La ville comme corps, la ville comme hôpital

ou contrôle et rationalisation des espaces et des corps au service d'une algerie coloniale
Toudi mensuel n°74, février-mars-avril 2007

I. Le mal, la maladie, la mort dans l'Algérie de la conquête et de la colonie. La peur coloniale de la contamination par l'Indigène :

Les thèmes majeurs d'une grande partie de la littérature française du XIXème siècle consacrée à l'Algérie convergent autour de l'idée centrale de la menace d'une ville irrationnelle, insalubre et en ruine.

Face aux villes préexistantes vues comme inintelligibles et labyrinthiques, le Corps expéditionnaire a d'emblée brisé leurs structures, ouvert leurs formes, entrepris destructions et modifications architecturales de plus ou moins grande ampleur. Au-delà d'une logique militaire, ces pratiques du vainqueur ont obéit aux phobies de la mort et de la maladie, de l'impur et, d'une certaine manière, de la corruption de l'âme - de son fond chrétien - au contact de l'Islam. Enracinées pour certains de leurs aspects dans l'ancienne mémoire des Croisades, ces phobies ont depuis longtemps été reliées entre elles et réactualisées dans une mythologie et une fantasmagorie de conquête et de colonisation françaises.

1. Méconnaître, connaître et reconnaître :

La confrontation coloniale à l'Algérie a donné lieu à un grand et double effort de connaissance et de propagande - de mise en ordre et de représentation à la fois scientifique et artistique obéissant à l'idéologie et au contrôle des idées et de leur diffusion. La propagande a contribué à entretenir un certain manque de connaissance à l'égard du pays, du moins dans un premier temps au yeux de l' « opinion publique » de la société métropolitaine. Les renseignements validés par l'observation ont été dilués et rendus plus stéréotypés voire fantaisistes. Alger, par exemple, a depuis longtemps été décrite comme "une cité couronnée de citadelles, habitée seulement par les Barbares et leurs mercenaires, une île horrifiante entourée d'un désert infesté par les lions, chacals, serpents et autres scorpions mortels".

Cette mystification a néanmoins stimulé l'attrait d'un monde autre, symbolisé par un Orient mystérieux qui a de près ou de loin fortement imprégné les artistes, les hommes de lettres et les voyageurs européens, et a durablement stimulé la volonté durable de savoir de ces élites.

Après 1830, la suppression brutale du système politique antérieur et l'idéalisation romantique de cet Orient conquis mais apparaissant encore secret, ont renforcé l'auto-représentation naïve des colonisateurs français comme chargés de la « Mission civilisatrice ». Dans le désir d'être acceptés comme les libérateurs d'un carcan séculier et archaïque, ceux-ci ont multiplié les tentatives de projeter chez les Autochtones une image d'eux à l'inverse de celle des Turcs qu'ils voyaient et voulaient faire voir comme des oppresseurs.

C'est en ce sens dualiste que nombre de voix importantes - parmi lesquelles M. Clermont-Tonnerre -, se basant sur le rapport de reconnaissance de Boutin consacré à Alger, ont suggéré, dès la conquête consolidée de la ville, une politique fondée sur des principes de tolérance religieuse, de justice et de générosité, opposés au « fanatisme, à l'injustice, à l'oppression et à la malhonnêteté » attribuées traditionnellement au gouvernement turc - ottoman. Nous pouvons retrouver là, en germes, la tentative de traduire les principes de liberté, d'égalité et de fraternité que la France s'était donnés depuis la Révolution de 1789. Fonctionnant comme autant de lignes de fuite de la perspective d'une France meilleure et seconde, dessinée après 1870, ces principes n'ont eu hélas que peu d'effet dans la réalité coloniale. C'est ainsi que, durant la longue période d'expérimentation et d'adaptation progressive aux conditions - le plus souvent perçues comme exotiques - de la conquête, certaines des premières attitudes négatives vis-à-vis des Algériens se sont rapidement confirmées, et les contradictions inhérentes à la Mission civilisatrice de 1830 commencèrent à se manifester concrètement dans la gestion des populations et des villes.

Aussi, les archives administratives, ainsi que presque tous les aspects du gouvernement vaincu ont été détruits, privant du coup les nouveaux occupants de la précieuse expérience politique et administrative de leurs prédécesseurs. L'élimination d'un minimum de connaissance et de transfert progressif de pouvoir (gestion urbaine et sociale, Etat - civil, etc.) et l'incompétence initiale des administrateurs militaires a généré davantage d'arbitraire, d'injustice (volontaire ou non) et de désordre.

2- Percer et ouvrir. La ville indigène comme corps de femme :

« Pour exécuter le reste, il faudrait attaquer maintenant l'intérieur de la ville »: dans une série d'éditoriaux de la revue La Quinzaine coloniale, la polémique du projet d'haussmannisation de O. Redon, ingénieur de la municipalité, est rapportée sous le titre de "L'embellissement d'Alger". Ce projet, "qui éventrait les vieux quartiers, en faisant disparaître les réduits obscurs et malsains", est pensé comme le moyen nécessaire et rationnel d'extirper la maladie de la ville indigène. Il renvoie à la puissance opératoire et récemment constituée de l'autorité sanitaire et hygiéniste chargée du contrôle et de l'assainissement de la ville comme forme vivante.

La métaphore de la ville comme corps humain (à soigner et à guérir), aux racines toujours plongées dans la dimension mythique de l'Habiter, continuait donc de fonctionner en Europe, dans la pensée urbaine du XIXème siècle et, de manière différente, au Maghreb. Le discours technique et instrumental de la purification moderne de la ville-organisme du Moyen - Age, de sa transformation en ville de la Raison puis en "ville-capital(e)" issue de la première révolution industrielle s'est opposé, pour le vaincre, à celui, de sacralisation, de la Madina et du Bayt, fondé sur la trilogie classique « maison - sanctuaire - corps humain ». Ces deux logiques culturelles renvoient au fond aux notions archétypiques du pur et de l'impur, dont les représentations symboliques sont directement liées à l'expérience con-sacrée du corps.

