Gabriel Ringlet « Un peu de mort sur le visage »

Toudi mensuel n°7-8, décembre 1997

Nous avons lu avec une perplexité sans cesse grandissante le dernier livre de Gabriel Ringlet Un peu de mort sur le visage (DDB,1997). Gabriel Ringlet est un écrivain, cela ne fait aucun doute et ce dernier livre du prêtre wallon et vice-recteur de l'UCL nous en persuade définitivement.

Mais nous nous demandons si cette manière de parler de la mort, avec le même sourire aux lèvres que pour un passage télé, n'est pas de nature à ensevelir ce que l'Evangile appelle " le feu sur la terre " sous des tonnes de sirop de Liège. Prenons un exemple de ceci. Gabriel Ringlet assiste un jeune mari dans ses derniers moments et ose une métaphore avec le travail du verre, métaphore liée aussi à l'histoire de cette prostituée qui répand sur les pieds de Jésus un parfum de grand prix. Voici ce qui est écrit d'un homme mourant du cancer en présence de sa femme: " Olivier devenait transparent. Le souffleur, de son souffle brûlant, lui faisait un corps de cristal. Un corps qui, à la fin, résonnait au moindre bruit et se transformait, petit à petit, en un vase de lumière et de silence. J'ai pris un peu d'huile. J'y ai mélangé du parfum. Un très bon parfum. Et je me suis approché d'Olivier. Claire tenait la Bible à la main: " Que tu es beau, mon bien-aimé, que tu es doux! Notre chambre est un champ que le cèdre surplombe, Et les genévriers font des lambris dessous " (Ct 1, 16-17). Olivier pleurait et souriait. Il nous a demandé de relire quelques versets de l'épître aux Ephésiens: " Soyez bons les uns pour les autres, Ayez du coeur, Pardonnez-vous mutuellement. " Nous avons fait silence. Le flacon brisé était lumineux. Je crois qu'un arc-en-ciel est entré dans la chambre " (pp 66-67).

On nous dit parfois que TOUDI est trop dur, manque à la charité, mais n'est-ce pas au contraire l'élémentaire charité qui nous oblige à rappeler à G.Ringlet, sur le plan chrétien notamment, qu'il est en train de démolir sa Foi en jouant à ces jeux de métaphores qui cachent l' écrivain derrière le virtuose de la plume, froideur incluse? C'est aussi la charité qui nous oblige à demander des comptes à celui qui, pendant vingt ans, à L'Appel comme à La Wallonie, a si souvent parlé de la Wallonie pour la taire aujourd'hui. Pourquoi laisser tomber un thème défendu avec tant d'enthousiasme vingt ans durant? Pourquoi se taire, aussi, sur les dérives des médias, même quand on est interviewé expressément là-dessus et alors que l'on a fondé l'ORM? Nous avions tous été émus par L'Eloge de la fragilité du même auteur. Ne commence-t-il pas à parler pour ne rien dire? Avec talent certes...

José Fontaine