L'économie au service des gens (Yves de Wasseige, Francis de Walque)

1 août, 2009

 

L'économie au service des gens (Yves de Wasseige, Francis de Walque)

L'économie au service des gens (Yves de Wasseige, Francis de Walque)

Contrairement à ce que l'on dit parfois, un bon livre - et celui-ci est même plus que bon - donne des chiffres. D'entrée de jeu, Yves de Wasseige et Francis de Walque citent un rapport de la Banque mondiale (pp. 3-4) : le total des personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour s'élève à 2,5 milliards, chiffre inchangé depuis 1981. Dans l'Etat belge il y a toujours une personne sur sept qui est pauvre soit les personnes isolées ayant des revenus  disponibles mensuels inférieurs à 860 € nets ou des familles de quatre personnes ayant des revenus  mensuels disponibles nets inférieurs à 1.805 €. On est écrasé par ces chiffres, se demandant « ce que l'on peut bien faire », mais, aussitôt, les auteurs ajoutent que « l'histoire montre que les changements et les progrès de société sont toujours venus des citoyens de base et des mouvements sociaux qu'ils provoquaient » (p.5). Ce qui est d'ailleurs une réflexion sans chiffre encore plus évidente que 2 +2 = 4. Soyons nuancés, il arrive que des gens de droite ou des gens riches  puissent contribuer à changer les choses, mais ils ne le font pas sans une pression terrible y compris de leurs homologues qui savent que sans certaines concessions, ils risquent d'y passer. Et ajoutons que, dans la plupart des cas, les choses ont été arrachées, souvent même par la violence. Cet exposé dense, très bien documenté, de lecture aisée, doit être recommandé aux enseignants comme pouvant servir de base à un cours d'histoire passionnant et d'économie éclairée... Il se vend au prix de 16 € et est édité par Attac/Charleroi et Couleur livres 1

 

Une définition du capitalisme et son histoire

Les auteurs proposent une définition du capitalisme, existant à partir de 1500 environ, pouvant prendre diverses formes. Il comporte toujours l'accumulation de capital à partir du travail de gens que l'on paye moins que la valeur de ce qu'ils produisent, avec une monnaie, induisant l'augmentation des services, une bourgeoisie et des travailleurs, la puissance économique se fondant non plus sur la possession de la terre, mais de l'argent (p. 8). Aux pages 12 et suivantes, les auteurs donnent le meilleur exemple de révolution industrielle qui soit, celle de la Wallonie. Avec la colonisation qu'elle induit,  la création de banques et,enfin, une exploitation de la classe ouvrière parmi les plus dures d'Europe 2 Se créent coopératives, mutuelles, syndicats, partis ouvriers. La part motrice de la croissance passe du charbon et de l'acier aux industries du pétrole, l'automobile, la construction mécanique. Les USA deviennent le pays dominant (au lieu du British Empire), la monnaie de référence devient le dollar. Il y a de graves problèmes sociaux (chômage profond et long). L'Etat commence à intervenir, par des politiques sociales, de grands travaux (chez nous l'Hôtel de Ville de Charleroi, le Canal Albert etc.).

Keynes

Les auteurs notent : « Sur le plan des théories économiques, la théorie classique libérale, selon laquelle les marchés, nécessairement en concurrence, conduisent obligatoirement vers l'équilibre en plein emploi, est battue en brèche par John Maynard Keynes, un économiste anglais qui démontre qu'une économie peut fort bien se trouver, et se trouve d'ailleurs généralement, dans une situation d'équilibre, mais en sous-emploi. Il faut alors la stimuler par des investissements publics en créant un déficit budgétaire qui se résorbera naturellement dans les années qui suivent, une fois l'emploi retrouvé. Mais il montre aussi qu'une économie peut se trouver en surchauffe, on ne produit pas assez pour la demande existante, les prix augmentent et c'est une situation d'inflation. Là aussi, les pouvoirs publics doivent intervenir pour calmer le jeu, notamment en agissant par une hausse des taux d'intérêt, ce qui freine le crédit et l'expansion monétaire. » (p.14)

