Hubert Juin : Célébration du grand-père
Les éditions Bernard Gilson viennent de rééditer un texte très court et superbe d'Hubert Juin Célébration du grand-père, un texte qui est à appelé à être lu et relu des dizaines de fois, commençant par ces mots qui disent une infinité modeste: « Il n'y avait pas de village à proprement parler: il n'y avait qu'une succession de hameaux semés parmi les forêts, partagés les uns des autres... » (p.11). Une maison sans toit « c'est comme s'il 'y avait pas ce ciel par-dessus la terre» (p.12).Comme Jean Louvet l'a dit pour son père mort (in Conversation en Wallonie) qui a aussi eu pour titre « Au nom du père »), Hubert Juin se veut le porte-parole des siens: « Je ne vois rien qui soit plus urgent que de donner un semblant de véritable vie à ces gens de ma lignée, à ces gens des hameaux qui n'ont plus désormais de vue que par moi, et dont je suis, aux pays de la parole, le délégué. » (p.16). Le temps d'évoquer « la trace bleue d'une mésange entre deux arbres », Hubert Juin revient à son projet: « De certains de mes contemporains, je m'étonne parfois: ils font des recherches si lointaines, ils poussent si loin dans l'abstrait de la pensée, ils ne veulent plus voir du monde qu'une surface glacée! Mais tout est à l'inverse: dans la touffeur des choses, dans la profondeur du visible. À ma table, lorsque j'écris, avec toute ma parentèle autour de moi, visible pour moi seul, ... Moi aussi, dans ces nuits où ils viennent, je suis à mon établi, et je taille dans le papier quelque chose qui est peut-être une barque légère qui les emportera vers deux ou trois mémoires isolées qui sont de ce monde.» (pp 18-19, p. 21)).
Dans ces lieux où les hommes mangent de bon coeur au point que Juin note lorsqu'ils se lèvent de table qu'ils « retournaient dehors, dans le soleil ou dans le gris, avec au fond des yeux, le bonheur brusquement d'être des hommes » (p.26), mais où l'on boit aussi, « la bière qui aide aux médisances », il y a la rencontre du grand-père résistant mort plus tard «fauché d'une rafale de mitraillette au long de cette table où l'or du blé offre le meilleur de la terre au Seigneur » (p.34).
Joseph Duhamel qui préface cette réédition insiste sur le fait que « la démarche de l'écrivain repose sur un paradoxe. le narrateur n'a pu assumer cette injonction à parler qu'en luttant contre les anciens, en bravant l'interdit qu'ils faisaient peser sur la lecture et l'écriture. » (pp. 7-8).
Nous parlerons aussi du texte de Guy Denis publié dans le même livre, Lambert, mon grand-père. mais il fallait attirer l'attention sur ce texte somptueux d'un de plus grands écrivains wallons du 20 e siècle dont on cette édition donne une idée avec une biographie, la préface de Joseph Duhamel, une biographie et une bibliographie.