Un Manifeste francophone
C'est après la grève de 1960-61 que le fédéralisme a été inscrit à l'agenda politique.
(LouisTobbak, Humo du 27 septembre)
L'art d'accommoder les restes
(Jacques Dubois, à propos du manifeste francophone, dans une conversation avec l'auteur lors de la première de La Promesse)
Ce "Manifeste francophone", intitulé Choisir l'avenir compte 29 pages dactylographiées et est signé par trois profs de l'UCL, Christian Franck, Bernard Remiche et André-Paul Frognier et notre ami Vincent Vagman.
Son principal mérite est de proposer, face à une stratégie offensive de la Flandre en matière institutionnelle, une stratégie opposée qui ne soit pas stérilement défensive. Les auteurs la définissent, en langage militaire comme une "position d'attente": "La position d'attente stratégique désigne un déploiement de forces qui s'adapte à une diversité de menaces potentielles" (p.12). Un autre mérite est de montrer que la solution tendant à donner à Bruxelles un statut international/européen n'est pas réaliste: d'autres projets du même type (Jérusalem), n'ont pas vu le jour; les autres ont échoué (Dantzig). Bruxelles n'est pas la capitale d'une Europe qui ne désire pas la prendre sous tutelle: "Seule, une entité politique consistante prenant la succession de l'Etat belge pourrait conserver à Bruxelles les institutions européennes". (p.14).
Les scénarios
L'attente stratégique, pour la Wallonie et Bruxelles, consisterait d'abord à ne pas refuser de dialoguer avec la Flandre en 1999 sur un approfondissement éventuel de la réforme de l'Etat. Mais les "Francophones" (disons-les, "Fr" et les Flamands, "Fl") ne doivent pas accepter le confédéralisme et la scission de la Sécu. Si les Fl s'entêtent, les Fr doivent exiger une consultation populaire dont le résultat ne serait acquis que par une majorité dans les deux groupes, Fr et Fl. Au cas où les Fl acceptent de simplement renégocier l'Etat fédéral, les Fr ont quelques exigences: parité du Sénat, meilleure parité au gouvernement fédéral, dispositions à prendre pour les communes Fr en Flandre (Fourons et périphérie de BXL) en fonction des principes que la diplomatie belge défend pour l'Est, instruments pour garantir la loyauté fédérale, meilleures clés de répartition qui rapporteraient 3 milliards.
Les auteurs n'écartent nullement l'hypothèse du séparatisme. En ce cas, il y aurait création de deux Etats nouveaux en lieu et place de la Belgique (le pays des Fl et le pays des Fr). L'Union européenne imposera à ces deux pays des exigences relatives au respect de la volonté des populations. Les Fl, demandeurs de la séparation, seraient perçus comme des gens menaçants par les pays voisins, anxieux de voir leurs propres Etats se morceler. Si les populations sont consultées, le pays des Fl perdra Bruxelles, les communes francophones à facilités, notamment celles qui relient Bruxelles à la Wallonie. Le pays Fr se rapprochera de la France. Quant au pays des Fr en lui-même, les atouts de Bruxelles étant certains, il pourrait s'en sortir, grâce aux complémentarités Wallonie-Bruxelles, grâce à l'instauration d'un climat de confiance, aux solidarités francophones hors pays des Fr, à un dépassement des clivages sous-régionaux à "une bonne mobilisation de la population autour de cet objectif" (p.25). Comment les signataires pensent-ils obtenir cette "bonne mobilisation"? Ils ne le disent pas.