Un capitalisme industriel « civilisé » puis la crise des années 70-80

C'est alors qu'émerge ce que les auteurs appellent de l'inter-titre même que nous utilisons, le capitalisme civilisé :  celui des accords de Bretton Woods fixant des taux de change fixes entre toutes les monnaies et le dollar, celui-ci pouvant  être converti en or . Il y a une grande stabilité économique, une très grande régulation et, par ailleurs, sur le plan politique, se met en place ce que l'on pourrait appeler les linéaments d'un Etat mondial (ONU, UNESCO, OIT, FAO ...).  La coopération se lance aussi dans le cadre de l'Europe au sortir de la guerre et aussi, dans ces pays, un pacte social qui délimite les responsabilités de chacun (Etat, Syndicats, Employeurs). Ce sont les trente glorieuses associant comme jamais dans l'histoire, progrès sociaux et progrès économiques, le plein emploi, la sécurité. Le 15 août 1971, le président Nixon décide de casser la liaison entre le dollar et l'or, ce qui casse aussi la stabilité des taux de change entre les monnaies et amène les Européens à créer le serpent monétaire qui rétablit cette stabilité dans le cadre de l'Union européenne. Vient ensuite une période de quinze années d'inflation (dont le phénomène le plus spectaculaire est la hausse du pétrole), avec des taux d'intérêts qui demeurent  élevés, même encore après les quinze années, jusque dans les années 90. On est en stagflation soit en période d'inflation malgré le fait que les taux de croissance s'effondrent, une situation qui est le résultat « d'une surchauffe des investissements réalisés par endettement des entreprises ; le moindre ralentissement provoque une hausse des coûts, les charges fixes d'intérêt allant en s'accroissant... » (p.17). Cela a aussi comme conséquence que les prix grimpent. En Belgique les pouvoirs publics interviennent en augmentant massivement la dette publique notamment durant les années Martens-Gol (1981-1987). La priorité du capitalisme est la lutte contre l'inflation et contre les déficits publics, les dépenses publiques étant accusées du mauvais fonctionnement des marchés (p.17). Yves de Wasseige et Francis de Walque écrivent  que le capitalisme se cherche encore des domaines moteurs de croissance (l'informatique, l'espace...). Les inégalités s'accroissent à l'intérieur des pays riches et entre pays riches et pays pauvres : « Le système économique n'a jamais produit autant de richesses qu'actuellement mais la régulation par le marché n'assure pas une répartition équitable de la richesse produite et accroît immanquablement les inégalités. » (p.18)

Un capitalisme débridé et financier

Nous entrons dans l'époque présente avec le triomphe de l'ultralibéralisme, la privation des entreprises publiques, l'ouverture à la concurrence des services publics, le développement du libre-échange, la réduction de la sécurité sociale (voire sa suppression). Ces mesures semblent devoir permettre de sortir de la crise et rétablir les profits des entreprises. L'OMC tente même de faire entrer l'enseignement, l'éducation et la culture dans le principe du marché et de la concurrence, où elle jette  l'agriculture, avec des conséquences catastrophiques pour les pays en voie de développement ou les pays qui font appel au FMI.. La finance domine vraiment tout : les marchés financiers imposent leur logique aux entreprises productrices, aux Etats. Il y a exigence de rentabilité immédiate, une obsession de la compétitivité avec des réductions d'emplois massives, des pressions sur les charges sociales et les salaires, les privatisations, l'usage immodéré des NTIC, la volonté de contrôler l'information, l'hégémonie américaine. Les auteurs écrivent : « Les politiques mises en oeuvre, même coûteuses, pour y parer sont vaines et inefficaces parce qu'elles se basent sur une analyse et une vision libérales ou néolibérales. Elles n'aboutissent pas à créer des emplois stables, rendent les chômeurs responsables de leur situation et ne visent pas les grandes entreprises de crainte de toucher à leur compétitivité. Ces dépenses ne sont pas cependant perdues, elles constituent pour les entreprises des effets d'aubaine qui améliorent leurs profits et leur rentabilité financière. D'autres politiques plus solidaires et plus riches en emplois sont possibles. Il suffit de comparer le modèle des pays scandinaves au regard du modèle des pays anglo-saxons 3 : les cotisations sociales et la fiscalité y sont plus élevées, les allocations sociales permettent de développer davantage de  services à la population et donc de développer des emplois convenables, les taux d'emploi y sont plus élevés, les taux de croissance économique sont meilleurs, la recherche et le dynamisme des entreprises et de la population y sont moralement plus développés, la pauvreté et la précarité nettement moindres. » (pp. 21-22)

