Lettre d'adieu de Marguerite Bervoets
Mon amie,
Je vous ai élue entre toutes, pour recueillir mes dernières volontés. Je sais en effet que vous m'aimez assez pour les faire respecter de tous. On, vous dira que je suis morte inutilement, bêtement, en exaltée. Ce sera la vérité... historique. Il y en aura une autre. J'ai péri pour attester que l'on peut à la fois aimer follement la vie et consentir à une mort nécessaire.
A vous incombera la tâche d'adoucir la douleur de ma mère. Dites-lui que je suis tombée pour que le ciel de Belgique soit plus pur, pour que ceux qui me suivent, puissent vivre libres comme je l'ai tant voulu moi-même; que je ne regrette rien malgré tout.A l'heure où je vous écris, j'attends calmement les ordres qui me seront donnés. que seront-ils? Je ne le sais pas et c'est pourquoi je vous écris l'adieu que ma mort doit vous livrer. C'est à des êtres tels que vous qu'elle est tout entière dédiée, à des êtres qui pourront renaître et réédifier. Et je songe à vos enfants qui seront libres demain. Adieu.
Cette lettre a été écrite le 11 novembre 1941 par Marguerite Bervoets à son amie Madame Balasse de Guide, la biographe de "cette Wallonne au patronyme flamand" comme elle tient à le souligner. Il s'agit d'une sorte de testament comme en firent tous ceux qui menaient la lutte contre la barbarie, sachant que la mort pouvait frapper à tout moment.
Marguerite Bervoets entra dans la Résistance dès l'été 1940, à l'heure où, pour certains, il fallait se résigner à la victoire allemande. Elle détenait des armes, jouait un rôle capital au service de l'"Intelligence" britannique. Son arrestation eut lieu à Chièvres, en août 1942. Deux ans plus tard, le 7 août 1944 à Wolfenbüttel, elle fut décapitée à la hache dans une prison nazie.
Ceux qui ont connu cette professeur de français dans l'enseignement supérieur - et notamment l'une de nos collaboratrices qui fut presque son élève - cette poétesse inspirée, cette femme droite et pure, la décrivent comme une sainte laïque. Au-delà des bandes de bravaches tirant en l'air une fois les Allemands partis, la Résistance ce sont ces êtres épars, "peuple né de l'ombre et disparu avec elle", comme l'appelle Malraux apostrophant Jean Moulin devant le Panthéon. N'entre pas dans cet Ordre qui veut. Il est bouleversant d'y recenser tant de jeunes femmes et, notamment pour la seule ville de la Louvière, celle dont nous parlons ici et Laurette Demaret.
C'est que la Résistance est bien plus qu'une histoire pour anciens combattants. Elle est le cri éternel de la Révolte contre l'inhumain, le poème sans cesse repris au fil du temps et au fil du sang par les Antigone, les Marie, les Louise, mené, parfois, jusqu'à la Transcendance, comme à travers ce sourire d'un Partisan français, stupéfiant, sourire qui fait songer à celui de l'ange de Reims, sourire arboré face aux fusils de l'armée nazie qui va l'exécuter dans l'instant et que montra un jour la télévision française.
« Sifflez, compagnons.../ Dans la nuit, la liberté... /nous écoute »
Oui, sifflez compagnons! Que votre chant ne s'éteigne pas.Sifflez! Nous en avons un besoin extrême pour que la Liberté, nous aussi, malgré tout, nous écoute.
Reste avec nous, Résistance! Car il se fait tard et la nuit descend sur le Monde!