La première guerre et sa mémoire
Pour la Belgique, aux prisonniers de guerre militaires, il faut ajouter les prisonniers civils surtout faits au début de la guerre, au total, il y aurait environ 40.000 prisonniers. Il faut y ajouter environ 62.000 hommes déportés en Allemagne entre fin 1916 et le printemps 1917, 60.000 personnes incorporées dans les bataillons de travailleurs civils (les brassards rouges) travaillant à proximité du front ou affectés à divers travaux publics touchant à la défense.
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Mobilisés |
Tués |
Blessés |
Prisonniers |
France |
7.891.000 |
1.375.800 |
4.266.000 |
537.000 |
Commonwealth Britannique |
8.904.467 |
908.371 |
2.090.212 |
191.652 |
Italie |
5.615.000 |
578.000 |
947.000 |
600.000 |
USA |
4.273.000 |
114.000 |
234.000 |
4.256 |
Belgique |
365.000 |
38.716 |
44.686 |
34.659 |
Empire Allemand |
13.200.000 |
2.033.700 |
4.216.058 |
1.152.800 |
Empire Austro-hongrois |
9.000.000 |
1.100.000 |
3.620.000 |
2.200.000 |
SOURCE : JAY WINTER in « ENCYCLOPEDIE DE LA GRANDE GUERRE » Ed. Bayard, Paris, 2004.
Enfin, il y a entre 500.000 et 600.000 réfugiés principalement en France, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne.
Source : Michael Amara : « les réfugiés belges de la 1ère guerre mondiale. De l'action humanitaire à la participation à l'effort de guerre » et Jens Thiel : " Forced labour, deportation and recruitement. The German Reich and belgian labourers during the 1st World War " in S. Jaumain, M. Amara, B. Majerus, A. Vrints (sd.) : " Une guerre totale? La Belgique dans la 1ère guerre mondiale », AGR-AR, Etudes sur la 1ère guerre mondiale, Bruxelles 2005.
Je cite un long passage fondamental de John Horne ;
« L'incivisme nous amène au problème de l'activisme flamand. Sauf pour un courant d'opinion très minoritaire en Flandre, les activistes sont perçus comme des traîtres dans l'immédiat après-guerre (...). Cependant la « culture de guerre » patriotique semble éclater par la suite et s'orienter bien différemment dans les deux communautés linguistiques (s'inscrivant évidemment dans une évolution à plus long terme). La presse francophone (...) en vient au début des années vingt à faire de l'activisme une cause de première importance. Elle le confond avec la cause flamingante tout court et crée le stéréotype d'une Flandre « embochée ». L'opinion flamande modérée, par contre, relativise et dédramatise l'activisme en temps de guerre à la lumière de la réticence du gouvernement d'union nationale à entreprendre une réforme linguistique et communautaire fondamentale. Une certaine démobilisation de la « culture de guerre » patriotique du Parti Catholique flamand permet la réhabilitation de l'activisme, qui n'équivaut plus à la trahison mais à un idéalisme certes égarés, mais compréhensible et même louable (...). Ce qui me frappe (...), c'est d'abord le jeu réciproque de mobilisation continue de « cultures de guerre » opposées (nationalistes wallons et activistes flamands) et de démobilisation de ces mêmes cultures (Catholiques flamands ou Socialistes modérés). C'est, deuxièmement, l'impact de ce jeu réciproque de mobilisation/démobilisation culturelle sur l'évolution des rapports communautaires, comme si la guerre fournissait un vocabulaire de violence et une mémoire identitaire toujours susceptibles de déjouer les tentatives de démobilisation et de réconciliation à l'intérieur de la Belgique », Jaumain etc. P449
Selon, Laurence Van Ypersele, suite à cet amalgame flamingant = collabo, exprimé de la manière la plus virulente dans la presse francophone de Flandre,
« Les flamands, déçus par le mauvais vouloir de l'Etat belge et heurtés par le mépris des francophones, pourront voir les activistes comme des sortes de prophètes, le loyalisme envers l'Etat belge comme un leurre et la répression des activistes comme une injustice envers le peuple flamand. » Jaumain etc. P541-542. Si l'on prend aussi en compte la mémoire vivace dans l'entre-deux-guerres des massacres de civils d'août 1914, commis en majorité en Wallonie, un panthéon national, comme l'a montré Thibaut Naniot, essentiellement francophone voire wallon tiré dans le sens national belge, Laurence Van Ypersele en conclut que, durant l'entre-deux-guerres, la « mémoire dite « nationale » (de la grande guerre) semble in fine surtout francophone », Jaumain etc. P542