A des pôles opposés : Léopold III et le monde politique
Le 17 juillet 1945, le Premier Ministre Achille Van Acker s'adresse aux sénateurs en ces termes: «Je ne crie pas "Vive la République!» parce que d'après moi, ce serait la fin de la Belgique, mais ce que je crains fort c'est que par les erreurs qu'on est en train de commettre, on n'arrive à créerune situation qui ne nous mène là.»1. Justement, comment en est-on arrivé là pour qu'un monarchiste et unitariste constant comme Van Acker2 agite, devant un parlement en ébullition, le spectre de la République et de l'implosion de l'État belge dans l'hypothèse où Léopold III exercerait à nouveau ses prérogatives constitutionnelles ?
La rupture s'annonce bien avant mai 1940
La rupture entre Léopold III et son gouvernement fin mai 1940, dans le contexte traumatique de l'offensive victorieuse de l'Allemagne nazie, ne fut que l'étape finale du divorce qui n'avait cessé de s'intensifier entre le roi et le monde politique depuis son accession au trône en 1934. Albert I avait su s'adapter à l'introduction du suffrage universel masculin en 1919 et à l'apparition de coalitions gouvernementales par essence fragiles. Toutefois, celui-ci ne dédaignait pas à l'occasion, comme le rappelle l'historien Emmanuel Gérard, critiquer le Parlement, dénigrer les ministres et les politiciens et fustiger la faiblesse des gouvernements qui se succédèrent à une cadence régulière à partir de la fin des années 203... Les régimes parlementaires apparaissaient en effet à l'époque comme bien incapables de gouverner une Europe, un monde occidental, en crise depuis la fin de la première guerre mondiale, la montée des régimes autoritaires voire dictatoriaux en Europe4 semblaient être le reflet exact de l'air du temps dominant à droite mais aussi à gauche. Suite aux élections du 24 mai 1936, qui virent l'apparition des élus rexistes et le renforcement du VNV et du PCB, Léopold III considère que, même si les Belges ne veulent pas d'un nouveau régime, « l'échec que viennent de subir les trois vieux partis trouve son origine dans une réaction salutaire dirigée contre les abus de la politique et la carence d'autorité du pouvoir. Quelle sage et modérée réaction (...). Au désarroi moral, il faut opposer l'autorité d'un gouvernement fort, décidé à réprimer les abus et à procéder dans le cadre de la Constitution, aux réformes profondes de toutes les institutions dont le fonctionnement ne répond plus aux nécessités modernes.»5. Sinon, selon lui, le pays sera rapidement livré aux excès et à l'inexpérience d'une jeunesse avide d'autorité et de propreté. Léopold III veut restaurer les prérogatives du pouvoir exécutif, et donc de son chef, face au parlement et aux partis politiques, en particulier vis à vis d'un POB qui surveille de trop près ses ministres6.
Evénement révélateur et significatif, le POB s'est en effet divisé au cours de l'été 1936 sur le retour, prôné par le Cabinet Van Zeeland et son ministre des Affaires étrangères Spaak, à la politique de neutralité et la rupture de l'alliance militaire signée avec la France en 19207. Le Congrès du POB trancha en septembre 1936 contre le retour à la neutralité, le refus de toute alliance militaire privilégiée mais dans le respect des grands principes de la SDN et des engagements internationaux de solidarité8. Partageant et soutenant la politique de son cabinet, et sans doute poussé par Van Zeeland et Spaak9, le roi va exposer, lors du Conseil des Ministres du 14 octobre 1936, cette politique visant «non à préparer une guerre plus ou moins victorieuse à la suite d'une coalition, mais d'écarter la guerre de notre territoire». C'est sur l'insistance d'É.Vandervelde, Président du POB et Ministre de la Santé Publique, que le discours royal sera publié à l'issue du Conseil10. Certains ministres, en premier lieu Spaak, espéraient que l'autorité morale du Roi pourrait faire progressivement tomber les réticences essentiellement wallonnes11 face à cette nouvelle politique étrangère. Ce faisant, il firent du roi l'initiateur ou l'auteur de cette politique, ce qui le vit soumis au feu du débat public, devenant par là «acteur principal d'une lutte politique».12
Ainsi, étrange anticipation de novembre 1940, L'Action wallonne, organe officiel de la Ligue du même nom13, publia dès le 15 novembre 1936 une caricature ou Léopold serre la main d'Hitler avec comme titre «Tendons la main à d'anciens frères, de nous trop longtemps désunis.»14 (voir p; 11 de ce n°). Par la suite, considérant que le monde politique ne tient pas suffisamment compte de ses souhaits, et ayant sans doute pris goût au précèdent de 1936, Léopold III va à plusieurs reprises rendre publique son opinion sur diverses questions d'ordre politique et économique. Cette activité politique du roi va finalement rompre l'unité du pouvoir exécutif et surtout soumettre au débat public les positions royales qui, en opposant le pays et le(s) gouvernement (s), reprennent à leur compte l'idée d'une fracture entre Pays réel et Pays légal15. Lorsque l'Allemagne nazie envahit la Pologne, provoquant ainsi l'entrée en guerre de la France et du Royaume-Uni, le roi et le gouvernement Pierlot réaffirme la neutralité du pays. Léopold III,reprenant la tradition inaugurée par Léopold I lors de l'invasion de la Belgique en 1831 par les armées hollandaises, déclare prendre personnellement le commandement des armées.
Le gouvernement n'en a pas été préalablement prévenu, Pierlot redouta alors de connaître les mêmes difficultés que le gouvernement de Broqueville eut vis à vis d'Albert I lors du premier conflit mondial. Le Premier Ministre considère que la conduite des opérations doit être sous l'autorité principale du gouvernement et craint un cavalier seul du roi et de son aide de camp et principal conseiller militaire le Général Van Overstraeten. Dès avant l'offensive allemande du 10 mai 1940, ce que l'historien Jean Stengers analysa brillamment comme les «deux politiques belges de 1940»16 étaient déjà discernables. D'un coté le roi et ses conseillers pour qui la Belgique avait pour seule obligation la défense de son territoire contre tout envahisseur, elle n'était donc pas tenue de poursuivre la lutte en dehors de celui-ci. De l'autre le gouvernement Pierlot qui pensait que la solidarité avec la France et le Royaume-Uni, garants de la neutralité belge, pourrait imposer de continuer le combat y compris hors du territoire national. Lorsque le 10 mai 1940, la Belgique fit effectivement appel aux garants de sa neutralité, la rupture entre le roi et son gouvernement n'était plus qu'une question de temps.
Le discours du 28 mai et la réunion du Parlement à Limoges
Le 26 mai 1940 à 20h45, le conseil des ministres se réunit à Paris, le Premier Ministre Hubert Pierlot va exposer à ses collègues l'entrevue qui s'est déroulée la veille au château de Wijnendaele entre le roi et les quatre ministres demeurés en Belgique (Pierlot, Spaak Vanderpoorten et le Général Denis). Pierlot, qui bien plus tard sera présenté par Spaak comme «un homme d'une valeur exceptionnelle et à qui la droiture du caractère et l'ardeur du patriotisme ont valu l'admiration et le respect de tous ceux qui ont été ses collègues»17, est convaincu de la gravité de la rupture entre le gouvernement et le Chef de l'État. Il veut être certain du soutien de l'ensemble des Ministres et s'assurer que ceux-ci ne présenteront pas leur démission au souverain. Il nous a semblé intéressant de nous baser sur la communication de Pierlot au Conseil des Ministres, le point de vue royal ayant été répercuté en de multiples occasions par Jean Vanwelkenhuyzen18 et par Léopold III lui-même dans Pour l'Histoire, ne serait-ce que pour mieux illustrer l'état d'esprit du gouvernement en ces heures décisives où la simple tactique politique devait sembler bien déplacée.