Diabolisation du mouvement flamand
Les auteurs du texte analysent les origines et les aspirations du mouvement flamand (les Fl). Le but des Fl est Bruxelles: "La fonction latente du discours flamand sur le confédéralisme n'a d'autre objet que de permettre une sortie de la Belgique sans perdre Bruxelles, à défaut de pouvoir l'annexer" (p. 4). Même si des sondages tendent à montrer un relatif retour des Fl au sentiment belge, "effet psychique de l'image d'une Belgique où les Flamands ont une place de plus en plus importante" (p.5), les auteurs pensent que la génération du "Walen Buiten" (1968), notamment, même si elle n'est qu'une partie de la société Fl, est capable de l'entraîner. Ce noyau "nationaliste" et ses intentions "sont difficiles à rencontrer rationnellement" (p.5). Ce nationalisme Fl est défini selon les critères de Gellner, ce qui n'est pas tenir compte des réticences de plus en plus nombreuses vis-à-vis de ce théoricien. Partant de Gellner, les auteurs ne peuvent décrire le "nationalisme" que négativement, en commettant la même erreur que le grand sociologue anglais, c'est-à-dire, comme l'ont montré Ferry, Delannoi et d'autres, sans voir: qu'il ne définit nullement la nation; que ses vues ne valent pas pour l'Allemagne, les USA par exemple (moins encore pour la Wallonie à notre avis); qu'étant trop exclusivement ethnique, structuraliste, il évacue la démocratie à l'oeuvre dans la construction nationale 1
Le nationalisme flamand a été d'émancipation à l'origine et légitimement, mais, aujourd'hui, il n'est plus que conquérant, total et totalitaire, pense le manifeste, citant une étude du PSC de 1966: "Le Mouvement flamand est total en ce sens qu'aucun secteur de la vie intellectuelle, économique et sociale n'échappe à ses objectifs" (p. 7). Les Fl sont vraiment diabolisés: irrationnels (p. 5), proches des "monomaniaques du "België barst'", pensant "qu'une Flandre émancipée du "surmoi" belge et débarrassée de la coexistence francophone donnerait sa pleine mesure dans l'Union européenne" (p.9), mariant le fédéralisme à l'extérieur, en Europe, au nationalisme à l'intérieur, en Belgique, "d'un coup de baguette idéologico-magique" (p.9), l'esprit européen s'offrant "comme une compensation de type altruiste" (p.9). Les chiffres tendent à montrer que les Fl n'ont pas intérêt à la scission de la Sécu mais "le débat sur la Sécurité sociale tourne autour d'autre chose que la Sécurité sociale" (p.11). C'est-à-dire de l'irrationnel des Fl, de leurs coups de baguettes magiques, de la confrontation de leur "imaginaire" au "principe de réalité" (p.19) (ou non). Fallait-il ainsi nosographier la Flandre? Les auteurs écrivent cependant que la Flandre, n'est pas à considérer comme l'ennemi (p.12).
La Wallonie minimisée, voire dédaignée
"Par effet de soustraction, il existe en Belgique une communauté politique francophone en devenir" (p. 12) écrit-on, la main sur le coeur. Les Wallons, résultats de cette "soustraction" doivent être ensuite additionnés aux Bruxellois: "Le principe d'union des Wallons et des Bruxellois francophones est celui d'une identité de langue" (p.12). Addition + soustraction = union? Le clivage périphérie-centre a marqué les Wallons - mais seulement leurs "mentalités" (p.12), et pas pour une autre raison que le fait que Bruxelles était le "symbole" (p.12) de l'Etat central. Que fait-on des analyses de Quévit, de Lebrun...? 2. Le journal Humo du 27 septembre dernier, mettait en présence divers leaders flamands sur l'avenir de la Belgique. Tobbak, Van Rompuy insistent sur la question royale, sur la grève de 1960, sur le phénomène Happart pour expliquer, face à la thèse de l'indifférence de l'opinion belge à l'égard du communautaire, la réalité de la question nationale. Or, la question royale, la grève de 60, Happart... ce sont des étapes importantes de la construction d'une identité wallonne, autrement que par soustraction-addition et autrement que par la langue. Des Flamands, parlant entre eux, sans vouloir nous plaire ni nous déplaire, font une large place à une Wallonie que quatre universitaires francophones choisissent d'ignorer. Ils s'appuient (pourquoi?) sur l'historien flamand Wils: "les mouvements wallons ont trouvé leurs origines à Anvers puis à Bruxelles et à Gand avant d'essaimer en Wallonie" (p. 13), ce qui ferait que les mouvements wallons reflètent seulement (!) "la dynamique d'union et de différenciation des deux Régions" (p. 13) du pays des Fr. Comme étapes de cette dynamique "francophone", les auteurs citent la frontière linguistique en 1962, le "Walen Buiten" en 1968, Bruxelles, les Fourons. Le reste n'existe pas. Les Wallons n'étant que "soustraits", pourquoi ce manifeste devrait-il d'ailleurs encore en parler?
