Mort de François Perin
François Perin né le 31 janvier 1921, mort le 27 septembre 2013 est un immense personnage du mouvement wallon. Le 26 mars 1980, lors d'une discussion sur la réforme de l'Etat au Sénat où il siège comme sénateur, il fait soudain la déclaration suivante :
Je voudrais ajouter un mot, à titre strictement personnel, sans engager la responsabilité de mon groupe, mais uniquement la mienne.
Après avoir entendu toutes les déclarations qui ont été faites ces derniers temps et particulièrement au cours du présent débat, après avoir vu, échec après échec, tous les événements de ces dernières années, je ne parviens plus en conscience, à croire à l'avenir de notre pays.
Il est difficile de rester parlementaire d'un Etat auquel on ne croit plus et dont le système politique paraît absurde, et représentant d'une nation — selon les termes de la Constitution — qui n'existe plus.
Je remets ce jour ma démission de sénateur au président de cette assemblée.
Mon motif est simple et triple.
La Belgique est malade de trois maux, incurables et irréversibles.
Le premier mal, je l'ai dit antérieurement, est le nationalisme flamand, qu'il s'avoue ouvertement ou non [Exclamations sur les bancs de la Volksunie].
Le second, c'est que la Belgique et livrée à une particratie bornée, souvent sectaire, partisane, partiale, parfois d'une loyauté douteuse à la parole donnée et de la signature, mais très douée pour la boulimie, avec laquelle elle investit l'Etat en jouant des coudes affaiblissant son autorité, provoquant parfois le mépris public.
Le troisième mal irréversible et incurable, c'est que la Belgique est paralysée par des groupes syndicaux de toutes natures - des médecins aux syndicats traditionnels – intraitables et égoïstes, irresponsables, négativistes et destructeur finalement de toute capacité de l'Etat de réformer quoi que ce soit en profondeur. Et il n'y a rien, ni homme, ni mouvement d'opinion, pour remettre tout cela à sa place et dégager l'autorité de l'Etat au nom d'un intérêt collectif que l'on appelle ordinairement la nation, parce que, dans ce pays il n'existe plus de nation.
Voici, Monsieur le Président, ma démission de sénateur. Je reprendrai , en solitaire, le chemin difficile des vérités insupportables. Adieu.
[Applaudissements sur les bancs libéraux et sur certains autres bancs. — M.Perin remet sa lettre de démission au président du Sénat et quitte l'hémicycle.]
Nous n'étions pas d'accord avec son projet de réunir la Wallonie à la France, mais on doit dire de lui qu'il a eu une carrière politique marquée au coin de la sincérité et de l'engagement, mais aussi d'une sorte de désintéressement. Nous ne pouvons pas produire de pièces qui authentifient ceci mais, avec Jacques Yerna quand il militait au Pari Wallons des Travailleurs (il fut élu à Liège sous ce sigle en 1965), il refusa une somme considérable pour l'époque que Jacques Brel voulait verser au parti, refus exprimé en accord avec Yerna dont nous tenons l'anecdote qui honore ces deux hommes. Nous espérons qu'un jour cette anecdote puisse être authentifiée même si nous ne doutons pas nous de sa vérité, mais l'histoire a ses droits et avec raison. Elle honorerait en les apportant un geste vraiment rare qui fait songer que des militants de la Wallonie ont été d'une trempe exceptionnelle. Le meilleur hommage que nous puissions leur rendre, c'est que ce pays existe un jour, pleinement indépendant et libre.