Initiatives séparatistes wallonnes

21 February, 2011
Histoire de Belgique et de Wallonie

L'affaire royale poussa les Wallons au séparatisme (affiche de la Consultation populaire archives AMSAB)


Contrairement à ce que l'on peut penser les Wallons n'ont jamais hésité à défier l'Etat belge quand leurs intérêts étaient en jeu.

Le gouvernement séparatiste wallon de 1950

Les 30 et 31 juillet 1950 , au cœur de l'insurrection contre Léopold III de Belgique, persuadées que celui-ci restera sur le trône, des personnalités wallonnes de premier plan (Fernand Dehousse, André Renard, Joseph Merlot...), envisagent de proclamer l'indépendance de la Wallonie et de faire appel à l'armée française. 1 Le retrait du roi dans la nuit du 31 juillet 1950 au 1er août enlève tout motif à l'entreprise.

L'Assemblée des élus socialistes wallons de 1961 à Saint-Servais (Namur)

L’Assemblée des élus socialistes de Wallonie se réunit à Saint-Servais le 13 janvier|1961. 400 mandataires du Parti socialiste belge élus en Wallonie, soit des députés, des sénateur s et des bourgmestres, au cœur de la Grève générale de l'hiver 1960-1961 , au moment où celle-ci, donnant des signes d'essoufflement, Renard demandait l'ouverture d'un ''front politique''.
L'assemblée se tint à huis-clos et fut parfois virulente. Trois tendances semblent avoir dominé les débats: une première (surtout conduite par les parlementaires) a condamné les violences de la grève, une deuxième, moins importante, voulait condamner le meneur de la grève André Renard , enfin une troisième tendance très fédéraliste s'est affirmée 2 Elle se définit comme suit:
Les députés, sénateurs, députés permanents et bourgmestres socialistes des arrondissements wallons, réunis à Saint-Servais, sous la présidence de Joseph Martel, après un mois de grève cruelle et farouche des travailleurs wallons, dont ils sont solidaires, se constituent en assemblée de représentants légitimes et majoritaires du Peuple wallon. 3
La résolution votée insiste sur le fait qu'ils remettent leurs mandats à la disposition du Parti socialiste belge (mais Renard demandait que les parlementaires remettent leur démission, ouvrant ainsi un ''second front politique'' qu'il appelait de ses voeux). Elle constate aussi
que la politique centraliste accentue et accélère la détérioration de la situation économique de la Wallonie et pose brutalement le problème des structures politiques de la Belgique 4
Enfin les élus socialistes ''réclament pour la Wallonie le droit de disposer d'elle-même'' 5
Les élus socialistes de Wallonie rédigèrent ensuite une adresse au roi, rappelant que Jules Destrée avait déjà mis en garde en 1912 contre le danger que faisaient courir au pays des institutions unitaires mal adaptées à la réalité ou à la dualité de la Belgique. rappelant les luttes sociales pour l'obtention du suffrage universel, pour l'amélioration des conditions de vie, ils dressent ensuite un tableau de ce qu'on appellera en ces années le déclin wallon:
Hélas! tandis que nos pères conquéraient difficilement des conditions de vie meilleures, les richesses naturelles de la Wallonie s'épuisaient, l'importance de sa population fléchissait, son précieux élan industriel souffrait des faiblesses d'un régime économique qui, soucieux du profit immédiat, se révéla bientôt incapable d'un effort cohérent et soutenu d'organisation. Nos industries ont vieilli et peu à peu beaucoup d'entre elles sont mortes, victimes de la concentration capitaliste, mais aussi de leur inadaptation aux méthodes et aux formes modernes de production. Partout en Wallonie, le long de nos vallées et au flanc de nos collines, de sinistres squelettes d'usines attestent de cette ruine progressive [...] Pendant ce temps, le patronat transportait ses entreprises anciennes ou nouvelles vers la région flamande du pays, avec l'espoir d'y trouver une main d'oeuvre plus abondante et moins onéreuse. Il transférait à Bruxelles , siège de tous les pouvoirs nationaux, ses banques, ses sociétés et leurs bureaux 6
Disant ensuite que les socialistes wallons rappellent en vain cela depuis ''un demi-siècle'', ils soulignent l'aspiration des travailleurs de Wallonie à échapper à l'emprise d'un ''majorité parlementaire flamande'', affirment que ''L'évolution de la Belgique donne au Peuple wallon le sentiment de n'être ni compris, ni entendu de ceux qui gouvernent le pays.'' 7 et demandent enfin que la Constitution soit révisée afin de garantir les Wallons contre le profond déséquilibre interne dont souffre le pays.
Pierre Tilly estime que cette assemblée était en retrait par rapport aux demandes d'André Renard proposant la démission 8, des députés et sénateurs socialistes wallons. Au contraire, Robert Moreau, lui-même syndicaliste et adjoint d'André Renard à l'époque, écrit que ''la crainte de voir s'organiser la résistance, voire la rébellion des pouvoirs locaux et provinciaux dans la plus grande partie et, qui plus est, la partie vitale de la Wallonie, a pesé infiniment plus lourd que toutes les empoignades du Parlement National 9
Voir aussi la thèse de Francine Kinet (ci-dessous)

La réunion anticonstitutionnelle du Parlement wallon le 30 septembre 1991

Le 26 septembre 1991, Guy Spitaels demande à son Président de convoquer le Parlement wallon devant le refus du gouvernement belge d'octroyer une licence d'exportations d'armes à des entreprises wallonnes notamment la FN d' Herstal. Un historien estime que la menace a plané d'une rupture radicale 10. Le Parlement se réunit le 30 septembre mais un compromis est intervenu créant un comité ministériel francophone au sein du Gouvernement central, prélude à la régionalisation des licences d'exportation des armes qui se réalisera durant l'été 2003 (après de nouvelles crises). Le dénouement de ces deux très graves crises permet de comprendre la manière dont se construit le fédéralisme belge : comme une entreprise de dissociation par volonté d'éviter l'affrontement grave. Curieusement, malgré le sentiment dominant, les initiatives "séparatistes" sont souvent venues de Wallonie.

L'attitude des socialistes wallons en 1961 a été très bien analysée par Francine Kinet.

Voir Une thèse inédite sur 60-61 (en particulier le paragraphe: La grève se dépasse elle-même)

  1. 1. Le gouvernement provisoire wallon de 1950
  2. 2. La Cité du 14 janvier 1961.
  3. 3. Robert Moreau Combat syndical et conscience wallonne Institut Jules Destrée, FAR, EVO, Charleroi, Liège, Bruxelles, 1984, p. 177
  4. 4. cité par R.Moreau, ibidem.
  5. 5. cité par Jean Ladrière , Jean Meynaud , François Perin , La décision politique en Belgique, CRISP, Bruxelles, 1965, p. 103.
  6. 6. Robert Moreau, Combat syndical et conscience wallonne, op. cit., p. 179.
  7. 7. R. Moreau, ibidem.
  8. 8. Pierre Tilly, André Renard, Le Cri, Bruxelles, p. 626.
  9. 9. R. Moreau, Combat syndical et conscience wallonne, op. cit. , p. 181.
  10. 10. Philippe Destatte écrit ''La menace est précise: convoqué pour le lundi, le Parlement wallon pourrait se transformer en États Généraux de Wallonie in L’identité wallonne, IJD, Namur, 1997, p.387.