Les romanciers du réel de Balzac à Simenon
Jacques Dubois, LES ROMANCIERS DU REEL DE BALZAC A SIMENON, Éditions du Seuil, Collection Points Essais, Paris 2000.
C’est tout au long du XIXe siècle que la suprématie du roman sur les autres formes de création littéraire en prose et en vers s’est imposé. Au sein même de l’entreprise romanesque, c’est le projet réaliste qui sera la principale arme de l’établissement de sa domination vis à vis de la poésie et de la tragédie dominantes depuis le XVIe siècle. Jacques Dubois dans Les romanciers du réel s’est engagé dans la recherche des «grandes lois» qui ont soutenu ce projet qui s’étendit approximativement de 1830 à 1950.
Le roman réaliste connut en effet, selon Jacques Dubois, quatre grandes phases (Jacques Dubois, pp. 156-157) :
- Le réalisme de fondation, autour de l’année 1830, avec Balzac et Stendhal, où sont posés les fondements de la nouvelle esthétique dans le sillage tumultueux de la deuxième vague du romantisme
- Le réalisme d’accomplissement, autour de Flaubert et Zola, qui court tout au long du second Empire et qui voit le réalisme-naturalisme acquérir la place dominante dans le champ littéraire
- Le réalisme d’approfondissement, avec Maupassant et Proust, qui va de la défaite de 1871 à la victoire de 1918, tous deux essayant de libérer le roman ou le récit du carcan réaliste par le rétrécissement ou la prolifération du narratif
- Le réalisme de crise, avec Céline et Simenon, qui recouvre essentiellement l’entre-deux-guerres, le réalisme résistant de plus en plus difficilement aux assauts de la modernité littéraire symbolisée notamment par Kafka et Joyce et les mouvements dadaïstes et surréalistes.
Une remarque de Walter Benjamin intéressant ce compte rendu
C’est donc dans l’écume de la deuxième grande vague romantique et, plus globalement, de la modernité que le réalisme surgit, Balzac et Stendhal pouvant être considérés comme les pères fondateurs de celui-ci. Le champ littéraire du XIX e siècle va alors progressivement s’articuler autour «d’une esthétique du vrai et du réel» (Jacques Dubois, p.33.) qui a pour fondement la substitution de la catégorie du singulier à celle de l’universel, la conviction que les destinées varient selon la position de chacun dans le monde et la reconnaissance d’une société à la fois complexe et soumise aux changements que provoque la modernité dans sa dimension politique, économique et sociale.
L’apparition des sciences humaines, en particulier la sociologie et la psychologie, ou en tout cas leur institutionnalisation dans le cadre de l’Université a aussi largement contribué à l’essor du projet réaliste. Dernier événement qui facilita l’hégémonie du roman du réel, l’ascension continue et irrésistible d’une presse quotidienne (Jacques Dubois, pp. 70-71.), réclamant sa pitance, tout aussi quotidienne, d’écrit(s) et de romans rendus publics par le biais des feuilletons. Cet avènement va procurer une source de revenus relativement stable aux écrivains dépourvus de fortune familiale qui feront ainsi leur entrée dans l’économie «capitaliste».
Nous souhaitons personnellement insister sur ce dernier point, la «popularisation» du roman va en effet transformer le statut de l’auteur littéraire. Finie l’époque des artistes soutenus voire entretenus par l’aristocratie (Racine, Voltaire, Diderot)! Définitivement marginalisés les auteurs exerçant un autre métier (Laclos officier, Sterne pasteur, Blake graveur)! Le romancier doit idéalement et uniquement vivre de sa production littéraire dans un sens large, par là même et simultanément, il conquiert son autonomie sociale et se retrouve asservi à l’intérêt de son éditeur et de ses lecteurs-acheteurs au sein d’un rapport de production «classique».