«Dès le 14 (mai), le Roi prévoyait l'éventualité où l'armée belge serait coupée des armées alliées. (Il) ne semblait pas frappé, autant qu'il eut été naturel, par cette éventualité. Les ministres insistèrent vivement afin que, dans l'hypothèse où les forces allemandes approcheraient de la côte, l'armée belge fasse tout ce qui était en son pouvoir afin de conserver le contact avec les armées alliées, quitte à abandonner le territoire national. (...) Le Roi se déclara formellement opposé à la retraite de l'armée hors du territoire national. Il semblait redouter que les forces armées belges, une fois en France, fussent dispersées parmi les armées franco-britanniques et entièrement soumises au commandement allié. Les (...) ministres défendirent énergiquement leur point de vue, déclarant notamment que la solution adoptée par le Roi acculerait inévitablement l'armée à une capitulation, sort inacceptable pour l'armée. (...) De cet entretien (...), les ministres revinrent avec la conviction que le roi se tenait systématiquement à l'écart du gouvernement, en compagnie de ses conseillers militaires.»19 Si le roi avait une estimation assez correcte de la bataille en cours, il semblait ignorer (délibérément?) les conséquences politiques éventuelles, y compris quant à son sort personnel, de celle-ci . Redonnons la parole à Pierlot, le 19 mai, les quatre ministres demeurés en Belgique rencontre le Roi à son G.Q.G. de Saint-André-lez-Bruges, ils «insistèrent afin que la retraite de l'armée continuât et, qu 'en aucun cas, le Roi ne se laissât prendre par l'ennemi. (...) En ce qui concerne le départ éventuel du Roi, celui-ci redoutait l'hypothèse où il devrait fixer sa résidence en France où, à son avis, sa situation serait intenable au point de vue politique (...). S'il demeurait en Belgique, il pourrait continuer à s'occuper des intérêts matériels du pays. Les ministres combattirent vivement le point de vue défendu par le Roi.»20 Suite à diverses décisions tactiques, les divergences entre le roi et son gouvernement ne firent que s'accentuer dans les jours suivants, Léopold n'hésitant pas à envoyer le 22 mai une lettre au gouvernement où il critiquait l'attitude de ce dernier qui répliqua respectueusement mais fermement21. Le 24 mai, le gouvernement demande à nouveau au roi de dévoiler ses intentions quant à un départ éventuel, Pierlot rappelant sa promesse de rester auprès du Chef de l'Etat jusqu'au dernier moment à la condition que celui-ci refuse de tomber aux mains de l'ennemi22. Le roi temporisa en déclarant qu'il allait demander l'avis du gouvernement et du souverain britanniques, «l'avis formel du gouvernement anglais fut que le Roi ne pouvait se laisser prendre. Le gouvernement anglais se déclara en outre disposé à mettre le Roi en mesure de s'échapper en temps opportun»23.
Enfin, arrive le 25 mai et l'entrevue cruciale de Wijnendaele qui, selon les termes mêmes du procès-verbal du Conseil des ministres, se tint dans «une atmosphère de catastrophe morale, politique et militaire»24. Le Premier Ministre dit au roi qu'il agirait sagement en quittant le territoire national, celui-ci «exprima la résolution de ne pas quitter l'armée et sa conviction que la guerre était perdue pour les alliés»25. Spaak lui demanda s'il avait l'intention de conclure une paix séparée avec l'Allemagne, il répondit «qu'il n'en savait rien, qu'il s'occuperait des intérêts matériels des populations demeurées en Belgique et qu'il partirait si on le forçait à faire quelque chose de contraire aux intérêts alliés. Le Roi semblait croire qu'il lui serait possible de régner dans une Belgique jouissant d'une indépendance relative. Comme il disait qu'il devrait être entouré de conseillers, les ministres déclarèrent qu'en ce qui les concernait, il ne pouvait être question d'accepter de jouer ce rôle.»26 Les ministres s'inquiétèrent des conséquences probables tant sur le plan interne qu'externe de l'attitude royale, le roi déclara «d'homme à homme» qu'il ne s'opposait pas à ce que le reste du gouvernement quitte le territoire national. Spaak prenant la parole à la suite de la communication de Pierlot, déclara à ses collègues que Léopold considérait que «la paix serait prochaine et la victoire de l'Allemagne certaine» et que par son attitude, il pensait rendre «service au peuple belge, mais ne se rendait pas compte du déshonneur qui en résulterait»27. Pierlot demanda ensuite au gouvernement d'attendre la capitulation imminente de l'armée belge pour agir, mais une fois celle-ci intervenue, il serait du devoir de celui-ci d'expliquer à l'opinion publique belge les événements et «de dégager sa responsabilité»28.
Enfonçant le clou, Pierlot laisse entrevoir à ses collègues les difficultés considérables que le gouvernement devra affronter s'il décide de continuer la lutte sans le roi, il précise toutefois que si le gouvernement capitulait également, «il y aurait lieu de redouter qu'un autre gouvernement se forme en dehors de la légalité»29. De manière unanime, le gouvernement approuve l'attitude des quatre ministres «dans les missions qu'ils ont accomplies auprès du Roi», voila une situation pour le moins exceptionnelle en droit constitutionnel belge, le gouvernement n'a plus la confiance politique du roi, ou si l'on veut se déclare contre lui, et pourtant il refuse en bloc de lui présenter sa démission! Le gouvernement fut d'autant plus porté à soutenir l'action de son Premier Ministre que lui fut soumis le même jour, la demande du roi de contresigner les fameux arrêtés royaux «blancs» en vue d'accepter la démission des ministres en fonction et la nomination de nouveaux ministres, demande que la Conseil refusa de manière unanime30.
Les historiens s'accordent pour reconnaître que, dès après Wijnendaele, Léopold souhaitait forcer la démission du gouvernement Pierlot et former un gouvernement (provisoire?) restreint avec pour membres probables Hendrik de Man, président du POB, le Général Tilkens, chef de la maison militaire du Roi, Raoul Hayoit de Termicourt, Avocat général près la Cour de cassation31.
Quelle est la raison de cet empressement royal ? Selon Hayoit de Termicourt, consulté par le roi dès le 25 mai, si ce dernier ou ses délégués peuvent parfaitement signer un acte de capitulation, acte militaire, la signature d'un armistice, acte d'ordre politique, requiert le contreseing d'un ministre.
Et là, Hayoit de Termicourt, curieusement, va déclarer au roi que la démission du Gouvernement Pierlot et la nomination de nouveaux ministres doivent être contresignées par au moins un ministre en fonction32. Cet interprétation du droit constitutionnel est en effet surprenante, un des successeurs d'Hayoit de Termicourt à la fonction de Procureur général près la Cour de cassation considère en effet que, si l'ex article 65 de la Constitution permettait au Roi de révoquer un membre du gouvernement ou de le contraindre à la démission, cet acte politique, pour être valable, nécessitait un contreseing ministériel, «s'il s'agit du Premier ministre révoqué ou contraint à la démission, le contreseing devrait être celui du nouveau Premier ministre»33. Dans des circonstances plus calmes ou traditionnelles, le Procureur général Velu précise que même si la coutume veut que le Premier ministre démissionnaire contresigne l'arrêté de nomination de son successeur, ce dernier contresignant à son tour l'arrêté de démission de son prédécesseur, le Premier ministre désigné est à même de contresigner sa propre nomination dans le cas «d'un refus non justifié de son prédécesseur démissionnaire ou en cas de force majeure»34. Le gouvernement va alors tirer les conclusions qui s'imposent face à l'attitude royale.