En réexaminant, à travers les textes, les plans et les dessins de l'époque, les premiers travaux entrepris à Alger, nous saisissions mieux encore la logique militaire qui en sous-tendait les préoccupations et les intentions. Cette logique du Génie militaire, qui allait naturellement se reproduire au contact des autres villes et territoires à organiser, en se constituant progressivement comme véritable savoir-faire colonial, s'appliquait alors essentiellement à surimposer au tissu préexistant un tracé stratégique et efficace de nouvelles voies de communication. A partir de ce tracé prioritaire, tant sur le plan militaire qu'économique, étaient distribués les dispositifs de contrôle et de défense : construction d'infrastructures et de bâtiments militaires, établissement de réglementations de la voirie et des forêts environnantes, etc. Les destructions importantes et la transformation partielle du bâti en une typologie majoritairement banale d'édifices européens, d'une part, l'élargissement et la rectification de plusieurs rues avec l'aménagement d'espaces monumentaux telle la grande Place d'Armes à Alger, d'autre part, correspondent à l'ouverture empirique et systématique de la structure construite de la ville, à sa pénétration et à son ensemencement :

"Leurs mots, couchés dans des volumes perdus aujourd'hui dans des bibliothèques, présentent la trame d'une réalité "monstre", c'est-à-dire littéralement offerte. Ce monde étranger, qu'ils pénétraient sur le mode quasiment sexuel, ce monde hurla continûment vingt ou vingt-cinq années durant, après la prise de la Ville Imprenable... Et ces officiers modernes, ces cavaliers aristocrates si efficacement armés, à la tête de milliers de fantassins de tous bords, ces croisés du siècle colonial submergé par tant de clameurs, se repaissent de cette épaisseur sonore. Y pénètrent comme en une défloration."

Pourtant, le 5 juillet 1830, la capitulation d'Alger est signée et le Comte de Bourmont parafe le traité qui stipule notamment que

"L'exercice de la religion mahométane restera libre. La liberté des habitants de toutes les classes, leur religion, leur commerce et leur industrie ne recevront aucune atteinte; leurs femmes seront respectées."

Forte de cette convention signée, l'Armée expéditionnaire s'installe donc. Elle cherche à se loger dès les premiers jours. La transformation de la ville peut commencer: les militaires annoncent dès le 10 août 1830 que les chariots à 2 et 4 roues peuvent accéder au port depuis les portes de Bâb el Oued et Bâb Azzoun, en passant par les rues du même nom puis celle de la Marine. Ces élargissements ne suffisent cependant pas et il faut une place d'armes pour les vainqueurs et leurs mouvements de troupes, un lieu central permettant le contrôle de la ville et son expression. Si les destructions sont rapides, la réalisation de cette « place du Gouvernement », bordée par la mosquée de la Pêcherie, révèle pourtant un des premiers conflits entre l'Administration civile et le Génie militaire autour de la question notamment de la conservation.

Nombre de mosquées, palais et maisons ont été convertis respectivement en églises et hôpitaux, quartiers militaires et habitations jugées "décentes". A Constantine, deuxième grande ville d'Algérie conquise après deux expéditions militaires (coûteuses en vies humaines) et une résistance acharnée face à la Légion étrangère, la mosquée attenante à Rahbet souf, la place réaménagée du « marché de la laine », est transformée en 1853 en hôpital civil. On assiste là aussi à la profanation des lieux religieux et cultuels préexistants à leur reconversion:

"Nous avons profané sans ménagement les temples, les tombeaux, l'intérieur des maisons (...). On continue de s'emparer de mosquées pour en faire des salles d'hôpitaux, des magasins et des églises; plusieurs même ont été fermées sans destination; quant à la démolition des propriétés, c'est une chose qui ne paraît pas avoir de terme prochain. "

Une sorte d'inversion fonctionnelle s'applique aux lieux importants de mémoire des villes conquises, les déchargeant du même coup de leurs contenus symboliques collectivement partagés depuis des siècles. Répondant d'abord à des impératifs fonctionnels aux yeux des officiers, cette inversion cherche ensuite à séparer les Autochtones de leurs structures identitaires dans le but (littéralement aliénant) de leur francisation. Elle met en oeuvre les règles de dissociation et de désorientation - étudiées par Claude Lévi - Strauss chez les lointains Bororo - érigées comme principes stratégiques de l'action coloniale sur l'espace algérien et sa population.

Lisons à ce titre un extrait du Chant des Arabes sur la prise d'Alger exprimant bien la perception indigène de l'action coloniale:

"Les chrétiens sont entrés dans Alger!

les palais du Sultan et de ses écrivains,

ils les ont habités ces maudits,

(...) ô regrets sur Alger, sur ses palais,

et sur ses forts qui étaient si beaux!

ô regrets sur ses mosquées, sur les prières qu'on y priait,

et sur leurs chaires de marbre

d'où partaient les éclairs de la foi!

ô regrets sur ses minarets, sur les chants qui s'y chantaient,

sur ses tolbas, sur ses écoles, et sur ceux qui lisaient le Koran!

ô regrets sur ses zaouyas dont on a fermé les portes,

et sur ses marabouts, tous devenus errants!

ô regrets sur ses kadis et sur ses savants muphtis,

Honneur de la cité, qui faisaient prospérer la religion!