Ce qu’écrivait Walter Benjamin sur l’acteur de cinéma dans sa célèbre étude sur «l’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique» 1 s’applique parfaitement au romancier, celui-ci sait «qu’en dernier ressort, c’est au public qu’il a affaire: au public des acheteurs qui forment le marché. Ce marché, sur lequel il ne se vend pas seulement avec sa force de travail, mais en chair et en os et en se faisant sonder les reins et le coeur, au moment où il accomplit la tâche qui lui est destinée, il ne peut pas plus se le représenter que ne peut le faire un quelconque produit fabriqué en usine. C’est là, sans doute, une des causes de cette oppression qui le saisit.» 2 Benjamin avait aussi perçu la précarité, voire la fragilité, de la position sociale conquise au XIXe siècle par l’écrivain face au reste de la société. En effet, «avec l’extension de la presse, qui n’a cessé de mettre à la disposition du public de nouveaux organes politiques, religieux, scientifiques, professionnels, locaux, on vit un nombre croissant de lecteurs passer, d’abord de façon occasionnelle, du côté des écrivains. La chose commença lorsque les journaux ouvrirent leurs colonnes à un “ Courrier des lecteurs ”, et il n’existe guère aujourd’hui d’Européen qui, tant qu’il garde sa place dans le processus du travail, ne soit assuré en principe de pouvoir trouver, quand il le veut, une tribune pour raconter son expérience professionnelle, pour exposer ses doléances (...) Entre l’auteur et le public, la différence est en voie, par conséquent, de devenir de moins en moins fondamentale. Elle n’est plus que fonctionnelle et peut varier d’un cas à l’autre. A tout moment, le lecteur peut devenir écrivain. Avec la spécialisation croissante du travail, chacun à dû devenir, tant bien que mal, un expert en sa matière, fût-ce une matière de peu d’importance, et cette qualification lui permet d’accéder au statut d’auteur.» 3
Conformisme et rupture des réalistes
Mais revenons au livre de Jacques Dubois, quoi de commun entre ces romanciers du réel aussi dissemblables que furent Zola et Céline, Stendhal et Simenon, Maupassant et Balzac, Flaubert et Proust?
Pour Dubois, ces huit romanciers ont en commun un certain sens du réel, c’est-à-dire une sensibilité active aux circonstances et contingences singulières des êtres, sensibilité se doublant d’une faculté de figurer la réalité dans son urgence et sa complexité. Ce sens du réel n’implique nullement l’idée d’objectivité et de transparence car le regard personnel de l’écrivain et la représentation du réel subsistent dans tout projet réaliste (Jacques Dubois, p. 28.). L’intention visible du romancier du réel n’est pas de copier «le monde réel», à peine d’imiter la vie mais bien davantage, sur base de l’un et de l’autre, de créer un vaste artefact, sorte d’équivalent en modèle réduit de la vie sociale, le roman étant ainsi érigé en un vaste duplicata métonymique de l’univers ou d’un certain univers (Jacques Dubois, p.30.).
Pour ces écrivains, tout univers est socialisé, le destin individuel n’acquiert valeur et relief qu’au sein de la vie collective et de l’écheveau des relations sociales. Alors que le réel peut être appréhendé en tant qu’objet brut, le social présuppose, quant à lui, un minimum de traitement ou de construction, base même de toute création artistique (Jacques Dubois, p.42.). Ces auteurs se donnent pour objectif la démonstration de la mécanique sournoise ou violente de la socialité, celle-ci ayant toutefois lieu dans le contexte plus général du déploiement de l’imaginaire, leur pensée du social étant reprise dans le mouvement plus large de représentation et de sens (Jacques Dubois, p.69.). Le roman réaliste met donc en lumière la contradiction sociale: tout en reproduisant les idéologies dominantes de leurs temps, ces romanciers sont simultanément en rupture avec celles-ci.
Le roman réaliste se débattra toujours avec cette contradiction, soit il s’y enfermera, soit il tentera de la résoudre par divers artifices (Jacques Dubois, p.54.). Tout au long de la période considérée, le roman du réel tenta de créer l’image d’un univers d’une complexité et d’une épaisseur suffisante pour que cette simulation, cette fiction soit «crédible» ou réaliste. Par ailleurs, cet univers créé se devait d’être ouvert sur un dehors beaucoup plus vaste et bouclé quant à sa cohérence et son autonomie (Jacques Dubois, p.44.). Le roman réaliste devint alors une société miroir de la société «réelle», une sorte de société du texte, de société fictive à forte volonté cohésive.
