« Tache d'huile » bruxelloise et Wallonie
En complément de la Lettre ouverte au Gouvernement wallon, une « Note de la rédaction » de TOUDI 1 fait état d'une sorte d'amplification actuelle de la centralisation bruxelloise. Il serait important de ne pas passer sous silence que cette centralisation se développe. Nous sommes bien aujourd'hui devant une matérialisation galopante de la « tache d'huile », pour employer la célèbre terminologie flamande remontant à une certaine époque, mais néanmoins plus actuelle que jamais . Soit dit en passant, il est également évident que l'exigence de Monsieur Maingain d'élargissement territorial de la Région de Bruxelles-Capitale, en échange de l'éventuelle acceptation de la scission de BHV, s'inscrit en réalité aussi dans la logique du développement de cette réalité objective, aveuglante, indéniable, de la suburbanisation-centralisation bruxelloise. Cette « arme » de Maingain , du MR, et, malheureusement de tous les autres Présidents de partis francophones, n'en est bien sûr que plus redoutable et pernicieuse.
Bruxelles déborde sur la Wallonie et la Flandre
Il faut donc regarder en face ce débordement de Bruxelles, comme Région-Capitale, sur les deux autres Régions contiguës, même si cela apparaît de fait comme une grande menace pour la possibilité d'autonomie d'une politique wallonne ! Je crois qu'il nous faut, à partir de la prise de conscience de cette menace grandissante, indiquer et proposer (à titre de politique wallonne judicieusement réactive , à défaut d’avoir pu se montrer antérieurement suffisamment prospective), certaines orientations nouvelles de fond qui s'imposent aux actuels gouvernants wallons, du moins dans la mesure où ceux-ci veulent réellement oeuvrer à la permanence à long terme de la Wallonie !
Parmi celles-ci, il y a la nécessité d'une politique wallonne de l' « armature urbaine » de notre Région, et bien sûr , tout particulièrement, d'une politique de gestion intégrée du développement du « quatuor » wallon de grandes villes (Liège-Namur-Charleroi-Mons) ; selon moi, la Wallonie ne pourra parvenir à contenir la dynamique de développement bruxelloise, et même à en tirer également un véritable parti, qu'en mettant en oeuvre, et dans des délais vraiment rapprochés, cette politique systématique de développement en synergie de ces quatre pôles urbains wallons, considérés comme wallons, c'est-à-dire comme structurant l’ensemble de l’espace wallon, et, en outre, au sein de ce quatuor, en appliquant une politique de co-développement des deux (seules) Villes-Régions métropolitaines wallonnes que sont Liège et Charleroi .
Evidemment, pour y parvenir, il faut reléguer sans faiblesse ce qu’il reste vraisemblablement encore aujourd’hui des sottes allergies et enfermements trop localistes du passé, et accéder à un véritable conscience et vision de l'intérêt supérieur wallon ! Mais beaucoup de Wallon(ne)s en sont parfaitement capables, tant à l'est que dans le eentre , l'ouest et le sud de notre Région !
Il faut aussi bien sûr, se défaire – à marche forcée et pas du tout à dose homéopathique comme tant de « politiques » s’acharnent encore à présent par tous les moyens à nous le faire croire- des fiefs « égocentriques » que sont nos provinces wallonnes, institutions surannées, entre autres dans leur délimitation territoriale , et, -tout aussi grave ! - antidotes traditionnels de la solidarité intra-wallonne ( le récent Livre blanc du MMW s’exprime clairement sur le sujet).
Rejeter le vieil accord de 1979 pour le dépasser
Il faut aussi jeter à la poubelle le vieil accord, que l’on pourrait qualifier « de non-agression », des quatre principaux maïeurs socialistes wallons de jadis. On connaît cet accord de spécialisation simpliste passé entre les quatre villes, accord beaucoup trop dissocié à l’époque 2 du cadre global d’une optimalisation du réseau urbain wallon pris dans son ensemble ; par exemple, cet accord, aux allures quelque peu « héroïques » barrait quasi complètement la route à un développement de type métropolitain de Charleroi , et donc déforçait déjà ainsi dès le départ le développement en synergie du quatuor urbain wallon de premier niveau.