Ils sont partis, pensifs dans leurs pensées,

Ils se sont dispersés dans les tribus.

Oh! Les malheureux!

Leurs chevaux attachés dans nos mosquées ".

Et plus loin:

"Oui, Dieu prendra pitié des croyants dans la peine,

Il rétablira l'ordre,

Les chrétiens s'éteindront

Et Il chassera nos corrupteurs.»

Cette ouverture technique de la ville autochtone, qui inaugura le projet de sa mise en lisibilité, a donc été vécue par l'Indigène comme l'avènement de l'impur et du sacrilège symbolisé par El Kayssarya à Alger. Ce "lieu réputé saint" est devenu la Place du Gouvernement redessinée par le Génie militaire, lieu de tous les rituels mondains de la société coloniale qui recrée, en les adaptant, les codes sociaux et civiques de la Métropole. Cette extraversion, cette mise à nu des lieux mémoriels, saints ou consacrés de la « Ville Imprenable » et des autres pôles urbains condamna les élites religieuses et spirituelles à prendre le chemin de l'errance, de l'oubli ou de la résistance. Elle affecta et affecte jusqu'à nos jours l'équilibre de la société algérienne, de sa vie culturelle et intellectuelle.


3- L'hygiénisme comme contrôle des corps et des lieux :

En Algérie, comme en tout territoire, les peurs inconscientes du Désordre, tel qu'entendu cette fois-ci par les officiers français, de ce qui pouvait porter atteinte à l'ordre du Monde (épidémies de Choléra, par exemple, qui suscite, dans le Paris de 1832, les mêmes réactions collectives qu'en temps de peste, révoltes, catastrophes, anarchie, etc.), se sont condensées en une peur plus profonde, plus latente: celle de l'Autre, incompréhensible et irréductible à la fois, c'est-à-dire du Fou. Cette peur de l'Étranger invisible renvoie à l'indicible et primordiale angoisse face à la déraison et à la Mort.

L'hygiène en tant que discipline naissante devient alors l'un des instruments modernes qui permet de lutter contre cette menace à la fois réelle et imaginaire, menace d'autant plus collective qu'elle est "moins le coup du destin que le fléau de la maladie". Cette conscience de la menace se combine à la peur de la ville sans limites, agrégation de choses et de gens incontrôlables et imprévisibles. C'est ainsi, comme l'écrit M. Foucault dans La politique de la santé au XVIIIème siècle, que:

"La ville pathogène a donné lieu à toute une mythologie et à des paniques très réelles (le charnier des Innocents fut à Paris un de ces hauts lieux saturés de peur); elle a appelé en tout cas, un discours médical sur la morbidité urbaine, et une mise sous surveillance médicale de tout un ensemble d'aménagements, de constructions et d'aménagements".

L'hygiène, définie comme "régime collectif d'une population prise en général", implique de la part de la médecine moderne un certain nombre d'interventions autoritaires et de prises de contrôle:

"Et d'abord sur l'espace urbain en général: car c'est lui qui constitue le milieu peut-être le plus dangereux pour la population. L'emplacement des quartiers, leur humidité, leur exposition, l'aération de la ville tout entière, son système d'égouts et d'évacuation des eaux usées, l'emplacement des cimetières et des abattoirs, la densité de la population, tout ceci constitue des facteurs jouant un rôle décisif sur la mortalité et la morbidité des habitants. La ville avec ses principales variables spatiales apparaît alors comme un objet à médicaliser."

La volonté de maîtriser les facteurs de salubrité, matérialisant "les topographies des villes (qui) dessinent, au moins en creux, les principes généraux d'un urbanisme concerté", est transportée, voire renforcée au contact d'une Algérie supposée au degré zéro, une terre de «pionniers» où « tout reste à faire quant à l'hygiène » :

"Au moment de l'arrivée des Français en Algérie, il n'existait, dans ce pays, aucune institution d'assistance. L'art médical, librement exercé par des toubibs et des matrones, n'exigeait que des connaissances empiriques combinées avec des pratiques de sorcellerie. Et cependant, nulle part ailleurs de telles institutions n'auraient été plus utiles. Les marécages et les oueds boueux favorisaient le développement du paludisme; les maladies épidémiques et contagieuses s'y répandaient grâce à la promiscuité où vivaient familles et tribus. Ophtalmies, syphilis, typhus, variole se propageaient et constituaient de véritables fléaux."

L'appel à ouvrir la ville y est à nouveau réitéré :

"L'agglomération des individus dans les foyers des villes est une source de dépérissement et de maladies, comparativement à la dissémination dans les campagnes, au sein d'une atmosphère libre et non viciée par les mêmes causes d'infection. De là, peut-être, avec le temps, la décadence physique et morale de certaines sociétés amollies, étiolées, à défaut d'air et de soleil, de là vient encore que, toutes choses d'ailleurs égales, les villes ceintes de murailles ou de retranchements, comme étant moins accessibles, en général, à la circulation des vents, et de plus en plus encombrées d'une population non extensible, seront moins favorables à l'état sanitaire que les villes ouvertes."

Pour un meilleur contrôle des corps sociaux, d'abord expéditionnaires, ensuite coloniaux, enfin indigènes, la connaissance scientifique approfondie du pays s'avère alors de plus en plus comme indispensable :

"L'hygiène est fille du temps. Les sciences accessoires à la médecine lui payent un large tribut; elle repose sur la connaissance approfondie de la constitution des lieux, de l'état physiologique et pathologique de l'homme et de toutes les vicissitudes des modificateurs ambiants: et, à défaut de ces bases, on conçoit que l'édifice ne pouvait s'élever."