Le 27 mai au matin, il décide à l'unanimité de poursuivre la lutte avec les alliés35. L'après-midi, lors d'un nouveau Conseil des Ministres où assistent les présidents de la Chambre (Van Cauwelaert) et du Sénat (Gillon) et les Ministres d'État Carton de Wiart, Brunet et Hymans, Pierlot expose les grandes lignes de la communication officielle qu'il fera dès que la capitulation des armées belges sera confirmée. Hymans soutient le gouvernement et souhaite que la communication officielle précise clairement que la Belgique reste l'alliée de la France et de la Grande-Bretagne. Carton de Wiart déclare que «c'est nous qui représentons la nation. La nation préexistait à la monarchie»36.Van Cauwelaert invite le gouvernement a tirer les conséquences de l'attitude royale: selon lui, «le Roi a commis l'erreur de ne pas vouloir quitter l'armée alors qu'il était encore temps. Actuellement, Léopold III est prisonnier et se trouve de ce chef dans l'impossibilité de régner»37. Paul-Émile Janson (libéral) redoute que cette communication ne donne l'impression au public que le gouvernement a abandonné le roi, ce à quoi son neveu Spaak répondit qu'il n'y avait pas lieu de redouter ce danger, le public «saura, en effet, que le Roi est demeuré à la tête de l'armée malgré la volonté formelle du Gouvernement»38. Van Cauwelaert s'inquiéta aussi des possibles réactions que l'attitude de Léopold III provoquerait au sein de la population française vis-à-vis des réfugiés belges Les hommes politiques présents à Paris conclurent en déclarant le gouvernement Pierlot comme le seul gouvernement ayant qualité pour parler au nom du peuple belge, que la Belgique devait continuer la lutte jusqu'à la victoire des alliés et le recouvrement de son indépendance nationale, enfin Spaak devrait prendre contact avec les autorités françaises pour protéger les réfugiés belges des réactions potentielles de l'opinion publique française face à l'attitude du roi39.
Le terrible discours de Pierlot
Le lendemain matin, le Conseil des Ministres constate l'impossibilité de régner du roi et, par une interprétation astucieuse des articles 79 et 82 de la Constitution, déclare exercer les pouvoirs dévolus au Roi par la Constitution. L'après-midi du 28 mai, Pierlot va prononcer à la Radio française un discours terrible et sans appel contre Léopold III, citons en quelques passages : «Passant outre aux avis formels et unanimes du gouvernement, le Roi vient d'ouvrir des négociations séparées et de traiter avec l'ennemi. La Belgique sera frappée de stupeur. Mais la faute d'un homme ne peut être imputée à la Nation tout entière. (...) L'acte que nous déplorons est sans valeur légale, il n'engage pas le pays (...), aucun acte du Roi ne peut avoir d'effet s'il n'est contresigné par un Ministre. Ce principe est absolu, il est une règle fondamentale du fonctionnement de nos institutions. Le Roi, rompant le lien qui l'unissait à son peuple, s'est placé sous le pouvoir de l'envahisseur. Dès lors, il n'est plus en situation de gouverner car, de toute évidence, la fonction du Chef de l'État ne peut être exercée sous le contrôle de l'étranger. Les officiers et fonctionnaires sont donc déliés du devoir d'obéissance auquel les obligeait leur serment de fidélité. (...) Le gouvernement ne faillira pas à son devoir (...), il importe d'affirmer, immédiatement et d'une manière tangible, la solidarité qui continue à nous unir aux Puissances qui nous ont prêté leur garantie, conformément à leurs engagements.»40 La messe est dite, on ne peut s'empêcher de se demander ce qui se serait passé si le gouvernement avait eu à sa tête quelqu'un de plus servile à l'égard du roi que Pierlot? Trois jours plus tard, lors d'une réunion se tenant à Limoges, les députés et sénateurs réfugiés en France approuvèrent la position du gouvernement Pierlot, certains n'hésitant pas à réclamer la déchéance de Léopold III. Le divorce est désormais consommé entre le gouvernement, le monde politique et le roi.Pour ce dernier, ainsi que pour bien d'autres, la défaite militaire signifie la possibilité d'une révision profonde du régime politique dans un sens autoritaire41.
Le gouvernement à Londres
Après bien des péripéties et des hésitations42, les quatre ministres principaux du gouvernement Pierlot (Pierlot, Spaak, Gutt, De Vleeschauwer)43 sont présents à Londres dès octobre 1940 où ils peuvent arrimer fermement la Belgique dans le camp allié. N'abandonnant pas tout espoir, le gouvernement de Londres va essayer jusqu'en 1944 de renouer le contact avec l'auguste prisonnier de Laeken44. Ainsi, le Conseil des Ministres du 23 septembre 1943 se pose la question de savoir s'il faut faire au roi une nouvelle offre pour l'aider à gagner le Royaume-Uni, le gouvernement conclura finalement «qu'étant donné la situation du Roi en Belgique et la position qu'il a prise à l'occasion d'offres semblables du gouvernement, une nouvelle démarche est inutile. Certains (ministres) pensent qu'au surplus, le voyage en question n'offrirait plus les mêmes avantages qu'il y a quelques mois, alors que le cours des événements était moins avancé. Il est entendu que le gouvernement répondrait immédiatement au désir qu'exprimerait le Roi de passer en Angleterre.»45 Malgré tout, le gouvernement va transmettre en décembre 1943, par l'intermédiaire de François De Kinder, parent par alliance de Pierlot, parachuté pour l'occasion en Belgique, une lettre au Roi où il lui expose ses conceptions de la reprise de la vie politique en Belgique.46
Les «très respectueux et très fidèles serviteurs» du roi lui rappellent en premier lieu, les conséquences fâcheuses de sa présence en Belgique, présence qui a permis à «des hommes dépourvus de scrupules de jeter le trouble dans les esprits en faisant courir le bruit que la collaboration apportées par eux à l'occupant et leur projet, non dissimulé d'établir en Belgique un gouvernement qui supprimerait nos libertés constitutionnelles, auraient l'approbation de Votre Majesté. Dans l'intérêt de la monarchie comme du pays, il importe que le Roi fasse savoir qu'il condamne et cette collaboration et les projets de dictature si évidemment réprouvés par la grande majorité de la nation.» Le gouvernement met ensuite en garde Léopold contre les conseillers qui, dans son entourage, pensent que la Belgique devra demain continuer une politique de neutralité et d'isolement, ne plaçant pas ainsi la Belgique dans le camp des vainqueurs.