Nous admettons qu'un mouvement "wallon" est né à Anvers, sur des bases linguistiques, mais s'y tenir, comme le fait le manifeste, c'est ignorer les autres dimensions de la réalité wallonne et du mouvement wallon: une Wallonie première dans la révolution industrielle après les Anglais au 18e, trouvant dans l'Empire français un formidable marché, connaissant une forte montée du socialisme et de la laïcité, réagissant, dans les années 1900-1914 autant contre certaines flamandisations que contre des gouvernements belges trouvant leur majorité politique en Flandre, ce qui exclut du pouvoir les partis laïques majoritaires en Wallonie, libéraux et socialistes. Les auteurs passent aussi sous silence les fractures en fonction de la politique de Léopold III avant la guerre et pendant, le Congrès de 1945, l'insurrection de 1950, la grève de 1960, l'acharnement à obtenir une régionalisation économique qui n'était pas au programme de la Flandre, le Manifeste pour la culture wallonne, la fixation de la capitale de la Wallonie à Namur, la popularité de José Happart depuis 1984 sur des thèmes de type indépendantistes wallons (même si celui-ci se conçoit dans l'Europe), l'opposition constante des Wallons à la Communauté à travers les sondages 3, le geste d'insoumission du parlement wallon en septembre 1991 dans l'affaire des ventes d'armes. Même si ce texte établit surtout une stratégie tenant compte de la Flandre, devait-il ignorer la mémoire et la réalité wallonne (et aussi bruxelloise!)? Faut-il enlever son identité à la Wallonie pour qu'elle puisse être conçue comme unie à Bruxelles? Mais alors, c'est aussi de Bruxelles qu'on ne tient pas compte.
Si les Wallons ont parfois pris leurs distances vis-à-vis de Bruxelles, les auteurs l'expliquent, comme pour le nationalisme flamand, par la psychologie: "mentalités" (p.12), "symbole" (p.12), "vieilles inhibitions" (p.22). Pourtant la centralisation excessive de l'Etat belge n'est-elle pas l'une des causes du déclin wallon? Peut-on présenter Bruxelles comme une "région" avant même 1970? Ecrire que "derrière l'apparent (sic) clivage Wallonie-Bruxelles, se profilait une opposition des Wallons à un Etat à prédominance flamande" (p.13), que les Wallons et les Bruxellois francophones furent "confrontés aux marches sur Bruxelles et au carcan des 19 comunes" (p.13) en ignorant tout le reste, et dire enfin que le front francophone a imposé "la Belgique tri-régionale à côté de la Belgique bi-communautaire" (p.13), c'est profondément incomplet. Je veux bien admettre les explications de notre ami Vincent Vagman sur le caractère surtout stratégique du texte, sur le fait qu'il avait à composer avec quelqu'un comme C.Franck aux yeux duquel la Wallonie n'est qu'un songe. Dénégation d'ailleurs souvent avouée et assumée à Bruxelles (vis-à-vis de la Flandre aussi puisque c'est à elle que Ghelderode avait appliqué ce mot de "songe" 4), en dehors des cercles politiques, chez un J-L Outers par exemple et, là, très honnêtement. Certains considèrent ses signataires comme antiwallons mais je ne le crois pas: les auteurs se réfèrent à la science politique alors que leur propos est surtout "sratégique". Cela peut excuser les ommissions sur la Wallonie qu'on ne pourrait admettre de la part d'historiens, sociologues ou juristes.
L'Etat belge des Fr
Que serait l'Etat belge des Fr concus par les auteurs? Une telle solution arrange les Bruxellois flamands qui, eux aussi, s'inquiètent des positions de la Flandre. On a parfois l'impression que ce sont ces 10% de Bruxellois flamands qui suffisent à bâtir un Etat Fr dont ils auraient été les seuls à constituer l'obstacle jusqu'à présent (le "Groupe Goupil" dit la même chose). C'est tenir fort peu compte des Wallons, dont l'accord ne semble poser aucun problème. Alors que, pourtant, on pourrait se demander, entre autres, où cet Etat aurait son centre, par quelle identité il prendrait langue avec les autres nations. Le texte oublie à ce point le passé qui singularise la Wallonie (Résistance, octobre 1945, juillet 1950, janvier 1961, juin 1984, septembre 91), que l'on est en droit de se poser ces questions (ceci ne met évidemment pas en cause les droits des Bruxellois flamands comme minorité ).
