Régions, non sans les avoir cyniquement dépossédées au préalable - comme on l’a vu - de leurs fleurons audiovisuels, centres régionaux wallons et chaîne de radio Bruxelles Capitale. Une fois de plus la Wallonie et la Cocof bruxelloise allaient cracher au bassinet pour la Communauté. Cette fois, elles n’y gagneraient quoi que ce soit. Une vague reconstruction après destruction systématique de l’acquis n’est pas vraiment un gain.
L’accord politique - entre francophones - du 8 octobre dernier traduit essentiellement des efforts régionaux (wallon et bruxellois) : le refinancement total de la RTBF se monte donc à 126 millions d’euros (c’est-à-dire le coût du plan Magellan, hors dotation annuelle communautaire et revenus de la publicité), à répartir budgétairement de 2004 à 2007. La Communauté en assume 26,4 millions, la Région wallonne 26,4 millions également, la Cocof (Région de Bruxelles-Capitale) 13,2 millions. Le solde est apporté par une garantie de la Communauté à un emprunt de la RTBF d’un montant de 50 millions d’euros et par la vente d’actifs (poursuite de l’aliénation des bijoux de famille, dont une aile du site de Reyers qui pourrait être proposée à la VRT ou encore à des institutions européennes).
Les deux Régions ne peuvent investir que dans la limitation de leurs compétences. La Cocof contribuera ainsi à des aménagements et à des regroupements de locaux au boulevard Reyers ; la Région wallonne soutiendra essentiellement, outre quelques travaux dans les bâtiments existants de Charleroi, l’érection d’un nouveau pôle de télévision à Liège, ouvert également au multimédias et au cinéma, dans un partenariat encore très nébuleux, probablement sur la friche industrielle du Longdoz. Le tout au travers de deux filiales immobilières à créer en ce mois de juin 2004, l’une pour les investissements wallons (la bouche pincée, la RTBF consent à prononcer l’adjectif abhorré ; il le faut bien puisque c’est la Région wallonne qui paye), l’autre pour le site bruxellois. Elles seront chargées de rédiger les cahiers des charges et de lancer les appels d’offres. Mais ces deux usines à gaz ne pourront agir qu’après élaboration définitive du partenariat liégeois, toujours dans les limbes. Retenons aussi que leur office aboutit à détourner l’attention des élus sur l’affectation des sommes, retirant celles-ci du contrôle budgétaire parlementaire.
Après le Parlement communautaire qui avait donné un premier blanc-seing général à Philippot, voilà donc le pouvoir wallon qui récidive, cette fois à propos de l’essence même des investissements wallons du plan Magellan. Cette somme pharaonique, comme la qualifie la CGSP - plus d’un milliard d’anciens francs ! -, ne paraît nullement pousser la Région à saisir l’occasion de renégocier les choix mortifères du plan Magellan pour la Wallonie !
« Liège ? C’est Beyrouth ! C’est Sarajevo ! » Il faut arpenter les étages des deux bâtiments de la RTBF liégeoise, l’immeuble de la rue du Parc et le Palais des Congrès. Il faut écouter les membres du personnel qui y travaillent encore, découvrir les plateaux vides, les bureaux abandonnés, les studios de radio déserts. Liège ne produit plus que des émissions locales, à l’exception d’une petite dizaine d’heures le week-end sur La Première, mais pendant quelques mois seulement, avant départ vers Reyers. Liège qui avait inventé une radio intelligente autant que créative et sensible, Liège qui n’a plus de radio et dont l’activité télévisée sera limitée arbitrairement au divertissement, dans ce futur studio de télévision dont on ne sait même pas encore avec certitude où il s’érigera ni avec qui. Pendant ce temps-là, ce qui reste de son service public de radiotélévision a tout le temps de mourir…

