Moins de Belgique, plus de Wallonie
Editorial de la revue TOUDI
Le texte du Communiqué du Mouvement du manifeste Wallon (à lire sur cette page Actualités), exprime une position proche de la revue. Comme le disent les Professeurs Courtois et Pirotte dans Vers un au-delà de la Belgique ? Un point de vue régionaliste wallon , le cadre belge actuel est intéressant pour la Wallonie dans la mesure où il lui permet, sans risques inutiles et avec la lenteur qu'on met à construire les choses humaines essentielles, de bâtir une Wallonie de plus en plus autonome.
Cette lente affirmation de la Wallonie a besoin du cadre belge, mais nous ne le disons pas par attachement nationaliste, ni à la monarchie (évidemment) ni à la nation belge (pas davantage). Nous n'oublions simplement pas que c'est dans ce cadre que se sont bâties deux choses essentielles pour la gauche et la démocratie: la pratique de la concertation entre grandes forces sociales organisées (syndicats de travailleurs, associations d'indépendants et de patrons, syndicats paysans), la Sécurité sociale.
La Belgique peut bien disparaître. Mais la concertation sociale et la Sécurité sociale de même que son financement peuvent continuer à être organisés dans ce cadre en voie de disparition qui va faire place à une Confédération d'Etats, d'ailleurs déjà en place puisque de nombreux traits de confédéralisme marquent le fédéralisme belge. D'une certaine façon la Sécurité sociale n'est pas belge, elle est le fruit des luttes des travailleurs wallons, flamands et bruxellois. Même si, dans beaucoup d'Etats fédéraux, la Sécurité sociale n'est pas de compétence fédérale, chez nous, la Sécurité sociale a été conçue dans le cadre de l'Etat unitaire et est devenue effective par l'arrêté du Régent du 31 décembre 1944 après une guerre qui, comme le disait Charles Plisnier, avait fait craindre la disparition de la Liberté et de l'Esprit.
Flamands et Wallons sont liés par ce pacte social depuis près de trois-quarts de siècle et le mécanisme même de cette solidarité ne peut se concevoir que sur le long terme, car il implique la solidarité non seulement entre nationalités différentes, mais également entre générations différentes. C'est-à-dire que, avec les progrès de l'Humanité d'aujourd'hui, elle s'envisage sur une période qui pourra peut-être même un jour excéder un siècle. Tout le monde sait bien que, tandis que la Wallonie, à l'horizon 2050-2060, ne perdra quasiment rien de sa population active, la Flandre, elle, en perdra une proportion considérable (voyez dans Les mensonges sur les fins de carrière le dernier paragraphe Un raisonnement social et un raisonnement wallon), ce qui alourdira gravement la charge des pensions à payer. D'autant que ces pensions devront être payées dans une Flandre qui a connu jusqu'ici une récente et très importante prospérité. Et la Wallonie a besoin de fortifier sa jeune convalescence qui tient au fait qu'elle s'est arrachée il y a trop peu de temps à un Etat unitaire où la Flandre confisquait à son profit tous les investissements productifs.
Il n'est pas interdit de penser non plus que la Flandre - dans le même raisonnement qui inclut le long terme et même plus que le long terme - a avantage, pour la conservation de sa langue (sur laquelle elle nourrit une angoisse vraiment très profonde), à continuer à la parler dans une saine confrontation avec la Wallonie qui est sans doute le pays du monde non néerlandophone où le néerlandais est le plus parlé et le mieux compris. C'est peut-être très paradoxal, mais c'est ainsi.
La Wallonie a, dans le sens qui vient d'être rappelé, de moins en moins besoin de la Belgique et elle n'en aura bientôt plus besoin tout en restant liée -mais librement - à Bruxelles et à la Flandre.
José Fontaine