Ne conviendrait-il pas de rééquilibrer les choses entre Bruxelles et la Wallonie au profit de la partie la plus pauvre, les villes, régions industrielles et rurales wallonnes? Il n'y a pas là qu'un calcul matérialiste. De Pierre Lebrun à Denise Van Dam, toute la science politique met l'accent sur l'indifférence des élites wallonnes et francophones transplantées à Bruxelles à l'égard de la Wallonie. La dispersion des élites wallonnes en Wallonie les empêche de se polariser. Ceci n'est pas désigner Bruxelles comme bouc émissaire. Les Wallons doivent se convaincre eux-mêmes et convaincre les Bruxellois de leurs responsabilités vis-à-vis de la Wallonie. Ce texte y aidera-t-il? A ce sujet, les auteurs écrivent cette phrase qu'ils devraient eux-mêmes lire et relire pour comprendre nos objections: "L'étude des processus d'intégration (l'Europe communautaire) ou de désintégration (la guerre de sécession américaine, la scission de la Tchécoslovaquie) a montré que le critère de nécessité fonctionnelle est en lui-même inopérant pour unir des peuples s'il n'est pas soutenu par une volonté et des aspirations politiques partagées." (p.4). On ne voit pas au nom de quelles "aspirations politiques partagées", les Wallons et les Bruxellois courraient à la réalisation du pays envisagé par le texte. Des aspirations politiques partagées, une culture commune, avec Bruxelles, mais au-delà de l'identité de langue, nous semblent s'enraciner dans l'histoire économique, sociale et politique de la Wallonie! En quoi cette histoire ne concernerait-elle pas les Bruxellois? Même dans ses aspects non linguistiques? Aucun républicain ne pourrait jamais accepter une mise quelconque sous tutelle de Bruxelles. Mais, ce principe posé, rien n'empêche de dire que les Bruxellois participent aussi énormément de la culture et de l'identité de la Wallonie. Plus que n'importe qui au monde. Si la Wallonie a dû prendre un moment ses distances vis-à-vis de Bruxelles, c'est parce que le FDF, notamment, souhaitait l'absorber dans un amalgame francophone afin d'y réduire son identité. Aujourd'hui que l'autonomie de la Wallonie est acquise, rien n'empêche une plus grande union avec Bruxelles qui devrait s'opérer parallèlement à un plan de rapatriement de tout ce que la Wallonie a rendu possible à Bruxelles: administrations communautaires, télévision, radio, les pilotages administratifs, économiques, politiques ou culturels. Ils fonctionneraient mieux au bénéfice de tous les ressortissants de l'union Wallonie-Bruxelles s'ils étaient plus centrés en Wallonie et non marginalisés dans l'ex-capitale belge, à la périphérie spatiale et politique de l'Etat wallo-bruxellois. Si tel grand journal, la Ligue des Familles ou encore le Ministère de la culture se situaient à Namur ou dans une grande ville wallonne, tout ne serait évidemment pas résolu, mais on imagine bien qu'il serait plus facile à des élites dirigeantes de devenir porteuses d'un projet wallon, projet qui devrait rencontrer les difficultés propres aux Bruxellois, nées d'une centralisation excessive, inutile dans un pays à la superficie si réduite et qui vassalise le pays wallon tout en rendant Bruxelles invivable.
Un texte de droite dont il faut débattre
Le manifeste francophone est conservateur. Sa vision de la Wallonie - et de la Flandre - est unilatérale. Elle se fonde trop sur les affrontements linguistiques et omet volontairement les luttes sociales de Wallonie. Le manifeste approuve l'Europe de Maastricht, ne dit rien de l'affaiblissement progressif des Etats face au marché et à la mondialisation, ignore les chiffres du chômage (le double en Wallonie de celui de Flandre). Lorsqu'il envisage l'avenir de la Wallonie, il ne retient que les critères actuels des économistes au service de la pensée unique. Les atouts de Bruxelles sont mesurés en cinq lignes. Il considère comme acquis le ralliement des Wallons et des Bruxellois à l'Europe des déficits publics, des déficits sociaux et des déficits démocratiques. Or cette Europe est rejetée aujourd'hui par l'opinion publique.
Le manifeste participe d'un nationalisme francophone inconscient, mais qui se donne bonne conscience de s'opposer au nationalisme flamand. Il est habile de désigner les Flamands comme des adversaires en raison de leur "nationalisme". Cependant, comme l'a montré P-A Taguief 5, l'antinationalisme se présente à ce point comme le reflet inversé de ce qu'il prétend combattre qu'il l'imite. Des amis français présents dans les Fourons le 8 septembre dernier, nous l'ont dit, non pour Happart, mais pour l'intervention du FDF et du PS. Présenter sans cesse les Flamands dans un discours proche de la psychopathologie mène à ce type de nationalisme.
La "position d'attente" préconisée par les auteurs, face à la Flandre, pourrait-elle valoir aux Wallons et aux Bruxellois l'avantage de la sympathie des pays voisins? Dans une sécession, il est difficile de dire qui est vraiment le fauteur de la discorde. En septembre 1991, sur l'affaire des ventes d'armes à l'étranger, le blocage venait de Flandre, mais la réaction très dure du côté wallon (avec l'appui des Bruxellois d'ailleurs), était peut-être plus sécessionniste. Certains sondages, comme celui du 7 septembre 1994 dans La Libre Belgique, ont déjà indiqué qu'une majorité de Wallons et Bruxellois voudraient aller plus loin que le fédéralisme actuel et qu'ils seraient confédéralistes à près de 30%. Nous le disons parce que les auteurs du manifeste citent eux-mêmes des sondages. La peur de nos partenaires européens de voir se morceler leurs propres Etats sur le modèle séparatiste flamand pourrait aussi venir de l'attitude des Wallons et des Bruxellois francophones.