Les jeux sont faits à Bruxelles

On pourrait croire que nous exagérons. Alors astreignons-nous à l’exercice clinique des comparaisons. Principaux bailleurs de fonds de Magellan, qu’obtiennent et que perdent la Région wallonne - autrement dit, les Wallons - et la Cocof - autrement dit, les francophones de la Région bruxelloise?
Les Bruxellois perdent leur radio de région, Bruxelles Capitale. C’est une lourde erreur et même une faute au moment où, depuis le complexe culturel Flagey, se lance FM Brussel, nouvelle radio flamande d’agglomération soutenue par la Communauté flamande, la télévision locale TV Brussel et le groupe de presse flandrien Roularta12. La RTBF - c’est une première, mais qui ne nous réjouit pas, car l’autonomie wallonne n’y gagne rien - n’a pas voulu voir qu’il existe de plus en plus une identité bruxelloise, non soluble dans la Communauté, faite de branchitude et de snobisme de métropole, mais aussi d’ouvertures culturelles, de tolérance et de métissages. C’était cela Bruxelles Capitale. Mais la Flandre radiophonique va maintenant décliner à Bruxelles son Brussel multiculturel à elle, qu’elle cherche à imposer depuis des années. En néerlandais.
Du côté francophone, le terrain sera perdu pour le service public : mieux au fait des réalités sociologiques - source de profits quand on les exploite bien -, le groupe Rossel et Bel RTL mettent au point leur projet X2, un nom de code pour une nouvelle station privée « dynamisant positivement la Région bruxelloise (et) pour laquelle il existe une grosse attente », déclare Jean-Jacques Deleeuw, directeur général de Bel13.
Hormis cette perte importante pour l’identité régionale bruxelloise, le Bruxelles centralisateur et néo-unitaire - ce n’est pas la même chose - sort largement gagnant dans la redistribution des cartes. Le siège de Reyers est renforcé puisqu’il regroupe non seulement les directions de tous les grands départements de production, dont les nouvelles directions des chaînes de télévision, mais aussi l’ensemble des services support, appellation magellanesque des directions administratives, financières et techniques, dont la direction des facilités (sic), autrement dit l’intendance des locaux, ceux de Reyers et ceux de Wallonie. Le tout dans la casa Kafka de Schaerbeek, certes moins étendue, mais qui devrait devenir plus fonctionnelle. De même, l’information radio et télévisée, quotidienne et magazines, peut enfin se diriger de Bruxelles d’une main de fer vers tous les sites, sommés d’obtempérer. Terminé, les velléités de discussions des anciennes rédactions des centres (14). Enfin, trois chaînes de radio complètes sur cinq y sont installées (La Première, Musiq3 et la nouvelle PureFM, cette dernière à destination des moins de trente ans).

Rien ne va plus en Wallonie

Que gagnent les Wallons ? Un soutien immédiat, d’une part, aux capacités de production télévisée de Charleroi, d’autre part, au pôle de radio de Mons. Les Carolos obtiennent aussi un mini-décrochage d’agglomération sur VivaCité. Les deux sites hainuyers verront un léger accroissement d’emploi, issu toutefois d’une mobilité professionnelle d’envergure. Enfin, on peut rappeler que Namur est reconnue - tardivement - comme capitale politique par son hébergement d’une rédaction radio et TV spécifique. Mais n’applaudissons pas trop vite : Reyers garde bien sûr la haute main sur la diffusion de ses reportages.
Quant aux lourdes pertes que Magellan fait subir à la Wallonie, une page entière n’y suffirait pas. Accablée de tous les maux par la commission parlementaire, par les pontes de Reyers et les consultants d’Andersen, l’autonomie fonctionnelle des centres de production régionaux a vécu. Cela signifie qu’il n’existe plus aucun contre-pouvoir à la dérive communautaire centralisatrice. Ce qu’on oublie souvent, c’est que les centres étaient aussi les premiers défenseurs de l’emploi régional, à travers leurs discussions serrées avec les directions générales. Littéralement, plus aucun garde-fou ne subsiste : le siège central a pu impunément vider Namur et Liège de leur substance et concéder au Hainaut d’Élio Di Rupo et de Jean-Claude Van Cauwenberghe une Wallonie audiovisuelle croupion.
Fréquence Wallonie a implosé dans VivaCité où le point de vue régional est devenu tabou, remplacé dorénavant par la proximité et par l’identité d’affiliation émotionnelle à un produit évanescent, dans la simple mais terrible logique capitaliste de la publicité, du besoin suscité, du produit en réponse et des profits engendrés. Les journaux d’information inter-wallons (Wallonie-Midi et Wallonie-Soir) sont supprimés et toute connotation wallonne de l’information, faite par des Wallons pour des Wallons, est proscrite. Conséquence de cette perte de substance, les plages d’animation culturelle et de vie associative se réduisent à peau de chagrin, de même que les partenariats culturels régionaux et locaux14. Sur Musiq3, les retransmissions des concerts et des festivals sont souverainement décidées à Reyers. En télévision, la culture du reportage d’investigation, développée à travers les grands magazines de Charleroi et de Liège, est dissoute dans le fourre-tout dénommé Actuel, dirigé et produit à Bruxelles. Et partout, de Mons à Verviers15, une insécurité structurelle accable le personnel déraciné, ballotté entre sentiment d’abandon et obligation de reconversion, entre crise morale et désespérance intellectuelle.