Ces deux sociétés sont distinctes mais aussi en accord, ainsi la «vérité» du roman réaliste se jauge à sa capacité à accorder la société fictive construite à la société réelle à laquelle il fait penser et sur les référents de laquelle il s’indexe (Jacques Dubois, p.43.).
De la métaphore poétique à la métonymie (la partie pour le tout) des réalistes
Le projet réaliste, dans son dessein de représenter la société dans sa complexité et ses contradictions, va faire que le concept de «roman univers» ou de «roman total» deviendra la finalité à laquelle tendront les romanciers du réel. Ce roman total se manifesta par l’ accumulation de l’information, l’expansion de l’écriture, une architecture monumentale, une apparente complétude, par, en quelque sorte, un tout petit monde autosuffisant (Jacques Dubois, p. 76.).
Si le roman du réel totalise, il le fait toutefois par le biais du détail, il est comme saisi du vertige de la notation la plus infime, du trait le plus anodin. Celui-ci recourt à une optique factuelle, la réalité la plus tangible ou la plus matérielle, tels l’habillement des personnages ou leur cadre de vie dans une acceptation large, apparaissant comme la caution même du vrai ou du vécu (Jacques Dubois, p.93.). Dans sa contingence même, le détail appartient ainsi au grand ordre de la nécessité; d’insignifiant il devient sursignifiant, d’où souvent un brouillage permanent entre l’essentiel et l’accessoire, le général et le particulier, voire même entre l’effet et la cause (Jacques Dubois, pp. 88-89.).
Si la métaphore était la figure de base, la disposition narrative principale, de la poésie, la métonymie est celle du roman réaliste. Ne pouvant tout dire, car il n’a que vocation à être un univers totalisant, le romancier du réel est obligé de sélectionner dans la chaîne narrative, ce qui a pour effet qu’un énoncé puisse toujours tenir lieu d’un autre. L’effet est partout, la cause nulle part mais elle est telle que l’on puisse à tout moment remonter à celle-ci (Jacques Dubois, pp.100-101.). Le foisonnement de détails favorise brouillage et égarement des sens, la métonymie réaliste va progressivement se lester d’une fonction neuve, faisant du roman un espace de doute et le lieu d’une enquête pressante sur l’identité psychique et sociale des êtres (Jacques Dubois pp.109.).
Le temps, la nation, l’histoire et le déterminisme
Élément ou question fondamentale de toute création littéraire, celle du temps va être résolue d’une manière spécifique par le roman réaliste. La temporalité réaliste présente trois traits dominants (Jacques Dubois, pp.129.). La grande histoire, celle qui s’écrit «Histoire», existe et sert d’appui et de toile de fond au roman réaliste. L’intrigue est construite de manière ferme, celle-ci devant structurer l’oeuvre de fiction dans sa durée, ainsi l’auteur est dans l’obligation de gérer le temps, de maîtriser les enchaînements d’événements et d’éviter, même mollement, les dérives. Enfin, sous le chronologique se retrouve une logique, celle, en gros, de l’inéluctabilité de toute destinée humaine. L’espace et le temps sont donc liés et tendent vers une fin programmée et déterminée, les structures temporelles ne servant qu’à à la démonstration du principe essentiel du réalisme: le déterminisme, celui-ci prenant la teinte de la philosophie du social et de l’idéologie de l’auteur.