Il faut alors

"Observer les lieux, les choses et les individus; apprécier les conditions les plus favorables à la santé des troupes, quant à présent, et rechercher les moyens de combattre les influences délétères qui nous environnent, et les autres causes de nos maladies: tel est le but que nous avons essayé d'atteindre".

Face à la spécificité d'une colonie naissante où l'Indigène semble être partout et nulle part, et où la nature est immense et contrastée, face aussi aux nombreuses particularités de ses régions, le quadrillage méthodique de son territoire est rapidement décrété :

"c'est ainsi que la géographie et la climatologie médicales du pays ne seront possibles qu'avec le concours de travaux topographiques spéciaux, d'observations et de descriptions locales, que l'on ne saurait trop multiplier."

C'est en ce sens que le Capitaine Morris, qui est opposé au maintien de l'occupation de la ville de Constantine, souligne l'importance des cartes pour un meilleur jugement de la situation, dans sa lettre du 29 mars 1838 adressée au Général Baron Baudrand, aide de camp de S.A.R. Monseigneur le Duc d'Orléans :

"Pour concevoir cette idée comme moi, il faudrait une carte de l'Afrique au Sud de la Calle, de Guelma, de Constantine. Cette carte, je l'ai à peu près. Elle m'a coûté d'immenses travaux, d'immenses peines. Je crois avoir trouvé la position de Zama, la terre d'Ismuck le lieu de la bataille dite de Zama entre Annibal et Scipio, Madaure, Naraggara et tous ces points que M. Durreau de la Malle va demandant à tous ses vieux latins; entre la carte Shau pour ces parties et la vérité, il n'y a pas de rapports. Cette carte, à laquelle je travaillai et pour laquelle j'ai force matériaux, n'est pas encore tout à fait complète pour le cercle que je m'étais donné à rechercher. Aussitôt achevée, je comptais la faire connaître."

Le discours hygiéniste, fruit de l'interpénétration du politique, du médical et du militaire, et de la normalisation de leurs instruments respectifs, est donc en Algérie particulièrement relié à la colonisation rurale en charge d'une thérapie globale des corps et des lieux pour la victoire du Bien :

"L'ignorance, la dégénération de l'homme ont suscité la décadence agricole et l'invasion des endémies (...). Mais il dépend de nous de relever l'Algérie de sa chute, et de lui rendre sa gloire ancienne; car ce sol privilégié possède tous les éléments d'une fécondité surprenante. L'hygiène signale les sources du mal: que l'administration ne néglige rien pour hâter les progrès d'assainissement. C'est au soc de la charrue surtout qu'est réservé cet honneur: cultiver n'est-ce pas assainir? Vienne le travail et viennent les institutions, vienne la main du colon qui dirige les eaux, dessèche les vallées humides et rende à la terre ses sources vives et ses bois, à l'homme sa force, ses vertus."

L'hygiène apparaît alors comme l'un des thèmes essentiels de la première phase d'installation de la colonisation. Les différentes missions qui ont contribué à la rédaction de la célèbre Exploration scientifique de l'Algérie, l'ont bien montré. Rappelée comme entreprise scientifique visant au bien-être, liée aussi à la conception chrétienne (et laïque) du Bien, l'hygiènisme, présenté comme "science de l'observation", voit donc ses principes appliqués à la colonie. Plus encore, c'est à travers cette épreuve de l'expérience qu'elle s'est rapidement constituée comme discipline alliant à la fois la pensée scientifique empirique et moderne à l'héritage classique. Elle est définie dans son rôle de prévention - d'anticipation - et son action d'assainissement. La trame orthogonale y réapparaît à la fois comme l'un de ses plus puissants outils, mais aussi l'un des éléments cardinaux de mise en ordre traditionnelle de la Nature renvoyant aux notions classiques de Compositio et de Symetria, elles-mêmes fondées sur l'observation rigoureuse de cette nature.

Dans une double apologie du passé antique et du progrès, combinant tradition et modernité françaises, l'Exploration scientifique de l'Algérie servit à démontrer, dans la pure définition d'un Leroy-Beaulieu, la colonisation comme capacité à organiser méthodiquement, rationnellement, un pays "vacant". "Tout est à créer" : cette idée de vacance totale semble toutefois contradictoire avec la volonté (amnésique ou « moderne » ?) de négliger, voire de supprimer la présence d'une civilisation autre, exprimant une certaine ambivalence dans la perception d'un Monde nié mais utile et à organiser.

L'opposition entre, d'une part, "l'ignorance" et la "dégénération" associées à l'Indigène et, d'autre part, la technique, le travail, l'institution cristallisés dans la figure du Colon, peut être relevée dans cet important ouvrage collectif. Elle situe l'agriculture comme assainissement matériel et moral des milieux et des hommes. La colonisation y apparaît fortement encore tout à la fois comme projet d'expansion économique et entreprise culturelle et religieuse - renouvelée - de Salut, projet au sein duquel la médecine et l'assistance, associées à la topographie et à la géographie (et en particulier la "climatologie médicale"), ont joué un grand rôle.

A Constantine, cette dimension chrétienne et culturelle de protection du Vaincu est rappelée par un des faits voulus fondateurs de la ville coloniale :

"L'exemple du Lieutenant du Génie Chandon, - cité avec admiration par un reporter allemand , - et qui demandait à ses hommes, quelques instants après l'assaut, du pain pour deux vieillards aveugles, rencontrés au coin d'une rue, - fixait en une formule nouvelle la mentalité des vainqueurs. Cet exemple se généralisait, apportant cette constatation réconfortante que la force s'accompagnait aussi de bonté.

Le terrain du rapprochement était ainsi préparé entre des adversaires qui avaient apporté dans l'action le même esprit de bravoure et de sacrifice. Les amitiés, basées sur l'estime, ne tardaient pas à s'ébaucher. L'œuvre et la paix françaises s'affirmaient au lendemain même de la bataille."