Le manager vous salue bien

Coupable, Philippot ? L’homme ne mérite ni cet excès d’honneur ni tant d’indignité. Il faut oublier à son propos la théorie du grand complot et relever qu’il est simplement un manager sans états d’âme, au service de son actionnaire, quel qu’il soit16, hier la Région de Bruxelles-Capitale à la tête des hôpitaux publics, aujourd’hui la Communauté française et demain un nouveau maître, administration ou fabriquant de yaourts. Car, à quarante-trois ans, il n’escompte évidemment pas s’arrêter là. Si Philippot était un jour engagé à Namur par le ministre-président, gageons qu’il changerait de casquette en un tournemain. Il en rajouterait peut-être dans l’identité wallonne. Il a compris qu’au pays des aveugles les borgnes sont rois et qu’un ingénieur commercial peut avoir toutes ses chances dans cette entreprise culturelle si créative, mais si ignorante de l’abécédaire des méthodes modernes de gestion17. Philippot exécute, dans les deux sens du mot, les directives de ceux qui l’ont placé là. Point.
Et on en vient au paradoxe majeur, nous dirions même la faute politique fondamentale : par sa contribution considérable au refinancement de la RTBF en octobre 2003, la Région wallonne a contribué grandement à engendrer son propre prédateur, à construire la plus puissante machine de guerre jamais connue, au service de la Communauté française contre les Wallonnes et les Wallons. L’interpellation citoyenne, c’est d’abord aux élus wallons qu’elle doit s’adresser. Et ce seront d’ailleurs eux seuls qui disposeront des armes parlementaires et gouvernementales de la contre-attaque à l’issue des élections du 13 juin, tant à Namur que via leur participation aux structures de la Communauté.

Une accablante impéritie wallonne

La liste est longue des manquements de la Région depuis deux ans. Elle s’est contentée d’un rôle d’investisseur immobilier : elle s’est voulue simple copropriétaire de bâtisses à Liège et à Charleroi, sans exiger le moindre droit de regard sur ce qu’on y produit et sur la façon dont on le produit, y compris au niveau des conditions sociales. En outre, à Liège, comme on l’a vu, elle a accepté le démembrement immédiat de la RTBF existante, sans assurances sur les probabilités et les délais du renouveau promis en télévision.
Elle n’a pas exigé le respect du contrat de gestion qui impose des émissions d’information inter-wallonne. Magellan les a supprimées au mépris des textes, dans la foulée de la reprise en main de toutes les rédactions régionales, désormais ravalées au rang de BLI, pour Bureaux locaux d’information.
Elle a laissé s’éteindre ou partir une connaissance professionnelle, un know how en matière de reportages, de culture, de technique. Elle s’est montrée indifférente à la sauvegarde de la mémoire audiovisuelle du service public sur son sol : des tonnes d’archives sont virtuellement perdues ou sont confinées dans des soupentes du boulevard Reyers, ayant été littéralement arrachées de Wallonie (voir encadré).
Elle n’a nullement insisté pour que les activités culturelles s’exprimant en Wallonie puissent accroître ou seulement maintenir leur visibilité à travers les programmes de la RTBF, ses journaux, ses partenariats.
Elle a laissé la radiotélévision magellanesque, pourtant de Wallonie et de Bruxelles, extirper le maximum de références aux gens de Wallonie et à l’espace wallon. Elle n’a pas protesté quand le sirop de la proximité s’est mis à recouvrir toute évocation des réalités wallonnes. Et c’est à ce moment que Philippot parle de renégocier le contrat de gestion18.