Dans le roman réaliste, il y a bien des tentatives de révolte ou de rupture mais celles-ci sont condamnées à échouer lors de la catastrophe finale: son idéal est donc la reconstitution de la chaîne des événements qui érigent une vie en un destin la plupart du temps tragique (Jacques Dubois, pp.135.). Notons que le destin individuel évoqué dans les romans réalistes sera souvent et en quelque sorte une mémoire incidente de la Nation, mais la relation aux événements réels ou historiques est biaisée, les personnages percevant toujours ceux-ci de manière fragmentaire et relative (Jacques Dubois, pp.148.). Ce déterminisme ne pouvait que s’accompagner d’une dénonciation de l’illusion amoureuse, la société moderne qui ne permet pas un épanouissement adéquat des rapports entre les êtres et la plénitude du désir est ainsi stigmatisée. Le roman du réel ayant toujours marqué un intérêt marqué pour toutes les formes de déviance ou de marginalité sexuelle même s’il n’a pas su réellement prendre en charge l’érotisme dans son versant le plus concret (Jacques Dubois, pp.117 et s.).
Un oubli de J. Dubois: des écrivains conservateurs, Zola excepté
Comment pourrions nous synthétiser les éléments communs mis à jour et recensés par Jacques Dubois? Si nous reprenons ses propres mots: «concrétude, durée sensible et socialité sont donc trois des fondements sur lesquels le sens du réel peut se déployer». (Jacques Dubois pp.29.) Le cadre commun au roman réaliste s’incarnant quant à lui dans les situations sociales suivantes: «Lutte de classes, conflits de classement, émergence de groupes nouveaux, montées foudroyantes, déchéances mortelles.» (Jacques Dubois, pp.153.)
Les huit romanciers du réel étudiés par Jacques Dubois peuvent être appréhendés, chacun à leur façon, comme les discrets prophètes des nouvelles pratiques sociales, des nouveaux styles de vie, bref des mutations sociales (Jacques Dubois, p. 155.). Parmi celle-ci, l’une des plus remarquables fut l’apparition d’un univers féminin singulier et spécifique, ce qui explique pourquoi les femmes se retrouvèrent souvent au premier plan des romans du réel, ceux-ci ne pouvant décemment ignorer cet univers (Jacques Dubois, pp.90-91.).
La «simple» mise en scène ou reproduction du social ne suffisant à nourrir, à provoquer, un processus créatif d’ordre artistique ou esthétique, le projet réaliste eut sans doute pour objectif inconscient la mise à jour de l’inavouable ou du non-dit, en particulier celui de l’arbitraire sur lequel repose la structure de pouvoir au sein de la société moderne.
La question ultime du projet réaliste fut celle de l’autre, de l’altérité, c’est-à-dire: comment écrire l’autre sexe, l’autre classe, l’autre culture? Son propos final ayant été la tentative d’évoquer le sujet social dans son étendue, sa complexité et sa contradiction (Jacques Dubois, pp.334-335.).
Si nous pouvons partager sans difficulté ces observations de Jacques Dubois, il nous semble que l’élément suivant n’est peut être pas assez mis en évidence: si l’on excepte le libéral et ancien jacobin Stendhal et un Zola à la fin de sa vie plutôt socialisant, tous les autres écrivains du réel étudiés par Dubois ne furent guère des porte-drapeaux du progressisme, beaucoup oscillèrent entre l’absence d’intérêt réel ou marqué pour la res publica (Simenon, Maupassant), à un conservatisme de notables (Balzac, Flaubert), voire la négation totale des valeurs républicaines (Céline). Contrairement aux romantiques, tel Hugo (considéré, à juste titre, comme n’étant pas un romancier du réel), et à quelques autres poètes, aucuns ne participèrent aux grands événements de l’histoire de France (1848, la commune de Paris, la guerre avec la Prusse et les deux guerres mondiales, etc.). Cela se retrouve évidemment dans leurs oeuvres respectives qui finalement confortent plus que ne remettent en cause le pouvoir politique, économique et social en place, quel qu’il soit...
Et si le réalisme annonçait le cinéma?
On a l’impression que beaucoup de ces auteurs qui voulaient représenter le réel furent surtout des spectateurs «désengagés» qui n’eurent de cesse de se tenir le plus éloigné possible de celui-ci, y compris lorsque ne pas prendre position était, en fait, déjà une position (pensons à l’attitude de Simenon pendant l’occupation), seul Zola faisant à nouveau exception avec son engagement dans l’affaire Dreyfus.