Le gouvernement demande au roi, dès qu'il aura retrouvé sa liberté et l'exercice de ses prérogatives constitutionnelles, à l'occasion d'une adresse au Pays, de confirmer que la Belgique n'a jamais cessé d'être en guerre avec l'Allemagne, qu'elle est en guerre avec l'Italie et le Japon, que les collaborateurs seront châtiés et que l'ordre sera rétabli sur la base du respect de la Constitution et des libertés publiques. Enfin, le roi devra éliminer de son entourage tous ceux qui ont douté de la victoire alliée ou ont donné à croire qu'il s'accommoderaient de la domination et de l'idéologie allemande. Le gouvernement estime que, pour le bien du pays, la meilleure façon si le roi veut exercer, à la fin de l'occupation, ses prérogatives constitutionnelles est de suivre ses conseils et de donc de prouver «qu'entre la position du Roi prisonnier et celle du gouvernement pendant la guerre, il ne peut y avoir d'antinomie. C'est ce qu'il importera de souligner de part et d'autre dès que ce sera possible.» Ce chemin de Damas du gouvernement de Londres, n'aura pour résultat que le testament politique du Roi évoqué ci-dessus, Léopold III, homme rancunier et vaniteux, refusera aussi en juin 1945 l'offre du Premier Ministre Van Acker de passer l'éponge sur le passé. «Ainsi, alors que, contre toute logique, le gouvernement de Londres a tout mis en oeuvre pour renouer secrètement le contact avec le roi et préparer le chemin de la réconciliation et du retour à la constitutionnalité, ses efforts sont restés vains. Léopold était intraitable.»47 L'envoi en Allemagne de Léopold et sa famille, le 7 juin 1944, va simplifier la tâche du gouvernement de Londres, ce dernier prendra toutefois contact avec les autorités britanniques et américaines afin de s'assurer que le roi, une fois libéré, ne s'avise de prendre le chemin du retour sans qu'il en ait été averti préalablement.48
De retour au pays, Pierlot se rend devant les Chambres réunies où il expose la politique menée par son gouvernement depuis mai 1940, il passe sous silence la rencontre du roi avec Hitler ainsi que le testament politique de celui-ci dont il est le seul avec Spaak a connaître le contenu explosif. La question du roi ne doit pas être posée au monde politique et encore moins à l’opinion publique, la nomination rapide d’un régent devant empêcher la survenance d’un débat partisan 49. Comme le souhaitera Spaak, lors du Conseil des Ministres du 14 septembre 1944, il faut procéder rapidement à l’élection d’un régent « pour ne pas donner au pays l’impression que l’on tergiverse.» 50 Une candidature de la reine Elisabeth n’étant pas jugée opportune ou pertinente, le gouvernement soutint la candidature du prince Charles, frère du roi, qui eut la bonne idée de se soustraire aux autorités allemandes lors des derniers mois de l’occupation. Penchons-nous quelques instants sur les Chambres réunies qui vont procéder à l’élection du régent le 20 septembre 1944. Celles-ci ont été élues en 1939, dans l’intervalle de nombreux parlementaires sont décédés de manière « naturelles » ou du fait de l’occupant ou de la guerre. D’autres sont toujours prisonniers de guerre sur le territoire du Reich comme Jean Rey, déportés ou en camp de concentration comme Joseph Merlot ou Julien Lahaut, en fuite en raison de leurs activités sous l’occupation comme Léon Degrelle ou Hendrik De Man, ce qui n’empêcha pas quelques parlementaires du VNV et de Rex de venir siéger ce jour-là comme si de rien n’était... Malgré la prestation de serment de parlementaires suppléants, seuls 270 parlementaires sur 378 vont prendre part à l’élection du régent. Au premier tour, tous les parlementaires communistes et la quasi-totalité des parlementaires du PSB, lointain souvenir du républicanisme de la Charte de Quaregnon 51, votent blanc soit 100 suffrages, un suffrage est nul, le prince Charles obtenant 169 suffrages, un second tour est donc nécessaire. Au cours de celui-ci, un certain nombre de parlementaires PSB vont apporter leurs suffrages au prince Charles mais certains émirent à nouveau un vote blanc tels Max Buset, Raoul Defuisseaux, fils d’Alfred le fondateur du PSR en 1887, Isabelle Blume, Arthur Gailly, beaucoup de ces votes blancs furent émis par des élus wallons anciens « londoniens » ou opposants à la politique de neutralité décidée en 1936. Au total, le prince Charles obtint 217 suffrages contre 45 blancs et 2 suffrages à Louis De Brouckère, socialiste bruxellois et ancien dirigeant de l’Internationale Ouvrière, pour qui votèrent malicieusement les jumeaux Van Belle, François et Charles, respectivement député et sénateur de Liège.Pourquoi la Wallonie va-t-elle rejeter Léopold III ?
Pourquoi l'opposition au retour du roi fut-elle si forte en Wallonie et ce dès 1945 ? Nous allons essayer de déterminer ce que l'opinion publique wallonne pouvait reprocher au roi et pourquoi ce fut principalement son opposition, mais pas elle uniquement, qui empêcha le retour du roi en 1945 et provoqua son abdication en 1950.
Si le gouvernement Pierlot respire après l'élection du régent, celle-ci ne pouvant donner lieu à un débat parlementaire, on peut toutefois déjà relever certaines dissensions de la part d'une fraction du PSB, essentiellement parmi ses élus wallons. Il faut probablement y voir les signes avant-coureur du refus par une partie importante de l'opinion publique wallonne et de ses élus de la «restauration» belge qui se met progressivement en place dès la libération52. Très vite, l'attitude des gouvernements Pierlot puis Van Acker va être perçue par beaucoup de Wallons comme une volonté de tourner la page de l'avant-guerre et de la guerre elle même. Un incident illustre cet état d'esprit, lorsque Pierlot élargit le 26 septembre son gouvernement aux communistes et à la Résistance, celui-ci compte 18 ministres dont 5 flamands, 13 francophones mais seulement 5 wallons (un seul étant issu du PSB). Lors du débat d'investiture, de nombreux parlementaires wallons et non des moindres sont outrés, Achille Delattre, député du Borinage mais surtout Président du PSB, déclare le 3 octobre à la Chambre «La question flamande est ancienne mais on peut considérer que le problème est résolu. Il surgit maintenant un problème wallon et je peux assurer les flamands de cette chambre que si on ne tient pas compte des desiderata des Wallons, ceux-ci n'auront pas moins de griffes que les Flamands pour se faire rendre justice.»53 Propos bien menaçants dans la bouche d'un homme politique qui tout au long de sa vie politique fut plutôt distant vis à vis du mouvement wallon54... Le lendemain au Sénat, le bourgmestre PSB de Liège, Joseph Bologne est encore plus menaçant: «Seul Bruxelles a incarné la résistance? Et cette Wallonie qui - nous en sommes fiers - a joué un rôle glorieux au cours de l'occupation (...), vous nous avez méconnus, vous en subirez les conséquences!»55 Son collègue libéral liégeois Auguste Buisseret appuie et soutient les propos de Bologne. On pourrait considérer ces quelques escarmouches rhétoriques comme négligeables mais elles sont révélatrices de bien des événements à venir.
Refus de la restauration belge
Le refus wallon de restaurer la Belgique d'avant-guerre va progressivement s'incarner de manière symbolique dans le refus du retour du roi, le cours de la guerre rendant de plus en plus proche cette possibilité. Pour comprendre l'état d'esprit de la population wallonne au cours des premiers mois de 1945 où eurent lieu les premières manifestations anti-léopoldistes, il faut ici remonter quelques années en arrière. Même s'il n'y a pas vraiment d'équivalent aux travaux de l'historien français Pierre Laborie sur l'état de l'opinion publique française sous Vichy, on peut tenter de discerner l'opinion publique belge sous l'occupation. En premier lieu, dès l'été 1940, on ne peut plus parler d'une opinion publique unanime derrière le roi, même s'il s'agit du fait de minorité, il se manifeste déjà des réticences vis-vis du mot d'ordre royal de retour à la normale ou d'accommodement de l'occupation allemande.