II. Le territoire colonial comme camp et campagne :

La présence française est localisée, dès les premières années de la conquête, par des camps militaires dans ou à proximité des centres urbains, mais plus encore dans leurs territoires. À l'espace intérieur du camp découpé et surveillé, modèle de dispositif disciplinaire, s'oppose l'espace extérieur, a priori désordonné et hostile. Le Capitaine Morris, participant à la seconde expédition militaire contre Constantine, écrivait à sa mère le 18 septembre 1837 :

"Je t'écris de l'infect Dréann, le plus détestable de tous les camps où des myriades de puces nous dévorent tout vifs. Nous sommes revenus de Mjez-Hammar vu qu'il n'y avait pas de quoi nourrir nos chevaux dans le grand camp. (...) Ce voyage m'a fait beaucoup de bien, on retrouve le climat de France quand on a grimpé le petit Atlas et les fièvres disparaissent aisément."

La malaria, le typhus et les tribus résistant contre l'occupant apparaissent comme autant de causes du "désordre". L'espace colonial est déjà, dans les premières implantations conçu et vécu comme un espace anti-contagieux, refoulant tous les éléments potentiellement infectés hors de ses limites. Parmi ces éléments, l'Arabe est désormais vu comme vecteur de maladie et de désordre, pour devenir de moins en moins visible. Dans ce dispositif spatial, il appellera une prophylaxie de séparation et d'assainissement qui correspond bien au double principe politique - hautement ambivalent voire schizophrénique et à terme destructeur - de refoulement par les armes et d'assimilation par la culture.

Cette peur de la révolte, conjuguée à celle de l'épidémie, renvoie à la grande peur e 1789 qui, comme l'explique G. Lefebvre, était la répétition élargie d'un modèle de révolte plongeant ses racines dans un passé très lointain.

Plus encore que dans la ville indigène, la combinaison de la maladie et de la révolte a donc eu un rôle décisif dans la mise en place d'instances disciplinaires et la justification du choix des "étrangers", transformant le camp militaire, libre de toute contrainte préexistante, en un village colonial caractérisé par une structure transparente au service d'une prophylaxie maximale. Deux structures s'y sont superposées: une première correspondant à la hiérarchie, distribuant les lots à bâtir en rapport avec les éléments majeurs et signifiants du camp (la place centrale et les axes de communication, la mairie, l'église, les monuments aux morts, etc.), obligeant le colon à se penser par rapport aux instances supérieures ; une seconde correspondant quant à elle à une prophylaxie agissant comme processus de surveillance par la mise en visibilité, l'écriture et le dénombrement des corps à homogénéiser et à rééduquer. Le défrichement, l'assèchement et l'assainissement - comme gestes fondateurs et premiers actes de construction - ont ainsi eu une même raison: l'élaboration d'un espace disciplinaire et superposé au caractère « sacré » de la culture des champs, espace au sein duquel le rôle des jardiniers fut important, même s'il a parfois été controversé et critiqué. Le désordre et le danger de la maladie (et de ses vecteurs) ont donc imposé une mise en ordre rigoureuse du village, modèle compact de dispositif disciplinaire, sorte de militarisation des colons dans un espace supposé préalablement pacifié.

Écoutons à propos du village-camp, comme figure archétypique et comme forme historique concrète, Michel Foucault :

"Lentement, au cours de l'âge classique, on voit se construire ces "observatoires" de la multiplicité humaine. Ces "observatoires" ont un modèle presque idéal: le camp militaire. C'est la cité hâtive qu'on bâtit et remodèle presque à volonté. Le camp, c'est le diagramme d'un pouvoir qui agit par l'effet d'une visibilité générale. Longtemps on retrouvera dans l'urbanisme, dans la construction des cités ouvrières, des hôpitaux, des asiles, des maisons d'éducation, ce modèle du camp ou du moins le principe qui le sous-tend: l'emboîtement spatial des surveillances hiérarchiques. Principe de l'encastrement (...), toute une problématique se développe alors; celle d'une architecture qui n'est plus faite pour être vue (palais) ou surveiller l'espace extérieur (forteresse), mais pour permettre un contrôle intérieur, articulé, détaillé, pour rendre visibles ceux qui s'y trouvent."

A l'espace traditionnel et sacré de l'agriculture se surimpose donc l'espace militaire maintenu au-delà de la conquête, justifié par les épidémies. C'est ainsi que le premier centre est créé par ordonnance royale du 21 septembre 1832 : Delly Ibrahim.

"Origine de la commune de Dély-Ibrahim:

Dély-Ibrahim. Premier centre créé en Algérie.

Origine de ce nom: C'est sur l'emplacement de l'haouch Dely Ibrahim (la ferme du Fou Abraham), que fut créé par Berthezène, le 26 septembre 1831, un camp retranché admirablement placé dominant le Sahel, jusqu'à Tipaza, et une partie de la Mitidja centrale jusqu'au pied de l'Atlas. Le climat y étant excellent c'est une autre raison qui fit que l'année suivante, par ordonnance royale du 21 septembre 1832, le duc de Rovigo fit décider l'édification de Dély Ibrahim. Le premier village d'Algérie: une cinquantaine de familles d'origine bavaroise et wurtembergeoise émigrantes en Amérique furent détournées au profit de la colonisation, installées sur des lots de deux ou trois hectares et logées dans des baraques en bois. Par décret du 31 décembre 1856 le village de Dely Ibrahim et son territoire, les territoires des villages d'El Achor, Draria, et Ouled Fayet, forment une commune de plein exercice dont le chef-lieu est placé à Dély Ibrahim. Par arrêté préfectoral du 8 décembre 1870, la section de Draria est distraite de la commune de Dély Ibrahim et érigée en commune séparée.