Le rendez-vous de septembre

Oui, il faut le renégocier, mais pas comme il veut. Pour l’administrateur général, dont ce sera d’évidence la grande affaire après les élections, « ne faut-il pas avoir dans un contrat une formulation plus claire d’objectifs à atteindre en nous laissant plus de liberté sur les voies et moyens. Sachant que l’objectif principal est la mission de service public communautaire. Il est intéressant de voir ce que d’autres ont dans leur contrat, en particulier la VRT » (nous soulignons)19.
On l’a compris, Philippot entend avoir les coudées franches pour balayer définitivement le maximum de connotations régionales, spécifiquement wallonnes et bruxelloises, en matière de programmes et d’information radio et TV, à l’exception des rendez-vous mis à la sauce de la proximité émotionnelle, dans le droit fil localiste et infantilisant de la tristement célèbre VivaCité. Il entend désormais biffer des paragraphes entiers de l’actuel contrat de gestion 2002-2006, ceux qui entendaient justement rappeler à l’entreprise l’une des caractéristiques de son objet social, tant qu’à présent : sa qualité de radiotélévision issue de la volonté politique des trois millions et demi de Wallons et des huit cent mille Bruxellois francophones. Car qu’est-ce d’autre, cette Communauté Wallonie-Bruxelles dont on nous rebat les oreilles et qu’il nous faut prendre au mot pour cette fois ? Voit-on aussi un organisme audiovisuel public à vocation généraliste qui se limiterait à évoquer dans ses programmes et ses bulletins d’information les seules thématiques se rapportant aux compétences spécifiques de la Communauté française ? Poser la question, c’est y répondre.
L’actuel contrat de gestion - en sursis - l’a d’ailleurs bien compris quand il insiste, entre autres, sur l’engagement de la RTBF à favoriser les « productions originales qui s’attachent notamment à mettre en valeur le patrimoine de la Communauté Wallonie-Bruxelles et illustrent ses spécificités régionales » (nous soulignons)20. Il enjoint de même à RTBF Sat, la télévision par satellite, de promouvoir l’image de la Communauté « ainsi que des Régions wallonne et bruxelloise »21, on ne peut plus clairement identifiées. En radio, au moins deux chaînes doivent diffuser « un journal d’information régionale portant sur l’ensemble de la Wallonie d’une part, et de Bruxelles d’autre part »22, en sus des journaux décrochés par sous-régions wallonnes.

Qu’on n’objecte pas que la RTBF, régie dorénavant par le décret de décembre 200223 qui a tiré un trait sur les centres régionaux, ne serait plus en mesure de multiplier sa présence en Wallonie. D’une part, ces centres provinciaux ne constituaient pas la panacée, d’autre part, une nouvelle majorité parlementaire peut décider d’adapter le décret, comme ce fut fait il y a un an et demi. Mais ce n’est peut-être même pas nécessaire : les Wallons (et les Bruxellois) exigent d’abord que deux radios complètes leur soient à nouveau dédicacées, une pour chaque membre du couple communautaire actuel Wallonie-Bruxelles. La chose est particulièrement aisée depuis le regroupement récent de l’ensemble des programmes de chacune des cinq chaînes sur un site unique par chaîne (à l’exception des décrochages locaux de VivaCité). En télévision, une montée en puissance de la nouvelle rédaction wallonne de Namur, assortie de la maîtrise de la diffusion, constituerait une première décision positive. Voilà quelques garanties de fond qu’il importerait d’inscrire dans le contrat de gestion. Un contrat, qui se renégocie simplement entre deux parties, rappelons-le, organes de la RTBF et gouvernement de la Communauté, sans intervention parlementaire. Et si difficultés il y a, elles ne sont ni budgétaires, ni programmatiques, ni techniques. Elles sont politiques.

Dormeur, réveille-toi

Plus généralement, nous dirions même - en forme de provocation - que les obstacles à la reconnaissance de la Wallonie par la RTBF n’existent que par défaut. Précisément, c’est la quasi-absence des élus wallons dans le débat24, leur silence assourdissant d’actionnaires dormants, qui aboutit à ce que le système réducteur, centralisateur et néo-belge de la Communauté française puisse acquérir une nouvelle dynamique à travers la RTBF et disposer d’une telle capacité de nuisance sur la communauté des Wallons. Car le levier du changement, le parlement et le gouvernement wallons le détiennent comme jamais : c’est l’argent qu’ils ont consenti à verser pour le sauvetage de la radiotélévision publique. Ils en sont comptables devant les citoyens. Dès la rentrée de septembre, à Namur, mais aussi à Bruxelles, dans les instances communautaires où la représentation wallonne est très largement majoritaire - si elle le veut -, et au nouveau conseil d’administration de la RTBF qui sortira des urnes par ricochet, c’est à la culotte que les mandataires wallons doivent marquer Philippot. Vont-ils, comme il y compte bien, le laisser achever sa construction d’une identité francophone sur le modèle de l’identité flamande de la VRT ? Celle-ci, dans la proximité flamande de ses programmes, se trouve en phase non seulement avec l’autorité politique qui la fonde, la Communauté-Région de Flandre, mais aussi avec le peuple flamand qui l’écoute et la regarde. Il suffit d’examiner les audiences. Au Sud, l’identité wallonne pleure sur Magellan.

