" La Wallonie est une société dépendante depuis 1830. " (M.Quévit, interview du 22/6/1978)

Interview de Michel Quévit dans 4MLLIONS4 du 22 juin 1978
19 mai, 2010

Histoire de Belgique et de Wallonie

L'historien québécois Maurice Séguin a écrit dans son ouvrage Les normes : « Tout citoyen, dans l'appréciation des événements quotidiens, se rapporte nécessairement à une conception générale de la situation politique, économique, culturelle ou sociale du milieu où il vit. Obligé de se prononcer fréquemment sur ces questions fondamentales, il ne saurait éviter de recourir à une explication historique. De sorte que la haute histoire des phénomènes primordiaux est en définitive, pour ceux qui ne sont pas des professionnels de l'histoire, la seule histoire importante et irremplaçable. » Par « haute histoire des phénomènes primordiaux», Séguin entend une vision de la société et du monde sur laquelle repose la manière de réagir du citoyen. Ceci signifie tout simplement que nous ne jugeons du présent et de l'avenir que par le passé. Ou, quand on lit ou écoute certains médias belges de l'époque présente, en fonction d'un aujourd'hui qu'éclaire un passé que ces médias ignorent gravement , au détriment d'une Wallonie qu'ils n'intègrent ni à leur passé (mais dont ils font souvent une chose et une chose du passé), ni à leur présent, ni à leur avenir. Les regards prétendument « croisés » des éditorialistes de la semaine qui blablatent le samedi  sur le coup de 13h.15 à la RTBF en est un  exemple saisissant. Aucune lecture des tensions communautaires n'y est faite d'un point de vue wallon. Et la Wallonie n'est abordée que lorsqu'il s'y produit un scandale ou une catastrophe. La Wallonie y est réduite à sa nature et à sa nature de « chose » vue des salons bruxellois. C'est non pas l'envers, mais l'endroit des médias francophones bruxellois dominants. On ne pouvait qu'être frappé un 19 mai 2010 de voir Le Soir s'interroger sur toute une page sur l'avenir du mouvement wallon. En effet, ce journal n'a jamais accordé la moindre importance au mouvement wallon. A la fin du XXe siècle, il parvenait même à ne citer véritablement le mot Wallonie de manière importante - dans une rétrospective de tout le siècle passé!  -  qu'à propos de la troupe de Degrelle au service des armées allemandes la prétendue « division » baptisée étrangement « Wallonie ». 1 Alors qu'elle n'a jamais compté qu'à peine un régiment de l'armée belge de mai 1940 (une Division de cette armée représentait 17.000 hommes, la troupe SS/Rexiste n'en eut jamais 4.000 à aligner).  S'il ne voyait dans le passé que cette « Wallonie » -là à citer, à quoi bon s'interroge-t-il sur l'avenir d'un mouvement wallon dont il ignore tout ?

Une voix contre le bruit médiatique

Le succès de plus en plus évident du nouveau livre de Michel Quévit, Wallonie-Flandre. Quelle solidarité ? dont nous avons rendu compte  2, ne fait que prolonger une analyse de la situation belge qu'il avait déjà faite en 1978 dans son livre Les causes du déclin wallon 3.  Pour autant, Quévit ne se répète nullement. Il applique simplement la méthode qu'il avait utilisée à la suggestion du Professeur américain Michel Aïken de l'université du Wisconsin. Le succès de ce second livre vient simplement du fait que la plupart des médias, ou des analystes auxquels les médias font appel, se contentent de disséquer ce « communautaire » dont Pierre Lebrun a répété mille fois qu'il occultait la réalité de la question nationale belge. Il est possible que pour des raisons qu'on baptisera pudiquement de « politiques », Michel Quévit est sans doute un peu moins virulent vis-à-vis de ces analyses qui dominent le prêt-à-penser belge francophone. Pourtant celles-ci, comme Quévit l'écrivit dans son livre de 1982 La Wallonie, l'indispensable autonomie, ont le défaut tout de même assez graves, à notre sens, de rendre inintelligible la question wallonne. Et le succèsvde ce livre vient aussi du fait que sa qualité d'universitaire permet à la voix de quelqu'un comme Quévit de l'emporter un moment sur le bruit fait par ceux qui nous nient.