Par décret du 15 octobre 1888, la section d'Ouled Fayet est distraite de la commune de Dély Ibrahim et érigée en commune séparée.

Superficie: 1.314 hectares.

Altitude: 250 mètres.

Nombre d'habitants en 1926: 920 - dont 372 français, 121 étrangers et 427 indigènes.

Dély Ibrahim est séparé des centres suivants par un chemin spécial: de Draria 6km, de Baba Hassen, 7km, de Chéraga, 3 km, d'Ouled Fayet 4,500 et d'El Biar 5km.

A 11km d'Alger, gare la plus proche;

Est approuvée, conformément à la délibération du Conseil Municipal de Dély Ibrahim, l'érection en cette ville, à titre d'hommage public, du buste du Duc des Cras, lieutenant général commandant la troisième division du corps expéditionnaire de l'armée d'Afrique en 1830.

Décret du 28 mai 1912.

Le 21 mars 1841, Mgr Dupuch premier évêque d'Alger, consacrait à Dély Ibrahim la première église édifiée en Algérie, par le génie. »

Comme pour beaucoup de centres, ce type d'assainissement des marais est un bon et vieil exemple de cette prophylaxie que l'on retrouve bien avant en Métropole. Il correspond à l'extension de l'espace assaini, immédiatement investi des caractères disciplinaires en vigueur. Le marais nécessite et justifie la mise en place d'un village colonial, puis d'un pénitencier agricole. L'espace "assaini" sert alors à la rééducation et à la réinsertion sociale par le travail.

"Les colons doivent bâtir dans l'alignement, borner et cultiver les lots concédés dans un délai de 3 ans, planter 50 arbres forestiers ou fruitiers par hectare, assainir les parties marécageuses. Ils reçoivent les promesses de concessions en échange contre des titres définitifs après accomplissement des obligations souscrites. Enfin, ils restent débiteurs de la redevance de 2 francs par hectare, destinés à couvrir l'État de ses travaux préparatoires."

Aussi, en ce qui touche aux rapports entre le travail et le sens civique, les préoccupations de l'administration, et plus précisément de la Commission de peuplement, étaient de vérifier le projet d'installation en Algérie du candidat, de le situer après une résidence en tant que colon de 5 à 6 ans (charge pour l'État, aptitudes au travail, à la vie sociale, ressources, etc.), et de contrôler son hygiène et sa moralité, son civisme et son caractère, son comportement et ses mœurs. Une enquête systématique était donc faite sur l'état du village, adjointe à un rapport détaillé de police servant à identifier les "déviants", à les réprimer et, globalement, à niveler les colons dans le même but assigné par l'intérêt national. Il s'agissait de s'approprier par la force les nouveaux colons, de les soumettre à une certaine égalité de traitement et de principe, manifestée à travers une répartition précise des privilèges et des espaces.

A plus grande échelle, les villes de garnison vont quant à elles consister en un emboîtement plus large des structures disciplinaires et prophylactiques qui va correspondre à la production de territoire et de corps pacifiés et planifiés au profit du projet colonial. Ces villes vont relever de la reconduction du même processus traditionnel de l'acte de coloniser : construction de remparts, mise en place de cultures alentour et matérialisation de la légitimité française cautionnée et protégée par une présence militaire. C'est en ce sens que le Capitaine Morris écrivait à Madame Follope, sa sœur, de Constantine, le 21 octobre 1837 :

"Le Settif est une ancienne ville romaine où il n'existe plus qu'une mauvaise citadelle et où l'on fait un camp, c'est la clef de notre domination dans la province de l'Est, voilà déjà plusieurs fois qu'Abd-el-Kader envoie des Kalifats avec des troupes pour en chasser les Français et soulever tout le pays mais, jusqu'à présent, ces messieurs ont toujours reçu des volées soignées; du reste, nous sommes tellement peu dans ce pays (...) qu'un de ces jours il y aura du vilain. De Bône à Constantine 20 et, pour garder toutes ces lignes et les camps intermédiaires, il n'y a pas 6.000 hommes disponibles."

Ce réseau de villes - auquel appartenait Sétif - va lui-même s'emboîter sur celui des grandes agglomérations (Alger, Constantine et Oran, principalement) qui, elles aussi, reproduiront précisément les limites et les séparations matérialisées dans les premiers villages-camps militaires.

III. La ville coloniale comme hôpital :

Etabli entre 1841 et 1843 par A. Ravoisié, le grand ouvrage de L'Exploration scientifique de l'Algérie montre une classification des thèmes renvoyant à l'effort de rationalisation et d'étude des activités humaines. Véritable machine en marche, cette taxonomie française s'est appliquée pendant la conquête à tous, corps expéditionnaire, des premiers colons et des tribus indigènes. Au service de l'hygiène et de l'organisation des camps et des hôpitaux, la machine à classer et à organiser les savoirs et leurs objets a été régie par la tradition de la topographie médicale, allant jusqu'à faire apparaître les rubriques "Mouvements" et "Vêtements", jugées importantes.

En matière de ville, l'insuffisance des premières réalisations d'assainissement du Génie militaire et la nécessité de construire de manière durable y sont reconnues:

"Nos établissements dans les villes ont porté longtemps l'empreinte du provisoire. Ainsi, le mode de construction dont on a fait le plus fréquemment usage est celui de la maison de planches et de briques, de la baraque de campement, qu'il faut laisser à sa destination. Aussi les baraques sont-elles successivement abandonnées, et doivent-elles partout faire place à des bâtiments en maçonnerie."