Ainsi le manifeste du 28 juin 1940 où De Man, se plaçant sous le patronage royal, considérait comme terminé le rôle historique du POB et annonçait la création de ce qui sera fin 1940 l'UTMI, fut rejeté par de nombreux cadres et militants socialistes. Dans les archives de De Man se trouve une très intéressante lettre rédigée par Jules Roland en date du 9 juillet 1940. Roland qui participera ensuite aux débuts de la nouvelle C.G.T.B et de l'UTMI, est alors sénateur provincial, échevin de La Louvière et surtout secrétaire de l'importante régionale du Centre de la C.G.T.B.. Il y évoque les réactions au sein de la famille socialiste suite à ce manifeste. Une majorité considère « qu'il faut choisir la politique du moindre mal qui est celle préconisée » par le manifeste. D'autres expriment des réserves sur certains passages du manifeste notamment ceux sur le rôle du POB et la victoire définitive de l'Allemagne, « quelques camarades nous disent attention que de Man ne nous embarque dans un nouveau Plan du travail qu'il s'empressera d'abandonner à la première occasion ». Enfin, c'est nous soulignons, « d'autres nous font remarquer que l'auteur du manifeste est Flamand imprégné de culture germanique et qu'il atteint le but qu'il recherche depuis longtemps : la sujétion de la Wallonie ». Au cours de ce même été 1940 se crée Wallonie Libre, parmi ses fondateurs on retrouve de nombreux opposants à la politique «royale» de neutralité inaugurée en 1936. Tout au long de l'occupation, Wallonie Libre se déchaîna violemment contre Léopold III, «le prisonnier volontaire de l'Oflag de Laeken, Belgïe» en même temps que contre la Flandre, la Belgique unitaire, le roi incarnant et symbolisant l'outil de ces deux dernières. Léopold III était en quelque sorte le parfait négatif du chef de la France Libre et l'obstacle à renverser dans la quête de l'autonomie wallonne.56 Au cours de la guerre, d'autres feuilles clandestines vont apparaître dans la mouvance wallonne. Dès 1941, l'édition liégeoise de Wallonie Libre (Sambre et Meuse puis Wallonie Libre, édition de l'est), bien que moins vindicative vis- à-vis de la Flandre, va être tout aussi opposée au retour du roi57. Evoquons aussi le républicanisme francophile du Rassemblement Démocratique et Socialiste Wallon qui, fut en 1942-1943, une tentative originale de création d'un parti wallon regroupant des socialistes, des libéraux et des militants wallons.58 La Wallonie Indépendante, feuille clandestine apparue en 1943 de la gauche et des communistes wallons du mouvement de résistance Front de l'Indépendance, envisage à plusieurs reprises l'idée d'une République fédérale belge pour l'après-guerre.59 On peut donc considérer que dès fin 1940, le prestige du roi commence à s'user60, une frange importante du mouvement wallon par francophilie, républicanisme ou autonomisme, fédéralisme souhaite l'élimination de Léopold III du jeu politique d'après-guerre. On peut tirer la même conclusion concernant le monde ouvrier mais aussi pour une partie du monde catholique wallon61. L'année 1941 constitue un tournant décisif.
Les différences Wallonie/Flandre
En premier lieu, de l'été 1940 à mars 1941, 106.000 prisonniers de guerre flamands rentrent en Belgique, 65.000 wallons restent prisonniers, ce qui va constituer un traumatisme durable dans toutes les couches de la population wallonne. Ensuite, la presse clandestine, petit à petit, prend connaissance et informe le public des projets de régime «autoritaire» qui semblent fleurir sous l'encouragement (réel ou supposé) du roi62. Enfin, il y a aussi le second mariage du roi.
Il nous semble que cet événement agit plus comme révélateur ou cristallisateur que comme détonateur de l'hostilité grandissante de l'opinion publique wallonne à la personne du roi. Si d'une part, cet événement fut l'un des arguments des anti-léopoldistes en 1950, si d'autre part le mariage, en tant qu'institution bourgeoise, a éloigné du roi un certain nombre de membres de la middle-class, son impact fut-il si déterminant dans la classe ouvrière63? Libois et Gotovitch citent un socialiste hennuyer «unitariste» qui, dans une note envoyée à Londres, parle de l'émotion suscitée par ce mariage dans toute les classes sociales et conclut en écrivant que l'opinion ouvrière wallonne ne sait plus pourquoi elle est anti-léopoldienne, «mais une chose est certaine, dans sa très forte majorité elle l'est»64. En sens inverse, le témoignage d'Achille Delattre, bien que rédigé en 1957, n'est pas à négliger. Vice-Président du POB dissous et dirigeant de la Centrale de Mineurs, resté au pays en 1940 et actif dans le PSB clandestin, puis à la libération premier Président du PSB, Delattre raconte qu'en mars 1950, le secrétaire du roi Capelle, lui demanda ce qu'il pensait du remariage du roi: «Nous fumes d'accord pour lui déclarer que la population ouvrière ne formulait pas de critiques bien sévères à ce sujet mais qu'elle reprochait au roi, de n'avoir pas suivi ses Ministres. Semblable opinion avait été formulée par d'autres milieux populaires mais il semblait bien que, dans l'entourage du roi, le proverbe latin " vox populi, vox dei " n'était pas en grande faveur.»65 Il nous semble donc qu'en 1945, le remariage du roi ne fut qu'un des éléments mais pas l'élément fondamental de l'opposition au roi. Ensuite, au fur et à mesure que les rigueurs et privations causées par la guerre s'accentuent, l'idée du roi «bouclier» de son peuple perd de son lustre, beaucoup «se demandent si le roi fait réellement quelque chose pour adoucir le sort de la population et pourquoi il ne s'insurge pas contre les mesures de l'occupant»66. Parmi celles-ci, l'instauration du STO au cours de l'hiver 1942 pour tous les belges âgés de plus de 18 ans.
Enfin dernier élément, mais élément capital dans le rejet grandissant de Léopold III, la montée en puissance de la résistance. Les derniers mois de l'occupation virent se dérouler une véritable guerre civile entre les divers mouvements de résistance et la mouvance collaboratrice, les collabos de tout genre devenant une cible privilégiée plutôt que les troupes allemandes qui recourent à l'arrestation, voire à l'exécution d'otages civils, en guise de représailles. Dans le bassin industriel wallon, mais aussi dans le bassin minier limbourgeois, un véritable cycle action-répression s'engage entre résistants et collaborateurs ou ceux qui sont appréhendés comme tels. On règle aussi des comptes de l'avant-guerre. En février 1944, des rexistes éliminent François Bovesse, quelques semaines plus tard des résistants communistes éliminent Walter Dauge, Bourgmestre de Flénu, ancien promoteur dans le Borinage, durant les années 30, d'un parti d'obédience trotskiste, etc.