Bourses et marchés financiers

Le chapitre II du livre  (pp. 23-34), analyse les différentes théories économiques et propose notamment  une périodisation de l'histoire économique mondiale (pp. 24-25). Le chapitre III analyse les bourses et marchés financiers, définissant pas à pas tous les concepts utilisés comme la bourse, le marché des changes (on revient ici sur Bretton Woods), les banques, les banques d'affaires, les assurances, les multinationales, les fonds de pension. Le livre traduit (en français et/ou en langage courant), les fameux hedge funds , les Fonds souverains (p.40), les Fonds vautours, les stocks options, les concepts de titrisationwarrant... Il analyse longuement le fonctionnement de ces marchés en se servant du terme « moutonnier » préféré à « mimétique » qui peut être pourtant bien installé dans d'autres d'images comme la philosophie de Girard (elle-même présente chez Tocqueville voire Spinoza et qui a d'ailleurs influencé  certains économistes ou sociologues). Yves de Wasseige et Francis de Walque notent (pp. 46-50), les avantages exorbitants octroyés par l'Etat aux entreprises comme les précomptes fictifs, les intérêts notionnels, la timidité néolibérale de la Banque centrale européenne, les paradis fiscaux. Ils développent ensuite, en un chapitre IV : les Bourses et marchés financiers, ce que pensent les économistes (pp. 51-55), ce que disent des économistes comme Stiglitz, Minsky, Tobin, Marx, Aglietta. Ils analysent ensuite la crise financière mondiale (au chapitre V), les subprimes, la titrisation des créances, la bulle financière, la crise de la liquidité interbancaire, les politiques de rachats des banques par l'Etat US (en rappelant que la dette de l'économie, du secteur public et du secteur financier aux USA équivaut à 346% du PIB américain, (p. 6.)). Ils décrivent ensuite les interventions en Europe et notamment les mécanismes complexes du sauvetage de Fortis, de Dexia et d'Ethias (pp.67-77).

Les conclusions à tirer de la crise financière

Les auteurs proposent alors un bilan   dans un chapitre VII  intitulé Conclusions à tirer de la crise financière et bancaire (pp. 79-92). Ils pensent que les Etats n'imaginaient pas à quels excès conduirait la libéralisation qu'ils ont eux-mêmes décidée (p. 80). Pour eux, cette crise représente la faillite complète des idées néolibérales. Il  est démontré que les marchés ne peuvent s'autoréguler et que l'Etat demeure un recours dont on ne peut absolument pas se passer. Ils constatent , sur la base de la courbe de croissance de l'économie de production, que celle-ci, « seule productrice de richesses », a subi les contrecoups des crises financières en 1980-1985 et en 1997-1998. En revanche le graphique illustrant la montée de l'économie financière (avec comme repère de celle-ci  l'évolution du Dow Jones), est en croissance lente - avec des hauts et bas -  de 1925 à 1980. Mais à partir de  l'application des politiques néolibérales de Reagan et Thatcher,  elle connaît alors une croissance démentielle, l'indice étant multiplié par 15 sur 20 ans.

Pour Yves de Wasseige et Francis de Walque, « il est évident que l'économie financière tourne sur elle-même avec des montants tout à fait considérables, faisant grimper les cours à coup de spéculations jusqu'à l'éclatement de la bulle financière ainsi créée comme on l'a vu dans l'affaire des subprime. » (p. 85). Les auteurs proposent (pp. 85-92), de lever le secret bancaire, d'imposer (comme le propose aussi le Professeur Biesmans) l'interdiction aux banques de détail de jouer sur les marché financiers, de soumettre à contrôle banques d'affaires et organismes financiers, de réglementer les fonds spéculatifs, d'interdire les paradis fiscaux, d'encadrer la titrisation, de réduire les crédits bancaires pour la spéculation, de réformer les agences de notation (en les rendant indépendantes de ceux qu'elles cotent), de changer les normes comptables... De limiter les rémunérations des dirigeants des grandes sociétés, de promouvoir la taxe Tobin. Ils parlent d'un nouveau Bretton Woods, évoquant l'idée d'une autre monnaie de référence envisagée dans certains milieux à l'occasion de la réunion du G-20 d'avril 2009. Il s'agit de mettre la finance au service de l'économie de production. Après avoir étudié les plans de relance des divers pays ou Régions (Europe, USA, Belgique, France, Wallonie...), au chapitre VIII, ils proposent une critique du capitalisme qui va plus loin.