Une simple illustration : si Charleroi était reconnue, dans le cadre de ce pacte des quatre méga-maïeurs, comme la capitale SOCIALE de la Wallonie, alors il devenait à l’époque «quasi naturel et logique » de ne PAS programmer de manière prioritaire pour l’avenir d'implantation à Charleroi d’une Faculté universitaire (en enseignement de plein exercice, donc pas seulement en enseignement en « horaire décalé » ), alors que cette même agglomération « carolo » était bien, par ailleurs, dès cette époque, effectivement appelée, dans les principes, à exercer (avec Liège) une fonction spécifiquement métropolitaine au sein de l'espace wallon, belge et ouest-européen !...On voit donc, à l'appui de ce seul exemple,-et il y en a de nombreux autres- l’effarante superficialité, inconsistance et myopie de cet « accord » quadri-municipal , avec lequel, soulignons-le, nous vivons hélas toujours actuellement [= au moins en principe, et en apparence !] en 2009 , et dont la Wallonie toute entière, faute d’une véritable réflexion politique et technique appropriée et concertée au fil du temps au niveau des décideurs ministériels successifs du développement urbain wallon, paie en fait encore toujours aujourd’hui les lourdes conséquences pernicieuses de sa vacuité (notons en outre que nous avons dû attendre 2009 pour voir instituer un Ministre wallon de la Ville ! …).
Appliquons donc le principe de « l'union fait= la force » à cette politique wallonne de la Ville, et tout particulièrement à une politique de bi-pôle métropolitain wallon Liège /Charleroi, amplifiant puissamment la simple bipolarité aéroportuaire existante , et s'inscrivant elle-même dans l'axe quadripolaire wallon de premier niveau précité.
Une Wallonie liée à Bruxelles (et d'autres pôles extérieurs), librement
En matière de politique wallonne de la Ville, et par voie de conséquence, pour ce qui est de la sauvegarde de la Wallonie elle-même, je ne vois vraiment que cette voie de salut . Les actuels Ministres Furlan et Henry pourraient-ils enfin l’emprunter, cette voie, avant qu’il ne soit trop tard ? That is the question . Et quand je plaide pour cette politique wallonne de la Ville, et notamment de l’axe urbain quadripolaire wallon précité, je n’entends pas faire croire qu’elle serait une condition suffisante d’une gestion efficiente du territoire wallon, mais simplement qu’elle en est sans conteste possible une condition NECESSAIRE , dramatiquement oubliée jusqu'à présent.
Je ne mets donc pas en doute pour autant l’importance spécifique, pour les mêmes pôles urbains wallons principaux, de l’autre politique complémentaire incitative de coopération transfrontalière active avec les agglomérations importantes proches des limites territoriales de la Wallonie .
Si nos gouvernants n' entrent pas dans cette voie tout à la fois raisonnable et rationnelle, les présages de déstructuration que Toudi évoque dans sa Note de la Rédaction pour la Wallonie elle-même, ne pourront que se réaliser .
Et le Sieur Thysse apparaîtra a posteriori, ne nous en déplaise, comme un véritable visionnaire !
Pour donner tort à la satellisation de Liège et de Charleroi dans l'orbite de Bruxelles, satellisation « poussée » par Thysse (entre autres), il faut simplement et impérativement, co-gérer socio-économiquement et culturellement Liège et Charleroi, dans le proche environnement de Namur et avec Mons. Ce « quatuor » doit lui-même animer l'ensemble de l'armature urbaine wallonne, et aussi , ne l'oublions évidemment pas, induire en tant que tel un système de coopération suffisamment équilibré avec le pôle métropolitain de Bruxelles, notamment.
Et c'est aussi à cette condition que même le centre du Brabant Wallon pourra revenir lui-même, au moins en partie, dans une authentique dynamique wallonne, et ne plus être toujours plus unilatéralement aspiré dans la seule dynamique bruxelloise !
Mais à défaut de remplir cette condition, il n'en sera rien, et de manière générale , comme Wallons, nous souffrirons toujours plus, perspective que la Note de la Rédaction de Toudi met elle-même en lumière en toute pertinence.
[Dans la perspective de cet article, il faut lire aussi - absolument - le chapitre suivant du Livre Banc pour la Wallonie Le territoire wallon, un capital à gérer pour maîtriser le devenir wallon dont il est à noter qu'il reflète - au moins en principe - la politique des gouvernements wallons successifs.]
- 1. Voir Communauté française/Wallonie: une confusion malsaine
- 2. En 1979, un accord entre les quatre grandes villes wallonnes importantes répartit les différentes fonctions futures de la Wallonie entre Namur (Politique), Liège (Economie), Charleroi (Social) et Mons (Culture)