L'épisode le plus connu, mais il n'est pas le seul, est le drame de Courcelles en août 1944, l'état-major rexiste descendu de Bruxelles, exécute 18 civils en représailles à l'assassinat du bourgmestre rexiste du Grand Charleroi. On a du mal à imaginer la radicalisation, voire la «brutalisation»67 des esprits qui s'installa chez beaucoup dans le courant de la guerre. La lecture du seul numéro de La Wallonie Indépendante publié après la libération est rempli de passages édifiant où l'on rappelle que untel ou untel, collaborateur notoire, est toujours libre, si la justice ne s'en occupe pas rapidement, le FI lui s'en occupera... Cette radicalisation s'accentuera encore suite au traumatisme que constituera le retour (mais aussi le non-retour) progressif des prisonniers politiques et des déportés. Alors de manière évidente pour beaucoup, les silences royaux vont être perçus comme indiquant que le roi, voire l'institution monarchique elle-même, ne se range pas dans le camp de la résistance, par son abstention même, le Chef de l'État s'est rangé dans celui de la collaboration.
À partir de 1942-1943, moment où Goebbels promet une guerre totale, il n'y a plus de place pour l'attentisme, le neutralisme ou l'accommodement, cela Léopold III, piètre politique et homme aussi désuet que les hobereaux prussiens le furent face au pouvoir nazi , il ne l'a pas compris. Rapportons ici l'opinion émise par Jean Stengers. En ouverture de son ouvrage sur les deux politiques belges de 1940, il évoque le congrès du PSB de juin 1945, lorsque fut soumis aux 500 congressistes une résolution demandant l'abdication de Léopold III, ceux-ci se levèrent d'un seul homme. «Quel est le sentiment qui anime au fond du coeur les congressistes socialistes, de quoi se libèrent-ils en lançant le cri par lequel ils exigent l'abdication? Ils n'ont pas sur les initiatives du roi pendant la guerre des informations bien précises . (...) L'essentiel, pour eux, est qu'ils ne veulent plus d'un roi qui, ils en ont la conviction, n'a pas eu à l'égard des Allemands les mêmes réactions que son peuple, qui n'a pas voulu ou su lutter de la même manière.»68 Ce sentiment est d'autant plus vif en Wallonie (et aussi à Bruxelles), que la collaboration y fut d'une nature plus idéologique qu'en Flandre, mais surtout parce qu'en sont issus les 2/3 des personnes exécutées ou mortes en déportation, 60 % des prisonniers politiques, 82 % des résistants pour la presse, où eurent lieu 80% des sabotages commis entre janvier 1943 et septembre 1944.69
Le fait que l'opinion publique ne connaissait ni les détails de la rupture de Wijnendaele, ni l'entrevue de Berchtesgaden avec Hitler, ni les signaux émis durant l'occupation par le cabinet du roi vers la nébuleuse collaboratrice ni le testament politique du roi de janvier 1944 n'empêcha donc pas une grande partie de celle-ci de conclure, déjà sous l'occupation, que le roi avait eu une attitude différente de la sienne. Philippe Destatte l'écrit clairement: les événements de l'après-guerre en Wallonie sont inscrits dans l'avant-guerre et dans la guerre elle-même, aucune page ne peut être tournée en 1945 car le passé est trop lourd.70 Bien sûr, il importe aussi de rappeler que même en Wallonie, une part non négligeable de la résistance, sera favorable au retour du roi ou s'opposera à son effacement. Nous laisserons le dernier mot à Sambre et Meuse pour quelques lignes écrites lors de l'occupation «La Wallonie ne veut plus rien avoir de commun avec l'homme qui, le 28 mai 1940, a par calcul ou par faiblesse, abandonné la direction de l'Etat pour s'en remettre sans conditions au bon plaisir de l'ennemi, qui a refusé de suivre son gouvernement sur la route amère de l'exil, pour regagner son château, qui n'a pas voulu de la victoire alliée ou qui en a désespéré. Léopold III se survit à lui-même. Pour les coeurs wallons, il est mort le jour où il a déserté son poste.»71
Le non-retour
C'est dans ce contexte, lourd de menaces, que les partis politiques vont devoir se prononcer sur le retour du roi. Il ne semble pas qu'il y eut de réelles différence entre l'option du gouvernement de Londres, c'est à dire le retour du roi sur le trône moyennant les conditions préalables reprises dans la lettre de novembre 1943 et les partis politiques clandestins même si au sein du PSB certains étaient déjà vivement opposés au retour du roi. On peut citer ici Le Monde du Travail, feuille clandestine de la fédération provinciale liégeoise du PSB. En novembre 1943, celle-ci exprime le sentiment du parti «qui tout en restant, en principe, fidèle au régime républicain veut en ce qui concerne le roi prendre une position claire et honnête. Pour les actes passés: examen approfondi et contradictoire, pour les actes futurs: attente vigilante tout en affirmant qu'il postule au minimum le retour au pur régime constitutionnelle»72. Peu avant la libération, le PSB demande à ses élus locaux de ne pas faire allusion au roi, l'attitude de celui-ci au cours de la guerre étant, bel euphémisme, «diversement appréciée parmi la population». Tout au long des premiers mois de 1945, poussé par sa base et craignant d'être débordé sur sa gauche par le PCB, les dirigeants du PSB vont «subir plutôt qu'infléchir les événements»73.
Le 9 avril 1945, le bureau du PSB, présidé par Achille Delattre, se penche sur le sort du roi, unanimement il marque une réelle et vive « hostilité à l'idée d'un retour au pouvoir (du roi) sans autre forme de procès»74, il semble s'orienter vers une formule plus exigeante que le retour sous conditions. Henri Rolin, sénateur de Bruxelles et ancien chef de cabinet de Vandervelde, déclare « nous ne poserons la question de la république que si on nous y oblige».
Une même opposition domine au sein des parlementaires socialistes, Arthur Gailly, député de Charleroi et dirigeant métallurgiste, y évoque la République. Finalement le 28 avril, un bureau élargi du PSB décide que le parti prendra toutes les initiatives susceptibles de pousser le roi à abdiquer. Selon Victor Larock, le bureau élargi est unanime même si l'Anversois Jos Van Eynde craint les effets de cette position sur les masses flamandes75. Pour le PSB, le roi n'est plus le symbole de l'union de la nation et la garantie de l'unité du pays, cette décision n'est pas rendue publique mais est communiquée à Van Acker, aux présidents de la Chambre et du Sénat et aux chefs de groupe socialistes dans ces assemblées. Le bureau du 2 mai confirme sa décision, entre-temps Le Drapeau Rouge, organe officiel du PCB, a pris fait et cause pour l'abdication. Toutefois à la demande de Van Acker , mis donc sous pression par son propre parti, la publication du communiqué officialisant la position du PSB est retardée de trois jours. Dans une lettre datée du 10 juin, Max Buset, au nom du bureau, informe le bureau exécutif du Labour britannique du pourquoi de la décision du 2 mai, décision voyant le PSB résolu à tout mettre en oeuvre pour forcer le roi à abdiquer. «La personne du roi est extrêmement discutée dans l'ensemble du pays. Les reproches sont de diverses natures. Le bureau du parti (...) n'a voulu retenir que le reproche d'ordre constitutionnel. Mais il doit constater que d'autres griefs extrêmement graves justifient le malaise de la population. Si Léopold III reprenait le pouvoir, des troubles se produiraient dans la plupart des régions. (...) Nous tenons à préciser que le parti socialiste n'a pas posé la question de la dynastie ni du régime monarchique. Nous insistons sur le fait que la population wallonne est en majorité hostile à la reprise du pouvoir et que la question délicate de l'unité belge trouverait dans les troubles un aliment dangereux.»76
La libération du roi le 7 mai 1945 est donc un cadeau empoisonné pour le gouvernement Van Acker. Celui-ci doit en effet affronter un climat social volatile, le monde du travail revendique les augmentations salariales enlevées par les années d'occupation afin d'amortir les effets du plan monétaire Gutt. Face à cette montée du mécontentement populaire, Van Acker a dû suspendre en mars le droit de grève pour une durée de trois mois. En outre, même si le désarmement de la résistance s'est effectué sans trop d'incidents fin 1944, de nombreuses armes et munitions sont encore en circulation. La résistance considérant par ailleurs que l'épuration n'est pas assez radicale. Lors du premier conseil des ministres du 8 mai 1945, le libéral bruxellois Léo Mundeleer, Ministre de la Défense Nationale dresse à ses collègues le tableau suivant: «La situation est grave. On arrête les suspects, on met le feu à des fermes, on démolit des maisons, on affiche des menaces de mort contre les inciviques.» Il propose d'arrêter les suspects et de communiquer à la population par radio que les inciviques seront déchus de leurs droits civils et politiques. Les ministres chargent donc Van Acker de s'adresser à la population et d'en appeler au calme77. C'est donc ce navire dans la tourmente qu'est le gouvernement Van Acker qui va tenter de résoudre le soir du 8 mai la question du roi.
