Palestine

Toudi mensuel n°45-46, avril-mai 2002

Pour les gens de ma génération, la Palestine ressemble de plus en plus à la guerre d'Algérie et à ses impasses. C'est une tragédie au sens où une tragédie est un conflit où les deux parties ont raison.Il n'y a rien de plus déchirant pour illustrer le désir de patrie que ce cri de l'exilé juif à Babylone, plusieurs siècles avant notre ère et dont les Wallons les plus ardents sentent tout de suite le bien-fondé: «Que ma langue s'attache à mon palais, si je t'oublie, Jérusalem!» Mais certains ministres israéliens sont racistes, écrit Élio Di Rupo dans sa lettre à Shimon Peres.

C'est cela qui explique le sionisme immémorial du peuple juif. Même si le sionisme ne serait qu'une forme subtile, peu comprise comme tel au départ, de colonialisme. En ce sens que l'Occident après 1940 a eu tendance à se débarrasser du problème juif en laissant Israël se tailler un État et un territoire autour de Jérusalem au détriment des autochtones palestiniens qui furent chassés de leurs terres par... le terrorisme israélien.

Cet État fut encore agrandi en 1948 par la guerre victorieuse contre les Arabes, accru encore lors de l'offensive du Sinaï mené en coopération avec les armées françaises et britanniques qui avaient l'une et l'autre des raisons d'intervenir en 1956 en Égypte après la nationalisation par Nasser du canal de Suez.

C'est ce conflit qui révéla la division du monde en deux blocs, deux superpuissances, les USA mettant au pas l'Angleterre et la France en leur intimant l'ordre de mettre fin à cette opération militaire néocolonialiste.

Le territoire d'Israël s'agrandit encore de conquêtes, aujourd'hui contestées, en 1966, lors de la guerre des six jours.

C'est l'honneur de la démocratie israélienne qu'un mouvement pacifiste se développe en son sein et même au sein de l'armée. C'est l'honneur du peuple juif que partout dans le monde, des Juifs luttent pour que soit reconnu le droit de la Palestine à devenir un État souverain.

Lors des accords de Taba, en janvier 2001, Ehud Barak fit d'importantes concessions à Arafat, notamment, en échange de quelques cessions du territoire palestinien, l'extinction de TOUTES les colonies juives en Palestine. Arafat ne sut pas saisir cette main tendue? Donnant libre cours au radicalisme de Sharon et facilitant peut-être son élection? Certains le contestent.

Dans Le Soir du 11 avril, Sara Brajbart, Ouzia Chaït, Henri Chaït, Maurice Einhorn, Véronique Golard, Michel Gross, Francis Grunchard, Dan Kotek, Joël Kotek, Jacques Kummer, Ruth Laub, Michel Laub, Lizi Wimmer et Jacques Zatjam, juifs modérés n'ont pas tort de dire que les kamikazes palestiniens ne peuvent être purement et simplement comparés à la Résistance chez nous, dans la mesure où ils visent des civils innocents, hommes, femmes, vieillards et enfants.

Mais la Résistance au nazisme s'est nourrie, comme Malraux l'a montré, de l'espérance proche - même si c'était dans la plus terrible des Nuits barbares de l'Histoire - de la victoire des Alliés et des démocraties. En revanche, les Palestiniens sont occupés depuis aussi longtemps qu'une longue vie d'homme et subissent l'humiliation du vainqueur depuis leur naissance, tel Arafat lui-même.

À cette humiliation s'ajoutent ces colonies insensées qui, truffant le territoire palestinien, sont là pour signifier jusqu'ici, que le peuple de Palestine ne sera jamais lui-même en Palestine. Bourdieu parlait d'une loi de conservation de la violence légitime. Les colonies israéliennes en sont un puisant agent avec l'humiliation infligée à tout un peuple.

La question nationale se noue toujours autour de cette question: la reconnaissance réciproque. N'ayons pas peur de réfuter un certain matérialisme qui n'en tient pas compte et souvenons-nous de ceci (qu'il s'agisse du Québec, de la Palestine, de la Kabylie, de la Flandre ou de la Wallonie): «Les peuples sont comme les individus, ils acceptent tout sauf l'humiliation.»