LA REPUBLIQUE UNIVERSELLE
Loin d'être la doctrine archaïque d'un autre siècle, le républicanisme est au contraire en phase étroite avec notre époque. En replaçant au centre de la réflexion politique la notion de bien commun (Res Publica), il est une réponse aux principaux défis de la mondialisation : le risque écologique, la menace d'un choc des civilisations, l'essor d'un libéralisme débridé 1
Les mots, cependant, sont parfois piégés et celui de République est à utiliser avec la plus grande prudence. Selon la situation politique, le sens du mot ainsi que les problématiques afférentes peuvent être très différentes. Dans les monarchies constitutionnelles, le républicanisme peut apparaître comme une simple aspiration à rompre avec un régime désuet. Même si cette idée n'est pas totalement fausse, les choses ne sont en réalité pas si simples, comme en témoignent l'exemple du Royaume-Uni, de la Belgique et de l'Espagne, ou encore, dans un autre contexte, de l'Australie et du Canada. [...]
En ce début de XXIe siècle, la dialectique de l'idée républicaine et de l'idée monarchique, encore centrale au début du siècle dernier, est cependant devenue plus marginale. La question essentielle est celle de la relation entre République et Démocratie.
L'une et l'autre sont intrinsèquement mêlées. La première ne saurait exister sans la seconde. C'est donc sans surprise que les contributions évoquant l'idée républicaine dans les pays non démocratiques sont amenées à traiter à la fois de l'une et de l'autre.
C'est également la raison pour laquelle les républiques arabes comme les républiques islamiques ne sont que de fausses républiques. Les premières, mêlant pouvoirs absolu, à vie et héréditaire, sont surnommées, en un jeu de mot arabe, des joumloukia (républico-monarchies). Les secondes sont des théocraties, considérant la république davantage comme un mode d'organisation du pouvoir que comme une vision spécifique de la société, et ne percevant pas dans les idées qui la régissent une contestation de fond.
Non que les sociétés arabes et musulmanes, au contraire de ce qui est trop souvent affirmé, soient récalcitrantes par essence aux concepts républicains, et notamment au concept de laïcité. La méconnaissance du monde arabo-musulman nous empêche souvent de voir la modernisation en cours de leurs sociétés, à l'ombre des prisons et des mosquées, notamment par le biais du développement des universités, des chaînes satellites et de l'Internet. [...]
Dans les pays démocratiques, la dialectique de la République et de la Démocratie se pose en d'autres termes, posés il y a déjà dix ans par un Régis Debray opposant le libéralisme à la défense du bien commun.
Aux Etats-Unis - république cousine de la République française, abreuvée comme elle à la source de la philosophie des Lumières - le caractère républicain s'est effacé du langage courant au profit de celui de démocratie, en dépit de l'épithète de «républicain» porté par l'un de ses deux principaux partis politiques. [...]
Dès les premiers temps, en conformité avec la devise de Patrick Henry («Donnez-moi la liberté ou donnez-moi la mort»), la liberté y fut présentée comme le concept central, tandis que celui de République, pourtant revendiqué par les Pères fondateurs, restait dans leur esprit flou et mal défini. Aujourd'hui, c'est le messianisme démocratique, d'origine wilsonienne mais réinterprété par les milieux néo-conservateurs (composée de la droite dure alliée à d'anciens «liberals» issus des mouvements progressistes de la gauche) qui a mené les armées américaines sur les bords du Tigre et de l'Euphrate.
Dans ce contexte, qu'elle place reste t-il pour le républicanisme d'influence française ?
Sur le plan de la philosophie politique, il se retrouve en convergence avec certains aspects du réveil de la pensée républicaine à travers le monde, comme la défense du règne des lois, l'importance conférée au civisme, la critique de la corruption, la thématique du «bien commun», le refus de la logique néo-libérale et son affirmation péremptoire de la fin du politique. Ses affinités sont plus fortes, néanmoins, avec le renouveau républicain italien qu'avec celui des pays anglo-saxons, lequel fait grand cas de Tocqueville mais bien peu de Condorcet.