Une autre économie est possible

Pour les auteurs il faut « détruire l'idée largement répandue par les penseurs néolibéraux qu'il n'existe pas d'alternative ni au système capitaliste, ni à l'économie de marché, ceux-ci étant inhérents à l'individualisme qui caractérise la nature humaine et est le ressort du capitalisme » (p. 106). Pour eux, il faut restaurer la primauté du travail sur le capital, de l'emploi, l'intérêt général, la coopération, la solidarité, les services publics, encourager à « l'abandon du seul critère du PIB pour guide des politiques économiques » (p. 108), soutenir  l'économie sociale, la souveraineté alimentaire, l'annulation de la dette du tiers monde. En outre, il faut prendre en compte la contrainte écologique, vital e si nous voulons encore survivre comme humanité sur la Terre. Et cela en intervenant aux différents niveaux : mondial, européen, belge, wallon et local. Echappe au capitalisme l'économie sociale dont les auteurs estiment l'emploi à près de 400.000 salariés dans l'Etat belge (18.000 associations, cinq mutualités, 535 coopératives, 384 sociétés à finalité sociale). Il y a aussi dans le livre une distinction intéressante entre Société civile, Etat et Economie. La première, selon l'UNESCO « regroupe un ensemble d'organisations et de groupes qui s'auto-organisent en dehors de la sphère gouvernementale et commerciale » (cité p. 117),  et cela peut concerner les syndicats, les unions patronales, les associations caritatives, les Eglises, les communautés religieuses etc. L'Etat  inclut non seulement l'Etat fédéral et les Entités fédérées, mais aussi les Provinces, les Communes. Il y a enfin l'Economie (devenue libérale sur toute la surface de la Planète, depuis l'explosion de l'URSS et le capitalisme « communiste » en Chine). L'Etat doit peser sur l'économie « afin de procurer des emplois, de répondre aux besoins matériels : nourriture, vêtement, logement, et d'obtenir des ressources pour assurer lui-même l'éducation, les soins de santé, les pensions... » (p. 119). Tout cela en vue de créer le consensus social sans lequel une société devient impossible. Pour les auteurs, ce qu'ils appellent la « Société civile » et l'Etat doivent s'épauler. Sur l'Economie, la Société civile agit via les associations de travailleurs (syndicats) et les associations de consommateurs (qualité des produits, respect de l'environnement).  Ils ajoutent que l'Etat est un acteur économique avec tous ses services publics (indépendamment de l'autorité qui est la sienne). L'UE a incité à la  libéralisation des services publics mais « La crise financière et économique en montre aujourd'hui clairement l'erreur et la nécessité urgente de reconstituer les services publics dans les domaines qu'ils occupaient et même de les développer davantage. » (p.121) Ils proposent d'introduire des objectifs économiques dans les Constitutions, ce que, d'ailleurs, la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ou la Constitution belge ont déjà fait. On oublie que la Constitution belge par exemple proclame le droit « au travail et au libre choix d'une activité professionnelle » ou encore « le développement durable » (ces textes sont cités notamment p. 125).

Jugement sur ce livre

Je ne dirais pas que ce livre est facile à lire. Mais il faut s'entendre sur cela. Il demande une attention soutenue. Il est parfaitement lisible, mais il y faut un effort soutenu. On le gardera aussi comme une sorte de dictionnaire simple à consulter. Quand on est un profane en économie, on se réjouit d'y voir tant de concepts éclaircis. Notamment par la magistrale introduction historique au capitalisme. Les qualités de pédagogue d'Yves de Wasseige sont bien connues. Il nous donne ici un nouveau cours d'économie avec Francis de Walque.