Une interview plus jeune que ce même bruit

C'est en ce sens que la lecture de l'interview de Michel Quévit  réalisée en 1978 - il y a trente-deux ans ! -  pour l'hebdomadaire FDF 4 Millions 4 n'est pas reproduite ici au titre de simple archive. Elle éclaire le présent et l'avenir. A l'heure où les trois-quarts du personnel politique wallon et francophone se permettent tant de minauderies belgicaines, il est bon de rappeler la situation dans laquelle était la Wallonie en 1978. Absolument dépourvue de tout pouvoir politique et économique, elle connaissait alors une croissance négative. La loi à laquelle elle était soumise, c'était la loi de la domination catholique flamande la plus brutale et la plus éhontée. On est quelques mois avant le slogan proféré par le CVP : plus un franc pour la sidérurgie wallonne. Alors que des centaines de milliards étaient déversés dans les tonneaux des danaïdes des mines limbourgeoises, infiniment plus coûteuses que la sidérurgie wallonne. Cette même sidérurgie qui vient de voir ses capacités de production augmentées à Liège -  18 ans après la fermeture des mines flamandes ! Le Soir - toujours lui - se demandait après la dernière crise sur BHV si « ce pays » avait encore un sens, surtout quand on mesure à quel point le fédéral y a perdu de son importance. Ce journal oublie évidemment - et malheureusement une opinion wallonne très peu éclairée aussi 4 -  qu'au cas où le pouvoir fédéral aurait gardé toute sa prépondérance (on aurait dit le pouvoir national belge en 1978, c'était le seul qui existait), la Wallonie économique serait déjà passée de vie à trépas. Certes, le problème de BHV - plus symbolique, moins lié à des contraintes matérielles et économiques - aurait toujours été difficile à résoudre. Et il aurait probablement provoqué la crise que l'on vient de subir. Une crise où l'intérêt de la Wallonie, l'intérêt de Bruxelles n'est pas engagé. Où est engagé par contre celui de la Flandre et de sa langue et où par conséquent, on aurait dû le rencontrer bien plus vite.  Et peut-être aussi celui des journalistes francophones de la périphérie bruxelloise...

Hormis le financement de la Sécu, la Belgique n'a pas de sens

Nous n'avons jamais entendu, durant la période où  l'Etat-CVP raflait tous les investissements productifs en faveur de la Flandre poser la question du sens de la Belgique par ce genre de médias. On a entendu peu poser la question du sens de la Communauté française par exemple après la destruction indigne du Centre-RTBF de Liège. Or il a été l'un des centres les plus créatifs de la chaîne publique. Dont l'importance est liée à l'essor considérable d'un cinéma liégeois et wallon dont les films des Dardenne ne sont que la partie la plus visible.   Mais qui ne doit pas occulter la vigueur de la vie culturelle, sociale, politique, intellectuelle à Liège dans les années 70 et suivantes sur lesquelles nous allons bientôt revenir 5 Avant de relire cette interview  significative d'il y a 32 ans, répondons sereinement à la question du journal bruxellois sur le sens de la Belgique :  l'Etat belge a failli faire périr la Wallonie et il lui nuit toujours, notamment à travers son obscène survivance qu'est la Communauté française. 6 Le seul sens que l'on peut lui donner encore c'est la solidarité organisée entre les travailleurs et son financement qui enjambent les générations voire les siècles et même les intérêts régionaux. Mais cela ne relève ni de ce qu'il y a de plus étatique dans l'Etat (comme forme d'oppression notamment), ni de ce qu'il y a de  plus belge. Hormis cela, la Belgique n'a aucun sens.

Interview de Michel Quévit parue dans 4Millions4 le 22 juin 1978

JF - On entend souvent dire : la Flandre et la Wallone sont comme deux sœurs au sein d'une même famille. La première a longtemps été avantagée. C'est maintenant au tour de l'autre... Juste retour des choses...

