Du kitsch nihiliste à la calomnie

Anne Morelli et son livre sur les mythes
République n°33, décembre 1995
Tuesday, 6 January 2009

Le succès du livre d'A. Morelli Les grands mythes de l'histoire de Belgique (EVO,Bruxelles, 1995) est le symptôme d'une maladie de la démocratie: "le vide". Dans la liste des best-sellers, chez nous, rarement le livre d'un auteur d'ici arrive en tête. Celui d'A. Morelli s'y maintient depuis des mois, succès qui fut jadis celui de Jo Gérard, succès d'un Jo Gérard à l'envers. Toute cette affaire atteint maintenant la diffamation et la calomnie. Lors d'une conférence à La Hulpe, le 9 novembre, A.Morelli présentait un dessin de Kroll où le roi demande si on a brûlé P.Mertens et A.Morelli. Comme beaucoup, Kroll s'est trompé. Dans la querelle avec cette partie de la famille royale méprisée dans l'imaginaire monarchien - la de Réthy et ses enfants -, P.Mertens joue le jeu de la monarchie et A.Morelli aussi, à sa façon. Ces démêlés ont détourné l'attention du jugement à porter sur l'oeuvre de l'écrivain. Mais font oublier aussi que le livre de Mertens est un hommage à Léopold III, digne de Jo Gérard, avec de frappantes similitudes: les silences sur l'Histoire quand elle dérange, la vraie question du 28 mai 1940 qui n'est pas celle de la cessation des combats mais du maintien politique de la Belgique dans l'alliance des démocraties, l'insurrection ouvrière de 1950 niée ou transformée en lutte tribale etc. P. Mertens n'a pas répondu à notre demande d'aider un livre qui ferait le point sur Grâce-Berleur. En quoi, comme ses amis le prétendent, contribue-t-il à "faire connaître l'histoire de son pays" (sic)? Morelli et Mertens font désespérer de la clarté des débats qu'on pourrait espérer voir se dérouler. Ces deux personnes sont le contraire de ce que tout le monde en a dit, à l'exception notable de P. Dartevelle dans Espaces de Libertés (voir ci-dessous) pour Mertens. Qu'A. Morelli s'identifie à P. Mertens est révélateur. L'un et l'autre pratiquent une sorte de "politique intellectuelle de la terre brûlée". Puisque la Belgique est enterrée, enterrons aussi Flandre et Wallonie. Nous ne tombons pas dans le travers que l'on peut dénoncer chez A.Morelli qui est d'attribuer des opinions perverses aux gens qu'on n'aime pas. La figure de la dénégation est la figure centrale du sentiment d'appartenance à la Belgique depuis la fameuse "belgitude". C'est ce qui a inspiré le fameux tableau mobile où l'on voit le roi et la reine saluer la foule de telle façon que leur geste se transforme un essuie-glace, repris par Verheggen en couverture de Les folies belgères. Se moquer de ses dieux est la forme la plus subtile des sentiments archaïques d'appartenance. On retrouve ce comportement chez les Grecs, entre autres. L'humour de Verheggen ou du "Cirque" liégeois est rafraîchissant (encore qu'équivoque). Mais chez A.Morelli, il n'y a que très peu d'humour et beaucoup d'arrogance, nous a-t-il semblé. Des Belges, belgicains moins subtils, sont navrés de cette contestation, mais cela nous indiffère. Notre confrère, et néanmoins ami, H.Vellut, de Père Ubu, de droite et belgicain, proposa, lui, une critique intelligente de Morelli. Il a été traité d'antisémite par la revue des EVO Inforlivres! La "base" de l'accusation est une caricature d'A.Morelli avec un nez qui fait penser à celui des Juifs aux pires époques. L'auteur de l'article d'Inforlivres a recherché là le sensationnel 1, un sensationnel d'abord odieux pour les Juifs eux-mêmes. Le terme d'antisémitisme est manié ici avec une légèreté qui, non seulement abîme la réputation de quelqu'un qui ne le mérite pas, ce qui est déjà grave, mais, surtout, abîme le terme lui-même. L'inflation du mot "fasciste" a produit partiellement cet effet que, en l'appliquant hors de propos, on le banalise et on jette la confusion. Traiter d'antisémite quelqu'un, à la légère, en 1995, c'est plus grave. S'il y a un domaine où ce n'est pas admissible, c'est celui-là. Jouer avec pareilles allumettes, c'est rallumer les feux des pires souvenirs. Halte-là! Revenons à Anne Morelli...