Ceci étant dit, si nos informations sont exactes, il semble que le raisonnement diplomatique et stratégique de ce texte, politiquement bien pensé, en termes de jeu politique pur, a inquiété en haut lieu en Flandre. Il est vrai aussi que la Wallonie y est moins maltraitée qu'elle ne l'a été par la bourgeoisie et les milieux francophones jusqu'au début des années 90 et encore en juin-juillet 94 lors de la haineuse campagne de presse contre Happart. Ce texte n'est donc pas à condamner et à rejeter, comme l'ont déjà rejeté de nombreux lecteurs de République et de nombreux intellectuels wallons engagés. Il doit être, au contaire, sereinement discuté. C'est-à-dire aussi, réfuté, rationnellement. Nous devons rappeler, non pas à V.Vagman, mais à C.Franck, B.Remiche et A-P Frognier que Lucien Outers lui-même, adhéra au mouvement wallon parce qu'il y trouva des gens qui n'admettaient pas, selon ses propres dires, que "même prospère, la Wallonie demeurât dépendante". Dans un pays séparé des Flamands, la Wallonie doit prévaloir, au nom de l'équité et de ce que le manifeste appelle lui-même à dépasser: les "seuls critères de nécessité fonctionnelle". On songe au sentiment wallon d'appartenance, à une nouvelle gauche à créer en lieu et place d'un PS peut-être déjà à l'agonie, à une Europe qui ne soit pas celle de l'argent en train de créer les conditions d'une explosion sociale à l'échelle du continent... Un texte à lire pour le réfuter en faveur d'une autre union Wallo-bruxelloise fondée, cette fois, sur la Wallonie, sur l'équité tant sociale que régionale. Bref, sur les réalités.
José Fontaine
Histoire, orthographe et calcul
Pour dire le sens du mouvement wallon, ce texte bruxellois qui prône la solidarité, ne cite qu'un historien flamand, aucun des Wallons (*) qui l'ont plus profondément pensé - Quévit, Lebrun, Genicot, Francq, Bismans... Record de fautes dans les deux seuls mots wallons utilisés: "ley (sic) implorer (sic)", au lieu de "léyîz m'plorer". De meilleurs clés de répartition rapporteraient trois milliards à la Communauté, mais les gendarmes belges, répartis, eux, équitablement, et lancés contre les jeunes et les enseignants, ont déjà rapporté cette somme. Le texte a raison de rappeler qu'il y a 10% de Flamands à Bruxelles et non 20% et que cette minorité doit être respectée.
(*) Ou les études bien plus pointues venues de Bruxelles et de Flandre comme celles de Guido Fonteyn, Chantal Kesteloot, Denise Van Dam...
- 1. Voir Le peuple chez Gellner, Rousseau, Kant et d'autres, in République n° 36, p. 6. Gil Delannoi, dans Destin commun et destin communautaire, Institut de Ciències Politiques i Socials, Barcelona, 1995, pense que Gellner, en prétendant que c'est le nationalisme qui fait la nation, croit pouvoir ne pas définir la nation ce qui est précisément le problème central, d'autant qu'il est des nations sans nationalisme, l"Allemagne avant le 19e siècle par exemple.. Le choix d'un Gellner fonctionnaliste est typique de ce texte surtout stratégique...
- 2. M.Quévit, Les causes du déclin wallon, EVO, BXL, 1978. Mais on lira surtout le livre de Pierre Lebrun, L'idéologie et son décryptage paru dans Contradictions n° 78-79, 1996, pp 3-84 et n° 80 pp 61-88 (en particulier ce deuxième n° à partir de la p. 61 jusqu'à la fin)
- 3. Dans TOUDI n° 4 (1990), pp 100-117, les enquêtes menées sur plusieurs années par le CLEO le démontrent: presque pour toutes les compétences, les Wallons se prononcent cinq à dix fois plus pour leur gestion par la Région plutôt que par la Communauté. Pour l'enseignement et la culture le rejet est moindre, mais la préférence pour la Région reste majoritaire. De manière écrasante.
- 4. J.Leman, Moeder Vlaanderen en haar Franse kinderen in Kultuurleven 3/1983, traduit in TOUDI n°2, 1988 pp 117-124.
- 5. P-A Taguief, Comment peut-on être raciste?, in Esprit, mars-avril 1993.