Michel Quévit : On ne peut pas nier le développement économique du pays wallon au XIXe siècle. Il faut cependant noter deux choses : 1) si  la Wallonie est industriellement riche, le peuple wallon est tout juste un peu moins misérable que le peuple flamand. Dans les débuts du capitalisme comment pourrait-il en être autrement ?  2) L'essor économique en Wallonie n'est pas dirigé de Wallonie. Je cite dans mon livre des chiffres officiels parus en 852 et en 1865. IL y a en 1860, 53% des société anonymes du Royaume en pays wallon. Mais 59% du capital de toutes les sociétés anonymes belges sont situés à Bruxelles (674 millions sur 1.141 pour l'ensemble du capital des SA du Royaume). L'argent que rapporte l'industre wallonne est comme rapatrié à Bruxelles dans les mains de la bourgeoisie francophones qui dirige l'économie et réinvestit le profit réalisé dans le sillon industriel, un peu partout en Belgique et dans le Monde.

JF - Voici une illustration de la tension « Centre-Périphérie » que vous semblez préférer à celle plus affective « Flandre-Wallonie » ?

Michel Quévit : Exactement. La Flandre et a Wallonie se trouvent dans la même situation de dépendance à l'égard du centre au siècle passé, même si leurs développement sont inégaux. On aurait pu croire que le mouvement national flamand allait s'opposer par priorité à cette prééminence du centre en exigeant l'autonomie ou, plus radicalement encore, en faisant éclater le pays. Il n'en a rien été. La Flandre a voulu et largement réalisé autre chose : la centralisation économique et politique du pays sera maintenue, mais mise au service des intérêts régionaux flamands. C'est déjà vrai politiquement à partir de l'instauration du suffrage universel tempéré (1893). A ce moment, vont naître d'autres instruments qui renforceront la montée flamande. Il faut citer un nom : Helleputte. G.Helleputte a fondé le Boerenbond, une organisation qui va soutenir une autre idée d'Helleputte, la Volksbank Van Leuven, qui préfigure la Kreditet Bank. G.Helleputte est aussi le fondateur de la DC flamande, et son secrétaire politique, G.Sap, celui de De Standaard : la presse, la finance, le parti. Trois éléments de la montée flamande... La bourgeoisie industrielle flamande n'agit pas de la même façon que la bourgeoise francophone du siècle passé. Elle ne rapatrie pas au centre le profit réalisé pour l'investir indifféremment quoique selon la loi du profit maximum. Les milieux nationaux flamands ont aussi comme impératif le développement de la Région (crédits à cour terme aux entreprises familiales).

L'extraordinaire importance de l'Etat

JF - Parmi les facteurs décisifs de la prospérité actuelle du Nord du pays, vous citez également le pouvoir politique. N'y a -t-il cependant pas des lois de l'économie qui jouent indépendamment des structures politiques ?

Michel Quévit : Comme on peut le voir à travers mon livre - et je regrette un peu que ce fait ne soit pas assez souligné par les commentateurs - dans la somme globale des crédits d'orgine « belge » qui ont soutenu les investissements nouveaux de 1959 à 1973, les deux/tiers proviennent d'organismes publics de crédit.  Or la décision de soutenir ces investissements par des prêts publics est prise par Le gouvernement au sein du CMCES (Comité ministériel de coordination économique et sociale). Là, l'influence flamande est prépondérante simplement en fonction de la loi du nombre qui permet aux Flamands d'occuper les ministères importants (politiques et économiques qui sont d'un plus grand poids dans la décision), au-delà de l'illusoire parité.

JF : Quand vous soulignez cette importance du pouvoir politique, de l'Etat, du crédit d'origine publique, vous songez aussi à la Wallonie. Pour vous, il est illusoire de penser que la Wallonie pourra se redresser à partir du seul effort du secteur privé. Il n'y aura pas de bourgeoisie industrielle wallonne...

Michel Quévit : Précisément. A cause de l'importance du rôle des crédits publics dans l'investissement nouveau, une régionalisation simplement politique est inutile. Si le futur pouvoir  wallon ne contrôle pas l'épargne de ses ressortissants, cette épargne,  qui est encore importante, continuera à être utilisée en grande partie en fonction des intérêts des grands groupes financiers et des intérêts régionaux flamands. Il n'est pas possible de créer un holding régional privé à partir de ce qui existe. Il faut une banque publique. Bien sûr l' « Etat », cela  effraye, surtout les PME. Pourtant on peut dire qu'il n'y aura pas de Wallonie économiquement viable (donc pas non plus de libres entreprises prospères), sans la maîtrise du crédit par le pouvoir wallon. Cette option est progressiste et elle coïncide avec l'intérêt régional.