De la Critique au Soupçon

A partir du 18e siècle, la contestation critique (rationaliste, scientifique) des fondements idéologiques de la société se renforce, porte sur la religion, mais aussi sur toutes les autres formes de croyances et, finalement, avec Nietzsche, au 19e siècle, s'exacerbe et devient un refus de toute croyance, quelle qu'elle soit. Son fameux cri, "Dieu est mort!", vise toutes les représentations du monde, même athées (socialisme, libéralisme): elles ne sont que substituts aux croyances religieuses. La Critique, la Raison, la Science ne conduisent pas nécessairement à ce nihilisme, mais peuvent y mener par l'effet d'entraînement du doute, du scepticisme, de l'incrédulité - salutaires en un sens! - qui les animent. Le doute scientifique, critique, rationaliste devrait rester une méthode au service de la recherche, de la compréhension. Mais le doute peut devenir scepticisme généralisé: ce scepticisme généralisé, nihiliste se fonde sur le fait que toute affirmation dépend, chez celui qui l'énonce, d'un contexte, d'un intérêt, d'un préjugé etc. Or ce scepticisme généralisé est encore position, croyance. D'autant plus redoutablement qu'il ne se perçoit plus comme croyance et se considère comme critique! La proposition "rien n'est vrai" n'a pas de sens. Si elle dit "vrai", alors, ce qu'elle énonce (qu'il n'y a pas de vérité), s'annule. Les Cahiers Marxistes de février 2 montraient bien que ce scepticisme généralisé est tellement vide qu'il suscite le vertige d'un épouvantable désarroi: sectes et intégrismes l'ont bien vu et se ruent au secours des hommes effrayés par ce vide... Le fascisme va jusqu'à dire "Vive la Mort!". S'il n'y a "rien"... Cette attitude facile et dangereuse est fort répandue aujourd'hui, d'où le succès du livre. Spontanément, on ne croit en rien, surtout en histoire belge! Cette incrédulité que partage A.Morelli, aurait cependant besoin de se critiquer. A.Morelli l'ignore (ou s'y refuse?) avec superbe. Elle juge les historiens, justement en fonction du contexte où ils sont (furent) situés, de l'intérêt qu'ils ont (eurent) de défendre telle ou telle thèse. Et elle les condamnent parce que situés, dépendants d'un contexte, de pouvoirs. Mais, cette dépendance d'un contexte, A.Morelli le nie en ce qui la concerne, elle! C'est la contradiction fondamentale. Michel Foucault, remarque Habermas, considère toute science comme l'effet d'une volonté de pouvoir. Mais lui et ce qu'il dit de la dépendance à l'égard du pouvoir ne dépendent-ils pas du même phénomène? N'ont-ils pas à être frappés du doute du scepticisme généralisé dont il se revendique? Le scepticisme et la critique dogmatique sont situés aussi dans un contexte dont ils dépendent. A.Morelli le nie pourtant, revendiquant ainsi une indépendance divine. Dogmatisme et arrogance A partir de cette position orgueilleusement dogmatique et arrogante, elle tire à vue sur quelques misérables mensonges: Godfroid de Bouillon, Jacques Van Artevelde, le Duc d'Albe les Flamands de l'Yser, Destrée etc. 3 Quant à Albert Ier et 1830 (les mythes les plus belges comme par hasard), on dit surtout qu'Albert reste un grand homme et que la révolution de 1830 reste bien belge. Mais, c'est secondaire. L'essentiel, c'est l'esprit du livre. Pendant qu'Anne Morelli sabre dans ces mensonges microscopiques (baudruches mille fois dégonflées) et que le public francophone se rue sur son livre, au nord du pays, les historiens travaillent réellement à nous faire comprendre notre histoire (deux livres récents sur Léopold III et le collaborateur Romsée; le récit des événements de 1950 fait par un Flamand, Theunissen; l'enquête historique sur le meurtre de Lahaut a été écrite d'abord en néerlandais etc.). Quand on oppose à A.Morelli, au-delà de la critique, le besoin de compréhension globale du passé (donc du présent, du futur), elle oppose ce doute dogmatique que j'ai essayé de décrire, prétend qu'elle n'a nul besoin de certitudes etc. On pourrait lui rétorquer, avec Ferry, que les hommes ne se rencontrent pas "pour se dire n'importe quoi", comme dans La Cantatrice chauve. Pirenne a beau défendre une idée de la Belgique qui n'a plus cours (et qui n'est pas la mienne), il faut quand même lire et relire sa grande synthèse. Dans les sciences humaines et la philosophie, les pensées "dépassées" ne s'annulent pas comme dans le progrès technique où le train à vapeur supprime les diligences. Au contraire, le dialogue s'y impose entre positions différentes, mais aussi entre époques différentes. Entre des gens qui doivent admettre qu'ils sont tous situés, dépendants d'un contexte, en proie, inévitablement, à l'erreur, mais une erreur qui n'est jamais totale (au sens où la diligence est définitivement dépassée). L'identité d'aujourd'hui, individuelle ou collective, ne peut se fonder que sur ce dialogue où se confrontent des convictions et non sur un ping-pong de sceptiques échangeant leurs propres vides. Comme souvent les dogmatiques, Anne Morelli transforme la pensée de ceux à qui elles s'opposent et leur fait dire le contraire de ce qu'ils pensent. Dans la préface de son livre, elle affirme, sans se rendre compte de la malhonnêteté du procédé: "Un récent colloque sur le nationalisme wallon a bien montré que les Wallons se disent (souligné par A.Morelli) rarement nationalistes. Mais que prouvent les déclarations de Wallons se défendant d'être nationalistes, sinon qu'ils se disent (souligné derechef par AM) non nationalistes..." (ce qui sous-entend qu'ils sont nationalistes) 4. Que dirait Anne Morelli si on lui appliquait le même procédé: "Vous dites que vous n'êtes pas raciste à l'égard des Wallons, mais cela ne prouve qu'une chose, c'est que vous le dites" (ce qui sous-entendrait qu'elle serait bien antiwallonne)? La revue Inforlivres des EVO prétend que je ne décolèrerais pas à cause de l'attaque sur Destrée mais je connais mal Destrée et lui ai toujours préféré une figure comme celle d'André Renard. Johan Anthierens m'a fait découvrir dans Tricolore Tranen le texte où, au lendemain de la mort d'Albert Ier, Destrée en disait ... trop de bien. D'ailleurs Anne Morelli n'en a jamais fait mystère: son livre avait comme but de combattre ceux qui parlent de l'identité de la Wallonie5. Ce qui dérange fondamentalement dans le livre d'Anne Morelli, ce n'est même pas qu'il soit une attaque injuste et mensongère de la Wallonie et de ceux qui veulent la construire (en les assimilant aux racistes: malgré les dénégations d'Anne Morelli, c'est bien ce qu'elle a déclaré à Mons en octobre 94, voyez la note (4) et la note (5)). C'est qu'il y a des procédés malhonnêtes qui vont encore plus déconsidérer l'histoire. C'est que les sciences humaines, en général, sont ravalées, sous sa direction, à une espèce de flicaille de l'esprit. C'est que, dans un pays où la théorie est déjà méprisée, la mémoire presque impossible et le sens de l'identité bafoué, son livre sert très directement ceux qui ont intérêt à saper les racines de l'esprit républicain et démocratique. J'ai été tout aussi sévère à l'endroit du livre de François Perin Histoire d'une nation introuvable (Bruxelles, 1988) parce que, très fondamentalement, il me semblait aussi injuste vis-à-vis des sciences humaines que les outrances d'Anne Morelli. Mais Perin est un juriste. Anne Morelli est une historienne. Elle a moins d'excuses.