Sur un plan moins intellectuel et plus pratique, le modèle américain semble l'emporter en Europe centrale et balkanique, non seulement du fait du rôle central joué par les états-Unis dans l'effondrement du système soviétique mais, plus fondamentalement, de par son apparente meilleure adaptation au puzzle multinaltional des états issus de l'ancienne Autriche-Hongrie. Quant au modèle français - état central, affirmation nationale, laïcité, rôle de l'éducation, politique sociale volontariste - il demeure une référence forte dans nombre de pays, en Europe, en Amérique latine, en Afrique et, plus encore, en Turquie.
La chute du communisme (1989 en Europe centrale, 1991 en Russie) a fait réapparaître une troisième voie alternative, entre libéralisme et marxisme, celle de la République. Longtemps allié contre le totalitarisme soviétique à un républicanisme qu'on avait pu croire discrédité par les attaques de l'extrême gauche contre sa supposée hypocrisie bourgeoise et sa défense des libertés formelles («la forme emporte et résout le fond», affirmait Gambetta), le libéralisme est désormais entré en lutte avec l'idée républicaine renaissante pour imposer son seul leadership. Aux républicains de tous les pays, dans le respect de leurs différences, de relever le défi pour assurer au monde un avenir de paix dans la liberté, l'égalité et la fraternité.»
Paul Baquiast et Emmanuel Dupuy
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VOLUME 1 l'IDÉE RÉPUBLICAINE EN EUROPE (XVIIIe-XXIe SIÈCLES)
HISTOIRE ET PENSEE UNIVERSELLES, EUROPE
VOLUME 2 l'IDÉE RÉPUBLICAINE DANS LE MONDE (XVIIIE-XXIE SIÈCLES)
NOUVEAU MONDE, AFRIQUE, MONDE MUSULMAN
Collection Questions contemporaines L'Harmattan
Prix éditeur : 21 € et 17 €
Alimbau Jaume Renyer Professeur adjoint, Université Rivira i Virgili, Taragone Audier Serge Maître de conférences en philosophie, Université Paris IV Baquiast Paul Docteur en histoire de l'Université Paris IV, principal du collège Henri Matisse (Issy les Moulineaux), président de l'Association des Amis d'Eugène et Camille Pelletan Billon Didier Directeur-adjoint de l'IRIS (Institut de Recherches Internationales et Stratégiques) Carod-Rovira Josep-Lluís Président d'Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) Chevrier Marc Professeur de sciences politiques, Université du Québec, Montréal Courmont Barthélémy Chercheur à l'IRIS Croisier Catherine Chercheur à l'IRIS Csurgai Gyula Directeur du Centre International d'Etudes Geopolitiques (CIEG) de Genève ; professeur de géopolitique à la Geneva school of Diplomacy ; directeur d'études au programme universitaire School for International Trading Dupuy Emmmanuel Président de l'association d'Etudes en Relations Internationales et Défense (ERID) ; secrétaire général de l'Association des Amis d'Eugène et Camille Pelletan Fazelly Kacem Professeur de droit, ancien ministre du gouvernement afghan Fontaine José Docteur en philosophie de l'UCL, directeur de la revue mensuelle TOUDI Jakab Attila Docteur en histoire de l'Université Marc Bloch, Strasbourg Kaninskaïa Galina Professeur d'histoire contemporaine, Université de Iaroslav Latifi Veton Analyste politique, maître de conférences en Relations Internationales et Sciences Politiques à l'Université de l'Europe du Sud-Est (SEEU) de Macédoine. Marzouki Moncef Professeur de santé publique, écrivain et opposant tunisien Mioche Antoine Maître de conférences en civilisation britannique, Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines Mira Tarik Secrétaire national aux relations internationales du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) Misraï Serge Journaliste, ancien présentateur du JT d'Antenne 2 Naghibzadeh Ahmad Professeur de sciences politiques, Université de Téhéran Perez Michel Maître de conférences en civilisation britannique, Université de la Nouvelle Calédonie Rajaonarison Alain Docteur en histoire de l'Université Paris VII Ridolfi Maurizio Professeur d'histoire contemporaine, Università della Tuscia, Viterbo Toursel Serge Docteur en sciences de l'éducation de l'Université de Lille Vautravers Alexandre Docteur en sciences économiques et sociales et en histoire des Université de Genève et de Lyon II. Directeur du Département de Relations Internationales de l'Université Webster, Genève.