Le quartier de tarte : grèves de 60-61

JF - Vous avez parlé d'un « pouvoir wallon ». Face à la puissance politique flamande, comment expliquer l'impuissance wallonne ?

Michel Quévit : Voyez 1960. La classe ouvrière wallonne est une première fois affaiblie dans sa lutte par le clivage religieux (CSC contre FGTB). Puis au clivage religieux vient se superposer le clivage communautaire : la FGTB flamande abandonne le mouvement. Renard a alors contre lui non seulement les conservateurs mais aussi la moitié du monde syndicaliste et la moitié de l'autre moitié du monde progressiste : c'est ce que j'appelle le « quartier de tarte ». Ce« quartier de tarte », c'est vraiment ce qui exprime le mieux le rapport de force dans notre pays. On retrouve souvent cette configuration. Prenons le plan de Wasseige sur la sidérurgie. Il a contre lui les grands groupes financiers, l'intérêt politique flamand politique flamand pour qui la solution Mer du Nord-Sarre est, d'un point de vue flamand, toute la solution. Très schématiquement, on a : Groupes financiers dominants + la solution flamande globale + une solution wallonne partielle (sauver les meubles à Liège et Charleroi). De nouveau, dans la configuration des rapports de forces politiques globaux, la Wallonie est le « quartier de tarte ». Un plan autonome de sauvetage du sillon industriel wallon n'a pas tous ces appuis politiques (sans compter l'influence de la Commission européenne qui ne lui est pas favorable). Par conséquent, on ne s'est même pas préoccupé de la valeur de l'argumentation développée par Y. de Wasseige...

Les responsabilités wallonnes

JF : Il y a une cohésion flamande. Il y a un manque de cohésion des forces politiques en Wallonie. Pourquoi ?

Michel Quévit : Pourquoi la cohésion politique flamande ? Le CVP en est la figure de proue. N'oublions pas qu'il y a les syndicats chrétiens relativement structurés dès 1905, c'est-à-dire bien avant l'industrialisation de la Flandre. Quand celle-ci surviendra, il y aura un mouvement ouvrier chrétien proche de l'idéologie populiste défendue par l'Eglise et la Bourgeoisie. Des structures ouvrières certes relativement autonomes, mais qui ne se séparent pas de l'ensemble de la société flamande et des classes dominantes.  Vers 1930, l'industrialisation de la Flandre s'ébauche. A ce moment, il y a déjà une législation sociale belge assez avancée. Ces deux éléments, populisme du mouvement  ouvrier et un réel acquis social, vont raboter l'âpreté toujours possible d'éventuels  conflits sociaux graves qui auraient pu survenir avec les débuts de l'industrialisation.

Les travailleurs flamands bénéficient ici des de luttes ouvrières en Wallonie, menées quelques années plus tôt, dans des conditions de vie parfois inhumaines. Luttes extrêmement dures, parfois sanglantes. Ceci ne correspond guère à la prétendue indolence des Latins que nous sommes ! Quoi qu'il en soit, les travailleurs flamands ont profité des conquêtes de leurs camarades wallons et ces conquêtes rendent les luttes sociales en Flandre peut-être moins nécessaires et moins vives.

Revenons au CVP. Il rassemble toutes les classes sociales et assure la cohésion de la société flamande face à a bourgeoisie francophone, tout en masquant le conflit d'intérêt entre les classes sociales flamandes adverses. Le socialisme n'a pas « profité » de l'industrialisation.