Il est possible qu'un homme comme Jean-Marie Klinkenberg, qui l'avait fait pour les questions politiques, dirait que ces concepts mystérieux en économie, souvent utilisés par les médias comme si nous devions tous les comprendre (même les plus simples comme les « actions », les « banques »,  mais bien sûr aussi les sub-prime, les hedge-funds, la titrisation, les fonds souverains, les fonds de pension...), ne sont pas mystérieux par hasard ou innocemment.  C'est derrière ces termes que l'on cache l'irrationalité du néolibéralisme, sa si pauvre anthropologie, bien dénoncée par les auteurs quand ils signalent que l'un de ses fondements est une philosophie qui ne prend en compte que l'individu, ce qui est foncièrement absurde et nul. A ces mots pompeux, on n'ose plus opposer les termes si simples de solidarité ou même de bonheur, dont se servent tant de constitutions à commencer par la Constitution américaine. Rappelons aussi l'article Ier de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, proclamée « en présence de l'Être suprême » en son article I : Le but de la société est le bonheur commun. Comme le projet de Constitution wallonne de mai 2006 avait repris ces mots, certains commentateurs se sont posé la question de savoir si de telles lapalissades étaient bien nécessaires. Or ces simples mots sont à l'opposé de la doctrine néolibérale  qui estime que toute entreprise ayant la solidarité matérielle comme finalité ne révélerait que l'envie des plus faibles ou des plus pauvres ou des moins capables vis-à-vis des « excellents ». « Le principe de base de la justice est que nul n'a le droit de s'enrichir aux dépens des autres » disait déjà Saint Thomas d'Aquin, mort en 1274, comme le rappellent les auteurs p. 129. Thomas d'Aquin était-il visé par von Hayeck ?

On peut rapprocher cela de La Dissociété de Jacques Généreux qui rappelle que « L'enjeu  est de rallumer les citoyens éteints et de réveiller les militants endormis, de leur réapprendre la nature, la possibilité et le désir du progrès humain. L'urgence est donc la dépollution des esprits après deux ou trois décennies de lavage de cerveau individualiste, consumériste, « privatiste », « compétiviste », « marchéiste »,  fataliste, etc. » (cité p. 129 4 ). Jacques Généreux rappelle aussi que les êtres humains « ne peuvent se passer d'une initiative et d'un discours politiques leur assurant qu'ils ne sont pas seuls et peuvent croire à nouveau qu'ils ont la force collective d'une communauté de citoyens. »  C'est cela la République...

L'intérêt de ce livre  est de bien expliquer le capitalisme et ses transformations récentes jusqu'à la menaçante  et inquiétante crise financière de l'automne 2008. Dont il apparaît finalement qu'on n'a pas vraiment tiré la leçon. Le Parlement européen est sans doute le plus néolibéral et le plus à droite de toute son histoire. Il était frappant de voir à Libramont, le 24 juillet dernier, de jeunes agriculteurs wallons  démâter  les drapeaux aux couleurs européennes en vue de jeter ce bleu et ce jaune (auquel nous tenons tant, pourtant), dans un feu allumé par leurs soins et en présence des autorités fédérales et wallonnes. J'ai rencontré des attachés de l'ambassade d'Indonésie qui m'ont dit que le FMI leur avait interdit toute aide aux agriculteurs... Ils comprenaient ce qui se passait sans parler un mot de français... Le geste gêne quelque part, mais, si les chefs de la communauté des citoyens européenne n'ont plus rien à dire à leurs agriculteurs producteurs de lait, il  redevient admissible et compréhensible - réjouissant même.  Yves de Wasseige ou Francis de Walque ne diraient certainement pas (comme je l'ai entendu à la foire agricole), que la « petite Wallonie » est bien trop faible  pour réagir à ces questions, eux qui, constamment, en appellent à une mobilisation mondiale à tous les niveaux depuis le mondial, justement, en passant par le national et le Régional jusqu'au local. La Résistance commence toujours par un cri. Mais ce cri n'est pas nécessairement inarticulé. Ce livre démontre lumineusement - et c'est son principal mérite - qu'il n'y a aucune logique dans le néolibéralisme, ni économique, ni  politique, ni sociale, ni  humaine. Il faut le recommander aux enseignants et à tous ceux qui veulent transmettre une façon intelligente de lutter.

 


  1. 1. L'économie au service des gens
  2. 2. Martin Conway, auteur de Degrelle, les années de collaboration, Labor Bruxelles, 2005, p. 25, y insiste dans des pages introductives que José Gotovitch considère comme les meilleures qu'un historien ait jamais écrites sur la Belgique en général et en particulier la Belgique de l'entre-deux-guerres).
  3. 3. Voir Jean Gadrey, Socio-économie des services, La  Découverte, Paris, 2003, Jean Gadrey  Modèle nordique vs modèle anglo-saxon in L'économie politique (Alternatives économiques), n° 19 juillet 2003 et Jean Gadrez, Suède-Etats-Unis : modèle contre modèle, in Alternatives économiques, n° 218, octobre 2003.
  4. 4. Jacques Généreux, la Dissociété, Paris, Seuil, 2006.