Il n'existe pas de procès-verbal de cette réunion, les ministres socialistes, communistes et sans doute l'ensemble des libéraux penchent pour l'abdication, ce que rejettent les ministres catholiques.
Même les PSC contre le retour
Par contre, le gouvernement aurait unanimement partagé l'opinion du Premier Ministre pour qui la très mauvaise solution était le retour sans conditions du roi. Van Acker voulant garder à bord les ministres catholiques et la frange de l'opinion qu'ils représentent, un consensus tacite se serait dégagé sur le retour du roi s'il répondait à des conditions proches de celles de novembre 1943, le tout prenant la forme d'un discours du trône devant les chambres réunies, les parlementaires étant placés devant le fait accompli78. Une délégation comprenant les quatre composantes de la coalition gouvernementale se rendra le lendemain auprès du roi pour lui expliquer le scénario possible de son retour. Le 10 mai , Van Acker explique au roi les risques «de troubles» dans le cas de son retour inconditionnel, opposition de la Wallonie, risque de grèves, rejet par une partie de la résistance notamment du FI79. Spaak et Van Acker suggèrent au roi de prendre le temps de la réflexion, d'élargir ses consultations, pourtant les deux ministres socialistes étaient conscients que le temps jouait contre Léopold: faut-il y voir une manoeuvre habile condamnant tout retour du roi?
Comme la suite des événements le démontra, Van Acker, monarchiste de coeur, n'est pas à son aise, il hésite toujours à «imposer» au roi l'abdication, par contre Spaak, monarchiste de raison, semble être convaincu que celle-ci est la seule solution politiquement acceptable pour l'ensemble du pays et pour les alliés.80 Le roi ne rentrant pas, les jeux sont déjà faits, le 15 mai, le comité national du FI se prononce pour l'abdication, le 18 la toute nouvelle FGTB fait de même. La mobilisation populaire d'une majorité de la Wallonie, mais aussi d'importantes sections de Bruxelles et de la Flandre, contre Léopold III est acquise. Début juin 1945, Van Acker voit à nouveau le roi et l'avertit du risque de pourrissement de la situation, l'opposition mais aussi le soutien au roi se radicalisant. Le 14, le roi l'informe de sa volonté de rentrer en Belgique le 18 juin81 passant outre les conditions posées par le gouvernement82. Van Acker semble vouloir mener à bien ce retour.
On peut toutefois s'étonner de le voir, lui le politique habile, sous-estimer ainsi l'opposition de la majorité de ses ministres, de son parti, de la FGTB, du bassin industriel wallon, des milieux résistants83? Le 16 juin, le conseil des ministres se réunit deux fois, le gouvernement refuse majoritairement de prendre la responsabilité politique du retour du roi dans ces conditions là et des suites éventuelles de celui-ci. Van Acker propose à ses ministres de soumettre au régent la démission du gouvernement. Fait exceptionnel, les deux ministres libéraux en charge du maintien de l'ordre publique, c'est à dire Mundeleer à la Défense et Van Glabekke à l'Intérieur, déclarent alors refuser de garantir celui-ci dans le cadre des affaires courantes. Van Acker ne prend toutefois qu'un risque limité en présentant la démission de son gouvernement, il sait que le roi n'arrivera pas à former un gouvernement, appuyé par une majorité parlementaire, pour couvrir son retour. En outre, le régent n'a aucune intention de dissoudre le parlement, y serait-il poussé par son frère que le gouvernement serait unanime, y compris les ministres catholiques, à refuser de contresigner l'Arrêté de dissolution.
Confirmé dans ces fonctions, les ministres catholiques toujours à bord, Van Acker fera voter par le Parlement la loi du 19 juillet 1945, dite «de cadenas», le roi ne pourra reprendre ses fonctions que si les Chambres réunies en décident ainsi à la majorité simple. Le débat parlementaire qui suivra le vote de cette loi indique déjà clairement quels seront les clivages qui diviseront la Belgique en 1950. Van Acker, après ses hésitations du mois de juin, attaqua le roi avec la brutalité qui le caractérisa parfois. Certes, la Belgique a besoin de la monarchie comme de pain mais Léopold «n'hésite pas à confondre les intérêts supérieurs de la nation avec ceux de sa personne et à aller (...) jusqu'à laisser croire que ceux-ci doivent prévaloir sur ceux-là. (...) Nous n'avons pas le droit de conseiller au roi de rentrer, ce qui aurait jeté le pays dans une guerre civile pour une cause perdue. (...) La Belgique est divisée, la division règne au sein des familles, à l'atelier, dans les mines, dans les groupes de résistances, dans les diverses régions du pays.» le roi n'a donc plus l'autorité morale nécessaire pour régner.84
Max Buset, futur président du PSB, parle du roi «d'un parti, d'une faction», il évoque la grève générale et «tous les autres moyens que nous jugerions utiles». Il ajoute «le parti auquel j'appartiens est de tradition républicaine. Mais il a assez de sens politique pour avoir vu depuis longtemps que la population de ce pays est attachée à la Monarchie. Il s'en accommode, pour autant que ce soit une monarchie parlementaire et que le roi se tienne soigneusement au dessus de la mêlée et qu'il ouvre son esprit tout large aux idées d'avenir et de progrès.»85 Julien Lahaut, président du PCB, déclare qu'il n'est pas contre la monarchie ou contre la dynastie mais bien contre Léopold III86. Le député catholique d'Aspremont Lynden condamne les activités antipatriotiques de certains députés wallons, il cite des propos tenus à Charleroi en mars 1945 par un parlementaire lors d'une réunion de Wallonie Libre: «Il faudra bien qu'on reconnaisse aux Wallons, le droit de gérer leurs propres affaires, que ce soit autour de l'idée de fédéralisme, de l'autonomie ou du rattachement à la France.» Son collègue socialiste liégeois François Van Belle l'interrompit en ces termes «Ramenez Léopold et c'est ce qui arrivera!»87. A l'issue de ce débat, la question royale est mise au frigo pour 5 ans, elle n'en ressortira qu'avec plus de violence. Des quelques mois écoulés depuis la libération, on retiendra que c'est la personne elle-même du roi qui conduit le pays à la division voire à l'implosion, et que si celle-ci n'eut pas lieu, pour le meilleur et pour le pire, ce fut essentiellement grâce à une poignée d'hommes politiques, principalement au sein du PSB, qui freinèrent et refroidirent les ardeurs «révolutionnaires» de la base, pour beaucoup juillet 1950 sera la revanche du printemps et de l'été 194588.
