BP: le pétrole jusqu'à l'horreur
[Nous recevons par un ami cette "Lettre socialiste" de Robert Falony que nous désirons évidemment diffuser. Elle est précédée par ces mots: Pas de vacances pour cette lettre, avec tant d' événements ! En cas d'accord sur la démarche et le sens, vous pouvez aider à sa diffusion et transmettre. ]
C'est probablement la plus grande catastrophe écologique de tous les temps, hormis Tchernobyl. Depuis le 20 avril, nul ne sait quelle masse de tonnes de pétrole ont été répandues dans le golfe du Mexique après l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon. L'administration américaine a fait une évaluation : jusqu'à dix millions de litres par jour (60.000 barils de brut).
British Petroleum, multinationale fondée en 1954 sur les ruines de l'Anglo-Iranian, et adossée solidement au gouvernement britannique, n'a cessé de mentir, de dissimuler, de tricher. D'abord sur les causes du désastre, il est avéré maintenant que la sécurité a été sacrifiée sur l'autel du rendement , que des pressions sont exercées sur des techniciens pour dissimuler la vérité. Ensuite sur sa capacité à sceller la fuite : BP a été d'essais en tentatives, avec ses entonnoirs, ses coupoles, ses pompages. A l'heure ou ces lignes sont écrites, il n'est pas sûr que tout soit colmaté.
La vérité première est que les sociétés pétrolières, avides de forer toujours plus loin en haute mer, à grande profondeur, ne maîtrisent pas la technologie nécessaire pour faire face à ce type de catastrophe, ce qui ne les empêche pas de programmer de nouvelles recherches, y compris dans les zones arctiques.
Pour faire bonne mesure, il y a aussi une marée noire en Chine, et une autre, polluant les cours d'eau, au Nigeria.
L'histoire des compagnies pétrolières depuis le dix-neuvième siècle est une histoire de sang, de guerres, de complots. Mais le lobby pétrolier est toujours aussi actif à travers le monde. L'administration Obama ose-t-elle timidement décider un moratoire sur les forages pétroliers en haute mer ? Le lobby s'agite, dénonce... Il oppose les emplois liés au pétrole à ceux, durement éprouvés en Louisiane et ailleurs, qui dépendent de la pêche ou du tourisme. Il conteste la dégradation climatique, alors même qu'une sécheresse inouïe frappe la Russie, que la Chine est la proie des inondations, tandis que l'hiver austral est sévère en Amérique latine. Tout cela est sans doute « exceptionnel »... et le lobby s'efforce d'enterrer le processus de Kyoto. Les négociations en cours après l'échec de la conférence de Copenhague ne sont nulle part.
BP doit vendre des actifs pour faire face aux vingt milliards de dollars nécessaires à l'indemnisation des populations du sud des Etats-Unis, aux dégâts à l'environnement. Elle cède des installations en mer du Nord, qui vieillissent et suscitent la peur d'une marée noire du même style. Il faudrait une autorité publique mondiale pour contrôler et réguler tout cela. Mais seul compte le redressement de l'action BP.
La dépendance au pétrole dans l'économie mondiale doit être réduite, non sa production accrue. Il aurait fallu bien plus tôt prendre le tournant vers les énergies renouvelables. Le débat sur la « croissance » ou la « décroissance » est un faux débat, il s'agit de promouvoir une « croissance » d'un autre type, de sortir d'un productivisme insensé. Et cela vaut aussi pour les pays dits émergents, dont le modèle de société ne devrait pas être l'imitation et la reproduction de ce qui engendre les mêmes maux planétaires.