La nécessité de la théorie en sciences humaines

En fait de mythes, Anne Morelli adhère à celui du fait pur, de l'action sans réflexion: elle ne ferait de la philosophie que sur une île déserte! 6. Il n'y a qu'en Belgique qu'un représentant des sciences humaines oserait une telle bourde. Ce que tous les grands contemporains des sciences humaines ont en commun c'est, sinon une philosophie (on ne prêche pas ici pour une chapelle de l'esprit), au moins une théorie. Pas un dogme ni une idée préconçue ni un a priori. Pas de la philo au sens strict (mais cela interpelle la philo): une pensée vaste, cohérente, souple, sujette à caution évidemment, mais permettant de lier les faits entre eux: la longue durée chez l'historien Braudel, l'inconscient chez Freud, l'éducation légitime chez le sociologue Gellner etc. Chacune de ces théories peut être (re)mise en cause. Mais en affichant la couleur (et non en se présentant dogmatiquement comme incarnant la Critique pure), ces auteurs se prêtent à la discussion, la relancent. En lieu et place de cela, A.Morelli nous propose un vide où ne surnagent que quelques misérables petites erreurs. Après avoir lu son livre, on en sait encore moins sur la Belgique et son histoire. Il est pratiquement certain que tout projet de compréhension historique, tout projet d'histoire qui a à nier, sans doute, mais aussi à affirmer, verra désormais s'opposer, encore plus, ce qu'A.Morelli croit être l'esprit "critique" et dont la Belgique francophone doit être la championne. On était déjà très incrédule face aux simplismes outranciers de notre histoire. On le sera encore plus à l'égard de toute démarche historique comme on l'est déjà - dramatiquement - à l'égard de tout projet politique humain qui s'ancre, précisément, dans une histoire, liant passé, présent et avenir, dans des convictions. Bref, avec A.Morelli, le vide s'est encore un peu plus ouvert. Dans ce vide, il n'y a place pour rien, en tout cas pas pour la République qui suppose convictions et confrontations de convictions. Les sociétés humaines ont horreur de ce vide qui appelle le fascisme. La passion sincère avec laquelle Anne Morelli défend les pires contre-vérités m'émeut cependant, je l'avoue. Mais son succès participe d'un état d'esprit qui mène au pire. Sa "critique" tue la Critique. Jo Gérard à l'envers ou Jo Gérard à l'endroit, c'est toujours Jo Gérard. Foutu pays!