- 1. Annales Parlementaires Sénat, Session ordinaire 1944-45, séance du 17-07-45, P 455
- 2. Lors de la même séance Van Acker déclara aussi : «Je suis peut-être une exception dans mon parti mais je tiens à déclarer tout haut que ce n'est pas d'aujourd'hui que je suis un monarchiste.», idem P 463
- 3. É.Gerard : Léopold III, le gouvernement et la politique intérieure, p. 58 in M.Dumoulin, M. Van den Wijngaert, V. Dujardin (s.d.) Léopold III, Editions Complexe, 2001 Gérard cite assi en note les propos d'Albert I en 1931 qui furent relevés par Marie-Rose Thielemans «Je pense que nous devenons un pays pourri et que le conseil des ministres est une réunion de personnes ignorant l'arithmétique élémentaire.»
- 4. Italie , Portugal , Espagne avant et après le Frente popular, Allemagne, Roumanie, Bulgarie, Roumanie, Yougoslavie, Hongrie, Pologne, les Républiques Baltes, l'URSS, la Grèce, seuls le Royaume-Uni, l'Irlande, la Tchécoslovaquie, la France, le futur Bénélux et les Etats scandinaves résistent encore aux divers mouvements autoritaires s'agitant en leur sein.
- 5. É.Gerard, art cit., pp.68-69
- 6. Voir É. Gérard , art cit., pp. 65 et s.
- 7. Ce retour à la neutralité suscita aussi de nombreux débats au sein du Parti Libéral.
- 8. Achille Delattre, Souvenirs, Impricoop, Cuesmes 1957, 210
- 9. Gustaaf Janssens, Le roi Léopold III et la politique extérieure de la Belgique in M.Dumoulin, M. Van den Wijngaert, V. Dujardin (s.d.), op cit., pp. 81-82
- 10. Achille Delattre, député du Borinage, alors Ministre POB du Travail et de la Prévoyance sociale confirme ce point dans ces Souvenirs, p. 211
- 11. Philippe Destatte relève dans L'identité wallonne, Institut Jules Destrée, Charleroi 1997, pp. 165-166, que même avant le discours royal, certains éléments du mouvement wallon rejette cette politique des mains libres. Il faut aussi noter que Vandervelde, rejetant aussi cette politique et scandalisé par la neutralité du gouvernement belge vis à vis de la guerre civile espagnole démissionnera de ce dernier en janvier 1937.
- 12. Gustaaf J anssens, art cit., P 82
- 13. Firent notamment partie de son comité de rédaction, Fernand Dehousse, Georges Truffaut, Marcel Thiry, Jean Rey, voir l'article Action wallonne dans l'Encyclopédie du Mouvement wallon, Tome 1er, Institut Jules Destrée, Charleroi, 2000.
- 14. P.Destatte , op cit., P 167
- 15. Emmanuel Gerard, art cit., p.75
- 16. Jean Stengers, Aux origines de la question royale, Léopold III et le gouvernement, les deux politiques belges de 1940, Edition Duculot, Gembloux 1980.
- 17. Annales Parlementaires Chambre, Session ordinaire (19) 44-45 , séance du 24-07-45, p.565
- 18. Voir entre autres ses deux contributions in M.Dumoulin, M. Van den Wijngaert, V. Dujardin (s.d.), op cit., ou Quand les chemins se séparent (mai-juin-juillet 1940). Aux origines de la question royale, Éditions Duculot, Gembloux, 1988.
- 19. Procès-verbal du Conseil des Ministres 26-05-1940, (N° 43), Archives Générales du Royaume
- 20. Idem
- 21. Jules Gérard Libois et José Gotovitch " Léopold III, de l'an 40 à l'effacement " Editions du CRISP, Bruxelles 1991 pp.21-22
- 22. Procès-verbal du Conseil des Ministres 26-05-1940, (N° 43), Archives Générales du Royaume
- 23. Ibidem
- 24. Ibidem
- 25. Ibidem
- 26. Ibidem
- 27. Propos de Spaak tenu au Conseil des Ministres du 26 mai 1940 , Procès-verbal du Conseil des Ministres 26-05-1940 (N° 43), Archives Générales du Royaume
- 28. Le 27 mai Spaak déclare au Conseil des Ministres que rien ne doit être fait qui puisse être de nature à compromettre le roi mais une fois qu'il «aura capitulé, le gouvernement devra exposer les raisons pour lesquelles il n'a pas voulu couvrir de sa responsabilité la politique de guerre suivie par le Roi» , Procès-verbal du Conseil des Ministres 27-05-40 (N° 44), Archives Générales du Royaume
- 29. Idem
- 30. Dans le procès-verbal du Conseil des ministres du 28 mai au matin, il est signalé que la réponse unanime du gouvernement sur cette question " a profondément indigné le roi " Procès-verbal du Conseil des Ministres 28-05-1940 (N° 46), Archives Générales du Royaume
- 31. Voir notamment Jules Gérard Libois et José Gotovitch, op cit., p.29 et Maurice De Wilde, L'Ordre nouveau, Editions Duculot, Gembloux 1984, p.69
- 32. Jules Gérard Libois et José Gotovitch, op cit., p.31
- 33. Jacques Velu, notes de Droit Public, TII, P.U.B., 1986-87, p.432
- 34. Jacques Velu, op cit., p.429, cette interprétation de l'article 65 de la Constitution, existant déjà sous Léopold II et Albert I fut " confirmée " selon Velu , par la révocation des Ministres RW en 1977 et des Ministres FDF en 1980.
- 35. Procès-verbal du Conseil des Ministres 27-05-1940 (N° 44), Archives Générales du Royaume
- 36. Procès-verbal du Conseil des Ministres 27-05-1940 (N° 45), Archives Générales du Royaume. Carton de Wiart, une fois de retour en Belgique, à l'automne 1940 s'empressera de présenter ses excuses au Roi pour son attitude en mai-juin , il deviendra l'un des piliers de la propagande léopoldiste dans le PSC d'après 1945.
- 37. Ibidem
- 38. Ibidem
- 39. Visiblement inquiet sur ce dernier point, le Conseil des Ministres confia le lendemain et à nouveau cette mission à Spaak. Procès-verbal du Conseil des Ministres 28-05-1940 (N° 46), Archives Générales du Royaume
- 40. Procès-verbal du Conseil des Ministres 28-05-1940 (N° 47), Archives Générales du Royaume
- 41. E. Gerard, art cit., p.78
- 42. Jules Gérard Libois et José Gotovitch, op cit., pp. 81 et s.
- 43. Ceux-ci seront dans le cours de la guerre rejoints par les ministres Delfosse, Balthazar et De Schrijver.
- 44. Voir Jules Gérard Libois et José Gotovitch, op cit. , P 92 et s. et Etienne Verhoeyen Léopold III et les Londoniens in M.Dumoulin, M. Van den Wijngaert, V. Dujardin, op cit., P 187 et s.
- 45. Procès-verbal du Conseil des Ministres 23-09-1943, Archives Générales du Royaume
- 46. Annales Parlementaires Chambre, session ordinaire 1944-45, séance du 24-07, pp.560-561
- 47. Etienne Verhoeyen, art cit., p.195
- 48. Jules Gérard Libois et José Gotovitch, op cit., p.103 et s.
- 49. L