Du "neutre" REGION WALLONNE au "vivant" WALLONIE

dimanche, 4 avril 2010

Albert Henry a expliqué par avance l'importance de la décision du gouvernement wallon du 1er avril 2010


Dans la dernière édition de son livre Histoire des mots WALLON et WALLONIE Albert Henry expliquait toute l'importance (sur le plan si humainement important de la communication au sens noble, pas seulement la « com »...), du mot Wallonie. Albert Henry remarque que tant en 1970 qu'en 1988 le Constituant belge a choisi de parler de la Wallonie en utilisant l'expression Région wallonne.

Il écrit, admirablement bien en conclusion du chapitre consacré au mot WALLONIE: « En 1988, le terme Wallonie, tout en continuant à faire référence à la réalité géo-sociale (...) , évoque donc, en plus, une réalité politique et administrative constitutionnellement reconnue ; mais il n'a toujours pas été, jusqu'ici, officiellement institutionnalisé : à ce nom d'usage courant, correspond, dans les textes constitutionnels, législatifs ou administratifs, l'expression Région wallonne. Est-ce un produit de la nostalgie unitariste, Région wallonne, expression affectivement neutre, évoquant beaucoup moins la notion d'entité vivante que le terme Wallonie, bien plus chargé de rancoeurs, de désirs, de passions et d'histoire... ? » 1

On peut estimer qu'il faut enlever le point d'interrogation de 1990 écrit par Albert Henry. La réaction immédiate d'un journal comme Le Soir qui semble vraiment hostile à cette manière de « consacrer » la Wallonie 2, a été la suivante, autant la citer in extenso [Le Soir du 2 avril 2010],

Ne dites pas guerre des bassins, dites Wallonie. Ne dites pas mauvaise gouvernance, esprit principautaire ou sillon industriel ravagé, dites Wallonie. Ne dites pas nids-de-poule, enrobé drainant défectueux ou travaux inutiles, dites Wallonie. Ne dites pas chômage record, taux d'illettrisme et entreprises en difficulté, dites Wallonie. Ne dites pas « Standard champion », dites Wallonie. Ne dites pas querelles de clochers, logement social sans le sou et canaux embourbés, dites Wallonie. Ne dites pas poste frontière d'Hensies (en ruines), friches industrielles et casernes luxembourgeoises (dans le viseur), dites Wallonie.
Conclusion : derrière le poids d'un mot, reste le choc de certaines réalités persistantes et qu'il reste à dépasser. (signé E.D. le vendredi 2 avril en commentaire du passage de Région wallonne à Wallonie).

On peut utiliser ces termes en les adaptant à la réalité de pays, de collectivité ou de simples institutions (comme Le Soir par exemple), ce seront toujours des textes haineux, même si E.D. a mis les choses à l'envers. Quand on veut exprimer sa haine, on dit « Ne dites pas Allemagne, dites pays de génocidaires. » ou « Ne dites pas LE SOIR, dites le plus grand quotidien belge ayant collaboré avec les nazis. » ou « Ne dites pas Serbie, dites épuration ethnique. », ou « Ne dites pas enseignants, dites profiteurs de la vie. » « Ne dites pas prêtres, dites métier à haut taux de pédophiles. » « Ne dites pas pauvres, dites incapables », « Ne dites pas laïcité, dites ennemis de la religion » et on pourrait continuer longtemps ainsi... N'en déplaise à Eric Deffet, il faut continuer à dire (à notre sens), par exemple Le Soir, Allemagne, Serbie, prêtres, laïcité etc. Et Wallonie.

Soulignons aussi que le remplacement des mots « Région wallonne » par « Wallonie » n’est pas une orientation que le gouvernement préfère, souhaite… mais qu’il a bien décidé qu’il en serait ainsi pour lui-même et son administration. Voici le mot « Wallonie » enfin consacré. Les grandes décisions politiques passent par les mots. Tant que les termes « Région wallonne » étaient utilisés, on pouvait encore supposer que c’était une réalité administrative un peu étrangère à l’humain et à la vie. Il n’en va plus de même aujourd’hui. L’avènement d’un mot est toujours important. Seuls ceux qui ne comprennent rien à la communication entre les êtres humains en douteront. La politique comme l’amitié (aurait dit Hannah Arendt), l’amour et toutes les grandes choses humaines utilisent des mots et avec attention, prudence, désir, amour, amitié, philia. Car se tromper sur les mots, c’est se tromper sur les choses et même, au-delà des choses, sur l’humain.


  1. 1. Histoire des mots WALLON et WALLONIE, IJD, Charleroi, 1990, p. 17.
  2. 2. Voir le terme de « consécration » utilisé dans cette « note d'orientation » du Gouvernement wallon du 11 mars: Note d'orientation