Le premier républicain « français »

République n°35, mars 1996

Dans ses Notes waulsortoises (1981-1987) Albert Wayens cite Félix Rousseau sur François Robert (né à Gimnée):

« En 1790, Robert s'affilie au club des Jacobins et celui des Cordeliers (...) Si vous visitez, au Musée de Versailles, la fameuse Salle de la Révolution, vous y verrez un vivant portrait de François Robert (...) Le personnage apparaît haut en couleurs, avec une carrure d'athlète. Pourquoi cette notoriété? (...) Il fut un des premiers, sinon le premier à préconiser la République en France. En 1790, il fonde un journal, Le Mercure National, qui défend l'idée républicaine; cette même année, un libelle qu'il publie: "Le républicanisme adapté à la France, peut être considéré come le manifeste d'un parti républicain (...) les idées de Robert rencontrèrent d'abord peu d'échos. Croire que la France, dès 1789, était gagnée à l'idéal républicain est commettre une profonde erreur. L'immense majorité des Français (...) ne pouvait concevoir que leur pays pût se passer d'un roi. L'attitude adoptée par Robert (...) son radicalisme en ce qui concerne le sentiment monarchique, s'expliquent - à mon avis - par ses origines mêmes.Il n'est pas Français de naissance, il est Liégeois. Gimnée, comme aussi Matagne-la-petite, dépendaient de la principauté ecclésiastique de Liège. L'Etat liégeois, en fait indépendant, a connu un sentiment national d'un caractère particulier. Pendant des siècles, dans les principautés laïques et même dans certains grands pays jusqu'au 19e siècle, la forme, la base du sentiment national n'a pas été territoriale, ou ne l'est devenue que tardivement. Elle reposait, avant tout, sur la fidélité dynastique, la fidélité au "prince naturel". Par exemple, en France, encore au 18e siècle, pour manifester son patriotisme, On criait, non pas "Vive la France !", mais "Vive le Roi !". Dans la principauté de Liège, ce sentiment ne pouvait pas exister. Par état, le prince-évêque ne pouvait fonder une dynastie; du reste souvent, il était étranger. C'est pourquoi on a pensé au pays avant de penser au prince. Le pays est passé, très tôt, au premier plan et c'est une des originalités de l'histoire liégeoise. Dès la fin du 13e siècle, on trouve dans des textes liégeois, le sens du pays, une expression extraordinaire pour l'époque. En France, en pleine période révolutionnaire, avant la fuite de Varennes, le parti républicain n'arriva pas à se populariser. La tentative d'évasion du roi et de sa famille (juin 1791), pour passer à l'ennemi, va complètement changer la face des choses et permettre à l'auteur du Républicanisme adapté à la France de réaliser complètement son idéal politique. » (Félix Rousseau, L'Entre-Sambre-et-Meuse, terre d'avant-garde, in Les Cahiers Wallons, n°7, 1966).

Commentaire.Baussart voit un « bloc wallon » formé de l'héritage de Liège et des luttes sociales du sillon industriel. A notre sens, une vraie monarchie doit être dynastie pour signifier la continuité de ce "corps du roi" immortel qui semble donner à la société le caractère "sacré" ("important") qui pourtant ne lui vient que d'elle seule, ce qui fonde la Cité humaine en sa dignité. Lire aussi: A. Wayens, Les débuts de François Robert (de Gimnée à Paris) et ceux de la Révolution à Givet 1991 (n°32, vieille route de Givet, 5540 Hastière), Un chrétien nommé Pélage, BXL, 1971 (Pélage, adversaire de St Augustin).