Autre domaine où Zola fait exception, le roman du réel s’attacha surtout à la représentation du pouvoir en devenir, c’est à dire la bourgeoisie dans un sens large avec toutes ses subdivisions, le contre-pouvoir de l’époque, la classe ouvrière, est absent chez tous ces auteurs, même si Céline évoque parfois le prolétariat en haillons. Est-ce dû au fait que celle-ci, pendant longtemps, ne fut qu’un acheteur marginal de livres? Ou bien parce que celle-ci se retrouvait plus dans des romanciers plus «accessibles» comme Sue et Féval ou dans les épopées romantiques de Dumas et Hugo? Si l’on excepte Simenon, écrivain moyen, nous pourrions adresser à Jacques Dubois le reproche mineur de n’avoir abordé que des écrivains reconnus ou établis.
Le réalisme, ce fut aussi toute une production de masse de moindre qualité littéraire, cette qualité moindre pouvant toutefois être, comme ce fut le cas pour la littérature prolétarienne, assez signifiante. Nous aurions aussi bien aimé que les judicieuses démonstrations parsemant le texte des «romanciers du réel» dépasse le cadre de la France. Analyser et comparer Balzac et Scott ou Dickens, Flaubert et Fontane, Zola et Heinrich Mann, Proust et Thomas Mann, Simenon et Hammett et pourquoi pas Maupassant et le Joyce de Gens de Dublin auraient permis de renforcer l’ouvrage en démontrant que le roman du réel présenta les mêmes caractéristiques essentielles dans tout le monde industrialisé.
Cette dernière remarque tient aussi, nous le reconnaissons, à notre relation compliquée avec la littérature française, celle-ci n’étant pas, subjectivement parlant, notre littérature de base ou de référence. Enfin, de nombreux éléments recensés par Jacques Dubois nous semblent pouvoir être utilisés , sans guère de difficulté, comme outil d’analyse du cinéma du réel que ce soit dans sa forme documentaire ou fictionnelle.
Concernant cette dernière remarque, nous ne résistons pas au plaisir de poser la question suivante, si comme l’écrit Benjamin: «l’une des tâches primordiales de l’art a été de tout temps de susciter une demande, en un temps qui n’était pas mûr pour qu’elle pût recevoir pleine satisfaction.» 4. La volonté du roman réaliste de représenter le réel n’annonçait-elle pas la photographie? En effet, l’année ou Balzac se lance dans la rédaction de «La comédie humaine», Niepce et Daguerre unissent leurs travaux, le premier ayant déjà réussit à obtenir le négatif d’une image, le second réussira à développer et à fixer ces images, ce qui aboutit en 1838 aux daguerréotypes. Nous avons tous en tête une photo de presque tous les romanciers du réel évoqués par Jacques Dubois.
Et si le roman réaliste avait ainsi préparé la société industrielle à l’arrivée de la photographie et aussi, d’une certaine manière, à celle du cinéma? Face à cette concurrence de l’image qui, à première vue, est toujours perçue comme plus proche de la réalité que l’écrit, l’observation et la reconstruction minutieuse «du réel» conduites par le roman réaliste fera que ce dernier se retrouva, au cours du XXe siècle, bloqué dans une impasse. La société moderne d’après 1918 devenant de plus en plus complexe et opaque, celle-ci se déroba à la prise du romancier du réel, toute entreprise de description totalisante étant devenue dans ces conditions impossible. La fiction ne pouvant plus simultanément continuer à ignorer qu’elle se définit essentiellement comme la conjugaison étroite de la création de l’imaginaire et de la production du langage (Jacques Dubois, p.332.). Le réalisme devient intenable en raison de l’imposture sur laquelle il se fonde, le romancier moderne s’arrogea alors le droit d’élaborer ses fictions sur les seules ressources de l’imaginaire et de l’écriture (Jacques Dubois, p.331.).
François André
Jacques Dubois, Les romanciers du réel, de Balzac à Simenon, Éditions du Seuil, Collection Points Essais, Paris 2000.