Le Capitaine Morris note aussi, en faisant référence à l'œuvre romaine :

"Les hôpitaux sont encombrés, on en construit un ici tout en granit, qui a 200 mètres de long et 20 de large, ce sera un ouvrage digne des romains, il sera terminé à la fin de 1841."

Les conditions générales d'une bonne hygiène (situation, exposition au soleil, etc.) sont énoncées. Celles qui sont spécifiques à l'équipement hospitalier préfigurent de manière frappante les principes de l'urbanisme ségrégationniste et colonial: distribution "avec ordre", cloisonnement des espaces, séparation ethnique. Dès que la santé est appréhendée comme un processus - dont l'inverse est la morbidité - écrit Barret-Kriegel, et que "se fait jour l'idée d'un contrôle de la circulation des flux (...), il devient nécessaire de redistribuer et réorganiser l'ensemble du système hospitalier à l'échelle de la ville." Les topographies médicales, aussi florissantes en Algérie que dans la France de la moitié du XVIIIème siècle, "en évoquant pour l'assainissement urbain des principes identiques à ceux énoncés pour la salubrité hospitalière (...), dévoilent, après l'hôpital, la ville comme échangeur écologique."

Moins d'un siècle plus tard, en 1931, le Congrès international de l'Urbanisme aux colonies et dans les pays de latitude intertropicale, mise en scène scientifique « des oeuvres de la colonisation », consacre l'urbanisme comme « travail social et technique ». Sur le terrain de la colonie, il fait suite aux opérations dictées par l'hygiènisme, et intègre cette jeune discipline définie comme le premier apport aux indigènes, la première des oeuvres sociales :

"Désirant répondre aux sentiments de générosité que le Parlement français avait manifestés, l'administration s'efforça dans toutes les circonstances de faire comprendre aux populations indigènes, la place qu'elles tenaient dans les préoccupations de la France et la sympathie dont elles étaient l'objet.

Mais il apparut vite que les hôpitaux civils et mixtes répartis sur le territoire du Département, à de grandes distances les uns des autres, étaient en nombre insuffisant eu égard à l'importance de la population musulmane. D'autre part, la situation de ces établissements dans les grands centres, les rendit difficilement accessibles aux indigènes habitant les douars. De plus, le régime auquel étaient soumis les malades était très différent des habitudes et des conditions d'existence de nos sujets musulmans. Ceux-ci redoutaient le plus souvent leur isolement au milieu des malades européens dont la langue et les mœurs ne leur étaient pas familières; ils hésitaient à se soumettre à un régime alimentaire que leur religion leur interdisait. Beaucoup d'entre eux se privaient des soins médicaux pour se livrer aux pratiques dangereuses des empiriques.

Ces inconvénients amenèrent l'Administration à créer des hôpitaux réservés exclusivement à nos sujets musulmans."


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Lancées depuis les nouveaux quartiers coloniaux, les "conquêtes morales" devaient réduire les caractères "sauvage" et "inférieur" du "monde indigène", tout en se prémunissant de ses vices. Ceci laisse apparaître l'importance du débat sur la séparation dans les villes, principe de base de la colonisation urbaine qui sera intégré dans une systématisation de l'action et de la pensée planificatrices. La discipline de l'hygiène, fondement de l'urbanisme moderne qui répond aux nouvelles représentations du mal, de la maladie et de la ville - en tant que menaces et affaiblissements de l'homme -, et à l'idée de progrès, relève d'une volonté (et de techniques) de répartition et de séparation des corps (et des flux), bref de contrôle social légitimé par la peur fondamentale de l'épidémie.

Architecte - urbaniste, professeur à l'Académie de Versailles, membre du Groupe de réflexion de l'Etat - major de la Gendarmerie nationale, RegendIdf, Paris.

Professeur à l'Académie de Versailles, architecte - paysagiste.

Cette partie se base notamment sur les archives concernant la colonisation de l'Algérie : séries 32 L30-44, L32-65, L60 et L20, ANOM, Service historique de l'Armée de Terre (SHAT) de Vincennes, Ministère de la Défense, Paris.

Cf. Gabriel Esquer, La prise d'Alger, 2ème éd., Paris, 1929, p.5. Gabriel Esquer, comme d'autres, reprend cette ancienne image.

Lire notre article sur l'influence orientale des artistes et architectes français, en particulier, et des voyageurs européens en général, « Between Europe and the Orient, the exchange ; the orientalisation of the Occident », International Association of the study of the traditional environments Working papers series : Multiples voices / contested representations : imagery & identity, vol. 83, University of Berkeley, Berkeley, 1996

Boutin, Reconnaissance des villes, forts et batteries d'Alger, Paris, 1927 (réédition).

Pélissier, Annales algériennes, livre I, p.75.

La Quinzaine coloniale.

"Une ville rasée par un terrible séisme", relevée de ses décombres "sans plan préconçu", rapporte l'histoire stéréotypée du Royaume Barbaresque, qui relève a contrario de l'ordonnancement antique de son tracé.

Place Royale puis place du Gouvernement. Les trois rues qui rayonnaient à partir de celle-ci avaient été, elles aussi, dessinées en fonction des servitudes purement militaires.

Assia Djebbar, L'amour, la fantasia, J.-C. Lattès, Paris, 1985.

Carton H 225, Rapport sur l'État d'Alger à la fin de 1832, Service Historique de l'Armée de Terre (S.H.A.T.).

Aboutissant jusqu'à nombre de suicides collectifs par saut dans les gorges du Rhumel.

Ibid.

Chant composé par Si Abd el Kader et traduit par Eugène Daumas dans Mœurs et coutumes de l'Algérie, coll. L'histoire décolonisée, éd. Sindbad, Paris, 1988 (Ier éd. 1853), pp. 114-124.