(1) E.Wattecamps Grands mythes... du placard au papier, in Le livre/inforlivres, pp 1 et 4, novembre 1995, mensuel récemment lancé par les EVO. (2) Adolfo Abascal-Jaen, Messianisme chrétien, ou volupté apocalyptique in Parcours dans le monde catholique in Cahiers marxistes, n° 197, fév 1995 pages 101-120. (3) Passons sur Ambiorix - Ambiorix! - Clovis, Godfroid de Bouillon et autres vieilles lunes (la moitié du livre!). Le bouquin insiste sur le fait qu'aucun soldat flamand de l'Yser ne s'est fait tuer parce que ne comprenant pas le français. La vérité de ce "mythe" est ailleurs: dans le mépris pour leur langue de jeunes gens qu'on envoyait mourir pour un pays ne reconnaissant pas celle qu'ils parlaient. Souvent, les "mythes" sont démontés (?) comme cela, à partir d'un détail insignifiant (le drapeau belge d'aujourd'hui ne date pas de 1830 mais de 1831: et alors?). Sur Destrée, c'est pire encore et on y traite les gens de l'Institut du même nom de malhonnêtes parce que l'on n'a simplement pas lu ce qu'ils disent et redisent: l' "antisémitisme" de Destrée, son attachement à la Belgique qui est le fait de tous les militants wallons d'alors etc. Il y a des auteurs qui sauvent cependant la mise (Thielemans, Stengers malgré tout, des historiens flamands, pas les historiens liés à des institutions wallonnes car ils sont complètement absents du livre, c'est curieux). (4) Au colloque de Mons sur l'Europe, la citoyenneté et la culture le 21 octobre 1994, elle affirma même que les défenseurs de l'identité wallonne étaient racistes puisqu'ils rattachent cette identité à un "tronc génétique". Nous avons soigneusement noté cette expression par écrit au moment où son auteur s'en servit. On ne peut pas être plus clair: il s'agit de diffamation pure et simple. (5) A ce même colloque de Mons, elle déclara que son livre avait ce but. La chose était d'autant plus frappante qu'elle avait été invitée à parler de l' l'identité européenne et qu'elle termina son intervention par une diatribe antiwallonne à laquelle personne ne s'attendait et qui fut la seule allusion à la Wallonie du colloque (voir République n° 23-24, p.12). Effectivement, ce livre a surtout heurté des Wallons, mais à travers le seul Destrée. Il y avait bien d'autres choses à faire, come l'a souligné notre ami bruxellois JC Pirnay. Mais à voir la médiocrité de l'article sur Destrée, on se demande si le livre n'aurait pas été encore intellectuellement plus malhonnête. (6) C'est ce qu'elle a déclaré à l'émission "Nom de Dieu" de la RTBF le 12 novembre.