Le Mouvement du Manifeste Wallon appelle à un véritable comité de vigilance des citoyens, des élus locaux, des députés et des ministres wallons. Le plan de restructuration de la RTBF est une catastrophe pour la Wallonie. Il importe de l’amender profondément, au plus tôt, et de questionner sans répit sur l’intérêt wallon des investissements audiovisuels payés par les Wallons. Comme première étape de sa prise en main d’une politique culturelle autonome, la Wallonie doit aussi exiger, sous la menace de fermer de même les robinets à finances, une véritable reconnaissance explicite à travers la radiotélévision dont les Wallons forment les trois quarts du public, cet audimat auquel le Boulevard Reyers se dit si attaché. Et qui va continuer de chuter si persistent négation et mépris. Qu’au moins, ces arguments de gros sous et de parts de marché - pour se mettre un instant à son niveau -, la RTBF veuille les entendre. À peine de disparaître prématurément.

  1. 1. Zone 02 (gratuit bruxellois distribué dans les lieux branchés) du 24 mars 2004,Télé-Moustique du 17 mars, etc., et divers courriers des lecteurs dans plusieurs organes de presse, dès les jours qui suivirent le lancement de cette radio, le 29 février.
  2. 2. Le travail de marques sur les noms de chaînes, leur rebranding comme on dit aujourd’hui à la RTBF, a été sous-traité à l’agence Publicis. Il a abouti à de petites merveilles orthographiques, aussi vaines que bien payées au vu des trouvailles retenues : va donc pour Classic 21, Musiq3, PureFM et autre ladeux. La radiotélévision de la Communauté française parle-t-elle encore le français ?
  3. 3. Fernao de Magalhaes, dit Magellan, navigateur portugais passé au service de Charles Quint. Il entreprit le premier voyage autour du monde et découvrit le détroit qui porte son nom. Sa course s’arrêta en Extrême-Orient, plus précisément sur l’île de Mactan, où il fut massacré avec son équipage. Il était âgé de 41 ans. Une année plus tard, un seul de ses cinq navires parvint à rejoindre l’Espagne. Étonnant parrainage pour un plan de restructuration ! On aimerait croire que l’Histoire ne se répète jamais…
  4. 4. « Je suis le ministre d’une majorité qui a décidé de mettre en œuvre une réforme de fond à la RTBF. Ces dispositions ont fait l’objet d’un débat parlementaire et le rapport du parlement sur les missions de la RTBF a été voté, je le rappelle, à l’unanimité. Un nouveau contrat de gestion et le plan Magellan ont suivi. » (Richard Miller, ministre – libéral - des Arts et des Lettres et de l’Audiovisuel, in Commission de la Culture, de l’Audiovisuel, de l’Aide à la Presse et du Cinéma, session 2002-2003, résumé des débatsn° 28 Cult. n° 9, 12 mars 2003).
  5. 5. Contrat de gestion 2002-2006 entre le gouvernement de la Communauté française et la RTBF, d’application à partir du 1er janv. 2002, conclu pour une durée de 5 ans jusqu’au 13 oct. 2006 (art . 68 et 69). Le décret (ci-dessous, note n° 9) et le plan de restructuration, dit Magellan, ont rendu caduques plusieurs de ses dispositions (voir infra).
  6. 6. Décret du 19 déc. 2002 modifiant le décret du 14 juill. 1997 p00ortant statut de la RTBF (M.B. du 28 déc. 2002). Son article 15, par exemple, y sonne le glas des autonomies régionales en matière d’information : « (…) la phrase - le conseil d’administration attribue par priorité aux centres régionaux de production l’élaboration des programmes d’information locale et régionale, ainsi que des programmes de nature à refléter les spécificités régionales et locales - est supprimée ».
  7. 7. Particulièrement la conseillère régionale bruxelloise Julie De Groote.
  8. 8. Menés par Bernadette Wynants, spécialiste politique et universitaire fort écoutée en matière d’audiovisuel chez les verts.
  9. 9. Il faut pourtant mentionner les interventions vigoureuses de plusieurs parlementaires socialistes wallons en faveur du maintien d’un ancrage wallon autonome à la RTBF, comme celles du carolo Paul Ficheroulle et du verviétois Jean-François Istasse.
