La Revue Nouvelle devrait mieux écrire ses éditos

21 July, 2009
En édito d'un bien passionnant numéro de La Revue Nouvelle consacré à La politique et le savoir, B.Lechat et D.Carlier écrivent que la situation économique wallonne est la conséquence de la désindustrialisation capitaliste, mais qu'il faut aussi que « la gauche » reconnaisse « l'échec des politiques de reconversion lancées à partir des années quatre-vingt et de la régionalisation des compétences économiques. Cet échec s'explique autant par le fait que cette régionalisation a surtout servi à préserver ce qui restait d'une structure industrielle en grande partie dépassée que par la mauvaise gestion politique de la reconversion dont les travailleurs wallons ont été les premières victimes. » (La Revue Nouvelle, 7/8 juillet-août 2009, p. 4). Il y a des politiques de reconversion qui ont certes été mal menées, mais bien avant la régionalisation, déjà dans les années 50. Et pas seulement par la gauche. Cela ne date pas de la régionalisation des années 80, si mince qu'elle faisait d'ailleurs s'esclaffer François Martou, qui, probablement, n'y croyait pas, comme il n'a jamais cru en la Wallonie (on admet généralement que les compétences régionales ne sont devenues vraiment importantes qu'au milieu des années 90).

Les deux éditorialistes seraient également à mon sens bien en peine de dire ce que la « régionalisation » a maintenu « d'une structure industrielle en partie dépassée » (qu'elle ait maintenu des emplois réservés aux camarades, cela c'est une autre histoire). Les aides européennes au Hainaut ont peut-être été mal utilisées, mais quel secteur « dépassé » aurait-il été « maintenu » ? En outre, dans les années 80 et 90, je ne me souviens guère de prescriptions sévères et assurées proposées par les doctes économistes que l'on entend maintenant. On tentait seulement de sauver les meubles ! Il y a eu des milieux nombreux à l'époque, particulièrement à l'UCL , qui luttaient contre la déprime wallonne. Et nous avons fait ce que nous avons pu à la revue TOUDI pour apporter notre petite pierre à l'édifice de cette résilience. L'ensemble des médias en faisaient ses choux gras, poussant à la fusion Région/Communauté, pour cacher cette Wallonie qu'ils ne savaient voir. Nous n'avons certes pas à les remercier : de « Soir » en « semaine infernale » on s'est surtout préoccupé (à l'image de rattachistes certes marginaux, mais qui en remettaient) , d'enfoncer les Wallons. D'apporter de l'eau au moulin des pires nationalistes flamands qui augmentaient les chiffres de transferts quasiment d'un milliard d'€ tous les mois.

La sidérurgie a été sauvée - dans les années 80 - en fonction d'un consensus très large et très national. L'enseignement, lui, a été massacré - dans les années 90 - à peu près sur les mêmes bases. Les « erreurs » sont peut-être surtout venues de ceux qui ont tout fait (ils n'étaient pas qu'à droite), pour que la Wallonie ne puisse disposer de l'instrument de ces compétences dont on ne dit finalement que depuis peu si elle s'en sert bien ou mal (après l'avoir dissuadée depuis un siècle de jamais l'obtenir, vu que les mêmes doctes jugeaient qu'elle ne pourrait s'en servir). Dans les années 90, avec l'appui et le concours de la théorie flamande des transferts, avec l'appui et le concours des fusionneurs Région/Communauté (et l'appui marginal des rattachistes), on a surtout dit des Wallons qu'ils étaient des incapables et que leur liberté ne les conduirait qu'à leur néant de fainéants. Comment « la gauche » - la vraie serait-on tenté de dire - , la gauche wallonne (et non pas francophone), en particulier peut-elle oublier ces deux décennies d'humiliation ? Il faudrait bien plutôt montrer historiquement (le mot a toute son importance), que c'est seulement depuis le début du XXIe siècle (autour du Contrat d'Avenir et du Plan Marshall) que la question de savoir comment la Wallonie peut se redresser se pose utilement. Avant on en ricanait.