Cinéma en Wallonie
Le gouvernement wallon a décidé de mener une politique du cinéma en Wallonie. Cette politique est avant tout économique et vise à aider les tournages en Wallonie avec des perspectives de retombées sur le secteur HORECA par exemple et, bien entendu, sur le cinéma lui-même pratiquement exclusivement concentré à Bruxelles pour le moment. Il existe une structure wallonne publique de production Wallonie Image Production (WIP), qui distribue des subsides chaque année et qui est une sorte de diversification des aides allouées par la Communauté française, le WIP est la structure parallèle du CBA (Centre Bruxellois de l'audiovisuel) et se centre comme son parallèle bruxellois sur le cinéma documentaire. Bien entendu, l'initiative du gouvernement wallon est discutée au sein du WIP qui devrait y avoir un mot à dire.
Une étude réalisée par Mauro Soldani montre que sur sept années d'aides, de 1989 à 1996, le WIP a fortement avantagé les producteurs et les réalisateurs de Bruxelles (les réalisateurs bruxellois à 75,8% et les producteurs bruxellois, à raison de 63,3%). Le cinéaste et producteur liégeois Mauro Soldani a présenté cette étude à l'assemblée générale du WIP du 7 octobre. Il y a mis vivement en cause la politique du WIP et de ses responsables, le président Jacques Malpas et la Secrétaire Générale Christine Pireaux qui n'ont pas, à ses yeux, mené une véritable politique wallonne. A la suite de cet exposé et d'une discussion le WIP a voté à l'unanimité une résolution en faveur d'une politique de " préférence wallonne " qui ne sera pas exclusive mais qui serait de nature à mieux répondre à son objet social (le cinéma en Wallonie) parallèlement aux efforts déployés par le gouvernement wallon.
Que penser de cette étude? On peut discuter les chiffres et la manière dont ils sont établis (tel ou tel producteur est-il réellement " wallon " ou " bruxellois "?). Il y a une chose qui, par contre, est indiscutable, c'est que l'espace économique et culturel wallon est un désert cinématographique. Les plus autonomistes des membres du WIP sont bien obligés de le reconnaître, le problème se situe aussi en amont du WIP lui-même et des structures culturelles en général. Dans un climat qui ne favorise pas l'adhérence à la Wallonie (impasse sur son histoire et sa littérature à l'école, dans les médias etc.), peu de projets wallons parviennent sur la table des décideurs du WIP. Ceci étant dit, on a pu regretter que dans des réunions ultérieures, certains ajoutent des annotations ethniques à l'étude de Mauro Soldani, précisant que tel réalisateur est un Juif polonais, tel autre un italo-russe (concept étrange mais qui pourrait s'appliquer à notre ami Mauro Soldani lui-même).
Ce genre d'annotations est une manière d'insinuer que l'étude de Soldani serait à relents racistes. C'est la raison pour laquelle celui-ci a fait savoir qu'il se réservait de porter la chose devant les tribunaux. Ce n'est certainement pas la première fois que de telles accusations sont proférées contre les revendications wallonnes. Mais, heureusement à notre sens, cette fois, fort de l'unanimité recueillie en assemblée générale, fort du soutien de personnalités comme Jean Louvet et Jean-Jacques Andrien, le point de vue wallon l'emportera probablement. Et d'autant plus que la Wallonie a été constamment présentée dans la discussion non comme une " communauté ", mais comme un espace économique et social. Façon de présenter les choses qui était déjà celle du Manifeste pour la culture wallonne, mais qui s'est malaisément imposée, les conservateurs et centralisateurs belgicains ayant beau jeu de dire que l' " ethnique " était prépondérant à partir du moment où le terme " wallon " était employé. Or, si ce terme inclut bien entendu de l' " ethnique ", les dimensions spatiales, politiques et sociales - ouvertes par définition - y sont prépondérantes. Beaucoup de Wallons le savent depuis André Renard, mais on a toujours feint de l'oublier. Dans la mesure où Bruxelles et la Wallonie forment une société, les déséquilibres de toutes sortes n'y sont pas tolérables. Y remédier ne sera jamais la cause d'exclusion d'une quelconque origine ou nationalité. Au contraire, même et surtout, c'est en se définissant comme le vote unanime du WIP l'indique que la Wallonie reste un pays ouvert et accueillant. Ne serait-ce qu'en se donnant les moyens économiques de l'être.