En Wallonie, par contre, il est rapidement majoritaire et exprime les intérêts de la classe ouvrière. Cependant, le PSB est un parti qui vise à la conquête du pouvoir. Pour faire jeu égal avec l'ensemble de la famille catholique qui est majoritaire dans la communauté la plus peuplée et donc prépondérante dans l'ensemble du pays, il a besoin de son aile flamande. Même si ceux-ci sont minoritaires dans leur région, ils représentent à peu près autant d'électeurs (600.000), dans le cadre belge. On remarque que pour parvenir au pouvoir, lors des grands affrontements électoraux, le PSB met en avant des enjeux moins radicaux d'un point de vue économique et social ou d'un point de vue régional. En 1932, par exemple, alors qu'on parle d'une situation pré-révolutionnaire, le thème central de la campagne électorale , c'est « la lutte scolaire ». Souvent, on voit la mise en avant de pareils thèmes électoraux profiter en même temps aux catholiques et aux socialistes. Leurs électorats sont tout à fait distincts. Quand il sont publiquement adversaires, le PSB et le PSC sont effectivement  avantagés puisqu'ils gagnent des voix. Ce n'est que parvenu au pouvoir que le PSB affronte les conservateurs sur le terrain économique et social. Peut-être a-t-il peur de porter ailleurs le combat à cause de risques d'affrontements plus profonds. Pour arriver au pouvoir ans le cadre unitaire, la principale force politique de Wallonie est obligée de composer avec les plus modérés de ses éléments et aussi avec les Flamands. La cohésion du CVP est, elle, d'emblée réalisée. Le petit PSC doit pratiquement se contenter de s'arrimer à cette locomotive essentiellement flamande. Dans ce champ de rapports de force, la Wallonie est de nouveau minorisée. Et n'oublions pas que les libéraux, unitaristes absolus jusqu'en 1970, y concourent largement.

La Wallonie est désunie parce que la gauche est désunie

JF : Les progressistes wallons sont obligés de composer avec les Flamands puis avec les conservateurs dans les différents au sein des gouvernements, ce qui laisse la région wallonne dépendante. Des militants du MOC se réuniront dimanche prochain en vue d'un « rassemblement des progressistes ». Que penser de cette perspective ?

Michel Quévit : Sans une union de toute la gauche wallonne, il sera sans doute difficile d'imposer un pouvoir wallon maître du crédit public. La droite est opposée au fédéralisme dit « économique », qui effraye la petite-bourgeoisie. A tort sans doute, mais le fait est là.  Il ne faudrait plus que se ravivent  les vieilles divisions entre cléricaux et anti-cléricaux. Si cela devait se faire, les chances d'une gauche wallonne unie seraient bien minces, et plus minces encore les chances d'une Wallonie forte capable d'opérer son redressement.

Remarquons aussi que, jusqu'à  sa rénovation, la base électorale d'un parti comme le RW était assez largement à droite. Une partie importante du courant régionaliste le plus radical ne coule donc pas du côté du fédéralisme « économique ». Normalement le RW devrait  attirer une gauche nouvelle.

Il y a enfin les divisions entre sous-régions, entre la Wallonie industrielle et la Wallonie rurale. Ces divisions sont sans doute l'effet de l'impuissance politique structurelle, dont nous avons déjà longuement parlé. Si la Wallonie est dépendante, c'est sans doute parce qu'elle n'a jamais eu de centre au sens politique et au sens géographique. Sur le plan culturel, les artistes, écrivains, les chercheurs, les personnalités wallonnes de toutes sortes, doivent se faire valoir en un centre qui n'est pas wallon et où, d'une certaine manière, inévitablement, quelque chose de la substance de la Wallonie, même à ce plan-là, se perd. Que ce soit à Paris ou même à Bruxelles. On comprend que chaque bourgmestre des grandes villes wallonnes veuille faire de sa cité la capitale du pays wallon. Mais s'il n'y a pas, sur ce sujet comme sur tant d'autres, un véritable pacte entre les Wallons, nos sous-régions, à force de vouloir éviter d'être périphériques d'un nouveau centre, le deviendront toutes ; la Wallonie ne sortira pas la dépendance qui alimente son déclin sans une réelle autonomie au plan de la décision tant politique qu'économique

[Propos recueillis par José Fontaine et parus dans l'hebdomadaire 4Millions4 le 22 juin 1978.]

 


  1. 1. Radioscopie "Soir"/2000
  2. 2. Critique : Flandre-Wallonie. Quelle solidarité ? Michel Quévit (Couleurs livres)
  3. 3. Texte intégral sur la toile:  Les causes du déclin wallon
  4. 4. Mais égalemet des opinions très peu éclairées de gens qui devraient l'être : Réunion de Re-Bel le 17 décembre 
  5. 5. Jacques Dubois, Nancy Delhalle, Jean-Marie Klinkenberg, Le tournant des années 1970, Les impressions nouvelles, Bruxelles, 2010.
  6. 6. Voir Jean Pirotte et Luc Courtois Vers un au-delà de la Belgique ? Un point de vue régionaliste wallon