La dérision des Belges par P.Dartevelle

Pierre Mertens a donc dû retirer quelques passages de son livre Une paix royale suite à la décision d'un tribunal parisien requis par la princesse Lilian dite de Belgique (...).Trois ou quatre passages supprimés, ce n'est pas ordinaire ces dernières décennies et ça vous a un parfum de 19e siècle (...). Mais je doute qu'il y ait là matière à engendrer une nouvelle affaire Rushdie. C'est vrai qu'on n'est pas autorisé à tout dire, absolument tout dire, n'importe comment. On ne peut, par exemple, diffamer et c'est très bien ainsi. Diffamer, c'est attenter à la réputation d'autrui en lui imputant des actions qu'il n'a pas commises ou des propos qu'il n'a pas tenus et qui pourraient donner de lui une image négative. Heureusement pour Pierre Mertens, le délit inverse, donner de quelqu'un une vue positive contre toute vérité, n'existe pas. Systématiquement, il donne dans son roman une image compréhensive sinon positive de Léopold III et il réserve ses mesquineries aux hommes politiques, comme Paul-Henri Spaak qui, à Londres, compensait par des parties de golf dominicales les ravages que son coup de fourchette faisait toute la semaine... Triste, triste. Que Léopold III n'ait pas eu tort de capituler soit, mais pour le reste voilà une présentation bien surprenante et qui s'accommode aisément des travaux historiques les plus récents, y compris l'un qui démontre les sentiments antisémites et antimaçonniques du Roi. (...) Dans Une paix Royale, tout est dérisoire. L'univers belge paraît réduit à Merckx et aux mesquineries des annexes du palais royal. Peut-être au fond, le portrait est-il fidèle. Si c'est le cas, il est plus qu'inquiétant, même s'il ne faut pas prendre pour argent comptant les ors de l'académie française et les lambris d'Oxford. Le seul point positif de l'affaire - le livre et le procès - c'est qu'au fond, malgré ses deux protagonistes, elle devra bien forcer les Belges à se questionner sur ce que leur apporte une monarchie qui leur a valu bien des mécomptes dans le passé et dont le présent paraît rejoindre les monarchies calamiteuses d'Europe, le côté amusant en moins. Une paix royale est un roman. La couverture nous le dit et, de fait, l'oeuvre a, dans son ensemble, une indubitable tournure littéraire. Elle est largement autobiographique sans doute, mais on ne voit pas ce que cela empêche (...)

Patrice Dartevelle

(Editorial de Espaces de Libertés, novembre 1995. P.Dartevelle souligne ensuite le danger pour la liberté d'expression de la sentence parisienne.)

  1. 1. E.Wattecamps Grands mythes... du placard au papier, in Le livre/inforlivres, pp 1 et 4, novembre 1995, mensuel récemment lancé par les EVO.
  2. 2. Adolfo Abascal-Jaen, Messianisme chrétien, ou volupté apocalyptique in Parcours dans le monde catholique in Cahiers marxistes, n° 197, fév 1995 pages 101-120.
  3. 3. Passons sur Ambiorix - Ambiorix! - Clovis, Godfroid de Bouillon et autres vieilles lunes (la moitié du livre!). Le bouquin insiste sur le fait qu'aucun soldat flamand de l'Yser ne s'est fait tuer parce que ne comprenant pas le français. La vérité de ce "mythe" est ailleurs: dans le mépris pour leur langue de jeunes gens qu'on envoyait mourir pour un pays ne reconnaissant pas celle qu'ils parlaient. Souvent, les "mythes" sont démontés (?) comme cela, à partir d'un détail insignifiant (le drapeau belge d'aujourd'hui ne date pas de 1830 mais de 1831: et alors?). Sur Destrée, c'est pire encore et on y traite les gens de l'Institut du même nom de malhonnêtes parce que l'on n'a simplement pas lu ce qu'ils disent et redisent: l' "antisémitisme" de Destrée, son attachement à la Belgique qui est le fait de tous les militants wallons d'alors etc. Il y a des auteurs qui sauvent cependant la mise (Thielemans, Stengers malgré tout, des historiens flamands, pas les historiens liés à des institutions wallonnes car ils sont complètement absents du livre, c'est curieux).
  4. 4. Au colloque de Mons sur L'Europe, la citoyenneté et la culture le 21 octobre 1994, elle affirma même que les défenseurs de l'identité wallonne étaient racistes puisqu'ils rattachent cette identité à un "tronc génétique". Nous avons soigneusement noté cette expression par écrit au moment où son auteur s'en servit. On ne peut pas être plus clair: il s'agit de diffamation pure et simple.
  5. 5. A ce même colloque de Mons, elle déclara que son livre avait ce but. La chose était d'autant plus frappante qu'elle avait été invitée à parler de l' l'identité européenne et qu'elle termina son intervention par une diatribe antiwallonne à laquelle personne ne s'attendait et qui fut la seule allusion à la Wallonie du colloque (voir République n° 23-24, p.12). Effectivement, ce livre a surtout heurté des Wallons, mais à travers le seul Destrée. Il y avait bien d'autres choses à faire, come l'a souligné notre ami bruxellois JC Pirnay. Mais à voir la médiocrité de l'article sur Destrée, on se demande si le livre n'aurait pas été encore intellectuellement plus malhonnête.
  6. 6. C'est ce qu'elle a déclaré à l'émission "Nom de Dieu" de la RTBF le 12 novembre.