Cf. la note de Daumas qui parle des tolbas "qui s'y réunissaient habituellement pour copier des livres qu'ils trouvaient à faire relier immédiatement". Daumas, op. cit., p.122. Léon l'Africain décrit quant à lui "un superbe temple (El Djama El Kébir ) très grand, placé sur le bord de la mer, et devant ce temple une très belle esplanade aménagée sur la muraille même de la ville, au pied de laquelle viennent frapper les vagues." Léon l'Africain, Description de l'Afrique, traduit de l'Italien par A. Epaulard, Paris, éd. J. Maisonneuve, (2 vol.), 1981.

Autre nom donné à Alger.

Cf. Jean Delumeau, La peur en Occident du XIVème au XVIIème siècles, éd. Fayard, Paris, 488 p., 1978.

Comme le souligne B. Barret-Kriegel, cette angoisse de la mort a été réactivée au XVIIIe siècle : "Le médecin du 18ème siècle, soulignant la brièveté et la fragilité de la vie, condamne la mort. Ce n'est plus l'épreuve sacrée et individuelle exaltée par Bossuet mais une catastrophe profane et collective; elle ne crédite plus la vie de son aveuglante transcendance mais débite la population d'un poids bénéfique de vivants, calamité qui moissonne prématurément les vies humaines et dont on peut chiffrer la soustraction". B. Barett Kriegel, "L'hôpital comme équipement" in M. Foucault et al., Les machines à guérir (aux origines de l'hôpital moderne), Liège, Mardaga, 1979, p.20. Le passage en question des Oraisons funèbres de Bossuet (Paris, Garnier, p. 35), cité par l'auteur, rappelle la philosophie musulmane face au thème de la mort.

Ainsi,"affirmer le besoin de santé, c'est courir sus à la mort pour autant qu'elle constitue l'étape ultime de toutes les forces qui s'opposent à la vie, les forces de la maladie, [...] à l'investissement sacré de la mort viennent s'opposer l'art et le métier de la vie, comme puissance régulatrice déterminant et étant elle-même déterminée par les règlements de santé. " Ibid.

Ibid.

Ibid.

Ibid., pp.15-16.

J.A.N. Perier écrivait à ce propos : "Si l'on considère que, sur ce point, tout était à créer en Algérie, si l'on considère, d'ailleurs, les besoins nouveaux qui dérivent des vicissitudes atmosphériques et des exercices laborieux auxquels est voué le soldat dans ce pays, on comprendra sans peine qu'il ait eu considérablement à souffrir de la pénurie et de l'insuffisance du logement." Perier, "De l'hygiène..." in Exploration scientifique de l'Algérie pendant les années 1840, 1841, 1842, Imprimerie Royale, Paris, 1847, p. 232

Histoire de Constantine, ouvrage publié dans le cadre des Mémoires de la Société Archéologique de Constantine, Constantine, Marle et Biron, 1937, pp.403-404

Ibid. (nous soulignons).

"Cependant, écrit l'auteur, bien que nous ayons la conservation du soldat pour objet principal, nos études, dans leur ensemble, ne s'appliquent pas moins à la classe des commerçants et des colons, à l'élément civil; elles concernent même, à quelques égards, la population indigène, population qu'il faut dompter par des bienfaits, et dont nous avons d'abord à panser les plaies, à soigner le corps, afin de préparer la réforme des institutions et les conquêtes morales, qui seront l'œuvre du temps." Perier, "De l'hygiène...", p. 5, (nous soulignons).

Ibid., p.7

Ibid.

Ibid., p.23

Histoire de Constantine, op. cit., p.144

Perier poursuit avec le même ton civilisateur: "Vienne enfin pour ce pays le jour de la renaissance, après la nuit du Moyen-âge, et nous aurons ouvert des voies nouvelles, non seulement au Nord de l'Afrique, mais encore à toutes les populations qui doivent puiser en nous les germe de leurs progrès." Perier, "De l'hygiène...", op. cit., p.30.

Cf. D. Moline, "L'assistance aux indigènes musulmans dans le département de Constantine" in Constantine... , op. cit., pp.403-47

Constantine ..., op. cit., p. 288.

Ibid., pp. VI-VII (préface).

Capitaine Morris in Constantine ..., op. cit., p.133

Archives ANOM, Liasse L44.

G. Lefebvre, La Révolution française, Paris, 1951, réed. 1962.

M. Foucault, Surveiller et punir.

Doc. Archives, L8 ANOM

Extrait du Règlement, archives L33 ANOM, ibid.

Morris in Constantine, op. cit., p.139.

Voir à ce titre les pages de couverture et l'"Ordre des matières", révélateurs de cet esprit.

J.A.N. Perier, "De l'hygiène ...", op. cit., p.37.

Ibid., p.139.

La nécessité de l'hôpital - comme équipement moderne - et la reconversion de lieux indigènes (mosquées, maisons, etc.) a posé ainsi la question de la représentation des espaces de guérison ou de santé dans les deux cultures. De par leurs fondements traditionnels ancrés dans l'Islam, les lieux de santé appartenant à la cité indigène ont semblé invisibles pour l'occidental.

Barret-Kriegel, "L'hôpital comme équipement" in M. Foucault et al., Les machines à guérir, op. cit., p.27.

Ibid.

Constantine, op. cit., p.406.

Cet hôpital a été construit en 1841, pris le nom du Docteur Laveran en 1903 - celui-ci y ayant découvert le parasite du Paludisme en 1880 - et ferma en 1963. Il a été reconverti en prison militaire (toujours existante) et en centre universitaire dont l'ancien Institut d'architecture, d'urbanisme et de construction.