  10. 10. Pour les cinq directeurs généraux : une somme de frais forfaitaires à déterminer, une voiture en leasing avec carte de carburant, la mise à disposition au domicile d’un téléphone/fax et d’un équipement radio-TV-vidéo-DVD, les abonnements à la télédistribution, au bouquet Canal + et au satellite avec four0niture de l’antenne, un ordinateur portable à disposition, un GSM, une carte de crédit d’entreprise (avec justificatifs exigés), une assurance soins de santé et un contrat d’assurance de groupe. Le PC et le téléphone portables, l’équipement audiovisuel à la maison et l’assurance soins de santé sont aussi largement distribués chez la trentaine de simples directeurs.
  11. 11. Hors plan, le budget de la RTBF est alimenté par une dotation annuelle de la Communauté française qui se monte à 170 millions d’euros, à laquelle il faut ajouter les recettes publicitaires engrangées via RMB (Régie Média Belge). Mais le décret interdit que celles-ci représentent plus de 25% de la dotation. Les pertes étaient de 11,5 millions d’euros en 2002 et de 13,6 millions en 2003. La projection budgétaire pour 2004 est de 8,4 millions de pertes. Les premiers bénéfices seraient atteints en 2007, mais seulement à condition de mener à terme le plan Magellan, entre autres en matière d’investissements, pour lesquels l’entreprise ne jouissait pas de la moindre marge sans nouveaux apports extérieurs.
  12. 12. « De grootste en fascinerendste stad van het land verdient een eigen berichtgeving en een eigen soundtrack », interview de Jeroen Roppe, directeur des programmes de FM Brussel (De Standaard, 19 févr. 2004).
  13. 13. La Libre Belgique, 26 mars 2004.
  14. 14. D’où les protestations de l’Association des centres culturels (A.C.C.) et d’Asspropro (Association des programmateurs professionnels).
  15. 15. Radiolène, indéniable réussite verviétoise de la RTBF face aux réseaux privés, pourtant défendue par toutes les forces vives de l’arrondissement, a dû, elle aussi, rentrer dans le moule insipide de VivaCité.
  16. 16. Comme son confrère Philippe Delusinne, administrateur délégué de TVi, mais qui s’exprime, lui, dans un langage qui a le mérite de la clarté : « Je suis le manager d’une société privée. Je poursuis donc deux objectifs : gérer les dividendes de mes actionnaires et assurer la pérennité de ma société » (interview dans Le Ligueur du 17 déc. 2003). Philippot, au-delà de sa phraséologie convenue sur le service public, poursuit en fait les mêmes buts que Delusinne. Mais on parierait plus sur ce dernier.
  17. 17. Il ne peut non plus se passer de - coûteux - consultants extérieurs qui trouvent ainsi à la RTBF un nouveau marché prometteur. En ce sens, malgré une participation de façade, la nouvelle RTBF vit sous un régime littéralement technocratique. Et Philippot se construit d’abord une image, non pas envers le personnel, qu’il ignore largement, mais à destination des chasseurs de têtes. Histoire qu’ils ne l’oublient pas quand sera venue l’heure de quitter le navire Magellan. Juste avant le naufrage ?
  18. 18. Interview dans Le Soir du 5 mars 2004 : « Le moment viendra effectivement dans les prochains mois de reprendre avec le gouvernement de la Communauté française une discussion de fond sur nos relations contractuelles. » Qu’en termes élégants, ces choses-là sont dites… Pour les références du contrat de gestion, voir supra, note (5).
  19. 19. Le Soir, ib.
  20. 20. Contrat de gestion, Préambule, point i.
  21. 21. ib. , Article 1er, point 2.
  22. 22. Comme on l’a vu, dans sa réorganisation des radios et de leur programmation, le plan Magellan a failli à cette obligation.
  23. 23. Pour les références du décret sur la RTBF, voir supra, note (8).
  24. 24. À l’exception, déjà mentionnée, des forces vives de l’arrondissement de Verviers, exigeant le retour sur antenne de Radiolène.